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Date : 20060302

Dossier : IMM-4211-05

Référence : 2006 CF 278

Ottawa (Ontario), le 2 mars 2006

En présence de monsieur le juge Martineau

 

ENTRE :

 

EMMANUEL TROMPE DUKUZUMUREMYI

demandeur

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur est un citoyen du Burundi. Il appartient à l’ethnie Hutu. Il est arrivé au Canada en 1998 à l’âge de 15 ans à titre de résident permanent. Il n’a aucune conjointe et n’a pas d’enfant au Canada.

 

[2]               Entre les années 2000 à 2005 inclusivement, le demandeur est trouvé coupable d’infractions criminelles diverses qui impliquent, entre autres, l’usage de violence : agression armée, quatre chefs de vol qualifié, omission de se conformer à une condition d’une promesse, proférer des menaces, voies de fait et introduction par effraction dans un dessein criminel dans une maison d’habitation. Ceci étant dit, la preuve révèle que le 23 mars 2004 un verdict de non responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux est prononcé quant à certaines infractions dont le demandeur est alors accusé. Signalons également que le 2 mars 2005 le demandeur plaide coupable à des infractions de voies de fait à l’égard de sa mère et de bris de probation. Or, ces dernières infractions remontent au 9 février 2005. Quelques semaines plus tard, la Section d’appel de l’immigration (le tribunal) entend l’appel du demandeur à l’encontre de la mesure de renvoi prise entre temps contre lui par la Section de l’immigration, le 5 septembre 2003.

 

[3]               La recevabilité de l’appel du demandeur en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi) n’est pas en cause ici. Le 24 mars 2005, le demandeur, qui est alors représenté par un procureur, témoigne à l’audition. Le tribunal entend également les témoignages de la mère du demandeur et de madame Marian Shermarke du Service d’aide aux réfugiés et aux immigrants du Montréal métropolitain (SARIMM), qui agissait auparavant comme représentante désignée du demandeur. Diverses preuves documentaires sont également soumises au tribunal par les deux parties en cause. Le 9 juin 2005, le tribunal refuse de faire droit à l’appel ou de surseoir à la mesure de renvoi, d’où la présente demande de contrôle judiciaire qui requiert l’annulation de cette dernière décision et le renvoi de l’affaire à un autre membre du tribunal.

 

[4]               Il faut commencer par rappeler que dans le cadre limité d’une demande de contrôle judiciaire, l’examen de la Cour porte sur la légalité de la décision du tribunal, et non sur le mérite de celle-ci, à moins que son caractère manifestement déraisonnable ne ressorte du dossier (Lucas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 34 au para. 9 (C.F.); Boulis c. Canada (Ministre de la Main d’œuvre et de l’Immigration), [1974] R.C.S. 875 à la p. 877; Jessani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 14 Imm. L.R. (3d) 235 au para. 16 (C.A.F.), [2001] A.C.F. no 662 (QL)). Bien entendu, le fait que le tribunal n’ait pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale affecte en bout de ligne la légalité de la décision rendue et peut selon les circonstances constituer un motif d’intervention de la Cour (alinéa 18.1(4)b) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7).

 

[5]               En l’espèce, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’alinéa 67(1)c) et le paragraphe 68(1) de la Loi, le tribunal devait déterminer s’il y avait — compte tenu de l’intérêt supérieur de tout enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales. Il s’agit d’une compétence de nature discrétionnaire. Le tribunal est guidé à cet égard par les facteurs énoncés dans la décision Ribic c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] I.A.B.D. no 4 (QL), et dont la teneur a été approuvée par la Cour suprême dans l’arrêt Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84 aux para. 77 et 90.

 

[6]               Rappelons que ces facteurs comprennent notamment :

 

a)      la gravité de(s) l’infraction(s) à l’origine de la mesure de renvoi;

 

b)      la possibilité de réadaptation de l’appelant;

 

c)      la durée de la période passée au Canada et le degré d’établissement de l’appelant;

 

d)      la présence de la famille que l’appelant a au Canada et les bouleversements que son expulsion occasionnerait à sa famille;

e)      le soutien dont peut bénéficier l’appelant, non seulement au sein de sa famille et de la collectivité;

f)        l’importance des difficultés que pourraient connaître l’appelant dans le pays vers lequel il sera vraisemblablement renvoyé.

