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Date : 20010111

           IMM-1687-00

E n t r e :

EDGAR ALBERTO ANAYA CORNEJO

demandeur

- et -

MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE

Le juge Muldoon

[1]    Le demandeur sollicite de la Cour l'autorisation d'introduire, en vertu du paragraphe 82.1(1) de la Loi sur l'immigration, une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 16 mars 2000 par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (C.I.S.R.) a refusé de reconnaître au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention. Le numéro de dossier de la S.S.R. qui a été attribué au revendicateur est le T-99-03979.

[2]                La décision unanime que la C.I.S.R. a rendue par écrit est tellement touffue et condensée qu'il est difficile de bien la résumer. En voici le texte intégral :


[TRADUCTION]

Le revendicateur est un citoyen de 30 ans du Salvador qui revendique le statut de réfugié au sens de la Convention du fait de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social déterminé. Il affirme craindre d'être persécuté par des membres non identifiés et inconnus du Front national de libération Farabundo Marti (FNLFM) du fait de son appartenance au parti de l'Alliance républicaine nationale (ARENA) dans la province de Sonsonate et dans l'Est du Salvador.

Le revendicateur affirme que les difficultés qu'il a rencontrées avec les présumés partisans du FNLFB se rapportaient aux préparatifs qu'il avait commencés en avril 1998 en vue des élections présidentielles de mars 1999.

Le revendicateur affirme qu'à plusieurs reprises, alors qu'il se préparait en vue de cette campagne, lui et des membres de son groupe de l'ARENA ont été confrontés à des membres du FNLFB qui les ont invectivés. Une fois, alors qu'il se trouvait à Sonsonate, des membres du FNLFB lui ont dit qu'il découvrirait plus tard qui ils étaient et qu'il regretterait d'avoir milité pour l'ARENA. Il affirme qu'en septembre et en octobre 1998, il a été suivi par un véhicule, que plusieurs coups de fusil ont été tirés en sa direction et qu'il a réussi à échapper à ses poursuivants. Il déclare qu'il a signalé l'incident à la police, qui a envoyé sans succès une patrouille à la recherche de ses agresseurs. Il affirme avoir vécu un incident semblable quelques semaines plus tard. Il allègue qu'en novembre 1998, il a reçu un appel téléphonique anonyme de menaces dans lequel on le mettait au défi pour voir si l'ARENA pouvait le protéger. Il déclare qu'il a signalé ces incidents -- les messages, les menaces au téléphone et les tentatives d'assassinat dont il avait fait l'objet -- à la police civile nationale (PCN) à Santa Tecla. Il déclare que, malgré le fait qu'il a relaté les faits en détail aux policiers, ceux-ci lui ont dit qu'ils pouvaient ouvrir une enquête, mais que celle-ci ne réussirait probablement pas s'il ne pouvait pas donner des noms précis. Il affirme qu'à la fin de novembre 1998, il a été intercepté par deux individus au marché central de San Salvador mais qu'il a réussi à leur échapper en profitant de la confusion qui régnait dans ce lieu animé. Il affirme qu'il est retourné à deux reprises au poste de police de Santa Tecla pour demander de l'aide, mais qu'on lui a dit qu'on ne pouvait rien faire pour lui tant qu'il ne pourrait pas identifier les individus en question. Il précise qu'après avoir emmené sa famille vivre chez des parents, il a quitté le Salvador le 7 décembre 1998.

La question cruciale que soulève la présente revendication est celle de savoir si la crainte de persécution du revendicateur, qui craint d'être persécuté par des partisans du FLNFM ou par des groupes qui leur sont liés, c'est-à-dire des paramilitaires, la police, l'armée ou toute autre autorité gouvernementale, est objectivement justifiée[1].

