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     IMM-1640-96

Ottawa (Ontario), le jeudi 11 septembre 1996

En présence de : Monsieur le juge suppléant Darrel V. Heald

ENTRE

     WINDELL JOSEPH ROBINSON,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                             Darrel V. Heald

                                 Juge suppléant

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet

     IMM-1640-96

ENTRE

     WINDELL JOSEPH ROBINSON,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de l'avis de l'intimé, daté du 2 avril 1996 et fondé sur le paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration, selon lequel le requérant constitue un danger pour le public au Canada. Cet avis était daté du 2 avril 1996 et a été signé par le délégué du ministre intimé.

LES FAITS

         Le requérant est né à Montego Bay (Jamaïque) le 6 novembre 1964, et continue d'être citoyen jamaïquain. Le 7 mai 1983, à l'âge de 18 ans, il est arrivé au Canada en tant qu'immigrant ayant obtenu le droit d'établissement. En 1989, il a été déclaré coupable de deux chefs d'accusation de voie de fait grave et d'un chef d'accusation d'utilisation d'une arme à feu pendant qu'il commettait un acte criminel. Il a été condamné à un emprisonnement de six ans pour chacune des voies de fait graves qu'il devait purger concurremment. Pour le chef d'accusation d'utilisation d'une arme à feu pendant qu'il commettait un acte criminel, il a été condamné à un emprisonnement d'un an qu'il devait purger consécutivement aux peines prononcées pour les voies de fait graves. Il a été au début mis en liberté lorsqu'il a obtenu la libération conditionnelle totale en février 1993. Sa liberté conditionnelle a été deux fois suspendue, mais aucune accusation n'a été portée contre lui relativement à l'une ou à l'autre des suspensions.

         Le 1er février 1996, on a signifié au requérant une lettre de notification l'avisant que les autorités d'immigration demanderaient à l'intimé d'émettre un avis selon lequel il constituait un danger pour le public au Canada, conformément au paragraphe 70(5) supra1. On a donné au requérant quinze jours pour présenter des observations. En outre, une liste de documents qui pourrait être examinée par le ministre figurait dans la lettre de notification. L'avocat du requérant a présenté des observations par lettre datée du 8 mars 1996. Le 22 mars 1996, l'avocat du requérant a reçu une copie du rapport ministériel. Ce rapport était essentiellement une recommandation faite à l'intimé pour qu'il émette un avis de danger pour le public, accompagnée d'un exposé du motif de l'émission d'un tel avis. L'avocat du requérant a alors fait d'autres observations par lettre datée du 25 mars 1996. Le 2 avril 1996, le délégué du ministre a signé l'avis selon lequel le requérant constituait un danger pour le public.

LES POINTS LITIGIEUX

     1.      Le délégué du ministre a-t-il commis une erreur en appliquant le mauvais critère dans l'émission de l'avis fondé sur le paragraphe 70(5)?
     2.      Le délégué du ministre a-t-il eu tort de s'appuyer sur des facteurs dénués de pertinence, ou de s'appuyer sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire?

ANALYSE

I Le mauvais critère

         Il est allégué que le délégué du ministre a appliqué le mauvais critère en omettant d'examiner le danger présent ou futur. Cet argument n'est pas convaincant. Tant la recommandation de l'agent que celle du directeur figurant dans le rapport ministériel s'appuient sur la motivation du requérant et sa participation au programme de prévention de la toxicomanie et à la programmation de formation. Il s'agit là des indications raisonnables de la mesure de la réintégration du requérant. Le rapport ministériel donne un fondement important à l'avis de danger définitif. L'avis du ministre reposant sur une approche prospective découle très raisonnablement du rapport ministériel produit en preuve. À mon avis, il n'existe au dossier aucun autre élément de preuve qui étaye un point de vue contraire.

II Facteurs dénués de pertinence ou conclusions de fait tirées de façon abusive ou arbitraire

         Le second argument du requérant repose sur la recommandation qu'a faite le directeur au délégué du ministre, recommandation figurant dans le rapport ministériel. Voici cette recommandation :

         [TRADUCTION] Selon la prépondérance des probabilités, M. Robinson représente effectivement un danger pour le public. Il ne semble pas qu'il ait été très motivé pour suivre le programme de formation ou les programmes de prévention de la toxicomanie recommandés2.

