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Date : 20040115

Dossier : T-1825-99

Référence : 2004 CF 61

ENTRE :

        LA COMPAGNIE PHARMACEUTIQUE PROCTER & GAMBLE CANADA, INC.

                                             et PROCTER & GAMBLE COMPANY

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                             et

                                                    LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                            et GENPHARM INC.

                                                                                                                                          défendeurs

                                              TAXATION DES DÉPENS - MOTIFS

Charles E. Stinson

Officier taxateur


[1]                Une copie des présents motifs est déposée aujourd'hui au dossier de la Cour portant le numéro T-1970-99 et s'y applique en conséquence. La Cour a rendu une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à la défenderesse, Genpharm Inc. (la défenderesse) relativement aux comprimés de 200 mg (T-1970-99) et de 400 mg (T-1825-99) du médicament étidronate disodique avant l'expiration du brevet canadien redélivré no 1,338,376 des demanderesses. Ce brevet porte sur une nouvelle utilisation, soit par cycles intermittents, d'un médicament existant pour le traitement de l'ostéoporose. L'appel interjeté par les défendeurs a été rejeté avec dépens.

[2]                Ces affaires ont été instruites conjointement et la Cour a rendu la décision suivante concernant l'adjudication des dépens (2 mai 2002) :

[traduction] Les dépens des demanderesses seront taxés selon la valeur supérieure de la colonne IV dans le dossier T-1825-99 ainsi que pour les trois requêtes suivantes : la requête de contre-preuve, la requête en production de la PADN de la défenderesse et la requête visant à contraindre M. Pike à répondre aux questions du contre-interrogatoire.

Les demanderesses auront également droit aux dépens selon le milieu de la fourchette de la colonne III dans le dossier T-1970-99 en ce qui concerne l'avis de demande et la plaidoirie écrite. Elles auront droit aux dépens relatifs à 1'avocat principal et l'avocat adjoint eu égard à la requête visée au paragraphe 6(7) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) et à la requête visant à obtenir des réponses aux questions posées lors du contre-interrogatoire de M. Pike et lors de l'audition des deux demandes. Les honoraires et dépenses liés aux affidavits des 4 experts produits dans le cadre des présentes procédures ainsi que toutes les dépenses raisonnables pour les photocopies, la télécopie, la messagerie et les appels interurbains indiqués dans le mémoire de frais sont accordés aux demanderesses le cas échéant. Ces dernières ont également droit aux dépens de la présente requête.

Les demanderesses ont présenté un mémoire de frais unique comprenant les dépens des deux actions. Les parties ont convenu devant moi, et dans leurs arguments écrits subséquents, que cinq questions demeuraient indéterminées. Elles se sont également entendues sur la réduction des montants de télécopie (864,19 $ réduit à 450,00 $); la messagerie (1 399,82 $ réduit à 750,00 $) et les frais de signification (676,61 $ réduit à 300,00 $). Les autres honoraires et débours ne sont pas en litige et sont accordés tels que présentés. Le dossier contient un exposé détaillé de la position de chaque partie : les présents motifs résument ces positions et les arguments présentés devant moi lors de l'audience qui n'ont pas été réitérés dans l'argumentation écrite.


Question 5        Dépens maximums de la colonne IV (9 unités = 990,00 $) réclamés pour la préparation de la requête dans le dossier T-1825-99 visant à obtenir des directives pour l'officier taxateur concernant les dépens des présentes procédures

Les positions des parties

[3]                La défenderesse a fait valoir que seule la valeur du milieu de la colonne III, soit de cinq unités (550,00 $), devait être allouée parce que la Cour n'a pas spécifiquement autorisé que les dépens de cette requête soient taxés selon la colonne IV. Les demanderesses soutiennent que, vu l'adjudication des dépens selon la valeur supérieure de la colonne IV pour l'action T-1825-99, les dépens de la requête pour directives qui y est liée devraient aussi être taxés selon la valeur supérieure de la colonne IV. Si la Cour avait voulu qu'il en soit autrement, c'est-à-dire si elle avait voulu que les dépens soient taxés selon le minimum de la colonne III, elle l'aurait indiqué.

Taxation


[4]                La défenderesse a raison. Dans leur requête pour directives, les demanderesses sollicitaient les dépens sur une base avocat-client pour les présentes procédures et, subsidiairement, les dépens selon la valeur supérieure de la colonne V. La Cour a accordé légèrement moins que ce qui était demandé, mais de façon générale plus que la limite d'unités de la colonne III indiquée par l'article 407 des Règles de la Cour fédérale (1998) en l'absence de disposition contraire. Les conclusions auxquelles je suis arrivé dans la décision Webster c. Canada (Procureur général) 2003 A.C.F. 1652 s'appliquent en l'espèce. La requête pour directives était une procédure interlocutoire et l'adjudication des dépens constituait, bien qu'elle ait été effectuée à l'intérieur de l'ordonnance relative aux dépens du jugement sur le fond du litige et de trois procédures interlocutoires, aux termes du paragraphe 400(1) des Règles, l'exercice d'une compétence visant seulement la procédure de requête pour directives et était indépendante des quatre autres mesures visées par le paragraphe 400(1), soit l'ordonnance d'interdiction, la contre-preuve, la production de la PADN (présentation abrégée de drogue nouvelle) de la défenderesse et la requête visant à contraindre M. Pike à répondre aux questions du contre-interrogatoire. Le libellé de l'adjudication des dépens en ce qui concerne la requête pour directives, « également droit aux dépens de la présente requête » , ne satisfait pas au critère de l'ordonnance « contraire » prévu à l'article 407. Par conséquent, les dépens adjugés aux demanderesses sont limités aux dépens de la colonne III et j'alloue 6 unités de ce tarif (660,00 $).

