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                                                                                                                               Date : 20041021

                                                                                                                    Dossier : IMM-6562-03

                                                                                                               Référence : 2004 CF 1443

ENTRE :

                                                    PHOTIOS FRANK PSYRRIS

                                                                                                                                      demandeur

                                                                          - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SAI) datée du 30 juillet 2003, dans laquelle la SAI a rejeté l'appel du demandeur pour défaut de compétence en vertu de l'article 197 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

[2]         M. Photios Frank Psyrris (le demandeur) est né en Grèce le 24 juillet 1960 et est entréau Canada avec sa famille à titre de résident permanent à lge de six mois. Même si ses parents ont obtenu leur citoyenneté canadienne alors qu'il était mineur, ils ont omis de l'inclure dans leur demande, de sorte qu'il a conservé le statut de résident permanent.


[3]         Le 8 novembre 1994, alors que le demandeur avait 34 ans, une mesure d'expulsion a été prise contre lui en vertu du paragraphe 32(2) de la LIPR parce qu'il avait été déclaré coupable d'une série d'infractions criminelles mineures le rendant non admissible suivant l'alinéa 27(1)d) de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (l'ancienne Loi). Parmi ces infractions, il y avait plusieurs condamnations pour introduction par effraction pour lesquelles il stait vu infliger des peines d'emprisonnement de deux et trois ans.

[4]         Le 22 décembre 1994, la SAI a accordé au demandeur un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi pour une période de cinq ans sous réserve de conditions précises. Des examens oraux ont eu lieu régulièrement au cours des années qui ont suivi. Le 8 décembre 1999, la SAI a prolongé le sursis pour deux années supplémentaires en donnant une liste finale de conditions que le demandeur devait respecter.

[5]         Le 26 septembre 2002, l'examen oral relatif à la fin du sursis a eu lieu devant la SAI. La preuve produite par le demandeur a démontré très peu de changement quant à sa situation personnelle. La SAI a conclu que le demandeur travaillait neuf heures par semaine et qu'il avait été déclaré coupable, le 10 septembre 2002, de possession d'objets volés, à savoir une bicyclette, et de défaut de se conformer à une ordonnance judiciaire de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite. Le demandeur a été condamné à des amendes de 100 $ et 500 $ respectivement pour ces infractions. Après avoir entendu la preuve, la SAI a demandé que des observations soient présentées sur le fond de l'affaire et sur l'applicabilité de l'article 197 de la LIPR dans la présente affaire.


[6]         Les articles applicables de la LIPR disposent :


192. S'il y a eu dépôt d'une demande d'appel à la Section d'appel de l'immigration, à l'entrée en vigueur du présent article, l'appel est continué sous le régime de l'ancienne loi, par la Section d'appel de l'immigration de la Commission.


192. If a notice of appeal has been filed with the Immigration Appeal Division immediately before the coming into force of this section, the appeal shall be continued under the former Act by the Immigration Appeal Division of the Board.


197. Malgré l'article 192, l'intéressé qui fait l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi et qui n'a pas respecté les conditions du sursis, est assujetti à la restriction du droit d'appel prévue par l'article 64 de la présente loi, le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable.


197. Despite section 192, if an appellant who has been granted a stay under the former Act breaches a condition of the stay, the appellant shall be subject to the provisions of section 64 and subsection 68(4) of this Act.


64. (1) L'appel ne peut être interjeté par le résident permanent ou l'étranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée, ni par dans le cas de l'étranger, son répondant.

(2) L'interdiction de territoire pour grande criminalité vise l'infraction punie au Canada par un emprisonnement d'au moins deux ans.


64. (1) No appeal may be made to the Immigration Appeal Division by a foreign national or their sponsor or by a permanent resident if the foreign national or permanent resident has been found to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality.

(2) For the purpose of subsection (1), serious criminality must be with respect to a crime that was punished in Canada by a term of imprisonment of at least two years.




[7]         La SAI a rejeté l'appel du demandeur pour défaut de compétence. La SAI a conclu que le demandeur n'avait pas respecté une condition du sursis après l'entrée en vigueur de la LIPR et, que par conséquent, suivant l'article 197, il était assujetti à l'article 64 de la LIPR, lequel prévoit que le demandeur, en qualité de résident permanent interdit de territoire, n'a pas le droit d'interjeter appel devant la SAI.


