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Date : 20000414


Dossier : T-224-98

OTTAWA (Ontario), le 14 avril 2000

EN PRÉSENCE du juge Rouleau

         AFFAIRE INTÉRESSANT un appel fondé sur l"article 56 de la Loi sur les marques de commerce , L.R.C. (1985), ch. T-13, à l"égard d"une décision en date du 9 décembre 1997 par laquelle le registraire a rejeté l"opposition de Novopharm Limited à une demande de marque de commerce canadienne no 694,410 au sujet de la marque CAPSULE DESIGN BROWN-PINK déposée par Astra Aktiebolag (auparavant Aktiebolaget Astra)

ENTRE ;

     NOVOPHARM LIMITED,

     appelante,

ET :

     ASTRA AKTIEBOLAG et

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimés.


     JUGEMENT

     L"appel est accueilli avec dépens en faveur de l"appelante.


                         P. ROULEAU

                                 JUGE

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.






Date : 20000414


Dossier : T-224-98


         AFFAIRE INTÉRESSANT un appel fondé sur l"article 56 de la Loi sur les marques de commerce , L.R.C. (1985), ch. T-13, à l"égard d"une décision en date du 9 décembre 1997 par laquelle le registraire a rejeté l"opposition de Novopharm Limited à une demande de marque de commerce canadienne no 694,410 au sujet de la marque CAPSULE DESIGN BROWN-PINK déposée par Astra Aktiebolag (auparavant Aktiebolaget Astra)

ENTRE ;

     NOVOPHARM LIMITED,

     appelante,

ET :

     ASTRA AKTIEBOLAG et

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimés.


     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROULEAU, J.

[1]          Il s"agit d"un appel à l"égard d"une décision en date du 9 décembre 1997 par laquelle le registraire des marques de commerce a rejeté l"opposition de Novopharm à la demande de marque de commerce canadienne no 692,410 déposée par l"intimée Astra Aktiebolag (" Astra ").

[2]          Le 28 octobre 1991, Astra a déposé une demande visant à faire enregistrer la marque de commerce CAPSULE DESIGN BROWN-PINK. La demande était fondée sur l"utilisation de la marque au Canada depuis juin 1989 ou avant en liaison avec des préparations pharmaceutiques, soit de l"oméprazole. La marque est décrite et illustrée comme suit dans la demande :




     [TRADUCTION] Le dessin se compose de la couleur rose appliquée sur l"ensemble de la surface visible de la capsule opaque, tel qu"illustré sur les dessins, et de la couleur roux appliquée sur la coiffe de la capsule, comme l"indiquent les dessins ainsi que les spécimens joints à la demande. Le dessin est hachuré de manière à indiquer les couleurs rose et brune et revendiqué comme caractéristique. La capsule figurant dans le dessin en pointillé ne fait pas partie de la marque de commerce.

[3]          Le 8 février 1994, Apotex a déposé une déclaration d"opposition à la demande de marque de commerce, invoquant les motifs suivants :

     [TRADUCTION] (1) La marque en question n"est pas une marque de commerce, parce que la couleur et la forme d"une capsule ne sont pas adaptées pour distinguer les marchandises de l"intimée de celles de tierces parties.
     (2) La demande ne comporte aucune représentation exacte de la marque de commerce revendiquée.
     (3) La marque de commerce revendiquée n"est pas distinctive, parce qu"elle ne distingue pas les marchandises de l"intimée de celles de tierces parties ni n"est adaptée à cette fin. Novopharm a soutenu qu"en tout temps pertinent, deux capsules aux tons rose et brun étaient couramment vendues dans l"industrie et utilisées par des tiers et continuent à l"être, de sorte que les marchandises de l"intimée ne peuvent être distinguées des comprimés d"autres propriétaires.

