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Date : 19990816


Dossier : IMM-5221-97


Ottawa (Ontario), le lundi 16 août 1999.


EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE ROULEAU


ENTRE :

                     DAI SHUQING,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.


     ORDONNANCE


     VU LA DEMANDE, datée du 12 décembre 1997, qui a été présentée pour le compte du demandeur en vue d"obtenir le contrôle judiciaire de la décision, datée du 4 novembre 1997, que l"agent des visas D. Vaughan a rendue au Consulat général du Canada situé au 12/F, One Exchange Square, 8, Connaught Place, Hong Kong, dans le dossier B0304-5974-1, et qui a été transmise au demandeur le 15 novembre 1997, dans laquelle l"agent des visas a rejeté la demande dans laquelle le demandeur cherchait à obtenir le droit d'établissement de même qu"une ordonnance renvoyant la question à un autre agent des visas pour qu"il statue à son tour sur la demande.


     LA COUR ORDONNE :

     Que la demande soit rejetée.

P. ROULEAU

Juge





Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier






Date : 19990816


Dossier : IMM-5221-97

ENTRE :

                     DAI SHUQING,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale. Elle vise la décision de Daniel A. Vaughan, deuxième secrétaire du Consulat général du Canada à Hong Kong (l'agent des visas), datée du 4 novembre 1997, par laquelle ce dernier rejetait la requête du demandeur visant l'obtention de la résidence permanente au Canada.

[2]      Le demandeur est pilote et commandant de bord pour Air China; il a plus de 18 ans d'expérience. Il a présenté sa demande de résidence permanente au Canada le 11 juillet 1996 au Consulat général du Canada à Hong Kong et a eu une entrevue avec l'agent des visas Daniel A. Vaughan, le 4 novembre 1997. L'agent des visas a accordé trois points d'appréciation au demandeur pour le facteur " personnalité ". En conséquence, ce dernier n'a pas reçu le nombre suffisant de points d'appréciation pour immigrer au Canada. L'agent des visas n'a pas apprécié le demandeur au vu d'autres professions pour lesquelles il pourrait se qualifier et qu'il serait prêt à pratiquer au Canada.

[3]      Le demandeur soutient que l'agent des visas a commis une erreur en ne lui accordant que trois points d'appréciation pour le facteur " personnalité ", et il pose les questions suivantes :

a)      L'agent des visas a-t-il négligé de tenir compte de la preuve pertinente, tenu compte d'une preuve inappropriée, ou a-t-il d'une autre façon mal interprété la preuve et ainsi tiré des conclusions de fait erronées dans sa prise de décision?
b)      L'agent des visas a-t-il violé son obligation d'équité envers le demandeur en ne lui accordant pas l'occasion de prendre connaissance de ce qu'il considérait être les aspects négatifs de sa demande et de présenter son point de vue?
c)      L'agent des visas a-t-il commis une erreur dans son appréciation du facteur " personnalité ", en soumettant le demandeur à une " double pénalité " en tenant compte d'une preuve, ou de faits ou critères pour lesquels le demandeur était déjà apprécié en vertu de critères de sélection distincts?
d)      L'agent des visas a-t-il pris une décision manifestement déraisonnable quant à la " personnalité " du demandeur?
e)      L'agent des visas a-t-il commis une erreur en ne faisant pas l'appréciation du demandeur au vu d'autres professions pour lesquelles il est qualifié?

[4]      Le demandeur soutient que l'agent des visas en l'instance a commis plusieurs erreurs dans son appréciation des critères de sélection prévus à l'annexe 1 du Règlement sur l'immigration. Il soutient que l'agent des visas a négligé de tenir compte de la preuve pertinente, qu'il a par contre tenu compte d'une preuve inappropriée ainsi que de conclusions de fait erronées, qu'il a infligé une " double pénalité " au demandeur sous deux critères de sélection distincts, et qu'il ne l'a pas informé de ses inquiétudes non plus qu'il ne lui a donné l'occasion de présenter son point de vue à leur sujet.