Honoraires d'avocats pour la préparation des affidavits d'expert : M. Ronald Dimock (12,1 heures @ 500,00 $ l'heure) + M. Andrew Shaughnessy (113,9 heures @ 250,00 $ l'heure) + M. Cedric Lam (16,4 heures @ 170,00 $ l'heure) + le stagiaire, M. Michael Vaillancourt (58,2 heures @ 110,00 $ l'heure) pour un total de 43 715,00 $ + TPS

La position de la défenderesse


[5]                La défenderesse a allégué que la somme de 43 715,00 $ est déraisonnable puisqu'elle équivaut à une pleine indemnisation et dépasse l'évaluation raisonnable des dépens sur une base avocat-client tel que mentionné dans Maison des Pâtes Pasta Bella Inc. c. Olivieri Foods Ltd. (1999), 86 C.P.R. (3d) 356 (C.F.1re inst.), aux paragraphes 6 et 25. Ce montant, ainsi que les débours qui y sont liés, constitue environ la moitié du montant total de 111 462,12 $ réclamé par les demanderesses dans leur mémoire de frais. De plus, la Cour n'a pas adjugé les dépens sur une base avocat-client en dépit de la demande formulée par les demanderesses dans leur requête pour directives. Les dépens sont donc limités à l'indemnisation partielle au sens de l'arrêt Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals Int. Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 368 (C.F.1re inst.), au par. 2, confirmé (2001), 12 C.P.R. (4th) 413 (C.A.F.).

[6]                La défenderesse soutient que la preuve n'indique ni l'année d'admission au Barreau des trois avocats, ni le caractère raisonnable de leurs taux horaires, et ne fournit pas d'explications des heures inscrites au bordereau par M. Lam ou M. Vaillancourt autres que celles jointes au compte du client. Aucun honoraire ne devrait être alloué pour ces individus puisque le temps indiqué sur le bordereau montre que leur travail soit a été minutieusement passé en revue et corrigé par M. Shaughnessy et/ou M. Dimock, soit il constituait un double du travail effectué par ces derniers. La défenderesse ne devrait pas avoir à assumer les frais généraux des avocats des demanderesses pour la formation d'un stagiaire et d'un associé junior, par exemple pour le temps consacré par M. Vaillancourt à la révision de l'affidavit de M. Alan Tenenhouse le 5 novembre 1999, alors que M. Shaughnessy indique également en avoir fait la révision cette même journée. De plus, les services fournis par les stagiaires ne sont pas taxables aux fins des mémoires de frais.


[7]                La défenderesse a allégué qu'il n'a pas été démontré que la présence de M. Vaillancourt était nécessaire les 1er et 10 novembre 1999, notamment lors de la seconde visite où sa présence personnelle à Montréal pour recueillir l'affidavit de M. Tenenhouse était inutile compte tenu de la preuve relative aux 7 et 8 décembre 1999 qui a indiqué qu'un agent avait été chargé de recueillir l'affidavit de celui-ci dans l'affaire T-1970-99. L'inscription du 8 décembre 1999 indique que M. Vaillancourt a fait des appels téléphoniques à certaines personnes, mais leur pertinence en ce qui concerne les affidavits d'experts n'est pas précisée. La défenderesse a fait valoir des objections similaires pour tous les services rendus par M. Vaillancourt et a affirmé qu'aucun service le concernant n'était taxable puisqu'il s'agissait, pour l'essentiel, d'un exercice de formation.

[8]                La défenderesse a soutenu que la preuve indique, selon une série d'inscriptions entre le 29 octobre et le 1er décembre 1999, plusieurs cas de services effectués en double en ce qui concerne MM. Dimock et Shaughnessy, notamment la préparation de rencontres et les rencontres avec des clients, l'examen de projets d'affidavits et les rencontres avec M. Tenenhouse. Il n'est pas démontré pour quelle raison par exemple deux avocats devaient rencontrer les clients le 29 octobre 1999, mais ont tous deux réclamé un nombre d'heures différent (respectivement 5 et 8 heures). Le même raisonnement s'applique à ces deux avocats et à M. Vaillancourt pour les rencontres avec M. Tenenhouse le 6 novembre 1999 (respectivement 0,8, 8,7 et 7,2 heures).


[9]                La défenderesse a fait valoir que la preuve relative au travail de M. Shaughnessy était contradictoire, par exemple les paragraphes 8 et 9 de la preuve par affidavit (celui de M. Ronald E. Dimock souscrit le 20 juin 2003) indiquent 0,5 heure (T-1825-99) et 0,4 heure (T-1970-99) de travail lors des 24 octobre et 24 novembre 1999 respectivement, mais il n'y a aucune trace de ces services au compte du client. Elle soutient également que la nécessité de la présence à Montréal de M. Shaughnessy, le 1er novembre 1999 pour la rencontre avec M. Tenenhouse n'est pas établie en preuve. À son avis, une série d'inscriptions de temps de travail datées entre le 20 octobre et le 10 décembre 1999, à l'exclusion du 1er décembre 1999 (l'avocat de la demanderesse a corrigé devant moi une erreur contenue dans son argumentation écrite selon laquelle certaines des heures réclamées en l'espèce dépassaient le nombre d'heures indiqué au compte du client pour cette date), constituent des honoraires non liés aux affidavits des experts, notamment la réception d'un avis de comparution; du temps pour les services de secrétariat ou d'administration pour la réservation des vols pour Montréal; la suppression d'inscriptions au compte du client à certaines dates sans réduction correspondante des heures réclamées ainsi qu'un exemple d'heures réclamées dépassant le nombre d'heures inscrites au compte du client. La défenderesse a soutenu de façon générale que, vu l'insuffisance de la preuve pour trancher les différentes questions concernant le caractère raisonnable et l'exactitude et compte tenu du fait que les services réclamés dans le dossier T-1970-99 constituent une copie parfaite de ceux réclamés dans le dossier T-1825-99, il serait convenable de réduire le montant à 25 000 $ + TPS.