 

[7]               Le demandeur, qui est aujourd’hui représenté par un nouveau procureur, ne prétend pas ici que le tribunal a agi de façon arbitraire ou capricieuse en rendant la décision dont il requiert l’annulation. Le demandeur reconnaît que la mesure de renvoi est valide en droit et que dans le meilleur scénario, tout ce qu’il pouvait escompter du tribunal, c’était l’obtention d’un sursis pour une période déterminée.

 

[8]                Ceci étant dit, le demandeur reproche à son ancienne représentante de n’avoir soumis au tribunal aucune preuve documentaire concernant :

a)      la situation politique, économique et sociale qui prévaut au Burundi;

b)      l’existence du moratoire que Citoyenneté et Immigration Canada a décrété à l’égard de l’exécution de mesures de renvoi vers le Burundi; et

c)      le syndrome de stress post-traumatique diagnostiqué chez le demandeur.

 

Somme toute, le demandeur fait aujourd’hui valoir que ces omissions, qui incidemment ont trait à l’application du sixième critère mentionné au paragraphe 6 des présents motifs, lui causent un préjudice sérieux et ont eu pour effet de le priver de son droit à une audition pleine et entière devant le tribunal. D’ailleurs, le 9 décembre 2005, quelques semaines après avoir obtenu l’autorisation de présenter la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur a déposé une plainte contre son ancienne représentante auprès du syndic du Barreau du Québec.

 

[9]               Je conclus que le demandeur ne s’est pas déchargé du lourd fardeau de démontrer à la satisfaction de la Cour tant l’incompétence de son ancienne représentante que le préjudice qu’il allègue avoir subi en l’espèce : voir R. c. G.D.B., [2000] 1 R.C.S. 520 aux para. 26-29, se référant à l’approche exposée dans l’arrêt Strickland c. Washington (1984), 466 U.S. 688; Sheikh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 238 aux para. 14-15 (C.A.F.); Shirwa c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 2 C.F. 51 aux para. 8-11 (C.F. 1re inst); Drummond c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 33 Imm. L.R. (2d) 258 à la p. 259 (C.F. 1re inst); Robles c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 520 aux para. 31-39 (C.F. 1re inst.) (QL), 2003 CFPI 374; Jaouadi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 1714 au para. 30 (C.F. 1re inst) (QL), 2003 CF 1347; Hallat c. Canada, [2004] A.C.F. no 434 aux para. 20-22 (C.A.F.) (QL), 2004 CAF 104).

 

[10]           L’ancienne représentante du demandeur est membre en règle du Barreau du Québec. Bien qu’une plainte disciplinaire ait été portée contre elle, pour le moment, sa responsabilité professionnelle n’a pas été engagée. Il serait donc déplacé pour cette Cour de tirer quelque conclusion que ce soit au sujet de la présence ou de l’absence éventuelle d’une faute professionnelle commise dans le cadre de ce dossier. D’ailleurs, selon les preuves dont je dispose aujourd’hui, je ne peux conclure que l’ancienne représentante du demandeur a fait preuve d’un jugement déraisonnable en ne déposant pas devant le tribunal des éléments de preuve documentaire corroborant le fait que le demandeur souffre d’un syndrome de stress post-traumatique, que le Burundi est au prise avec une guerre civile avec comme arrière-plan les tensions ethniques entre Hutus et Tutsis, que des arrestations arbitraires et les mauvais traitements en détention sont fréquents et que le défendeur a suspendu les renvois vers le Burundi.