[8]         Le demandeur prétend que la SAI a commis une erreur de droit dans son interprétation des articles 197 et 64 de la LIPR. Selon le demandeur, l'article 64 de la LIPR ne concerne que les appels pouvant être introduits à l'avenir et nteint pas expressément le droit d'appeler d'une personne qui a interjeté appel avant l'entrée en vigueur de la LIPR. De plus, le demandeur soutient que pour qu'un droit d'appel soit supprimé en application de l'article 64 de la LIPR, le demandeur doit avoir commis un crime grave après l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi. Lorsque le demandeur a simplement omis de respecter une condition du sursis, sans commettre une nouvelle infraction, la SAI ne perd pas sa compétence.

[9]         La règle générale relativement à la continuation des appels déposés avant l'entrée en vigueur de la LIPR est énoncée à l'article 192 de la LIPR. L'article 192 prévoit que « [s]'il y a eu dépôt d'une demande d'appel à la Section d'appel de l'immigration, à l'entrée en vigueur du présent article, l'appel est continué sous le régime de l'ancienne loi, par la Section d'appel de l'immigration de la Commission » . Même si le sursis à la mesure de renvoi du demandeur a été accordé avant l'entrée en vigueur de la LIPR le 28 juin 2002, le dossier du demandeur entre dans le champ d'application de la nouvelle Loi conformément à l'article 197. Cet article est une exception à la règle générale que l'on retrouve à l'article 192 de la LIPR. L'article 197 prévoit que « [m]algré l'article 192, l'intéressé qui fait l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi et qui n'a pas respecté les conditions du sursis, est assujetti à la restriction du droit d'appel prévue par l'article 64 de la présente loi, le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable » . L'application de l'article 197 de la LIPR dépend de deux conditions : premièrement, le demandeur doit avoir obtenu un sursis en vertu de l'ancienne loi et, deuxièmement, il doit avoir violé une condition du sursis. À première vue, l'article 197 s'applique clairement au demandeur parce qu'il a obtenu au départ un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi en vertu de l'ancienne loi le 22 décembre 1994. De plus, la SAI a conclu que le demandeur n'avait par respecté une condition du sursis et que, par conséquent, l'article 197 s'appliquait dans son cas.


[10]       Toutefois, le demandeur conteste l'appréciation de la preuve par la SAI voulant qu'il n'ait pas respecté une condition du sursis. Le 8 décembre 1999, la SAI a prolongé le sursis initial du demandeur pour une période de deux ans et a joint à son ordonnance une liste de conditions. La condition no 5 prévoit que [traduction] « la Section d'appel ordonne que le sursis d'exécution de la mesure de renvoi soit maintenu sous réserve du respect des conditions modifiées suivantes : [...] 5. Faire des efforts raisonnables pour trouver un emploi à temps plein et le conserver. »

[11]       Selon la preuve, le demandeur travaille neuf heures par semaine dans un restaurant depuis le 19 novembre 2001, et donne parfois un coup de main à Satellite Maintenance. Dans les motifs de la décision du 21 décembre 1999, le tribunal a mentionné que l'on s'attendait à ce que le demandeur redouble d'efforts pour trouver un emploi à temps plein parce que jusqu présent, ses efforts n'avaient pas été satisfaisants. La SAI fait observer que le 26 septembre 2002 le demandeur avait émoigné qu'il n'avait pas cherché un emploi à temps plein parce que son père vieillissait et avait besoin de lui. La SAI a conclu que la preuve démontrait clairement que le demandeur n'avait pas déployé des efforts raisonnables pour chercher et conserver un emploi à temps plein. Selon la SAI, le demandeur n'avait pas fourni de justifications acceptables quant à la raison pour laquelle, dans sa situation, il ne pouvait pas faire des efforts à cet égard. Un examen approfondi du dossier du tribunal et de la décision de la SAI m'amène à conclure que la SAI a fait une appréciation raisonnable de la preuve et que le demandeur n'a pas démontré que la Commission avait commis une erreur en concluant qu'il avait violé la condition no 5 du sursis.

[12]       Comme je suis d'avis que la SAI n'a pas commis d'erreur dans son appréciation de la preuve quant au non-respect d'une condition du sursis de la part du demandeur, les deux conditions sous-tendant l'application de l'article 197 sont remplies en l'espèce. En conséquence, par application de l'article 197, le demandeur est assujetti à l'article 64 et au paragraphe 68(4) de la LIPR (voir Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration c. Medovarski, 2004 CAF 85, [2004] A.C.F. no 366 (C.A.F.) (QL)). Comme la Commission ne s'est pas prononcée sur l'application du paragraphe 68(4), lequel, les parties en conviennent, ne s'applique pas à l'espèce, j'examinerai uniquement l'application de l'article 64 de la LIPR.


