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Date : 20020425

Dossier : IMM-915-01

Ottawa (Ontario), le 25 avril 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                      MANUEL HERNAN COLOMA NORAMBUENA

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agente des visas datée du 2 janvier 2001 est cassée et la demande est retournée au ministre pour un examen rapide en conformité avec les motifs donnés aujourd'hui dans la présente affaire.

                                                                                                               « Carolyn A. Layden-Stevenson »      

                                                                                                                                                                 Juge                          

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20020425

Dossier : IMM-915-01

Référence neutre : 2002 CFPI 465

ENTRE :

                                      MANUEL HERNAN COLOMA NORAMBUENA

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]                 Dans sa demande de contrôle judiciaire, Manuel Hernan Coloma Norambuena demande que la décision du 2 janvier 2001 d'une agente des visas à l'ambassade du Canada à Santiago, au Chili, refusant sa demande de résidence permanente au Canada, soit cassée et que ladite demande soit renvoyée pour un nouvel examen.


[2]                 Le demandeur, un citoyen du Chili, est travailleur autonome. Son frère, Marx Hugo Coloma, possède et opère deux stations-service en Ontario, l'une à Ottawa et l'autre à Kanata. Les deux établissements vendent au détail de l'essence, du diesel, du propane ainsi que des produits de confiserie. L'établissement de Kanata sera agrandi pour devenir un dépanneur pleine grandeur. En octobre 1998, Marx Hugo Coloma a présenté une demande à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), à Ottawa, pour l'approbation d'une offre d'emploi dans laquelle il proposait d'engager son frère, le demandeur, afin de l'aider dans la gestion et l'opération des stations-service. L'approbation de l'offre d'emploi a été accordée le 28 janvier 1999.

[3]                 Le demandeur a vécu antérieurement au Canada du 14 juillet 1994 au 2 juillet 1998, étant arrivé en tant que revendicateur du statut de réfugié. Il a quitté le pays volontairement lorsque sa demande de protection à titre de réfugié a été refusée. Au cours des six derniers mois qu'il a passés au Canada, M. Norambuena a travaillé pour son frère à la station-service d'Ottawa. Le 8 octobre 1999, le demandeur a formulé une demande de résidence permanente au Canada à l'ambassade du Canada à Santiago, au Chili, dans la catégorie des parents aidés. Sa demande comprenait sa fille mineure à titre de personne à charge et indiquait que sa profession envisagée était celle de directeur adjoint. La demande a été transmise à l'ambassade du Canada à Buenos Aires, en Argentine, pour traitement et le demandeur a été interrogé par l'agente des visas le 12 décembre 2000 à l'ambassade du Canada à Santiago, au Chili. Dans une lettre datée du 2 janvier 2001, la demande a été refusée en raison du fait que le demandeur n'avait pas obtenu suffisamment de points d'appréciation pour se qualifier pour l'immigration.

[4]                 Au début de l'audience de la demande de contrôle judiciaire, l'avocat du demandeur a soulevé une question de redressement qui n'était pas incluse dans le dossier du demandeur. Aucun avis n'a été donné au sujet de ladite question et aucune demande d'amendement n'a été faite. L'alinéa 5(1)e) des Règles de 1993 de la Cour fédérale en matière d'immigration prévoit que « [l]a demande [...] indique [...] le redressement expressément recherché par la demande de contrôle judiciaire » . Étant donné que le redressement soulevé au début de l'audience n'a pas été soulevé ou abordé dans le dossier du demandeur, nous n'en tiendrons pas compte.

[5]                 Le demandeur attaque la décision de l'agente des visas pour deux motifs. Le premier a trait aux points d'appréciation attribués par l'agente des visas, en particulier ceux relatifs à l'âge (0), à l'anglais (2) et aux qualités personnelles (5). Le deuxième motif consiste en ce que l'agente des visas a violé son obligation d'équité, laquelle, comprenait prétendument une obligation d'examiner la question de savoir si elle devait exercer son pouvoir discrétionnaire conformément au paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172.


[6]                 Lors de l'audience, l'avocat n'a pas insisté sur l'argument concernant l'évaluation des points d'appréciation et il a allégué que la vraie question était celle du paragraphe 11(3). Il s'est avéré prudent pour l'avocat d'adopter une telle optique. Si le demandeur s'était vu attribuer le total des points d'appréciation pour les catégories susmentionnées, outre l'âge, concernant lequel l'agente des visas n'avait aucun pouvoir discrétionnaire pour attribuer autre chose que 0 en vertu de l'annexe I du Règlement sur l'immigration, M. Norambuena n'aurait toujours pas atteint le nombre requis de points pour obtenir le droit d'établissement. Par conséquent, même si l'agente des visas avait erré, l'erreur aurait été sans importance. Aucun redressement ne sera accordé si l'erreur ne change rien au résultat : Patel c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2002 CAF 55, [2002] A.C.F. no 178; Ahluwalia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 125 (C.F. 1re inst.) et Syed c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. no 451 (C.F. 1re inst.).