[4]          Le 31 mars 1994, Astra a déposé une contre-déclaration dans laquelle elle a nié les allégations de la déclaration d"opposition. Par la suite, le 18 mars 1997, Novopharm et Astra ont toutes deux déposé des observations écrites et formulé des arguments au cours de l"audience tenue le 27 novembre 1997 devant le registraire des marques de commerce. Dans une décision datée du 19 décembre 1997, le registraire a rejeté l"opposition de l"appelante en partie pour les motifs suivants :

     [TRADUCTION] ... J"ai récemment eu l"occasion d"examiner une marque-dessin de comprimé dans l"affaire Novopharm Ltd. c. Bayer Inc. (demande no 657,397 concernant la marque CIRCLE DESIGN; 23 décembre 1996; décision non encore publiée) :
         Le contenu de la description exigée pour définir une marque relative à un comprimé a été commenté dans Novopharm Ltd. c. Burroughs Wellcome Inc. (1993), 52 C.P.R. (3d) 263 (COMC), conf. dans Burroughs Wellcome Inc. c. Novopharm Ltd. (1994) 58 C.P.R. (3d) 513 (C.F. 1re inst.). D"après mon interprétation de ces décisions, la demande de marque de commerce qui intègre un dessin illustrant fidèlement au moins une perspective d"un comprimé respecte les exigences de l"article 30 qui concernent le contenu et la forme, en autant (i) qu"un spécimen du comprimé a été déposé auprès du Bureau; (ii) que la description écrite de la marque figurant dans la demande de marque de commerce renvoie au spécimen déposé auprès du Bureau.
     Dans la présente affaire, le dessin joint à la demande de marque de commerce illustre fidèlement une perspective de la capsule de la requérante et les critères (i) et (ii) susmentionnés ont également été respectés. L"opposante a souligné à juste titre que les spécimens produits par la requérante peuvent se détériorer avec le temps; cependant, je ne suis pas disposé à conclure que l"article 30 n"a pas été respecté pour cette seule raison. L"opposante a souligné également que les capsules de la requérante effectivement utilisées comportent la mention " 20 " à l"encre noire [ce qui indique la posologie] ainsi que la lettre " A " [qui renvoie à Astra] au-dessus des lettres " OM " [qui désignent l"oméprazole]. Cependant, la présence de ces marques sur les capsules n"entraîne aucune conséquence importante; voir, par exemple, Novopharm Ltd. c. Burroughs Wellcome Inc. (COMC), ci-dessus, p. 269, alinéa g. De plus, il semblerait que les marques susmentionnées aient un rôle principalement fonctionnel, soit celui d"indiquer le type de médicament, la posologie et le nom du fabricant aux pharmaciens et médecins. Par conséquent, j"estime que la requérante a respecté les exigences de l"article 30; les motifs d"opposition énoncés aux sous-alinéas a (i) et (ii) sont donc rejetés.
     En ce qui a trait à l"opposition formulée à l"alinéa b ), il incombe à la requérante de démontrer que sa marque distingue véritablement ses marchandises de celles des tiers qui sont vendues au Canada... L"existence d"un fardeau de preuve signifie que, lorsqu"une conclusion définie ne peut être tirée une fois que tous les éléments de preuve ont été présentés, la question doit être tranchée à l"encontre de la partie requérante. La date pertinente pour l"examen des circonstances concernant le caractère distinctif est la date du dépôt de l"opposition, en l"occurrence, le 8 février 1994... Même si la preuve doit indiquer que les marques invoquées par l"opposante sont connues jusqu"à un certain point, il n"est pas nécessaire de prouver qu"elles sont bien connues. Il suffit que l"opposante prouve que les autres marques sont devenues suffisamment connues pour nier le caractère distinctif de la marque de la requérante.
     La preuve de Peter Dixon qui a été présentée au nom de la partie requérante est pertinente quant à la question du caractère distinctif et peut être résumée comme suit : le produit oméprazole de la requérante a été lancé en mai 1995 sous sa forme actuelle, c"est-à-dire [TRADUCTION] " des capsules de gélatine en deux parties, soit une cavité opaque de couleur rose et une coiffe de couleur roux. Les capsules renferment 20 mg d"oméprazole et ont toujours été vendues sous la marque LOSEC, qui est une marque de commerce déposée ". Les couleurs et la forme des capsules sont demeurées inchangées depuis le lancement du comprimé sur le marché. Le produit LOSEC de la requérante est utilisé pour le traitement des troubles gastro-intestinaux comme les ulcères et est vendu au Canada par l"entremise de la filiale ou du distributeur canadien de la requérante, Astra Pharma. Selon M. Dixon, LOSEC est le produit pharmaceutique de prescription le plus vendu au Canada en termes de montants des ventes. En effet, ces montants ont atteint 3 500 000 $ en 1989, 45 000 000 $ en 1991, 94 000 000 $ en 1993 et 128 000 000 $ en 1994. Les frais de promotion et de publicité de la marque LOSEC en ce qui concerne la capsule brune et rose de la requérante s"établissaient à environ 1 200 000 $ par année pour les années 1989 et 1991 et ont grimpé à environ 2 000 000 $ par année dès 1992. Il appert du contre-interrogatoire des déposants de la partie opposante que le LOSEC est le produit classé au deuxième rang au Canada (à l"exclusion des anti-acides) en termes de fréquence d"usage pour le traitement des troubles gastro-intestinaux. La preuve au dossier, y compris la preuve découlant du contre-interrogatoire des déposants de l"opposante, appuie de façon générale l"argument de la requérante selon lequel les médecins, les pharmaciens et les consommateurs reconnaissent un médicament par la couleur, la forme et la grosseur du comprimé et que, plus précisément, les mêmes groupes connaissent assez bien la capsule LOSEC aux tons brun et rose qui fait l"objet de la présente affaire.
     La preuve que l"opposante a présentée en réponse à la demande de la requérante est assez bien résumée à mon sens au paragraphe 57 des observations écrites de celle-ci :
         [TRADUCTION] L"opposante a présenté des éléments de preuve indiquant que l"apparence de capsules de RESTORIL 15 mg, SURGAM 300 mg et DALACIN C était semblable à la marque de commerce de la requérante... Or, aucun de ces produits ne renferme de l"oméprazole et aucun ne pourrait remplacer le produit de la requérante. De plus, contrairement à l"oméprazole, aucun de ces produits n"est indiqué pour le traitement des troubles gastro-intestinaux. Enfin, il n"y a aucun élément de preuve indiquant que l"un ou l"autre de ces produits avait une renommée au Canada à la date pertinente...
                     (non souligné à l"original)
     La date pertinente mentionnée est la date de l"opposition, soit le 8 février 1994. En résumé, la preuve présentée par l"opposante n"appuie pas vraiment la thèse de celle-ci, tandis que celle de la requérante et le témoignage que les représentants de la requérante ont présenté en contre-interrogatoire indiquent selon la probabilité la plus forte qu"à la date pertinente, la marque visée par la demande était distinctive en ce qui a trait au médicament de la requérante servant au traitement des troubles gastro-intestinaux, soit l"oméprazole.