[5]      Il soutient que l'agent des visas a tiré une conclusion défavorable du fait que les contacts du demandeur avec le Canada étaient limités et qu'il n'avait pas de fortes attaches à ce pays, et qu'il a tenu compte d'une preuve inappropriée, ce qui fait que ses attentes étaient manifestement déraisonnables. Il ajoute que l'agent des visas n'a pas respecté son obligation de l'informer qu'il avait des inquiétudes pouvant avoir un impact négatif sur sa demande, non plus qu'il ne lui a donné l'occasion de donner son point de vue à ce sujet.

[6]      Il a tiré une conclusion de fait erronée lorsqu'il a décidé que le demandeur connaissait peu le Canada, puisque rien n'indique que l'agent des visas ait posé des questions au demandeur quant à sa connaissance du pays.

[7]      Il soutient que les points donnés par l'agent des visas pour la " personnalité " sont dus en partie au fait que ce dernier n'a pas aimé la façon dont le demandeur a procédé pour se chercher un emploi; il ajoute que rien dans la preuve n'indique que l'agent des visas l'ait informé que le fait qu'il ne pouvait traiter des exigences provinciales en matière de licences pour les pilotes aurait un impact négatif sur l'appréciation de sa personnalité alors qu'il en a tiré une conclusion défavorable.

[8]      Le fait que sa licence ne l'autorise qu'à piloter des Boeing 737 n'a aucune importance et l'agent des visas aurait dû tenir compte de son expérience comme instructeur pilote.

[9]      Le demandeur soutient aussi que l'agent des visas a commis une erreur en interprétant de façon défavorable le fait qu'il n'avait travaillé que pour deux employeurs pendant une longue période; qu'il est déraisonnable de donner une interprétation défavorable au fait que son expérience avait été acquise avec les forces armées chinoises et au sein de la ligne d'aviation " d'État ", alors qu'il pilote un avion de ligne commerciale et qu'on peut donc présumer qu'il connaît l'industrie de l'aviation civile en général.

[10]      Le demandeur soutient que l'agent des visas n'a pas donné une occasion appropriée à son épouse de démontrer qu'elle parlait anglais et qu'il l'a appréciée défavorablement; et il ajoute qu'il n'était pas juste de donner une telle interprétation défavorable sans permettre à son épouse de donner son point de vue à ce sujet.

[11]      Le demandeur soutient aussi que l'agent des visas lui a infligé une " double pénalité ", puisqu'il semble avoir tenu compte de la demande pour la profession visée, ainsi que pour le demandeur en particulier comme " commandant de bord ", un facteur dont il avait déjà tenu compte sous le critère de sélection de la " demande dans la profession ".

[12]      Le demandeur soutient finalement qu'il est très qualifié pour plusieurs occupations connexes à celle de pilote, et qu'il est disposé à pratiquer ces professions car les qualifications requises sont inhérentes à son expérience. C'était donc une erreur que de ne pas l'avoir apprécié au vu de ces professions.

[13]      Le défendeur soutient que le demandeur n'a pas démontré que l'agent des visas a commis une erreur en appréciant la personnalité du demandeur; que le fait qu'il n'a pas fait référence à toute la preuve n'est pas fatal; et que lorsqu'une personne désire venir au Canada, le fardeau de la preuve lui incombe.

[14]      Le défendeur soutient qu'il est pertinent d'examiner l'étendue des connaissances et des attaches du demandeur vis-à-vis le Canada lorsqu'il faut évaluer le sens de l'initiative et la débrouillardise que doit posséder le demandeur pour s'établir avec succès au Canada. Il soutient que l'agent des visas a concentré son examen sur la question de savoir quelles démarches le demandeur avait faites au sujet des exigences canadiennes en matière de licences de pilote, puisqu'il s'agissait d'un indicateur de son sens de l'initiative et de sa débrouillardise. L'agent des visas a conclu que le demandeur connaissait peu le Canada et, notamment, qu'il ne connaissait pas les procédures pour obtenir une licence de pilote au Canada et qu'il n'avait fait aucune recherche quant aux perspectives d'emploi pour les pilotes au Canada. Le fait que l'avocate du demandeur procède en ce moment à des recherches sur les exigences canadiennes pour obtenir une licence de pilote, à la demande de son client, n'a aucune incidence en l'espèce.