[13]       En l'espèce, la SAI a conclu qu'elle n'avait pas compétence pour entendre l'appel du demandeur parce qu'il s'agit d'un résident permanent interdit de territoire pour cause de grande criminalité. De fait, d'après le rapport d'Emploi et Immigration Canada, le demandeur a été condamné à deux ans d'emprisonnement pour diverses infractions, dont pour introduction par effraction. À la suite de ces nombreuses infractions, une mesure d'expulsion a été prise contre le demandeur le 8 novembre 1994 parce qu'il avait été déclaré interdit de territoire en vertu du paragraphe 32(2) de l'ancienne Loi. L'application du paragraphe 64(1) est subordonnée à deux conditions. Premièrement, en qualité de résident permanent, le demandeur tombe sous le coup dudit paragraphe. Deuxièmement, le demandeur a été déclaré interdit de territoire pour cause de grande criminalité. Même si le demandeur conteste le fait que ses infractions aient été qualifiées de graves, le paragraphe 64(2) énonce clairement qu'on entend par grande criminalité toute « infraction punie au Canada par un emprisonnement d'au moins deux ans » . Étant donné que le demandeur a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans et un jour, ses infractions doivent être qualifiées de « grande criminalité » au sens du paragraphe 64(1) de la LIPR et je suis d'avis que la conclusion de la SAI quant à son défaut de compétence pour entendre l'appel du demandeur était bien fondée.

[14]       Il est important de souligner que même si le demandeur n'a pas le droit d'interjeter appel devant la SAI par application des articles 197 et 64 de la LIPR, il dispose d'un recours subsidiaire. Dans l'arrêt Medovarski, précité, la Cour d'appel fédérale résume quelques-uns de ces recours :

[56]       Finalement, les personnes qui sont dans la même situation que Mme Medovarski ont d'autres occasions de faire connaître aux fonctionnaires de l'immigration les motifs pour lesquels elles ne devraient pas être renvoyées, nonobstant leur condamnation pour infractions criminelles. Plus particulièrement, Mme Medovarski ne sera pas renvoyée avant qu'on ait évalué les risques pour sa vie, sa sécurité physique ou sa liberté, en cas de renvoi dans le pays dont elle possède la citoyenneté : LIPR, paragraphe 112(1). De plus, elle peut demander un droit de séjour pour motifs d'ordre humanitaire en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR. Bien sûr, elle peut être renvoyée avant la fin du processus, mais l'obligation d'équité n'exige pas qu'un tel facteur fasse l'objet d'un appel à un tribunal indépendant.


[15]       Pour tous ces motifs, je suis d'avis que la SAI n'a commis aucune erreur déraisonnable dans sa façon de trancher l'affaire. Plus particulièrement, conclure que le demandeur n'avait pas respecté une condition du sursis était raisonnable. De plus, à la lumière de la LIPR et des faits de l'espèce, la SAI a eu raison de conclure qu'elle n'avait pas compétence pour entendre l'appel du demandeur. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[16]       L 'avocat du demandeur a soumis la question suivante pour fins de certification :

[traduction] Si un résident permanent fait l'objet d'une mesure d'expulsion à la suite d'une condamnation de plus de deux ans au titre de l'ancienne loi, qu'il a obtenu un sursis en vertu de l'ancienne loi et n'a pas respecté une condition de ce sursis après l'entrée en vigueur de la LIPR sans relever du paragraphe 68(4), l'article 197 met-il clairement fin à l'appel du résident permanent?

[17]       À l'instar de l'avocat du défendeur, j'estime que la question ne mérite pas dtre certifiée puisqu'elle a déjà été tranchée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Medovarski, précité.

                                                                                                                                 « Yvon Pinard »        

                                                                                                                                                    Juge                  

OTTAWA (ONTARIO)

Le 21 octobre 2004

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


                                                              COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-6562-03

INTITULÉ :                                          PHOTIOS FRANK PSYRRIS c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 9 août 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :     LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                       Le 21 octobre 2004

COMPARUTIONS :

Ethan Friedman                                 POUR LE DEMANDEUR

Sherry Rafai Far                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ethan Friedman                                 POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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