IMM-1773-96
OTTAWA (ONTARIO), LE 11 AVRIL 1997
EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE PINARD
Entre :
VLADIMIR GRINEVICH
ILANA GRINEVICH
YULIA GRINEVICH
PAVEL GRINEVICH,
requérants,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
O R D O N N A N C E
La demande de contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de réfugié au sens de la Convention en date du 7 mai 1996, dans laquelle il a été statué que les requérants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention, est rejetée.
«Yvon Pinard»
Juge
Traduction certifiée conforme
François Blais, LL.L.
IMM-1773-96
Entre :
VLADIMIR GRINEVICH
ILANA GRINEVICH
YULIA GRINEVICH
PAVEL GRINEVICH,
requérants,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de réfugié au sens de la Convention (la Commission), en date du 7 mai 1996, dans laquelle il a été statué que les requérants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.
Les requérants sont tous citoyens russes. Vladimir Grinevich, le requérant principal, est né le 7 mars 1957, à Severomorsk, en Russie (qui faisait anciennement partie de l'U.R.S.S.) d'un père polonais et d'une mère russe. Sa femme Ilana est née à Riga, en Lettonie (qui faisait anciennement partie de l'U.R.S.S.) d'un père russe et d'une mère juive. Leur fille mineure, Yulia Grinevich, est née le 4 juillet 1978, et leur fils mineur, Pavel Grinevich, est né le 26 mai 1983. Ils sont arrivés au Canada en provenance d'Israël le 17 décembre 1992, et ont immédiatement manifesté leur intention de revendiquer le statut de réfugié.
À la page 2 de la décision, la Commission donne un résumé utile des faits allégués qui seraient à la base de la crainte d'être persécutés des requérants. L'extrait pertinent est rédigé dans les termes suivants :
[TRADUCTION]
[...] Dans la partie narrative de son FRP, le requérant principal allègue que sa famille a été persécutée par le KGB dans son pays d'origine. En outre, parce que son épouse (la requérante) a un père russe et une mère juive, la famille a également été la cible d'antisémites. À cause des menaces des communistes, du KGB et des groupes antisémites, ils ont décidé de quitter leur pays. Ils ont réussi à obtenir une invitation pour se rendre en Israël et, compte tenu des origines juives de la requérante, ils ont présenté une demande au Consulat israélien en vue d'obtenir un visa qui leur a été délivré en vertu de la loi du retour. Ils ont renoncé à leur citoyenneté russe.
Selon leur récit, bien qu'ils aient été heureux de pouvoir quitter la Russie, ils n'avaient pas l'intention d'aller en Israël. Ils avaient plutôt l'intention de choisir un autre pays une fois qu'ils auraient atteint Budapest en Hongrie.
Ils sont arrivés à Budapest par train le 1er octobre 1990. Une fois là, ils n'ont pu changer leur destination et se sont envolés vers Israël. À leur arrivée dans ce pays, ils ont été choqués d'apprendre qu'on leur avait accordé la citoyenneté israélienne en vertu de la loi du retour. Selon le requérant principal, ils ont été «envoyés de force» en Israël et sont devenus des «otages d'Israël».
La requérante et les requérants mineurs ont adopté l'exposé narratif du requérant principal. Tous les requérants se considèrent comme apatrides et ont formulé leur revendication à l'encontre de la Russie qui était leur pays de résidence habituelle. Dans le cours de l'instance, les requérants ont déposé une revendication à l'égard d'Israël étant donné que la formation a conclu que les requérants étaient des citoyens de ce pays.
Essentiellement, la décision de la Commission s'appuie sur sa conclusion selon laquelle le récit des requérants concernant leur crainte d'être persécutés en Israël n'est pas digne de foi. Après avoir examiné la preuve, je suis d'avis que cette conclusion est raisonnable et qu'elle est appuyée par la preuve. Contrairement aux affirmations des requérants, la Commission a fourni de nombreuses raisons à l'appui de sa conclusion selon laquelle leur témoignage n'était pas digne de foi. Par exemple, le tribunal a noté que le requérant principal n'avait mentionné, dans la partie narrative de son FRP (sur lequel se sont appuyés tous les requérants) aucun des événements que les requérants ont par la suite décrits dans leur témoignage, c'est-à-dire les problèmes d'emploi, de logement, de harcèlement exercé auprès des requérants mineurs à l'école, et leur opposition au service militaire obligatoire. Lorsqu'un demandeur du statut de réfugié omet de mentionner des faits importants dans son FRP, la Commission peut légitimement considérer que cette omission porte atteinte à sa crédibilité. À mon avis, le tribunal était en droit de ne pas croire la prétention des requérants selon laquelle ils n'ont mentionné aucun de ces incidents parce qu'ils croyaient que leur revendication allait être évaluée au regard de la Russie.
En plus de mentionner les contradictions mal expliquées entre le FRP et le témoignage verbal des requérants, le tribunal a aussi noté le comportement, le manque de spontanéité et le manque de collaboration des requérants et a considéré que ces facteurs confirmaient son évaluation selon laquelle le récit des événements qui ont eu lieu en Israël n'était pas crédible. Il est bien établi que la Commission est en droit de tirer des inférences défavorables au niveau de la crédibilité à partir de tels facteurs et que, à moins que la conclusion concernant la crédibilité soit déraisonnable, la Cour ne doit pas intervenir.
La perception du tribunal, selon laquelle les requérants ne sont pas dignes de foi, équivaut en fait à conclure qu'il n'y a pas de preuve crédible lui permettant d'accueillir la revendication du statut de réfugié. Dans l'arrêt Sheikh c. Canada, (1990), 11 Imm. L.R. (2d) 81, page 86, le juge MacGuigan de la Cour d'appel fédérale, dit ceci :
Le concept de la crédibilité des éléments de preuve et celui de la crédibilité du demandeur sont évidemment deux choses différentes, mais il est évident que lorsque la seule preuve soumise au tribunal qui relie le demandeur à sa demande est celle que ce dernier fournit lui-même (outre, peut-être, les dossiers sur différents pays dont on ne peut rien déduire directement à l'égard de la revendication du demandeur), la perception du tribunal que le demandeur n'est pas un témoin crédible équivaut en fait à la conclusion qu'il n'existe aucun élément crédible sur lequel pourrait se fonder le second palier d'audience pour faire droit à la demande.
Étant donné qu'il s'agit d'un motif suffisant pour rejeter la demande de contrôle judiciaire, je conclus qu'il est inutile de traiter de la conclusion subsidiaire du tribunal selon laquelle, si les incidents décrits par les requérants étaient véridiques, ils ne constitueraient pas de la persécution.
Je conviens avec les parties qu'il n'y a pas de question à certifier.
O T T A W A
le 11 avril 1997
YVON PINARD
Juge
Traduction certifiée conforme
François Blais, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : IMM-1773-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :VLADIMIR GRINEVICH ET AL. c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 2 avril 1997
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : le juge Pinard
DATE :le 11 avril 1997
ONT COMPARU :
Robin Morch POUR LES REQUÉRANTS
Kevin Lunney POUR L'INTIMÉ
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Robin Morch POUR LES REQUÉRANTS
Toronto (Ontario)
George Thomson POUR L'INTIMÉ
Sous-procureur général du Canada