[15]      Lorsqu'il examine la personnalité, l'agent des visas peut tenir compte de la carrière d'un demandeur pour évaluer son sens de l'initiative et sa capacité d'adaptation; rien dans la preuve ne démontre qu'il n'a pas tenu compte de tous les facteurs pertinents en évaluant la demande. Le nombre de points d'appréciation accordés est une question de jugement pour l'agent des visas et, dans le contexte de cette affaire, le demandeur n'a pas démontré les motifs qui justifieraient l'annulation de cette décision discrétionnaire.

[16]      Le défendeur soutient que l'agent des visas a informé le demandeur de son appréciation à la fin de l'entrevue et lui a dit que sa demande serait refusée. En conséquence, le demandeur pouvait faire valoir son point de vue quant aux inquiétudes de l'agent des visas à ce moment-là, à supposer qu'il avait d'autres éléments de preuve ou renseignements à lui fournir à l'appui de sa demande. Ce fardeau lui incombait.

[17]      Le défendeur soutient que rien dans la preuve ne démontre que l'agent des visas aurait infligé une " double pénalité " au demandeur en tenant compte de la disponibilité des emplois et des perspectives du demandeur pour décider combien de points lui donner pour les facteurs " demande dans la profession " et " personnalité ". Il soutient que l'agent des visas, lorsqu'il aborde le facteur personnalité, peut tout à fait examiner, à partir d'une perspective différente, les questions qui sont traitées ailleurs dans l'annexe 1 du Règlement sur l'immigration .

[18]      Le défendeur soutient que l'agent des visas n'a pas commis d'erreur en n'évaluant pas le demandeur au vu de professions connexes à celle de pilote, puisqu'il a apprécié le demandeur en fonction de la profession que ce dernier visait, savoir commandant de bord. Subsidiairement, il ajoute que l'agent des visas a apprécié le demandeur au vu de la profession qui lui accordait le plus de points.

[19]      Les deux parties conviennent qu'afin d'obtenir gain de cause dans un examen fait en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, le demandeur doit démontrer soit qu'il ressort du dossier que l'agent des visas a commis une erreur de droit, soit qu'il y a eu violation de l'obligation d'équité requise à l'égard de cette appréciation administrative.

[20]      Il est bien établi en droit que la Cour ne peut substituer son propre pouvoir discrétionnaire à celui de l'agent des visas. Dans Chiu Chee To c. M.E.I.1, la Cour d'appel fédérale a décidé que la cour ne devait pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment. Selon la Cour d'appel, lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et conformément aux principes de justice naturelle par un décideur qui ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision. Pour qu'une cour intervienne dans de telles décisions, le demandeur doit démontrer l'existence de circonstances extraordinaires et exceptionnelles qui justifieraient son intervention2.

[21]      Par conséquent, au vu des circonstances de cette affaire, il semble que le demandeur n'a pas démontré que l'agent des visas aurait exercé son pouvoir discrétionnaire de mauvaise foi, agi de façon déraisonnable, négligé de tenir compte de la preuve qui lui était soumise, ou fondé sa décision sur des considérations inappropriées. Il ressort que l'agent des visas a fait son travail au mieux, en faisant bon usage de son jugement.

[22]      La demande est rejetée.


P. ROULEAU

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 16 août 1999.

Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :              IMM-5221-97


INTITULÉ DE LA CAUSE :      DAI SHUQING c. LE MINISTRE DE LA
                     CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)


DATE DE L'AUDIENCE :          le 30 juillet 1999


MOTIFS DE L'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR M. LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :              16 août 1999



ONT COMPARU :


M. Doug Page          POUR LE DEMANDEUR

Mme Emilia Pech          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Mme Carolyn M. Laws          POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)


M. Morris Rosenberg          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      [1996] J.C.F. no 696 (C.A.F.).

2      Choi c. M.E.I., [1992] 1 C.F. 763 (C.A.F.).

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