[5]          Novopharm interjette maintenant appel de cette décision au motif que le registraire a commis une erreur en concluant que :

     a) la marque visée par la demande était une marque de commerce ou avait été employée comme marque de commerce alors que la couleur n"était pas la seule marque figurant sur la capsule et ne pouvait permettre de distinguer les marchandises de la requérante, compte tenu de l"existence d"autres capsules de la même couleur sur le marché;
     b) le dessin TABLET DESIGN de la requérante était distinctif, parce que [TRADUCTION] " les médecins, pharmaciens et consommateurs reconnaissent un médicament par la couleur, la forme et la grosseur du comprimé et que, plus précisément, les mêmes groupes connaissent assez bien la capsule LOSEC aux tons brun et rose qui fait l"objet de la demande ", alors qu"aucun médecin, pharmacien ou patient n"a déclaré en preuve qu"il reconnaissait la couleur comme élément indiquant que l"oméprazole provenait d"une seule source;
     c) la demande comprenait un dessin de la marque de commerce, alors qu"il est mentionné clairement dans ladite demande que le dessin du comprimé ne faisait pas partie de la marque de commerce;
     d) le dépôt de spécimens joints à la demande signifiait que les exigences de l"article 30 de la Loi sur les marques de commerce avaient été respectées, même si cette disposition exige un dessin.

[6]          Après avoir examiné avec soin les observations écrites et passé en revue les arguments plaidés à l"audience devant moi, je suis convaincu que l"appel de la décision du registraire devrait être accueilli.

[7]          D"abord, l"alinéa 30h ) de la Loi sur les marques de commerce énonce qu"une demande de marque de commerce doit contenir un dessin de la marque de commerce et le nombre de représentations exactes de la marque qui est prescrit. Il incombe à la partie qui demande l"enregistrement d"une marque de prouver qu"elle respecte cette exigence. Le dessin présenté doit être une représentation significative de la marque de la partie requérante dans le contexte de la description écrite figurant dans la demande et doit permettre de déterminer les limites tridimensionnelles de la capsule sur laquelle la couleur est appliquée. Ces exigences législatives sont fondées sur le principe selon lequel l"enregistrement d"une marque de commerce constitue un monopole et que la portée de cet enregistrement doit donc être précise. Comme l"a dit la Cour dans l"affaire Calumet Manufacturing Ltd. c. Mennen Inc . (1991), 40 C.P.R. (3d) 76, p. 87 :

