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Date : 20020426

Dossier : IMM-5747-00

Référence neutre : 2002 CFPI 473

Ottawa (Ontario), le 26 avril 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                                                OSARETIN OSAGIE

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCEET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision prise, le 19 octobre 2000, par l'Unité régionale des crimes de guerre du Centre d'exécution de la loi du Toronto métropolitain, rejetant la demande de sursis à la mesure de renvoi prise contre le demandeur, en attendant l'issue de sa demande d'établissement pour des raisons humanitaires. L'intéressé demande une ordonnance annulant la décision de la directrice des opérations et le renvoi du dossier à un agent différent pour qu'il statue à nouveau sur la question.


Exposé des faits

[2]                 Le demandeur est un citoyen du Nigéria qui a revendiqué le statut de réfugié dès son arrivée à l'aéroport international Pearson de Toronto, le 13 avril 1998.

[3]                 Il s'est vu refuser la protection accordée aux réfugiés aux termes de l'article 1(F)a) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés en raison du fait établi qu'il avait [TRADUCTION] « commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité » . Cette conclusion se fonde sur l'enrôlement du demandeur dans l'armée nigériane. Une demande de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée par cette Cour, le 13 juillet 2000.

[4]                 Le 2 février 2000, le demandeur a présenté une demande d'établissement pour des raisons humanitaires en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifié (la demande CH).

[5]                 Cette demande indiquait que l'intéressé vivait avec sa conjointe de fait et le fils de celle-ci qui était âgé de 19 ans en décembre 2000. Le couple a contracté mariage le 8 mai 2000. La demande indique aussi que le demandeur craint d'être persécuté s'il est renvoyé au Nigéria.

[6]                 D'après la correspondance échangée entre le demandeur et le défendeur, il appert que la demande CH avait été acheminée de Végreville à Woodridge et de là au Centre d'exécution de la loi du Toronto métropolitain (CELTM) à Woodridge.

[7]                 Le défendeur a procédé à des entrevues au sujet des départs successifs du demandeur en date des 6 septembre 2000, 25 septembre 2000 et 2 octobre 2000. Le 2 octobre 2000, on lui a demandé d'acheter un billet d'avion pour se rendre au Nigéria au cours de la semaine du 6 au 10 novembre 2000.

[8]                 Le 16 octobre 2000, le représentant du demandeur a envoyé une lettre à la directrice des opérations lui demandant de surseoir à la mesure de renvoi. Cette lettre dit notamment ce qui suit :

[TRADUCTION] Une demande d'établissement (CH) a été adressée au CTD de Végreville, le 4 février 2000. Le 8 mai 2000, M. Osagie a épousé Angela Grant, une résidente permanente. Des renseignements additionnels relatifs à ce mariage ont donc été adressés, en mai, au CTD de Végreville. Cependant, j'ai été informé en juillet 2000, que la demande en question a été acheminée au CIC de Woodbridge, le 17 février 2000. On n'a jamais appelé l'intéressé au sujet de la demande de son épouse.

M. Osagie va passer une entrevue à votre bureau avec M. A. Santamaria, le 20 octobre 2000 à 10 h, concernant les dispositions relatives à son renvoi. Comme M. Santamaria n'est pas habilité à différer ce renvoi, je vous saurais gré d'intervenir dans ce cas urgent en vue de surseoir au renvoi de M. Osagie pour qu'il puisse bénéficier d'une évaluation conjugale. J'ai également écrit au directeur du CIC de Woodbridge lui demandant de fixer une date pour une telle entrevue.

[9]                 La demande a été rejetée par lettre du 19 octobre 2000 et c'est cette même lettre qui fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[10]            Le 13 novembre 2000, le demandeur a reçu instruction de se présenter le 27 novembre 2000 à l'aéroport international Pearson aux fins de renvoi. Le 14 novembre 2000, son avocat a demandé qu'une évaluation de risque soit faite préalablement au renvoi prévu, à laquelle le défendeur a consenti le 15 novembre 2000 et qui a pris fin le 22 novembre 2000, la conclusion étant qu'on ne disposait pas de renseignements suffisants et crédibles permettant de croire que le demandeur courrait un danger s'il retournait au Nigéria.

[11]            Le 22 novembre 2000, le demandeur a introduit à la Cour une requête visant à suspendre temporairement la mesure de renvoi en attendant l'issue de sa demande. M. le juge Muldoon a réservé sa décision au sujet de cette requête tout en ordonnant que [Traduction] « le défendeur ne pose aucun acte ni ne prenne des mesures quelconques concernant le renvoi du demandeur en attendant que la Cour statue par ordonnance sur la présente requête » .