[7]                 En ce qui a trait au deuxième motif, le demandeur soutient que l'agente des visas avait l'obligation de considérer si elle devait exercer son pouvoir discrétionnaire conformément au paragraphe 11(3), que le demandeur lui ait ou non demandé de le faire. Il cite la décision Savvateev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 170 F.T.R. 317 (C.F. 1re inst.), au soutien de son argument. Le demandeur réfère au fait que des lignes directrices spéciales existent pour le traitement des demandes de résidence permanente au Canada sous la catégorie des entreprises familiales, dont l'objectif consiste à accroître les possibilités de réunification des familles. Invoquant la décision Kwong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1357 (C.F. 1re inst.), le demandeur soutient que les raisons économiques constituent l'élément moteur derrière l'exercice du pouvoir discrétionnaire au sens du paragraphe 11(3). Les raisons économiques se rapportent à la capacité du demandeur de gagner sa vie et de s'établir au Canada, ce qui constitue un exercice tourné vers l'avenir.

[8]                 En résumé, le demandeur affirme que les points d'appréciation accordés ne reflètent pas correctement sa capacité de s'établir au Canada. Il invoque le fait qu'il a vécu au Canada pendant quatre ans, qu'il a un frère au Canada, qu'il possède une expérience pertinente, que le poste offert a été approuvé de bonne foi par CIC et qu'il a déjà occupé avec succès le poste qui est précisément offert. Tous ces facteurs, selon le demandeur, démontrent qu'il a la capacité de s'établir au Canada.

[9]                 Le paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration prévoit que l'agent des visas a un pouvoir discrétionnaire pour délivrer ou refuser un visa dans les cas où l'agent conclut, pour des motifs présentés par écrit à un agent d'immigration supérieur et approuvés par celui-ci, que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances du demandeur de réussir son installation au Canada.

[10]            Dans la décision Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 166 F.T.R. 78, le juge Evans (tel était alors son titre) a déclaré à la page 83 :

Ce n'est [...] pas à la Cour de juger si l'agent des visas a accordé un poids suffisant à cet aspect. L'exercice de ce pouvoir discrétionnaire est confié à l'agent des visas qui doit en décider au vu de tout le dossier, y compris le plus ou moins grand nombre de points d'appréciation qui font défaut au demandeur. C'est seulement si l'agent des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon abusive, arbitraire ou déraisonnable que la Cour doit intervenir. [...]

Sans m'ingérer dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire que le paragraphe 11(3) accorde aux agents des visas, je crois que le pouvoir en question est de nature résiduelle et qu'il peut être exercé pour emporter une décision que lorsque les faits d'une affaire sont très particuliers ou lorsque le demandeur a presque atteint les [...] points d'appréciations [requis]. (Non souligné dans l'original)

[11]            La décision Chen a été appliquée dans plusieurs autres décisions : Zeng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1486 (C.F. 1re inst.); Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1272, [2001] A.C.F. no 1738 et Gao c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2002 CAF 43, [2002] A.C.F. no 48.

[12]            Les points d'appréciation constituent la manière conventionnelle avec laquelle les agents des visas déterminent l'admissibilité à un visa. Le pouvoir discrétionnaire prévu dans le paragraphe 11(3) est exceptionnel et un demandeur doit demander à l'agent des visas d'exercer son pouvoir discrétionnaire lorsque la demande a été rejetée faute de points d'appréciation du facteur professionnel : Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 152 F.T.R. 316. Il peut, cependant, y avoir des faits évidents à la lecture de la demande qui révèlent des circonstances inhabituelles, lesquelles peuvent amener l'agent des visas à examiner s'il y a lieu ou non d'exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 11(3) : Savvateev, précitée.


[13]            La décision Savvateev n'exige pas qu'un agent des visas exerce son pouvoir discrétionnaire de manière positive. Le juge McGillis a plutôt conclu que « [...] l'agente des visas aurait dû examiner s'il y avait lieu ou non d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'accorder un visa au demandeur en application du paragraphe 11(3) du Règlement, étant donné les éléments d'information ressortant de la demande de résidence permanente. [...] » (Non souligné dans l'original)

[14]         J'en viens à la conclusion qu'en l'espèce, il y a des faits inhabituels comme ceux envisagés dans la décision Chen, précitée, et que ces faits ressortent de la demande de résidence permanente comme dans la décision Savvateev, précitée. Dans les circonstances de la présente affaire et tenant compte du fait qu'il est improbable que le demandeur en l'espèce, en raison de son âge, puisse obtenir suffisamment de points d'appréciation pour se qualifier pour la résidence permanente, l'agente des visas aurait dû examiner s'il y avait lieu ou non d'exercer son pouvoir discrétionnaire. Il n'y a rien dans son affidavit ou dans les notes du STIDI qui suggère que l'agente des visas aurait tourné son attention vers l'exercice du pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 11(3). Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agente des visas datée du 2 janvier 2001 est cassée et la demande est renvoyée au ministre pour un examen rapide en conformité avec ces motifs.


[15]            L'avocat n'ayant pas suggéré de question grave de portée générale, aucune question n'est donc certifiée en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration.

  

                                                             « Carolyn A. Layden-Stevenson »     

                                                                                                             Juge                      

Ottawa (Ontario)

Le 25 avril 2002

  

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


             COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

           SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

            AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NoDU GREFFE :          IMM-915-01

INTITULÉ :              MANUEL HERNAN COLOMA NORAMBUENA c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :    OTTAWA

DATE DE L'AUDIENCE :    LE 15 AVRIL 2001

MOTIFS DU JUGEMENT DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :       LE 25 AVRIL 2002

COMPARUTIONS :

Warren L. Creates et Kimberly A. Barber                  POUR LE DEMANDEUR

Patricia Johnston                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Perley-Robertson, Hill & McDougall              POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                   POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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