La position des demanderesses


[10]            Les demanderesses allèguent que les termes « honoraires et dépenses » de l'adjudication des dépens visent les heures réellement facturées au client pour les heures de travail raisonnables et pertinentes. Ces heures ont clairement été établies en preuve, soit par les relevés de compte des clients indiquant les heures travaillées par chaque avocat ainsi qu'une description des services rendus pour chaque inscription. Les heures inscrites ont ensuite été ventilées aux fins de la taxation, seules étant réclamées les heures pour les services relatifs aux quatre experts tel que le prévoit la décision d'adjudication des dépens. Les demanderesses font valoir que la réduction à 25 000 $ proposée par la défenderesse n'est expliquée d'aucune façon, qu'aucune méthode de calcul n'est indiquée. Elles soutiennent que l'article 306 des Règles impose un court délai (30 jours) pour la préparation de quatre experts et qu'aucune disposition ne limite le nombre d'avocats pouvant être assignés à un dossier. Il est raisonnable et efficace d'assigner, si possible, des avocats dont le taux de facturation est moindre tels que MM. Lam et Vaillancourt. Le court délai justifiait en l'espèce l'affectation de plusieurs avocats, notamment d'un stagiaire, pour terminer le travail et la preuve établit clairement leurs taux de facturation.


[11]            Les demanderesses soutiennent que la preuve démontre clairement la pertinence des travaux préliminaires ou préparatoires de MM. Lam et Vaillancourt, ainsi que le travail de révision et d'orientation effectué par M. Shaughnessy, et non pas repris ou effectué en double. Elles font également valoir qu'au paragraphe [22] de la décision Apotex c. Syntex, précité, l'article 28 du tarif B pour les dépens partie-partie comprend les réclamations pour des services rendus par des stagiaires comme M. Vaillancourt. À leur avis, les heures inscrites entre le 1er et le 6 novembre 1999 établissent clairement la pertinence du travail de MM. Dimock, Shaughnessy et Vaillancourt, qui devait de plus être effectué dans un court délai, soit leur rencontre avec M. Tenenhouse à Montréal pour la préparation de son affidavit. La preuve documentaire en date du 10 novembre 1999 établit qu'aucune heure n'est réclamée pour avoir recueilli l'affidavit de M. Tenenhouse, que seules 2,6 des 8,6 heures inscrites au compte du client ont été réclamées pour la révision de l'affidavit de M. McClenaghan. La preuve documentaire en date du 8 décembre 1999 établit que les appels téléphoniques effectués par M. Vaillancourt visaient à prendre les dispositions nécessaires pour recueillir les affidavits de MM. Tom Brogan, Peter Cook et Tenenhouse. Les débours de déplacement ont été limités dans la mesure du possible.

[12]            Les demanderesses ont soutenu qu'il était raisonnable que MM. Dimock et Shaughnessy participent tous deux à la préparation de la preuve des experts puisqu'ils étaient les deux avocats principaux inscrits au dossier. Les affidavits des experts constituent des éléments clés dans ce type de procédure puisqu'il n'y a aucun témoignage oral. Les demanderesses ont allégué que les différences entre les heures réclamées par les deux avocats pour des services rendus le même jour confirment que, en fait, tous deux effectuaient des tâches différentes, par exemple M. Dimock, à titre d'avocat ayant le plus d'expérience, n'a pris part aux procédures que lors des dernières étapes clés. De plus, la preuve relative au travail de M. Shaugnessy, l'avocat principal ayant le moins d'expérience, concernant l'élaboration et la révision du projet d'affidavit en vue de la révision finale de M. Dimock, confirme l'efficacité de l'approche et l'absence de travail effectué en double. Le travail effectué en premier lieu dans le dossier T-1825-99 a allégé la tâche dans le dossier T-1970-99, limitant par conséquent les dépens réclamés.


[13]            Les demanderesses ont soutenu que la preuve concernant les inscriptions en date des 20 et 31 octobre 1999 confirme que les heures consacrées par M. Shaughnessy aux activités non liées aux experts, notamment l'avis de comparution et la prise de dispositions concernant les déplacements en avion, n'ont pas été réclamées. Elles font valoir que les inversions d'heures et de dates commises par inadvertance pour certaines inscriptions résolvent certains problèmes d'heures réclamées en trop. La défenderesse a choisi de ne pas procéder à un contre-interrogatoire sur l'affidavit présenté à l'appui du mémoire de frais et, par conséquent, cette preuve doit être tenue pour non contredite, telle qu'elle a été produite, en dépit des allégations de celle-ci notamment en ce qui concerne les suppressions.

Taxation

[14]            Il est bien établi que le terme « dépens » , employé dans une décision ou une ordonnance, vise à la fois les honoraires d'avocats et les débours : voir Bill of Costs and Assessment, Federal Court Practice - Mise à jour 2003, 19 septembre 2003, The Continuing Legal Education Society of British Columbia. Par conséquent, les directives contenues dans l'adjudication des dépens relativement au paiement des services d'experts ne sont pas absolument nécessaires puisque le tarif traite déjà de ces débours. Les directives, telles que « [l]es honoraires et dépenses liés aux affidavits des 4 experts » , sont très pertinentes lorsqu'elles modifient ou limitent l'étendue de l'indemnisation de certaines catégories de dépens. Elles amènent parfois des interprétations divergentes.


[15]            Une de ces interprétations pourrait être de considérer que les « honoraires » font référence aux honoraires des avocats et correspondent pour l'essentiel aux dépens sur une base avocat-client, comme un sous-ensemble particulier de la décision générale d'indemnisation partielle pour les dépens partie-partie. Le terme « dépenses » ferait alors référence aux débours versés aux quatre experts pour leurs services. Ces débours seraient ensuite partagés en deux parties : les « honoraires » versés pour le temps professionnel, excepté celui des avocats, de chaque expert et les « débours » relatifs à chaque expert.

[16]            Une deuxième interprétation serait de considérer que seuls les dépens partie-partie (une indemnisation partielle) ont été accordés en réponse à la demande expresse des demanderesses d'accorder les dépens avocat-client et que, par conséquent, la Cour n'avait pas l'intention d'accorder une indemnisation des dépens sur une base avocat-client ni en totalité ni en partie. Cette conclusion est renforcée par l'adjudication de la valeur supérieure de dépens selon la colonne IV dans le dossier T-1825-99, un écart à la règle ordinaire de l'article 407 qui limite la taxation aux dépens selon le tarif de la colonne III. C'est-à-dire que la Cour a reconnu que la présente affaire justifiait une adjudication particulière en ce qui concerne les dépens, mais sans aller jusqu'à accorder les dépens sur une base avocat-client. Il pourrait bien sûr être allégué à l'inverse que la concession par la Cour de dépens élevés dans le dossier T-1825-99, et non dans le dossier T-1970-99, indique qu'elle estimait que des étapes précises de ce dossier justifiaient l'adaptation des dispositions concernant les dépens et, par conséquent, l'adjudication des dépens sur une base avocat-client relativement à ces quatre experts était fondée sur cette conclusion.