     C'est la marque ainsi illustrée dans le dessin et qui peut être reproduite grâce à un certificat d'enregistrement qui informe alors les tiers du droit de propriété que possède le propriétaire ou l'usager inscrit à l'égard de la marque de commerce et qui constitue le fondement de preuve dans une action en contrefaçon ou en radiation. Aussi utiles que des photographies et des échantillons d'une marque de commerce, y compris d'un signe distinctif, puissent être dans une demande d'enregistrement pour s'assurer que le dessin constitue une représentation raisonnable de la marque de commerce revendiquée, elles ne font pas partie, à mon avis, de la marque de commerce aux fins de l'enregistrement et pour toute autre fin visée par la Loi.

[8]          Dans la présente affaire, je conviens avec Novopharm que la demande de marque de commerce de l"intimée prête à confusion et est ambiguë et qu"elle découle d"une contradiction entre la description et la dénégation. Il est difficile de savoir si la demande vise une forme et les couleurs ou seulement les couleurs. Bien qu"il soit mentionné dans la demande que la forme de la capsule n"est pas visée, l"appelante soutient que sa marque de commerce est foncièrement distinctive en raison de la [TRADUCTION] " combinaison de couleur et de forme qu"elle présente ". La demande donnera donc lieu à une marque de commerce qui ne couvre pas uniquement la forme de la capsule et Astra a admis que sa marque de commerce est formée d"une combinaison de couleurs et de forme. De plus, le registraire a commis une erreur lorsqu"il a conclu que l"article 30 de la Loi sur les marques de commerce est respecté lorsqu"un spécimen a été déposé auprès du Bureau des marques de commerce et que la description écrite de la marque dans le mémoire descriptif renvoie au spécimen déposé auprès du Bureau. Cette conclusion va à l"encontre du principe établi dans la jurisprudence, suivant lequel le spécimen produit pour clarifier une couleur ou une forme ne remplace pas une description écrite et ne peut corriger une faille de celle-ci.

[9]          En tout état de cause, j"estime que la question principale à trancher en l"espèce est celle de savoir si la marque de commerce examinée est distinctive. Le mot " distinctive " est défini comme suit à l"article 2 de la Loi sur les marques de commerce :

     " distinctive " Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

[10]          Dans Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1985), 7 C.P.R. (3d) 254, p. 270, la Cour a statué qu"il est nécessaire d"établir trois conditions pour prouver le caractère distinctif :

     ... 1) la marque doit être reliée à un produit (ou marchandise); (2) le " propriétaire " doit utiliser ce lien entre la marque et son produit, en plus de fabriquer et de vendre ce produit; 3) ce lien permet au propriétaire de la marque de distinguer son produit de celui d'autres fabricants.

[11]          La question de savoir si une marque de commerce respecte ces trois exigences est une question de fait à trancher en examinant toutes les circonstances de l"affaire. À cette fin, le principal facteur à prendre en compte est le message que la marque de commerce transmet au public. Ce principe a été énoncé par le juge Strayer, alors juge de première instance de la Cour, dans Royal Doulton Tableware Ltd. c. Cassidy"s Ltd., [1986] 1 C.F. 357, p. 370-371 :

     Il convient de remarquer qu"une marque de commerce distinctive est une marque qui relie, par exemple, des marchandises à un vendeur de manière à distinguer ses marchandises de celles des autres vendeurs. Elle n"est pas distinctive si elle distingue simplement le dessin d"une marchandise du dessin d"une autre marchandise même si un initié peut savoir que ces deux sortes de marchandises sont respectivement vendues par deux différents vendeurs. Une telle conception du caractère distinctif va à l"encontre de l"un des objets essentiels des marques de commerce qui vise à assurer à l"acheteur que les produits viennent d"une source bien précise dans laquelle il a confiance.
     . . .
     En dernière analyse, ces arrêts établissent que l"élément essentiel est l"image donnée au public.