Le Tribunal reconnaît que la violence politique existe depuis longtemps au Salvador. Il ressort de la preuve documentaire[2] que le FNLFB et l'ARENA s'accusaient l'un l'autre d'avoir fomenté la violence politique avant les élections législatives et municipales de 1997. En ce qui concerne la compagne présidentielle de 1999 à laquelle le revendicateur a participé et pour laquelle il se préparait, il ressort de la preuve documentaire[3] que les partis politiques du Salvador ont conclu une entente par laquelle il se sont engagées à mener une campagne électorale d'une certaine stature morale et politique et que jusqu'au 20 janvier 1999, date du rapport, ils avaient respecté cet engagement, à quelques incidents près. Ces incidents, qui ont dégénéré en affrontements, sont le résultat des actes de l'ARENA et de FNLFB. Dans un article publié le 7 mars 1999 dans le Washington Post[4], on qualifiait la course à la présidence comme [TRADUCTION] « une campagne discrète largement exempte d'attaques personnelles ou idéologiques » .

Bien qu'on signale dans la preuve documentaire[5] le taux extrêmement élevé de crimes violents au Salvador, on ne relève aucun incident précis de violence politique dirigé vers l'ARENA qui, au moment des difficultés du revendicateur, était le parti au pouvoir, et l'est encore. La plupart des disparitions sont des cas d'enlèvement contre versement d'une rançon. Ce phénomène touche toutes les couches de la société et s'étend à l'ensemble du pays[6]. Aucun des cas de disparition au sujet desquels l'Ombudsman for the Defence of Human Rights (PDDH) a accepté de faire enquête en 1998 ne comportait d'allégations de mobiles politiques[7]. Compte tenu de l'abondante preuve documentaire et faute d'éléments de preuve objectifs convaincants, le tribunal accorde plus de poids aux sources indépendantes qui n'ont aucun intérêt en ce qui concerne l'issue de la présente revendication. Le Tribunal conclut donc que la crainte du revendicateur n'est pas objectivement justifiée et qu'il y a moins qu'une simple possibilité qu'il serait persécuté au Salvador en raison de sa participation à l'ARENA lors des préparatifs en vue de la compagne présidentielle de 1999 ou de ses liens avec le parti actuellement au pouvoir au Salvador.


En conséquence, la Section du statut de réfugié conclut que Edgar Alberto Anaya Cornejo (Cornyo) n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

         « Elena Schlanger »                        

            Elena Schlanger   

Avec l'appui de :

         « Dian J. Forsey »                              

            Dian J. Forsey

FAIT À Toronto, ce 16 mars 2000.                                                       

        

[3]    À l'audition de la présente demande à Toronto, le 9 janvier 2001, l'avocat du demandeur a beaucoup insisté sur ce que la C.I.S.R. lui avait dit lors de l'audition de l'affaire :

[TRADUCTION]                                       * * *

FORSEY Très bien. Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

SCHLANGER         Très bien, Maître, avant de passer au réinterrogatoire, je tiens simplement à vous signaler que le tribunal n'a plus de questions au sujet de la crédibilité. Cette question est éliminée.

L'AVOCAT            Merci.

[4]                La Cour accepte que la présidente de la C.I.S.R. a déclaré ce qui précède, mais tient à préciser qu'elle n'a pas dit que le revendicateur avait persuadé la C.I.S.R. qu'il avait établi le bien-fondé de sa cause de manière à se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention. Elle n'a rien dit de tel. La transcription se poursuit comme suit :


[TRADUCTION]

SCHLANGER         Bon. Il reste encore quelques questions à traiter. Nous aimerions que vous nous parliez du lien de causalité et des agents de persécution.

Pour ce qui est du fondement objectif, vu la preuve documentaire, si vous pouviez nous citer quelque chose de précis au sujet du ciblage des membres de l'ARENA et nous parler aussi du fondement objectif et de la protection de l'État.

Voilà les questions en litige.

Y a-t-il autre chose que vous aimeriez...

FORSEY Non, pour ce qui est du fondement objectif, Maître, vous pourriez peut-être nous parler de la façon dont votre client perçoit ces divers incidents par opposition à la violence générale qui, comme le tribunal le sait fort bien, règne au Salvador.

L'AVOCAT            Je vais le faire, vous pouvez en être sûr.

FORSEY Merci.

SCHLANGER        Merci.