[17]            Comme l'alinéa 1(3)a) du tarif B des Règles énonce que constituent des « débours, notamment : les sommes versées aux témoins selon le tarif A » , les dépens réclamés pour les honoraires, exceptés ceux des avocats, soit pour les quatre experts, auraient nécessairement été taxés selon les colonnes IV et III dans les dossiers T-1825-99 et T-1970-99 respectivement. La référence subséquente dans l'adjudication des dépens aux « honoraires et dépenses liés aux affidavits des 4 experts » ne serait alors que la confirmation de l'absence de litige quant à la nécessité ou la pertinence (Je souligne) des affidavits de ces experts. De plus, comme les dépens accordés précédemment dans l'ordonnance comprendraient nécessairement les honoraires d'avocats et les débours et comme la référence aux honoraires et dépenses liés aux affidavits des quatre experts se trouve dans une même phrase qui confirme le droit à l'adjudication d'une série d'articles des dépens qui sont habituellement considérés comme des débours liés aux procédures, notamment les photocopies, les télécopies, la messagerie et les frais d'appels interurbains, on peut prétendre que cette phrase visait clairement les débours, et non les honoraires d'avocats, et que l'intention n'était pas d'autoriser la taxation des dépens sur une base avocat-client pour une étape déterminée des présentes procédures. Enfin, l'absence de considérations punitives dans la décision sur les questions de fond en l'espèce, le facteur usuel motivant l'adjudication de dépens sur une base avocat-client, laisse supposer que la Cour, saisie d'une telle demande de dépens, n'a pas accordé de dépens sur une base avocat-client que ce soit en totalité ou en partie.

[18]            L'avis de la requête pour directives des demanderesses concernant les dépens indiquait :

[traduction]

1.              Une ordonnance accordant les dépens sur une base avocat-client à P & G pour un montant à être fixé par la Cour;

2.              Subsidiairement, une ordonnance accordant les dépens à P & G et donnant des directives à l'officier taxateur selon lesquelles les dépens sont payables sur une base avocat-client et incluant les frais et dépenses suivants :

a)              Tous les frais de photocopie et d'appels interurbains, y compris les frais de télécopie et de messagerie liés à la procédure en question;


b)              Toutes les dépenses engagées par P & G relativement aux affidavits des experts présentés par eux en l'espèce [...]

3.              Subsidiairement encore, une ordonnance accordant les dépens à P & G conformément au tarif B, colonne V, selon le nombre maximum d'unités pouvant être allouées, et enjoignant à l'officier taxateur de taxer et d'accorder les frais et dépenses suivantes :

a)              Tous les frais de photocopie et d'appels interurbains, y compris les frais de télécopie et de messagerie liés à la procédure en question;

b)              Toutes les dépenses engagées par P & G relativement aux affidavits des experts présentés par elle en l'espèce [...]

4.              Les dépens de la présente requête [...]

LES MOTIFS DE LA PRÉSENTE REQUÊTE SONT LES SUIVANTS :

[...]

3.              Le 23 octobre 2001, le juge McKeown a prononcé ses motifs relativement à l'ordonnance modifiée rendue le 15 octobre 2001, dans laquelle il a tranché le litige en concluant que l'avis d'allégation présentait un vice fatal et que, par conséquent, il ne pouvait admettre l'allégation de Genpharm selon laquelle aucune contrefaçon ne serait commise.

4.              L'avis d'allégation de Genpharm entaché d'un vice fatal a indûment compliqué et allongé la présente procédure et a été le précurseur des frais engagés par P & G. Cette dernière a été contrainte d'effectuer des démarches interlocutoires supplémentaires dans le but d'obtenir de Genpharm des renseignements qui n'étaient pas indiqués dans son avis d'allégation.

5.              Genpharm a également indûment compliqué la présente procédure en produisant sa preuve de façon fragmentaire. Elle a notamment, le 23 août 2001, quelques jours avant l'audition de la demande, produit des modifications à sa PADN ainsi qu'une monographie de produit qui avaient été présentées le 22 novembre 2000. La production de ces modifications avait été demandée le 17 avril 2000.


6.              La présente procédure comportait des questions de droit complexes. P & G a produit quatre affidavits d'experts à l'appui de sa position. Les heures de travail combinées pour la préparation de ces affidavits dans les deux procédures connexes, T-1825-99 et T-1970-99, dépassaient 100 heures. De plus, lors de l'audition de la requête visant à obtenir la production de certaines parties de la PADN de Genpharm, lors de la requête visant à contraindre M. Pike (le déposant de Genpharm) à répondre aux questions de la première série de questions de contre-interrogatoire ainsi que lors des première et deuxième séries de contre-interrogatoire de M. Pike, P & G était représentée à la fois par un avocat principal et un avocat adjoint.

7.              En 1999, le marché canadien de l'étidronate disodique valait approximativement 24 millions de dollars. DIDROCAL®, le produit innovateur de P & G détient environ 90 % de ce marché, soit environ 22 millions de dollars de ventes et a un taux de croissance d'approximativement 50 %. Compte tenu des sommes en jeu, P & G a, à juste titre, engagé des frais importants dans le cadre de ces procédures [...]

Le paragraphe 1 du mémoire des faits et du droit produit avec la requête indiquait ce qui suit :

[traduction]

P & G sollicite l'adjudication des dépens sur une base avocat-client pour un montant à être fixé par la Cour ou par l'officier taxateur. À titre subsidiaire, P & G demande à la Cour de donner des directives à l'officier taxateur concernant l'adjudication de dépens conformément au tarif B, colonne V, selon le maximum d'unités pouvant être allouées pour les dépens taxés. P & G demande à la Cour d'inclure dans les dépens tous les honoraires et dépenses liés aux affidavits des experts présentés par eux dans le cadre des procédures, les honoraires d'un avocat principal et d'un avocat adjoint pour certaines étapes de ces procédures ainsi que tous les frais de photocopie, de télécopie, de messagerie et d'appels interurbains.