[12]            Le 31 août 2001, le juge Muldoon a rendu une ordonnance supplémentaire portant ce qui suit :

[TRADUCTION] LA COUR ORDONNE que l'exécution de la mesure de renvoi prise contre le défendeur soit par la présente différée et suspendue jusqu'à ce que les représentants officiels du défendeur et autres fonctionnaires des tribunaux compétents aient achevé l'examen de tous les points, tiré toutes les conclusions et pris toutes les décisions concernant le demandeur, ainsi qu'il y est fondé par le droit et la pratique, ou qui ont été décrétés à son avantage y compris l'examen PCD, l'étude de la demande CH et autres documents semblables; et

QUE LE demandeur ne soit pas renvoyé du Canada par la défenderesse, ses fonctionnaires ou ses employés au cas où un juge de cette Cour détermine qu'aucune loi, règle ou mesure réglementaire n'interdit un tel renvoi.

[13]            La décision de la directrice des opérations, laquelle fait l'objet de contrôle, énonce en partie ce qui suit :

[TRADUCTION] Notre mandat consiste à renvoyer du Canada les personnes complices de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Aucune circonstance exceptionnelle ou inhabituelle ne nécessiterait un sursis au renvoi de M. Osagie.

[14]            Dans une déclaration faite sous serment le 16 janvier 2001, la directrice des opérations dit avoir tenu compte des liens de dépendance émotive et financière entre le demandeur, sa femme et son beau-fils. Elle dit encore que le traitement de la demande CH prendra [Traduction] « quelque temps » . Elle affirme, enfin, qu'elle n'a pas fondé sa décision sur les renseignements obtenus du Système de soutien des opérations des bureaux locaux (SSOBL) que le demandeur tient pour inexacts, et que le défendeur n'a pas pour politique se surseoir aux renvois au regard des demandes en suspens régies par le paragraphe 114(2) de la Loi.

Questions à examiner

[15]            Les questions soulevées par le demandeur peuvent se résumer ainsi :

1.          Compte tenu des circonstances de l'espèce, la directrice des opérations a-t-elle commis une erreur de droit en refusant de surseoir à l'exécution de la mesure de renvoi prise contre le demandeur?

2.          La décision de la directrice des opérations est-elle déraisonnable du fait qu'elle a mal interprété les faits ou manqué à l'obligation d'agir équitablement?


Analyse et décision

[16]            Au début de l'audience, le demandeur a prétendu que la demande de contrôle judiciaire n'ayant plus sa raison d'être n'avait pas besoin d'être tranchée. La décision objet de contrôle est celle qu'a prise la directrice des opérations de ne pas différer le renvoi du demandeur du Canada le 27 novembre 2000. Je crois savoir, d'après les faits, que celui-ci se trouve toujours au Canada.

[17]            Bien que les avocats des deux parties conviennent que la demande est sans objet, ils diffèrent d'opinion sur l'effet de l'ordonnance rendue, au sujet de cette même demande, par le juge Muldoon laquelle, à première vue, accorderait, semble-t-il, un sursis d'exécution en attendant, entre autres, l'issue de la demande CH. Le défendeur réplique que l'ordonnance en question ne pouvait être rendue qu'en vue de différer le renvoi du demandeur jusqu'à ce que la Cour statue, entre autres, sur la demande de contrôle judiciaire, et qu'il y aurait lieu d'en modifier la portée dans le temps.

[18]            Je conviens que la demande n'a plus sa raison d'être. L'ordonnance du juge Muldoon visait précisément cette demande. Je n'ai pas compétence, en tant que juge du procès, de modifier une ordonnance d'un autre juge de première instance; partant, l'ordonnance du juge Muldoon est toujours inscrite au dossier. Cela étant, il me semble que toute mesure de renvoi contre le demandeur est suspendue au moins jusqu'à l'issue de la demande CH.

[19]            La demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée pour absence d'intérêt.

ORDONNANCE

[20]            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée pour absence d'intérêt.

                                                                                 « John A. O'Keefe »            

                                                                                                             Juge                        

Ottawa (Ontario)

26 avril 2002

   

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

NUMÉRO DE GREFFE :                   IMM-5747-00

  

INTITULÉ :                                          Osaretin Osagie c. M.C.I.

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 21 novembre 2001

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PAR : MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

  

DATE DES MOTIFS :                        26 avril 2002

   

COMPARUTIONS :

M. Steven Shulman                                                                         POUR LE DEMANDEUR

M. Martin Anderson                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamann & Associates                                                     POUR LE DEMANDEUR

M. Morris Rosenberg                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous- procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

  
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