         L'avocat du requérant dit que cette déclaration est erronée. Selon l'avocat, cette recommandation joue un rôle important dans la formulation de l'avis définitif, ainsi qu'il a été discuté dans l'affaire Hinds c. M.C.I. (1996), 123 F.T.R. 297, 37 Imm.L.R. (2d) 31. En conséquence, le requérant prétend que cette erreur dans la recommandation dénigre dans une importante mesure l'avis du délégué du ministre.

         Je ne suis pas d'accord. Dans l'arrêt Williams c. Canada (MCI)3, le juge Strayer s'est prononcé en ces termes au nom de la Cour d'appel fédérale : "Il existe une jurisprudence abondante selon laquelle, à moins que toute l'économie de la Loi n'indique le contraire en accordant par exemple un droit d'appel illimité contre un tel avis, ces décisions subjectives ne peuvent pas être examinées par les tribunaux, sauf pour des motifs comme la mauvaise foi du décideur, une erreur de droit ou la prise en considération de facteurs dénués de pertinence." Autrement dit, l'arrêt Williams affirme que lorsqu'un avis de bonne foi a été formulé par le ministre ou le délégué du ministre, il n'est pas sujet à contrôle en vue d'une exactitude objective. Il ressort du dossier en l'espèce que le délégué du ministre fondait sa recommandation défavorable sur les commentaires de l'agent de révision initial. Voici ces commentaires4 : [TRADUCTION] "Je ne serais pas d'accord avec l'observation de M. Rieckens selon laquelle M. Robinson a de façon satisfaisante achevé le programme correctionnel établi pour lui. Cela peut être un peu trompeur pour le lecteur. En fait, dans certains rapports établis par le service correctionnel, sa participation aux programmes a été décrite au moyen des propos suivants "a considéré le programme comme quelque chose à subir plutôt comme une possibilité d'apprendre". Le Dr Holtz, psychologue, a remarqué à la fin de l'une des séances du groupe des délinquants violents que le sujet n'était pas motivé pour participer à un autre counseling psychologique. [souligné dans l'original]

         Lorsqu'on examine ce rapport clairement défavorable avec certains rapports du service correctionnel qui, eux aussi, commentaient défavorablement la participation du requérant aux divers programmes de réadaptation, je n'hésite nullement à conclure, compte tenu de la totalité des éléments de preuve, que la conclusion tirée par le délégué du ministre était celle qu'il lui était raisonnablement loisible de formuler en se fondant sur le dossier.

CONCLUSION

         Par ces motifs, je conclus qu'on n'a pas rapporté la preuve de l'existence d'une erreur susceptible de contrôle.

CERTIFICATION

         Ni l'une ni l'autre des parties n'a proposé que soit certifiée une question grave de portée générale en application de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. J'y souscris. En conséquence, il n'y a pas lieu à certification.

                                 Darrel V. Heald

                                     Juge suppléant

Ottawa (Ontario)

le 11 septembre 1997

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-1640-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :              WINDELL JOSEPH ROBINSON c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 14 août 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE SUPPLÉANT HEALD

EN DATE DU                      11 septembre 1997

ONT COMPARU :

C. Elgin                      pour le requérant

Daniel Poulin                  pour l'intimé

                    

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Mcpherson, Elgin & Cannon      pour le requérant

Vancouver (C.-B.)

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

                             pour l'intimé

        

__________________

     1          70(5) Ne peuvent faire appel devant la section d'appel les personnes, visées au paragraphe (1) ou aux alinéas (2)a) ou b), qui, selon la décision d'un arbitre :
             a) appartiennent à l'une des catégories non admissibles visées aux alinéas 19(1)c), c.1), c.2) ou d) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada;              b) relèvent du cas visé à l'alinéa 27(1)a.1) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada;              c) relèvent, pour toute infraction punissable aux termes d'une loi fédérale d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, du cas visé à l'alinéa 27(1)d) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada.

     2      Dossier du requérant, page 89.

     3      [1997] 2 C.F.646, à la page 664; (1997), 147 D.L.R. (4th) 93, à la page 104.

     4      Dossier du requérant, page 87.

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