Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

        


Date : 19990518


Dossier : IMM-1021-98

Entre :

     HEBER LUIS OJEDA DIEGUEZ

     Demandeur

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     Défendeur

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER :

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire interjetée à l"encontre de la décision de la Section du statut de réfugié (le tribunal) rendue le 12 février 1998, selon laquelle le demandeur n"est pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Le demandeur est né à Cuba en 1971. Il est pianiste de profession et exerçait son métier dans un hôtel de Varadero. Il est arrivé au Canada le 26 février 1996 muni d"un passeport cubain, d"une autorisation de sortie et d"un visa de touriste canadien qu"il a obtenu grâce à l"intervention d"une citoyenne canadienne. Le demandeur a revendiqué le statut de réfugié pour des motifs religieux le 16 octobre de la même année.

[3]      Le demandeur et sa famille sont des Adventistes du Septième Jour. Son père en est pasteur. Celui-ci fut incarcéré à plusieurs reprises à cause de son rôle de pasteur. Son frère fut incarcéré pendant trois ans, probablement au début des années 1990, suite à son refus de faire son service militaire à cause de ses croyances religieuses. Par la suite, il fut accepté comme réfugié politique aux États-Unis en 1994.

[4]      Le tribunal n"a pas cru que le demandeur serait persécuté en raison de sa religion puisqu"il était en mesure de s"absenter de son travail de pianiste dans un hôtel pour se rendre tous les vendredis à son lieu du culte.

[5]      De plus, le tribunal a conclu que la crainte de persécution du demandeur, en raison de son refus de faire son service militaire pour des motifs religieux, n"était pas appuyée par la preuve documentaire1 qui fait état du changement d"attitude des autorités vis-à-vis les minorités religieuses.

[6]      Or, une lecture de la preuve documentaire n"appuie pas dans l"ensemble une telle conclusion. Au contraire, elle relate les nombreuses difficultés des minorités religieuses. Dans le document " Country Reports on Human Rights Practices for 1996 ", sur le Cuba, cité par le tribunal pour appuyer sa prétention d"un changement d"attitude, on y lit ce qui suit :

             However, religious persecution continues. In December 1995, the Government issued a resolution preventing any Cuban or joint enterprise from selling computers, fax machines, photocopiers, or other equipment to any church. A December 1, 1995 decree signed by Politburo member Jose Ramon Machado Ventura prohibited Christmas trees and decorations in public buildings, except those related to the tourist or foreign commercial sector, and completely prohibited Nativity scenes. (Official recognition of all religious holidays ended in 1961). In February the Union of Communist Youth (UJC) affiliate within the lawyers" collective in the town of Palma Soriano expelled attorney Cesar Antonio Martinez Melero from his longstanding membership because of his active involvement in the Roman Catholic Church. In April a disciplinary board of the Julio Mella Polytechnic Institute suspended Raul Leyva Amaran"s student stipend for 6 months for refusing on religious grounds to participate in a February 27 rally in support of the Government"s shootdown of two civilian U.S. aircraft. Leyva had said that as a Catholic, he "did not support the violent death of anyone and for reasons of conscience [he] could not go to the rally."             
             The Government continued its 1961 prohibition on nearly all religious processions outside churches and denied churches access to the mass media.             
             The Government requires churches and other religious groups to register with the provincial registry of associations to obtain official recognition. The Government prohibits, with occasional exceptions, the construction of new churches, forcing many growing congregations to violate the law and meet in people"s homes. Government harassment of private houses of worship continued, with evangelical denominations reporting evictions from, and bulldozing of, houses used for these purposes. In the province of Las Tunas, neighbors of one private house of worship tried to provoke fights with parishioners, blared music during religious services, and tried to pour boiling water through the windows during a religious service. In the western mining town of Moa, a group of evangelical leaders submitted a written appeal to the local Communist Party to stop the harassment of church members and the demolition of private houses of worship and to lift the prohibition on the construction, expansion, or remodeling [sic] of churches. The authorities warned religious leaders in Havana that they would impose fines from $550 to $2,800 (10,000 - 50,000 pesos), imprison leaders and withdraw official recognition from the religious denomination itself unless the private houses of worship were closed.             
             The Government, however, relaxed restrictions on members of the Jehovah"s Witnesses, whom it had considered "active religious enemies of the revolution" for their refusal to accept obligatory military service or participate in state organizations. The Government authorized small assemblies of Jehovah"s Witnesses, the opening of a Havana central office, and the publishing of the Jehovah"s Watchtower magazine and other religious tracts.             
             State security officials regularly harassed human rights advocates prior to religious services commemorating special feast days or before significant national days. A crowd of thugs, armed with wooden clubs hidden inside rolled-up newspapers, surrounded the Sacred Heart Church in Central Havana before a mass on July 13, the second anniversary of the Cuban Coast Guard"s sinking the 13th of March" tugboat in which 41 people died.2             

[7]      Bien que le document mentionne que les règles soient relaxées pour ce qui est du service militaire, il constate dans l"ensemble que la persécution religieuse continue.

[8]      Il était arbitraire, à mon avis, pour le tribunal d"extraire quelques passages de ce document pour démontrer qu"il y avait un changement d"attitude alors que l"ensemble du document est à l"effet contraire.

[9]      Il en est de même avec l"autre document cité par le tribunal. À part un bref passage où le secrétaire de la " Watchtower Bible Society " mentionne " qu"il semble y avoir une tendance à accorder plus de liberté à nos gens "3 l"ensemble du document signale que les activités religieuses sont toujours en pratique sévèrement restreintes.

[10]      Il appert du dossier que le tribunal n"a pas tenu compte de la totalité de la preuve en arrivant à sa conclusion, cette omission constitue donc une erreur de droit4. En ces circonstances, je conclue que la preuve documentaire ne supporte pas la conclusion du tribunal, ce dernier ayant mis de côté les éléments les plus pertinents.

[11]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accordée et le dossier est retourné devant un panel nouvellement constitué.

[12]      Aucun des avocats n"a recommandé la certification d"une question.

     "Danièle Tremblay-Lamer"

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 18 mai 1999.

__________________

1      Country Reports on Human Rights Practices for 1996; Série " Questions et Réponses " DGDIR 1996, Cuba, Les Droits de la Personne à la p. 38.

2      Country Reports on Human Rights Practices for 1996, Department of State, February 1996, Dossier du tribunal à la p. 129.

3      Série " Questions et Réponses " DGDIR 1996, Cuba, Les Droits de la Personne à la p. 28.

4      Toro c. M.E.I., [1981] 1 C.F. 652 (C.A.F.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.