M. Anaya, nous voici rendus au terme de votre audition, de votre témoignage plutôt.

Les avocats vont présenter leurs observations par écrit en ce qui concerne les questions non encore réglées et, une fois que nous aurons rendu notre décision, vous en serez informé par écrit.

Nous fixerons une date pour la réception de [...]

                                                                    * * *

L'AVOCAT            Oui, si je le peux.

SCHLANGER         D'accord. Ce serait donc le 26 janvier, n'est-ce-pas ?

Je crois bien que oui. D'accord. Merci.

[5]                À l'audience qui s'est déroulée devant la Cour, l'avocat du ministre a fait valoir que la transcription ne révélait rien de répréhensible qui justifierait d'annuler la décision de la C.I.S.R. La C.I.S.R. devait décider si le revendicateur, qui l'avait convaincu qu'il avait une crainte subjective de persécution, avait aussi une crainte objective de persécution. C'est la raison pour laquelle le tribunal a réclamé des éléments de preuve documentaire permettant de se prononcer sur l'existence d'une crainte objective de persécution, mais le tribunal a conclu -- ce qui entrait parfaitement dans le cadre de ses attributions -- « que la crainte du revendicateur n'est pas objectivement justifiée et qu'il y a moins qu'une simple possibilité qu'il serait persécuté au Salvador en raison de sa participation à l'ARENA lors des préparatifs en vue de la campagne présidentielle de 1999 ou de ses liens avec le parti actuellement au pouvoir au Salvador » (à la page 13 du dossier du demandeur). La décision que la C.I.S.R. a rendue en l'espèce est bien fondée. La demande doit donc être rejetée. La Cour refuse de certifier la question que l'avocat du demandeur n'était pas tout à fait prêt à soumettre à la Cour.


[6]                L'avocat a informé la Cour qu'il était obligé de participer à une autre audience, devant un autre tribunal, dès la clôture de la présente audience. On lui a offert la possibilité de formuler sa question après une pause, mais il a décliné cette offre.

                                           DISPOSITIF

[7]                LA COUR REJETTE la présente demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision rendue le 16 mars 2000 par la C.I.S.R. dans le dossier no T-99-03979.

« F.C. Muldoon »

                                                                                                     Juge                      

Toronto (Ontario)

Le 11 janvier 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                        COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                                     IMM-1687-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :              EDGAR ALBERTO ANAYA CORNEJO

demandeur

- et -

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                           défendeur

MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE DU JUGE MULDOON

EN DATE DU :                                         JEUDI 11 MARS 2001

DATE DE L'AUDIENCE :               LE MARDI 9 JANVIER 2001

LIEU DE L'AUDIENCE :                        TORONTO (ONTARIO)

ONT COMPARU:            

Me Adelso Mancia Carpio                                         pour le demandeur

Me Ann-Margaret Oberst                                           pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Adelso Mancia Carpio                                         pour le demandeur

MANCIA AND MANCIA

Avocats et procureurs

335, rue Bay, bureau 801

Toronto (Ontario) M5H 2R3

Me Morris Rosenberg                                                pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date : 20010111

                                                                       IMM-1687-00

E n t r e :

EDGAR ALBERTO ANAYA CORNEJO

demandeur

- et -

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                           défendeur

                                                                       

MOTIFS ET DISPOSITIF

DE L'ORDONNANCE

                                                                       



[1]            Le tribunal a examiné les observations écrites soumises le 31 janvier 2000 par les avocats.

[2]            Pièce R-3, réponse à la demande de renseignements no SLV31652.E, 16 avril 1999, DGDIR, SRR.

[3]            Idem, réponse à la demande de renseignements no SLV31922.E, 15 juin 1999, DGDIR, SRR

[4]            Ibid.

[5]           Pièce R-2, Pochette d'information de la CISR, mise à jour en septembre 1999, rubrique1.5, « La Police civile nationale » , p. 20 et 21 ; pièce C-2, p. 45 et 63.

[6]            Pièce R-1, Country Report on Human Rights Practices for 1998, Département d'État des

États-Unis, 26 février 1999.

[7]            Ibid.

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