 

[11]           Au départ, il faut comprendre que la cause du demandeur était difficile pour tout procureur quel qu’il soit. Ceci est renforcé par l’absence de remords et le fait que des voies de fait commises par le demandeur aussi récemment que le 8 février 2005 impliquaient sa propre mère. L’ancienne représentante du demandeur a fait valoir qu’un sursis temporaire devait être accordé par le tribunal compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire. Celle-ci a notamment invoqué la situation personnelle et familiale du demandeur. Ce dernier est d’origine Hutu. Il n’a jamais vécu au Burundi et a peu de famille dans ce pays. En 1994, il a dû fuir le Rwanda, son pays natal, à cause du génocide. Il a vécu un grand traumatisme. Il s’est rendu au Zaïre où la situation n’était pas meilleure : il quitta ce pays en 1996 pour rejoindre le Kenya. À ce moment, le demandeur n’a que 13 ans et tout ce qu’il a connu c’est la guerre et la violence. À ce chapitre, la représentante du demandeur a souligné que l’un des témoins entendus, madame Shermarke, « parlait de peut-être [d’]un syndrome post-traumatique », même si cette dernière n’est pas psychologue.

 

[12]           À l’audition, le commissaire a exprimé sa surprise d’apprendre l’existence d’un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique. L’ancienne représentante du demandeur a bien indiqué au tribunal qu’elle avait en sa possession un rapport de l’Institut Philippe-Pinel daté du mois de mars 2004 qui mentionnait ce diagnostic. Toutefois, elle avait jugé qu’il n’était pas adéquat de déposer ce dernier document parce qu’il était illisible. En effet, celle-ci avait demandé qu’une nouvelle copie lui soit envoyée mais on n’avait apparemment pas donné suite à sa demande. Il est facile aujourd’hui de s’en prendre à la sagesse de la décision de l’ancienne représentante du demandeur de ne pas produire ce dernier document. Quoiqu’il en soit, je ne crois pas que cette omission soit matérielle ni qu’elle découle d’un jugement professionnel déraisonnable dans les circonstances. En effet, le rapport en question fait mention du fait que le diagnostic de syndrome de stress post-traumatique était en rémission totale au moment où le rapport a été préparé.

 

[13]           Ceci étant dit, la représentante du demandeur a également souligné devant le tribunal que le demandeur continuait de prendre des médicaments et qu’il avait peur de retourner au Burundi. D’ailleurs, elle a rappelé que le demandeur était suivi par un psychiatre. Elle a également insisté sur le fait que le demandeur a récemment cessé de consommer des drogues et de l’alcool et qu’il a décidé de se reprendre en main et de suivre une thérapie. L’ancienne représentante du demandeur a insisté sur le fait que le demandeur ne constitue pas un danger public et qu’il peut éventuellement compter sur le support de sa mère. Aussi, lorsqu’on considère l’ensemble des circonstances, l’ancienne représentante du demandeur a soumis au tribunal que tous ces facteurs positifs doivent l’emporter sur les facteurs négatifs soulignés par le conseil du défendeur.

 

[14]           Dans le cas présent, le demandeur a eu l’opportunité de présenter des preuves et de faire valoir son point de vue à une audition dûment convoquée à cette fin où des témoins ont pu être entendus. Il ne s’agit donc pas d’un cas où, stricto sensu, l’on peut reprocher au tribunal d’avoir manqué à un principe de justice naturelle ni d’un cas où il est apparent à la face du dossier qu’une partie n’a pas été entendue par le tribunal à cause d’une faute commise par son avocat. Ayant soupesé toutes les preuves soumises par les parties en fonction des facteurs énoncés dans Ribic et de ce que les procureurs ont plaidé de part et d’autre, le tribunal a décidé de rejeter l’appel du demandeur. Les motifs du tribunal sont clairs et sans équivoques. Le tribunal a noté que le demandeur n’a aucun enfant, ni une conjointe de fait ayant des enfants. En ce qui concerne plus particulièrement l’importance des difficultés que pourraient connaître le demandeur dans le pays vers lequel il sera vraisemblablement renvoyé, le tribunal retient notamment le fait que des circonstances douloureuses ont amené le demandeur, qui n’a jamais vécu au Burundi, à fuir le Rwanda en 1993. D’autre part, le tribunal note qu’au Burundi, l’oncle du demandeur, soit le frère de sa mère, travaille à l’ambassade. Selon le témoignage du demandeur, il connaît bien son oncle, car il a grandi avec ce dernier au Rwanda. De plus, le demandeur compte aussi au Burundi sur la présence de quelques cousins et cousines.