Au paragraphe 30 de ces observations écrites, le terme « honoraires » n'est pas utilisé en relation avec les experts, on y emploie plutôt les termes « pleine indemnisation » .


[19]            La défenderesse s'est opposée à la première proposition (un montant forfaitaire de dépens sur une base avocat-client) de façon générale en alléguant que cette solution ferait obstacle à une divulgation complète et détaillée des dépens réclamés. Elle s'est opposée à la solution subsidiaire (des dépens sur une base avocat-client, y compris des directives concernant les dépens liés à la préparation des quatre experts), ainsi qu'à la seconde solution subsidiaire (des dépens partie-partie selon la colonne V, y compris des directives concernant l'adjudication de dépens pour la préparation de ces quatre experts), a allégué que l'adjudication de dépens partie-partie selon la colonne III était suffisante et a spécifiquement fait valoir qu'étant donné l'absence de facteurs punitifs, l'adjudication des dépens sur une base avocat-client était injustifiée. La défenderesse s'est opposée au paiement de tous dépens relatifs à la préparation de ces quatre experts et a soutenu (au par. 53 de son mémoire des faits et du droit modifié) que si la Cour allouait ces dépens, [traduction] « les demanderesses devraient d'abord lui fournir tous les détails des dépens engagés à cet égard, à savoir les honoraires combinés de 37 313,99 $ [sic] et les débours 11 430,00 $ indiqués dans le projet de mémoire de frais. »


[20]            Il ressortait clairement du projet de mémoire de frais que la nature des honoraires de 37 313,00 $ (pour MM. Dimock, Shaughnessy et Lam, à l'exclusion de M. Vaillancourt) était autre que des inscriptions d'indemnité partielle pour les honoraires d'avocat selon le tarif B. Le projet de mémoire de frais dont la Cour était saisie indiquait l'application de l'indemnité partielle pour certains numéros d'articles des colonnes III et V du tarif B et les montants pouvant être réclamés pour l'un et l'autre. Aussi, le montant réel avocat-client était indiqué à côté de chaque numéro d'article d'indemnité partielle. Les réclamations de dépens relatifs à la préparation des quatre experts ont été placées sous les deux colonnes, au regard des dépens avocat-client, accompagnées d'une note spécifique portant qu'elles ne se rapportaient à aucun numéro d'article de la liste d'articles d'indemnisation partielle en vertu du tarif B. Ceci dit, plutôt que de présenter trois projets de mémoire de frais dans chaque dossier de la Cour, un pour chaque proposition mentionnée précédemment, les demanderesses n'ont présenté qu'un seul projet de mémoire de frais dans chaque dossier de la Cour, soit le T-1825-99 et le T-1970-99, dont le contenu, modulé, pouvait représenter chaque proposition. Habituellement, les honoraires d'avocat pour la préparation d'experts devraient être incorporés à l'article 13 d'indemnité partielle (préparation de l'audience), qui est indiqué dans chaque projet de mémoire de frais sous les colonnes III et V respectivement, mais je doute que la Cour ou l'avocat de la défenderesse aient pensé que le montant de 37 313,00 $, soit un montant de dépens avocat-client, faisait partie de la proposition subsidiaire (taxation des dépens sur une base avocat-client), mais non de la seconde proposition subsidiaire (taxation des dépens sur une base partie-partie). Les observations des demanderesses visant à réfuter les arguments de la requête isolaient l'évaluation de ces dépens des autres articles d'honoraires d'avocats contenus dans le projet de mémoire de frais.

[21]            Je conclus que la réponse de la Cour aux documents à l'appui de la requête a été le rejet de la première proposition et de la proposition subsidiaire, mais l'approbation d'une version modifiée de la seconde proposition subsidiaire, c'est-à-dire la valeur supérieure de la colonne IV pour les dépens dans le dossier T-1825-99, le milieu de la fourchette de la colonne III pour les dépens dans le dossier T-1970-99 et, entre autres choses, les dépens sur la base avocat-client pour la préparation des quatre experts. Si j'étais arrivé à la conclusion que l'adjudication des dépens était restreinte aux limites de l'indemnité partielle des dépens partie-partie, je me serais retrouvé sans compétence pour, au minimum, accorder la réduction à 25 000 $ demandée par la défenderesse au motif que l'article 13 renvoie de façon générale à de tels services.

[22]            En règle générale, les services indiqués au compte du client étaient pertinents et respectaient les paramètres de l'adjudication des dépens, notamment le projet d'affidavit d'expert, les modifications de l'affidavit d'expert, etc. L'absence de détail concernant les autres inscriptions au compte du client, par exemple la révision des documents, la réception de commentaires de la part d'Andy McClenaghan relativement à M. Tenenhouse, etc., rend l'analyse objective de la pertinence plus difficile. Certaines inscriptions, comme celle du 5 novembre 1999, contiennent au minimum une suppression, et, pourtant, l'ensemble des heures facturées au client sont réclamées. Aucune règle de pratique, ni procédure ne limite le nombre d'avocats pouvant être indemnisés selon les règles des dépens sur une base avocat-client, à l'exception de la limite de nécessité raisonnable. Je me suis gardé de peser l'effet du facteur expérience, car il n'existe peut-être pas de différence appréciable entre les dépens totaux parce qu'un avocat de peu d'expérience consacrera peut-être plus d'heures à un tarif moindre tandis qu'un avocat de grande expérience consacrera moins d'heures à un tarif plus élevé et que cela mènera à des résultats comparables. De telles considérations se distinguent de l'évaluation du travail en soi, sans tenir compte de la personne qui l'a effectué, du point de vue de la pertinence.