                             (non souligné à l"original)


[12]          Il incombe donc à la partie qui demande l"enregistrement d"une marque de commerce de démontrer qu"elle a choisi un dessin particulier à titre de caractéristique distinctive de son produit et que celui-ci est devenu connu et a acquis une renommée dans l"esprit des consommateurs en raison de cette caractéristique. À moins que la partie requérante ne soit en mesure de présenter des éléments de preuve établissant ce fait, elle n"aura pas droit à l"enregistrement de la marque en question. Dans l"arrêt Oxford Pendaflex Canada Ltd. c. Korr Marketing Ltd. (1982), 64 C.P.R. (2d) (C.S.C.), le juge Estey a formulé les remarques suivantes à la page 7 :

     Quant à la question qui se pose directement en l"espèce, on peut se laisser guider jusqu"à un certain point par l"observation du lord juge Russell dans l"arrêt Roche Produit Ltd. et Al v. Berk Pharmaceuticals Ltd. , [1973] R.P.C. 473, à la p. 482 :
         [TRADUCTION] Or, ici comme dans toutes les autres affaires de passing-off, la question fondamentale est de savoir si, directement ou indirectement, la façon dont le défendeur présente ses marchandises aux consommateurs visés a pour effet de susciter dans leur esprit l"impression qu"il s"agit des marchandises du demandeur. Dans une affaire de présentation, il ne suffit pas de dire tout simplement que les marchandises du défendeur ressemblent beaucoup à celles du demandeur. Il faut établir que les consommateurs, en raison de la présentation des marchandises du demandeur, en sont venus à les considérer comme ayant une source ou origine commerciale unique, que ce soit sur le plan de la fabrication ou sur celui de la mise en marché, peu importe qu"ils en connaissent ou pas le nom.
     Il faut remarquer que dans la première partie de l"observation du lord juge Russell, il semble nécessaire que le public acheteur ait l"impression que les marchandises du défendeur sont les marchandises du demandeur. La deuxième partie de l"alinéa établit clairement, toutefois, qu"il est tout simplement nécessaire que l"acheteur croie que tous les comprimés (dans cette affaire-là), en raison de leur forme, de leur taille et du genre de marque, ont une " origine commerciale unique ".

                             (non souligné à l"original)


[13]          Dans la présente affaire, étant donné que la marque de commerce proposée se compose de la couleur et de la forme des marchandises, Astra doit prouver que l"" apparence ", du comprimé est reconnue par le public comme une caractéristique distinctive de ses produits. Dans l"arrêt Novopharm Ltd. c. Bayer Inc. , précité, le juge Evans a formulé les remarques suivantes :

     Tout d"abord, il y a lieu d"indiquer que, tant au cours de la procédure d"opposition tenue devant le registraire que dans le cadre de la procédure d"appel qui se déroule devant la présente Cour, le fardeau d"établir le caractère distinctif de la marque incombe à la requérante. Ainsi, Bayer doit établir selon la prépondérance de la preuve qu"en 1992, lorsque Novopharm a déposé son opposition à la demande, les consommateurs ordinaires associaient les comprimés de 10 mg à libération progressive ADALAT ronds et rose antique avec Bayer ou avec un seul fournisseur ou fabricant . . .
     Deuxièmement, pour répondre à cette question, les " consommateurs ordinaires " dont il faut tenir compte sont non seulement les médecins et les pharmaciens, mais aussi les " consommateurs ultimes ", c"est-à-dire les patients pour lesquels les comprimés ADALAT sont prescrits et à qui ils sont fournis, même si ceux-ci ne peuvent se procurer de la nifédipine que sur ordonnance médicale : voir l"arrêt Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Limited , [1992] 3 R.C.S. 120.
     Dans l"arrêt Ciba-Geigy , la Cour a statué que les éléments du délit de passing-off (ou commercialisation trompeuse) s"appliquaient aux produits pharmaceutiques comme à tout autre produit. Par conséquent, il convenait d"examiner si l"" apparence " des produits de la demanderesse avait acquis un caractère distinctif susceptible d"amener les patients à identifier cette " apparence " à une seule source, de sorte qu"ils risquent de croire à tort que le produit de quelqu"un d"autre, d"apparence similaire, émane de la même source que ceux de la demanderesse.

     . . .