 

[15]           Ceci étant dit, le tribunal est très conscient que le demandeur a peur d’être tué au Burundi dû à sa nationalité Hutu, et ce, bien que les Hutus forment tout près de 85 % de la population. Le tribunal note également que le demandeur n’a déposé aucune preuve documentaire de sources fiables afin de corroborer ses allégations de persécution due à son ethnie Hutu advenant un éventuel renvoi au Burundi. C’est cette observation faite au passage par le tribunal qui fait aujourd’hui dire au demandeur que son ancienne représentante a été incompétente et qu’il existe une possibilité raisonnable que son appel aurait pu être accordé n’eut été cette omission. Je ne partage pas du tout l’impression du demandeur et de sa représentante actuelle. Lorsque je considère l’ensemble des preuves au dossier et que j’analyse objectivement les facteurs positifs et négatifs soulignés par le tribunal dans sa décision, la preuve documentaire des conditions générales prévalant au Burundi m’apparaît d’une importance très relative et d’une force de persuasion minimale compte tenu du raisonnement général retenu par le tribunal pour refuser un sursis au présent demandeur.

 

[16]           Tout d’abord, au niveau des facteurs positifs, le tribunal a considéré : l’absence de causes pendantes contre le demandeur; son séjour de sept ans au Canada; la présence de membres de sa famille au Canada, notamment sa mère; sa maîtrise de la langue anglaise; les quelques emplois qu’il a occupés au fil des ans; le double diagnostic à son égard (troubles de santé mentale et de toxicomanie — alcool et drogues); l’implication de SARIMM à partir de novembre et décembre 2004, ainsi que les démarches entreprises auprès du Centre Le Portage à la fin février 2005.

 

[17]           D’un autre côté, les facteurs négatifs faisaient qu’il n’existait pas, de l’avis du tribunal, suffisamment de motifs d’ordre humanitaire justifiant une mesure de sursis. Ces derniers incluent :

a)      la nature des condamnations criminelles qui impliquent non seulement l’usage de la violence, mais également un manque de respect du demandeur à l’égard des autorités judiciaires;

b)      l’absence de remords sincères du demandeur;

c)      le comportement du demandeur qui a omis de prendre sa médication dans les jours précédant les événements du 9 février 2005 et qui a continué de nier d’avoir commis des voies de fait à l’égard de sa mère;

d)      le risque de récidive élevé ainsi que les faibles possibilités de réhabilitation du demandeur, ce que confirme la psychiatre dans son rapport;

e)      le caractère très récent des démarches entreprises par le demandeur auprès du Centre Le Portage;

f)        la relation tendue entre le demandeur et son beau-père de même qu’avec ses deux demi-sœurs résidant au Canada.

 

[18]           Comme on peut le constater, il ne s’agit pas ici d’un cas où le défaut de représentation ou la négligence reprochés à l’avocat sont évidents à la face du dossier et compromettent le droit d’une partie à une audition pleine et entière. On peut comprendre que les actes ou les omissions reprochés à l’avocat ou à un consultant en immigration puissent entretenir un rapport direct avec le préjudice d’une personne. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une demande d’asile est rejetée pour absence de fondement minimum, ou encore lorsqu’une demande de reconsidération ou un appel sont rejetés parce que, pour un motif inexcusable, l’ancien représentant dormait de longues périodes pendant l’audition, ne s’est pas présenté à l’audition, n’a présenté aucune preuve documentaire ou encore a manqué un délai de rigueur : voir Mathon c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1988] A.C.F. no 707 (C.F. 1re inst.) (QL), 28 F.T.R. 217; Sheikh c. Canada, précité; Shirwa c. Canada, précité; Huynh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 642 (C.F. 1re inst.), 65 F.T.R. 11; De Vega c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1935 (C.F. 1re inst.) (QL), 161 F.T.R. 126; Taher c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] A.C.F. no 1327, 2002 CFPI 991; Osagie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 1656, 2004 CF 1368.

