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Date : 19990924


Dossier : IMM-5219-98

Entre :

     MARIE MUSHIYA KAZADI

     Partie demanderesse


     - et -


     LE MINISTRE

     Partie défenderesse

    


     MOTIFS DE L"ORDONNANCE



LE JUGE TREMBLAY-LAMER:


[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision rendue par la Commission de l"immigration et du statut de réfugié, Section du statut, en date du 2 septembre 1998 qui concluait que la demanderesse n"est pas une réfugiée au sens de la Convention.

[2]      Madame Marie Mushiya Kazadi est une citoyenne de la République démocratique du Congo (RDC) (ex-Zaïre). Elle a revendiqué le statut de réfugié en raison de son appartenance au groupe social de la famille.

[3]      Son mari était membre des Forces armées à titre de gendarme. Au mois d"août 1996, il commence à travailler pour la division spéciale présidentielle (DPS) sous le régime de Mobutu.

[4]      Le 17 mai 1997, lors de l"introduction des forces de l"AFDL à Kinshasa, son mari se trouvait à son domicile. Vers 23 heures, les militaires sont venus le chercher et l"on amené au camp Mobutu situé à cent mètres de sa maison où il fut exécuté vers minuit. Une connaissance de la demanderesse l"a avisée du décès de son mari. Elle tente de se rendre au camp pour voir la dépouille de son mari, ce qui lui fut refusé. À cette occasion, elle a injurié des militaires de l"AFDL les traitant d"assassins. Ceux-ci l"ont enjoint de se taire en menaçant de l"abattre avec ses enfants.

[5]      La demanderesse soutient que les militaires sont venus deux fois durant cette nuit. Lors de la deuxième visite, elle fut violée devant ses enfants.

[6]      Le frère de son mari, un abbé, lui porte secours en la cachant avec ses enfants dans un couvent où elle y demeure jusqu"à son départ au Canada, le 24 octobre 1997. Elle a appris de son beau-frère que son domicile a été pillé et saccagé. Dès son arrivée au Canada elle revendique le statut de réfugié.

[7]      La Section du statut décidait que compte tenu de la preuve documentaire qui ne fait pas état d"une volonté de la part de l"actuel pouvoir de pourchasser la famille de militaires de la DPS, la demanderesse n"avait pas démontré une crainte bien fondée de persécution. À mon avis, une telle conclusion est déraisonnable.

[8]      Le tribunal n"a pas attaqué la crédibilité de la demanderesse. Il faut donc tenir les faits pour avérés. Il n"attribue pourtant aucun poids à la série d"événements déclenchés par le décès de son mari, soit le fait qu"elle a quitté le camp en injuriant les militaires, qu"ils l"ont enjoint de se taire, qu"ils sont venus chez elle à deux reprises, qu"elle fut violée par ceux-ci et qu"après son départ, son domicile fut pillé et saccagé.

[9]      Ces événements supportent clairement la prétention de la demanderesse qu"elle avait une crainte de persécution non seulement due au fait que son mari était membre de la DPS, mais principalement parce que, suite à son décès, elle avait publiquement dénoncé le régime.

[10]      De plus, le tribunal n"a pas tenu compte du témoignage de la demanderesse à l"effet qu"elle ne pourrait se taire devant ce qu"elle considérait comme un crime gratuit. C"est cette conviction qui l"a incitée à fuir et si elle refuse de se taire, elle pourrait ainsi subir le même sort qu"auparavant.

[11]      De plus, le tribunal indique qu"un seul exemple dans la preuve documentaire de mauvais traitements ne suffit pas à démontrer une crainte objective de persécution. Hors, la preuve documentaire fait état de nombreux exemples où l"épouse d"un militaire fut persécutée, et ce, bien après la prise de pouvoir du nouveau régime. Il était donc abusif pour le tribunal de conclure que la demanderesse n"avait pas démontré le bien-fondé de sa crainte d"autant plus qu"elle avait clairement déclaré qu"advenant son retour éventuel au pays elle ne pourrait se taire face aux répressions du régime en place.

[12]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accordée. Le dossier est retourné pour redétermination devant un panel nouvellement constitué.



[13]      Aucun des avocats n"a recommandé la certification d"une question.





     "Danièle Tremblay-Lamer"

                                     JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

Le 24 septembre 1999

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