     Troisièmement, bien que j"accepte qu"en droit, la couleur, la forme et la taille d"un produit peuvent, ensemble, constituer une marque de commerce, la marque résultante risque généralement d"être faible : voir la décision Smith Kline & French Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerces (1987), 9 F.T.R. 129, à la page 131 (C.F. 1re inst.).
     En l"espèce, comme les petits comprimés ronds et roses sont courants sur le marché des produits pharmaceutiques, Bayer doit s"acquitter d"un lourd fardeau pour établir, selon la prépondérance des probabilités, qu"en 1992, ces propriétés avaient une notoriété propre, de sorte que les consommateurs ordinaires associaient ces comprimés avec une seule source... Le fait qu"à l"époque du dépôt de l"opposition de Novopharm, ADALAT était le seul comprimé de nifédipine à libération progressive sur le marché n"est pas suffisant en soi pour établir une notoriété propre.
     Quatrièmement, il n"est pas fatal à une demande que les consommateurs puissent aussi avoir recours à d"autres moyens que la marque pour identifier le produit avec une seule source. Ainsi, bien que les pharmaciens se fient principalement au nom de marque et à d"autres indices d"identification apparaissant sur les bouteilles et l"emballage contenant le produit, ou à l"inscription sur les comprimés, laquelle ne fait pas partie de la marque, s"il ressort, selon certains éléments de preuve, qu"ils reconnaissent aussi, d"une manière significative, le produit par son apparence (à l"exception des marques inscrites sur le comprimé, parce qu"elles ne font pas partie de la marque), cette preuve peut suffire à établir le caractère distinctif de la marque.

[14]          Lorsque j"applique ces principes à la preuve dont je suis actuellement saisi, je ne puis conclure que la couleur et la forme du comprimé d"oméprazole d"Astra sont des caractéristiques distinctives du produit. Il appert clairement de la preuve que, tant à la date de l"opposition qu"avant celle-ci, un certain nombre de capsules à deux tons bien connues étaient vendues et distribuées dans l"industrie pharmaceutique, y compris des capsules de tons rose et brun. L"intimée n"a présenté aucun élément de preuve indiquant selon la probabilité la plus forte qu"un nombre important de consommateurs associent l"apparence de son produit à une seule source. Par conséquent, elle n"a pas réussi à prouver le caractère distinctif que la marque de commerce doit comporter pour être valable.

[15]          Le registraire des marques de commerce semble s"être fondé sur les ventes de LOSEC pour conclure que la marque d"Astra était distinctive. Cependant, des chiffres de vente impressionnants ne permettent pas à une partie requérante de prouver qu"une marque de commerce est distinctive. De plus, le registraire a été saisi de certains éléments de preuve indiquant que les chiffres de vente ne donnent pas une idée exacte du marché. Ainsi, le Dr Joseph a dit au cours de son témoignage que seulement 10 p. 100 à 15 p. 100 de ses patients qui souffrent de troubles gastro-intestinaux prennent le LOSEC. Dans la même veine, le Dr Shulman a mentionné que seulement 50 patients parmi plusieurs milliers prenaient le LOSEC, tandis que M. Droznika a souligné que le LOSEC ne faisait pas partie des médicaments les plus couramment utilisés pour le traitement des troubles gastro-intestinaux dans sa région. Par ailleurs, si M. Dixon a déclaré dans son affidavit qu"un [TRADUCTION] " nombre important de patients auquel le produit oméprazole de marque LOSEC avait été prescrit ont utilisé la marque de façon chronique ", il a admis en contre-interrogatoire qu"il ignorait quel était le nombre de patients en question.

[16]          À mon avis, le registraire n"a pas appliqué les principes de droit reconnus à l"égard de la question du caractère distinctif. En fait, il ne semble guère avoir tenu compte des principes de droit établis par la jurisprudence. De la même façon, ses conclusions de fait ne peuvent qu"être jugées abusives, étant donné qu"il n"y avait tout simplement aucun élément de preuve lui permettant de conclure que le produit de l"intimée avait acquis une renommée dans l"esprit du public consommateur en raison de son apparence.

[17]          Par ces motifs, l"appel est accueilli avec dépens en faveur de l"appelante.

                             P. Rouleau

                                     Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 14 avril 2000


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              T-224-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      NOVOPHARM LIMITED c. ASTRA AKTIEBOLAG ET AL

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO

DATES DE L'AUDIENCE :      20 et 21 JANVIER 2000


MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE ROULEAU

EN DATE DU :              14 AVRIL 2000



ONT COMPARU :

Me CAROL HITCHMAN                      POUR L"APPELANTE

Me PAULA BREMNER

Me GUNARS GAIKIS                      POUR L"INTIMÉE

Me SHONAGH McVEAN

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

HITCHMAN & SPRIGINGS

TORONTO (ONTARIO)                      POUR L"APPELANTE

SMART & BIGGAR

TORONTO                              POUR L"INTIMÉE

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