 

[19]           Or, les reproches adressés aujourd’hui par le demandeur à son ancienne représentante n’ont pas cette gravité objective et portent uniquement sur la suffisance des preuves ayant trait à l’importance des difficultés que pourraient connaître le demandeur s’il était retourné au Burundi. Dans la grande majorité des cas, on ne dissocie pas les faits et gestes de l’avocat de ceux du client. L’avocat est le mandataire de son client et, aussi sévère que cela puisse paraître, si le client a retenu les services d’un avocat médiocre (ce qui, au passage, n’a pas été prouvé ici par le demandeur), il doit en subir les conséquences. Cependant, dans des cas exceptionnels, l’incompétence de l’avocat peut soulever une question de justice naturelle. Il faut alors que l’incompétence et le préjudice allégués soient clairement prouvés. À ce chapitre, la sagesse rétrospective n’a pas sa place dans cette appréciation et il faut notamment démontrer à la Cour  que les actes ou omissions reprochés à l’avocat ne découlent pas de l’exercice d’un jugement professionnel raisonnable. Ce n’est pas le cas ici.

 

[20]           En terminant, les diverses omissions reprochées à l’ancienne représentante du demandeur ne sont pas de la nature à miner la confiance qu’une personne objective raisonnablement informée peut entretenir quant à l’issue de l’appel du demandeur. En ce qui concerne l’existence d’un moratoire visant les renvois vers le Burundi, il s’agit d’un fait public dont le tribunal aurait pu lui-même prendre connaissance d’office. D’autre part, la pertinence de ce dernier fait n’est pas immédiatement évidente. Faut-il le rappeler, le lieu et la date de renvoi ne relèvent pas de la compétence du tribunal. Ces décisions relèvent plutôt de la compétence du ministre : voir Chieu, précité au para. 74; Kalombo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 4 C.F. 810 au para. 25 (C.F. 1re inst.). D’autre part, les considérations pour lesquelles le ministre peut imposer un moratoire en vertu de l’article 230 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) concernent l’ensemble de la population civile d’un pays ou d’un lieu donné. Or, selon l’alinéa 230(3)c) du Règlement, un tel moratoire ne s’applique pas à l’interdit de territoire pour grande criminalité ou criminalité en titre des paragraphes 36(1) ou (2) de la Loi. Par ailleurs, en ce qui concerne le risque personnel que peut courir le demandeur advenant son expulsion vers le Burundi, rien ne l’empêche de faire, le cas échéant, une demande de protection au titre du paragraphe 112(1) de la Loi. Si la qualité de « personne à protéger » est reconnue au demandeur en vertu du paragraphe 115(1) de la Loi, celui-ci ne pourra être renvoyé par le défendeur dans un pays où il risque la persécution du fait que sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités. En effet, bien que le demandeur ait été interdit de territoire pour grande criminalité en vertu du paragraphe 36(1) de la Loi, je note par ailleurs que le défendeur ne prétend pas ici que le demandeur constitue un danger pour le public au Canada, de sorte que l’exclusion du paragraphe 115(2) de la Loi ne devrait pas s’appliquer ici.

 

[21]           En conclusion, la présente demande de contrôle judiciaire doit échouer. D’autre part, aucune question d’importance générale ne se soulève dans le présent dossier.

 

 


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question d’importance générale n’est certifiée.

 

 

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4211-05

 

 

INTITULÉ :                                       Emmanuel Trompe Dukuzumuremyi c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 février 2006

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE MARTINEAU

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 2 mars 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Carole Fiore

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Me François Joyal

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bélanger, Fiore

Avocats

Montréal (Québec)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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