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Date : 20041109

Dossier : IMM-9455-03

Référence : 2004 CF 1574

Ottawa (Ontario), le 9 novembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

ENTRE :

                                               RAQUEL BELEN RUIZ FIGUEROA

                                                                                                                                demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

Vue d'ensemble

[1]                 La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que Mme Figueroa n'est pas une réfugiée ni une personne à protéger, parce qu'elle dispose d'une possibilité de refuge intérieur (PRI) et qu'elle n'a pas une crainte objective d'être persécutée. C'est cette décision qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire.


Le contexte

[2]                 Mme Figueroa est une citoyenne de Cuba, qui prétend que si elle devait retourner à Cuba elle serait victime de persécution au motif des opinions politiques qu'on lui prête. Elle a été interrogée par les autorités cubaines au sujet de visites à sa fille, qui vit au Canada, et de ses contacts présumés avec des dissidents lors de ces visites. Lors de l'un des deux interrogatoires, la maison de Mme Figueroa a été fouillée par le président du Comité de défense de la révolution, un groupe d'action politique, et on a confisqué son lecteur vidéo, son téléviseur et un certain nombre de vidéocassettes.

[3]                 Mme Figueroa en a conclu qu'elle ne pouvait vivre en paix à Cuba. Elle a obtenu une lettre d'invitation de sa fille au Canada et soudoyé un fonctionnaire pour obtenir un visa de sortie. Deux mois plus tard, elle présentait sa demande de statut de réfugié.

[4]                 Dans sa décision, la Commission ne parle pas du fait que Mme Figueroa a pu quitter son pays, bien que seulement après avoir soudoyé un fonctionnaire cubain. Apparemment, ce dernier ne semblait pas craindre d'avoir des ennuis en la laissant partir. La Commission n'a pas non plus fait état du retard de deux mois à présenter une demande de statut de réfugié, alors que le seul but de Mme Figueroa en se rendant au Canada était de ne plus avoir à vivre à Cuba.


La décision de la Commission

[5]                 La Commission a commencé son analyse en examinant la question de la PRI avant d'arriver à la conclusion que la demanderesse n'avait pas de crainte fondée de persécution.

[6]                 Nonobstant cette procédure assez inhabituelle, la Commission a examiné la question de sa crainte de persécution. La Commission n'a pas accepté la déclaration de la demanderesse voulant qu'elle serait vue d'un oeil suspect si elle retournait à Camaguey (la PRI proposée), parce que les autorités de La Havane transmettraient son dossier à celles de Camaguey.

[7]                 La Commission a pris note du fait que Mme Figueroa vivait avec sa soeur et son beau-frère sur une base militaire à La Havane. En conséquence, la Commission a conclu qu'elle n'avait attiré l'attention des autorités cubaines que parce qu'elle vivait sur une base militaire et qu'elle avait voyagé hors du pays, et non par suite de ses opinions politiques. La soeur et le beau-frère de Mme Figueroa n'ont pas été interrogés à son sujet, non plus que relativement à ses contacts présumés avec des opposants anti-castristes.

[8]                 La Commission a conclu que l'installation à Camaguey ne serait pas trop éprouvante pour Mme Figueroa, puisque ses parents, trois de ses frères et une de ses soeurs y vivent.


[9]                Ayant conclu que Mme Figueroa avait une PRI, notamment parce qu'elle n'était pas persécutée pour ses opinions ou activités politiques, la Commission a ensuite conclu qu'elle n'avait pas fait l'objet de persécution. Son interrogatoire et la confiscation de ses biens, pris isolément ou ensemble, n'étaient pas assimilables à de la persécution.

Analyse

[10]            La question de savoir s'il existe une PRI viable est soumise à la norme de contrôle de la décision manifestement déraisonnable, comme l'indique une jurisprudence abondante (notamment Sertkaya et autres c. Canada (M.C.I.), 2004 C.F. 734).

[11]            La demanderesse conteste la façon dont la Commission a mené son analyse. Son avocat soutient que la Commission ne peut aborder la question de la PRI avant d'être arrivée à la conclusion que la demanderesse a une crainte fondée de persécution si elle doit retourner dans son pays.

[12]            Bien que ce soit là la façon habituelle d'aborder l'analyse, il est clair que la Commission a combiné son analyse de la crainte de persécution et celle de la possibilité d'une PRI. Je ne vois rien d'incorrect dans cette démarche - les questions juridiques pertinentes ont été examinées, bien que dans un ordre différent. Je ne suis pas d'avis que la façon de procéder de la Commission soulève une question de fond.

[13]            La demanderesse s'est opposée à la conclusion de la Commission voulant qu'elle ne constituait pas une menace pour les autorités cubaines et qu'elle n'était pas une dissidente. La demanderesse déclare que la Commission a commis une erreur en substituant sa propre opinion à celle des autorités cubaines au sujet du profil et du statut de la demanderesse à Cuba.

[14]            On ne peut isoler cette conclusion de la Commission des autres conclusions auxquelles elle est arrivée, notamment au sujet des motifs pour lesquels Mme Figueroa aurait pu attirer l'attention des autorités et du fait que les autorités cubaines n'ont manifesté aucun intérêt pour les autres membres de sa famille, même pas comme source d'information à son sujet ou à son encontre.

[15]            La conclusion de la Commission n'est pas vraiment une substitution de son point de vue à un autre, puisqu'elle porte plutôt sur l'absence de plausibilité. La norme de contrôle d'une telle conclusion est celle de la décision manifestement déraisonnable. Au vu des faits de l'affaire, la conclusion de la Commission est à tout le moins raisonnable.

[16]            Finalement, la Commission a conclu que les événements dont la demanderesse se plaignait, savoir l'interrogatoire et la confiscation de certains objets, ne constituaient pas de la persécution. Au vu de la norme de la décision raisonnable simpliciter, la conclusion de la Commission est raisonnable.


Conclusion

[17]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[18]            Il n'y aura pas de question certifiée.

« Michael L. Phelan »

                                                                                                                                                     Juge                      

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-9455-03

INTITULÉ :                                                    RAQUEL BELEN RUIZ FIGUEROA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                          LE MERCREDI 20 OCTOBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                 LE 9 NOVEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

D. Clifford Luyt                                                POUR LA DEMANDERESSE

Allison Phillips                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates                                    POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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