[23]            Le total des heures réclamées, selon quatre taux horaires différents, est de 200,6 heures pour une moyenne, indépendamment de la variation de la complexité ou de l'expertise requise, d'environ 50 heures par expert. Un estimé réaliste de la productivité, soit de 6,5 heures par jour, donne un résultat d'un peu moins de 8 jours de travail par avocat, par expert. Si je supposais que l'avocat principal avait accompli tout le travail, il aurait alors fallu environ 87 heures (43 715,00 $ ) 500,00 $ l'heure) pour la préparation des quatre experts, donc environ 22 heures par expert ou un peu plus de trois jours par expert. Indépendamment du nombre d'avocats , on doit fixer un chiffre, ou un éventail de chiffres, en heures ou en dollars, qui sera tenu pour constituer une dépense raisonnable pour avoir gain de cause en l'espèce. J'emploierai mon pouvoir discrétionnaire conformément à l'approche que j'ai adoptée dans l'affaire Grace M. Carlile c. Sa Majesté la Reine (1997), 97 D.T.C. 5284, à la page 5287 (O.T.) et à l'opinion du lord juge Russell dans Re Eastwood (deceased) (1974), 3 All. E.R. 603, à la page 608, selon laquelle la taxation des dépens est une justice [traduction] « sommaire, en ce sens que de nombreuses approximations sensées sont faites » pour aboutir à un résultat raisonnable de dépens. Il ne faut pas accorder de montants excessifs en matière de dépens, mais plutôt les dépenses effectivement nécessaires pour faire progresser le litige : un résultat de zéro dollars serait absurde comme taxation des dépens. La preuve en l'espèce est vague sur certains points. J'accorde un montant de 37 500,00 $ + TPS.

Frais des experts (de MM. Alan Tenenhouse, Tom Brogan, Peter Cook, Andrew McClenaghan) 11 430,49 $

Frais de déplacement (de M. Shaughnessy et M. Vaillancourt à Montréal pour M. Tenenhouse) 2 928,54 $

La position de la défenderesse


[24]            La défenderesse a souligné que, comme les frais de M. Brogan représentent 8 100,49 $ des 11 430,49 $ et que la preuve de son compte ne satisfait pas au critère de la nécessité raisonnable établie dans Allied Signal Inc. c. Dupont Canada Inc. (1998), 81 C.P.R. (3rd) 129 (C.F.1ère inst.) (O.T.) au par. 77, une indemnité totale réduite à 4 050,00 $ pour l'ensemble des experts serait suffisante. Le tarif journalier de M. Brogan de 2 000 $, combiné aux services d'un analyste principal à 1 000,00 $ par jour pendant cinq jours, constitue un indice de caractère excessif. La défenderesse a affirmé que le juge du procès n'a pas eu besoin de se fonder sur le témoignage de M. Brogan et la Cour d'appel fédérale a déclaré, dans ses observations incidentes, s'être fondée sur les experts de la défenderesse et non sur les experts des demanderesses. L'affidavit de M. Brogan était pour l'essentiel une analyse statistique, peut-être pertinente eu égard aux questions de contrefaçon possible, mais dénuée de pertinence à titre de facteur déterminant pour la Cour d'appel fédérale. La défenderesse a souligné que l'affidavit de M. Brogan ne comportait pas ses titres professionnels ce qui compliquait l'évaluation de la justesse de la valeur du travail réclamé si l'on compare avec l'affidavit de M. Tenenhouse, à l'égard de qui la Cour d'appel fédérale a formulé des commentaires favorables, dont les titres professionnels impressionnants étaient indiqués et qui a facturé moins de la moitié des honoraires de M. Brogan pour la même charge de travail. Le fait que M. Brogan n'a pas été contre-interrogé devant la Section de première instance de la Cour fédérale ne libère pas les demanderesses de leur obligation de produire tous les éléments de preuve nécessaires à l'appréciation des comptes présentés, y compris les détails de ses titres professionnels. M. Cook, un autre expert des demanderesses, a également réclamé un montant bien moindre que M. Brogan pour la même charge de travail. La défenderesse a de façon générale soutenu que le travail effectué par M. Brogan dans le dossier T-1825-99 aurait dû alléger sa tâche dans le dossier T-1970-99 et par conséquent réduire le montant réclamé.


[25]            La défenderesse a fait valoir que le montant de 2 928,54 $ en frais de déplacement devrait être rejeté en raison de l'absence de preuve, notamment de reçus, et de l'absence de renseignements en établissant la nécessité raisonnable, ce qui signifiait qu'il n'avait pas été satisfait au critère du par. 1(4) du tarif B des Règles. Elle a allégué que ses observations mentionnées précédemment en ce qui concerne MM. Shaughnessy et Vaillancourt s'appliquaient dans ce cas et a souligné que l'adjudication des dépens ne prévoyait pas de frais de déplacement.

La position des demanderesses


[26]            Les demanderesses ont allégué que les factures produites en preuve constituaient des preuves suffisantes des honoraires des experts. À leur avis, la défenderesse n'a pas, dans son argumentation, indiqué le fondement de son allégation concernant le caractère déraisonnable des honoraires de M. Brogan ni les détails du calcul de la réduction des honoraires proposée à 4 050,00 $. Les demanderesses ont soutenu que la preuve d'expert de M. Brogan était incontestée et, en raison de sa différence par rapport à celle des autres experts, justifiait une facturation plus élevée. La preuve qu'il a présentée était plus complexe et a aidé à établir que le produit proposé par la défenderesse allait être utilisé pour le traitement de l'ostéoporose, et non de la maladie de Paget comme le suggérait la défenderesse, ce qui a ouvert la voie à l'argument selon lequel les produits de la défenderesse allaient empiéter sur les droits conférés par les brevets des demanderesses. La Cour a tenu compte de son témoignage bien qu'elle n'ait pas mentionné son nom. Les affidavits qu'il a préparés pour les deux dossiers étaient similaires, mais un certain travail était quand même nécessaire pour s'adapter aux particularités de chaque dossier. La défenderesse a perdu l'occasion d'obtenir les titres professionnels de M. Brogan lorsqu'elle a choisi de ne pas procéder à son contre-interrogatoire. Les demanderesses ont fait valoir qu'il est bien établi en droit en vertu de décisions telles que Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1993), 50 C.P.R. (3d) 59 (C.F. 1re inst.), que les frais de déplacement de l'avocat pour procéder à l'interrogatoire de témoins, de M. Tenenhouse par exemple, sont admissibles s'ils sont établis au moyen d'une preuve comme en l'espèce. Les demanderesses ont soutenu que le terme « dépenses » , dans l'expression « les honoraires et dépenses » de l'adjudication des dépens, porte sur le montant de 2 928,54 $ pour ces frais de déplacement.

Taxation

[27]            M. Tenenhouse a facturé 300,00 $ l'heure. Ce tarif correspondrait à peu près au tarif journalier de 2 000,00 $ de M. Brogan. Bien que la défenderesse ait spécifiquement allégué, en réponse à la requête pour directives concernant les dépens présentée par les demanderesses (par. 48-52 du dossier de réponse de la défenderesse au mémoire des faits et du droit modifié), que les témoignages de MM. Brogan, Tenenhouse et Cook n'étaient pas pertinents pour l'issue de l'affaire et qu'aucuns dépens ni débours ne devaient donc être accordés relativement à leur témoignage, la Cour a approuvé le paiement de leurs factures. Par conséquent, bien que je considère l'absence des titres professionnels de M. Brogan comme une omission importante, je ne lui ai pas accordé le poids suggéré par la défenderesse.

[28]            Les détails indiqués sur les factures concernant le travail effectué sont peu nombreux. Les affidavits d'experts, que j'ai interprétés comme des produits finaux, démontrent dans une certaine mesure l'essence du travail demandé, mais n'indiquent pas nécessairement à eux seuls les détails de la façon dont ils ont été produits, par exemple la question de savoir si de multiples projets et révisions ont été effectués et la nécessité d'un tel travail, si d'autres personnes telles que l' « analyste principal » ont réduit leurs frais ou ont fourni des services qui n'étaient pas du ressort de l'expert et, le cas échéant, si l'expertise additionnelle était pertinente en ce qui concerne les questions en litige. Pour autant qu'elle est applicable en l'espèce, j'applique ici l'approche que j'ai adoptée dans Merck & Co. Inc. et al. c. Apotex Inc. [2002] A.C.F. no 1116 (O.T.), confirmé par [2002] A.C.F. no 1357 (C.F. 1re inst.) et Bayer A.G. et al. c. Apotex Inc. et al. [2002] A.C.F. no 1693 (O.T.) aux factures des experts. J'accorde un montant total de 9 800,00 $ pour les quatre experts.


[29]            C'est l'avocat qui supervise la cause qui établit et ajuste, le cas échéant, les paramètres du travail des experts dans le cadre de la formulation d'un avis juridique professionnel portant sur l'assistance technique dont la Cour a besoin pour rendre sa décision. Ce faisant, il doit poser des gestes prudents, mais non exagérés. Une partie du travail peut être effectuée par courrier, télécopie, téléphone ou courriel, mais d'autres tâches doivent être effectuées en personne. À mon avis, le libellé général du paragraphe 1(3) du tarif B des Règles n'indique pas que la Cour doit donner des directives additionnelles claires en adjugeant les dépens de façon à permettre une évaluation des frais de déplacement d'un avocat dont la présence est essentielle à la préparation de la preuve. L'article 24 du tableau d'indemnité partielle, concernant les honoraires d'avocats selon le tarif B, n'empêche pas cette conclusion puisque l'article 24, qui fait partie d'une liste indépendante de services relatifs au temps de travail de l'avocat possédant les qualités requises pour l'indemnisation partielle, n'aborde pas la question des débours connexes. La somme de 2 928,54 $ est accueillie telle que présentée.

Photocopies : 21 091,21 $ réclamés

La position de la défenderesse

[30]            La défenderesse s'est fondée sur la décision Allied Signal Inc., précitée, aux pages 151 ss. et d'autres décisions et a soutenu que la preuve, établissant essentiellement que des commerçants externes avaient fourni les photocopies à 0,11 $ la page pour un total de 12 876,73 $ et que l'avocat inscrit au dossier avait fourni des photocopies à l'interne à 0,25 $ la page pour un total de 8 214,48 $, ne satisfaisait pas au critère de la nécessité raisonnable. Le tarif de 0,25 $ la page est arbitraire et rien n'indique le coût réel pour la production de photocopies par l'avocat inscrit au dossier. La défenderesse a souligné que l'affidavit présenté à l'appui de ces frais ne portait que sur douze des vingt-deux factures de commerçants externes et elle a allégué de diverses façons que les autres factures contenaient des incohérences quant à leur but, à leur pertinence, aux dates et au nombre de photocopies. Le preuve produite concernant le nombre de copies réclamées pour les documents tels que le recueil de pièces, les transcriptions, les monographies, les dossiers de la demande, etc., est insuffisante.


[31]            La défenderesse a allégué que la somme de 8 214,84 $ réclamée pour les photocopies effectuées à l'interne constituait un exemple clair de travail effectué en double avec les commerçants externes, notamment pour les dossiers de requête, la jurisprudence, les transcriptions, la preuve, etc. Le recours par l'avocat des demanderesses aux services de Torys, s.r.l., un luxe inapproprié dans le cadre de dépens partie-partie, peut également avoir contribué aux frais excessifs de photocopie. La défenderesse a soutenu de façon générale que les demanderesses n'avaient pas satisfait au critère établi par la jurisprudence dans Byers Transport Ltd. c. Kosanovich, A.C.F. 760 (O.T.) en ce qui concerne la preuve de la pertinence et de la nécessité raisonnable des dépens du litige et a fait valoir qu'aucun montant ne devait être accordé pour les photocopies. Elle a subsidiairement demandé que le montant soit réduit à 5 291,99 $ après avoir analysé, article par article, les exemples de frais de photocopies inappropriées, notamment les copies pour le client, les copies pour l'avocat adjoint, etc.

La position des demanderesses

[32]            Les demanderesses se sont fondées sur Rothmans, Benson & Hedges Inc., précité, et ont fait valoir que les factures produites en preuve indiquent bien le but et la répartition des frais de photocopie. Les relevés de débours de l'avocat inscrit au dossier énumèrent tous les frais de photocopies raisonnables et nécessaires qui ont été facturés et payés par les clients. Les demanderesses ont soutenu que la réduction d'environ 75 % proposée par la défenderesse est le résultat des renseignements inexacts et des observations inappropriées suivantes.


[33]            La proposition de la défenderesse ne tient pas compte du fait que les documents devaient être produits en double, pour les deux dossiers de la Cour, ce qui doublait le nombre de copies requises. L'avocat inscrit au dossier pour les demanderesses devait obtenir les instructions individuelles de deux clients : un au Canada et l'autre aux États-Unis. Aussi, les demandes devaient être présentées séparément parce que la défenderesse avait produit des demandes individuelles pour les avis de conformité des doses de 200 mg et de 400 mg. Les demanderesses ont souligné que le corps de l'affidavit étayant le mémoire de frais mentionne spécifiquement quinze, et non douze tel que l'affirmé la défenderesse, des vingt-deux factures de commerçants externes et ont soutenu que les points soulevés par celle-ci relativement aux factures des commerçants extérieurs s'expliquaient de façon raisonnable. Par exemple, les questions de dates des factures peuvent être simplement expliquées par le laps de temps entre la présentation des requêtes et les dates d'audition de celles-ci. Les questions concernant le nombre de copies effectuées de certains documents peuvent être simplement expliquées par la nécessité de les produire dans deux dossiers et d'en remettre copie à diverses personnes, notamment à l'avocat de la partie adverse, aux avocats principal et adjoint inscrits au dossier, aux clients, à Torys, s.r.l., etc.


[34]            En ce qui concerne les photocopies effectuées à l'interne, les demanderesses ont reconnu que le fardeau de preuve relativement au caractère raisonnable et nécessaire des frais connexes leur incombait, mais elles se sont fondées sur la décision Allied Signal Inc., précitée, pour affirmer qu'il n'est pas nécessaire d'établir une preuve irréfutable. Elles allèguent que le programme d'ordinateur utilisé par l'avocat inscrit au dossier pour enregistrer les différentes catégories de débours, tels que les photocopies, assure une comptabilité complète des dépens, comme en l'espèce. De plus, la partie explicative de l'affidavit résout les questions concernant le caractère excessif des frais. Le paragraphe 18 de l'affidavit, qui indique que seules certaines factures de commerçants externes ont été produites et déposées comme pièce H, ainsi que les inscriptions au compte du client déposées comme pièce J qui comprenait toutes les catégories de débours tels que [traduction] « 20/10/1999 00129 Photocopies effectuées à l'extérieur du bureau * 3.10 Y » , minent l'allégation de la défenderesse concernant le caractère excessif des photocopies. Autrement dit, la pièce J comprend l'ensemble de la pièce H, plus l'ensemble des inscriptions de photocopies effectuées à l'interne, ce qui confirme que chaque réclamation pour des photocopies se rapportait à une tâche individuelle ne reprenant pas de façon inutile d'autres tâches. Les demanderesses ont affirmé qu'il n'était pas possible de justifier de façon absolue tous les articles de dépens. Elles ont souligné qu'il était possible que les auditions dans chaque dossier de la Cour aient eu lieu le même jour, mais que la présentation de documents séparés était nécessaire. Le preuve établit les cas où cela s'est produit.

Taxation


[35]            J'éprouve toujours de la difficulté à concevoir la nécessité des copies pour les clients, du moins pour ce qui est de déterminer si la partie qui n'a pas gain de cause devrait en assumer les frais. L'inscription en date du 20/10/1999 est typique des inscriptions aux comptes des clients sur lesquelles sont fondés les mémoires de frais en général, par exemple la tâche effectuée est identifiée sans plus de détails pour nous aider à en déterminer objectivement la nécessité raisonnable. Il semble y avoir plusieurs centaines d'inscriptions de ce genre au compte du client en l'espèce. J'ai de façon constante conclu qu'un résultat de zéro dollars de taxation des dépens était absurde compte tenu du fait que les dépenses effectivement nécessaires pour faire progresser le litige doivent être accordées. Je conviens, comme je l'ai fait dans le passé avec des praticiens d'expérience, que le coût de la preuve absolue des petites dépenses, même si celles-ci s'élèvent, comme en l'espèce, à une somme considérable, excéderait le montant effectif des débours eux-mêmes. Toutefois, moins d'éléments de preuve sont produits, plus la partie réclamante est liée par l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'officier taxateur qui doit être conservateur par souci d'austérité. J'appuie ma décision sur Re Eastwood (deceased), précitée, et l'approche que j'ai adoptée dans Carlile, précitée, et dans Canadian Union of Public Employees, Local 4004 c. Air Canada, [1997] A.C.F. no 464 (O.T.) pour trancher ces questions. J'accorde un montant réduit à 16 000,00 $ pour les photocopies.


[36]            Les demanderesses ont demandé, à la suite de l'adjudication des dépens par la Cour selon la valeur supérieure de la colonne IV dans le dossier T-1825-99, respectivement 9 et 7 unités pour les articles 5 et 15 concernant la préparation de la taxation des dépens et pour l'article 26, soit l'audition de la taxation, ce qui fait un total de 1 770,00 $ + TPS. J'ai de façon constante conclu que l'article 26 est un montant qui englobe à la fois la préparation et la comparution. J'accorde un montant de 770,00 $ + TPS. Le mémoire de frais des demanderesses pour les dossiers T-1825-99 et T-1970-99, qui s'élevait à 111 462,12 $, est taxé et accueilli à 97 120,55 $.

(Signé) « Charles E. Stinson »

       Officier taxateur

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 15 janvier 2004

Traduction certifiée conforme

Christine Gendreau, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                T-1825-99

INTITULÉ :               LA COMPAGNIE PHARMACEUTIQUE

PROCTER & GAMBLE CANADA, INC.       et PROCTER & GAMBLE COMPANY

c.

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et GENPHARM INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 5 AOÛT 2003

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS : CHARLES E. STINSON

DATE :                       LE 15 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

Angela M. Furlanetto                                         POUR LES DEMANDERESSES

Kamleh J. Nicola                                               POUR LA DÉFENDERESSE GENPHARM INC.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dimock Stratton Clarizio s.r.l.                                        POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)

Sim, Hughes, Ashton & McKay s.r.l.                 POUR LA DÉFENDERESSE

Toronto (Ontario)                                              GENPHARM INC.


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