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Date : 200000824

Dossier : IMM-487-00

ENTRE :

                                                                SATBAL SINGH

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SIMPSON

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi) d'une décision par laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la section d'appel) a, en date du 20 janvier 2000, accueilli la demande du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (la Couronne) en vue d'obtenir l'annulation du sursis d'une mesure d'expulsion.


Chronologie

9 octobre 1997             Le demandeur est frappé d'une mesure d'expulsion vers la Malaisie en raison de déclarations de culpabilité relativement à deux accusations liées à la drogue (la mesure d'expulsion).

novembre 1997             Le demandeur a admis qu'il consommait de la drogue à cette époque.

mai 1998                       Le demandeur a obtenu un résultat positif à un test de dépistage de cocaïne.

29 juin 1998                  La section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a entendu l'appel du demandeur de la mesure d'expulsion aux termes de l'alinéa 70(1)b) de la Loi.

22 juillet 1998               La Commission a ordonné un sursis de la mesure d'expulsion (le sursis).

septembre 1998            Le demandeur a obtenu un test de dépistage des drogues positif et sa libération conditionnelle a été révoquée.

décembre 1998             La Couronne a présenté une demande aux termes de la règle 33 des Règles de la section d'appel de l'immigration en vue d'obtenir l'annulation du sursis.

13 mai 1999                  La Commission a entendu la demande de la Couronne. Le demandeur n'a pas comparu.

14 juillet 1999               La Commission a rendu une décision annulant le sursis.

29 juillet 1999               Le demandeur a présenté une requête en vue de faire rouvrir la demande de la Couronne. La requête a été accueillie.

20 janvier 2000             La demande de la Couronne en vue d'obtenir l'annulation du sursis a été entendue à nouveau (la seconde audience).

8 février 2000                La Commission a annulé le sursis et a rejeté l'appel de la mesure d'expulsion (la décision).


Les faits

[2]         Le demandeur est un citoyen de la Malaisie. Il est arrivé au Canada en qualité d'étudiant en janvier 1980 et a obtenu le statut de résident permanent en décembre 1983. Il a trois enfants qui sont nés au Canada, mais qui vivent actuellement à Trinidad avec leur mère, qui a divorcé du demandeur.

[3]         Le demandeur a obtenu son diplôme universitaire dans les années 1980 et il a travaillé au Canada comme homme d'affaires. Il a d'abord été propriétaire d'une franchise de vente d'aspirateurs. Par la suite, il a travaillé dans le domaine de la construction et de l'immobilier, et plus récemment, il a réuni des capitaux pour des entreprises canadiennes spécialisées dans la technologie.

[4]         Le demandeur affirme qu'il est devenu toxicomane à la fin des années 1980. En février 1997, il a été reconnu coupable à Toronto de trafic de stupéfiants et de possession en vue d'en faire le trafic et il a été condamné à deux ans d'emprisonnement pour chaque infraction. Ces déclarations de culpabilité ont donné lieu à la mesure d'expulsion du 9 octobre 1997.


[5]         Le demandeur a interjeté appel de la mesure d'expulsion devant la Commission. À l'audience ayant eu lieu le 29 juin 1998, le demandeur a témoigné relativement au remords qu'il éprouvait et relativement à sa désintoxication. Il a notamment affirmé qu'il avait consommé de la drogue pour la dernière fois en novembre 1997, l'année précédant l'audience. Il n'a pas mentionné avoir obtenu un test de dépistage des drogues positif en mai 1998, seulement un mois avant l'audience. Le membre de la Commission E.W.A. Townshend, dans des motifs en date du 22 juillet 1998, a statué que la mesure d'expulsion était valide en droit, mais a exercé les pouvoirs discrétionnaires de la Commission aux termes de l'alinéa 70(1)b) de la Loi et a sursis à la mesure d'expulsion. Le sursis a été accordé sous conditions, y compris une exigence que le demandeur s'abstienne de consommer des drogues et dépose des rapports donnant des renseignements courants sur une variété de sujets.

[6]         Le 9 septembre 1998, la libération conditionnelle du demandeur a été révoquée en raison d'un autre test de dépistage des drogues positif. Par conséquent, le 15 décembre 1998, la Couronne a présenté une requête aux termes de la règle 33 des Règles de la section d'appel de l'immigration en vue d'obtenir l'annulation du sursis. La Couronne a allégué que le demandeur avait induit en erreur le membre de la Commission Townshend en ne lui révélant pas qu'il avait obtenu un résultat positif à un test de dépistage de cocaïne en mai 1998, seulement un mois avant son audience. De plus, le demandeur n'avait jamais déposé les rapports exigés.


[7]         La requête de la Couronne a été entendue par le membre de la Commission Bernard Kalvin le 13 mai 1999. Toutefois, à cette date, le demandeur se trouvait à l'hôpital et était incapable de comparaître à l'audience. La Commission a indiqué, dans sa décision datée du 14 juillet 1999, que si le seul défaut du demandeur avait été une rechute dans la consommation de drogues, elle aurait rejeté la requête en annulation du sursis de la Couronne. Cependant, la Commission a souligné le défaut du demandeur d'être franc avec le membre de la Commission Townshend au sujet du test positif de mai 1998 et son défaut de respecter les exigences relatives aux rapports, et la Commission a jugé que le demandeur a négligé de présenter les rapports exigés soit parce qu'il n'a pas pris cette obligation au sérieux, soit parce qu'il voulait poser un geste de défi délibéré. La Commission a donc accordé la requête de la Couronne et a annulé le sursis.

[8]         La seconde audience s'est tenue devant le membre de la Commission Kalvin le 20 janvier 2000. À l'audience, la Commission a entendu les explications du demandeur relativement à son défaut de satisfaire aux conditions du sursis, et à son défaut de faire part de sa consommation récente de drogues à l'audience devant M. Townshend. De plus, la Commission a entendu le témoignage du demandeur au sujet de ses efforts continus afin de sortir de sa toxicomanie, y compris le fait qu'il ait terminé un programme de réadaptation. Le psychiatre du demandeur, le Dr Chiarot, a témoigné que le demandeur faisait de son mieux pour cesser la consommation de drogues, et une autre preuve de moralité a été présentée pour le compte du demandeur.

La décision de la Commission


[9]         La Commission a statué que le demandeur n'était pas crédible quand il a dit qu'il se rappelait être [TRADUCTION] « tombé de la remorque » en novembre 1997, huit mois avant son audience devant le membre de la Commission Townshend, mais qu'il a oublié sa consommation de drogues un mois avant la même audience. Le membre de la Commission Kalvin a conclu que le demandeur voulait induire la Commission en erreur relativement à sa récente consommation de drogues. La Commission a également rejeté la preuve du demandeur selon laquelle, peu après l'audience du mois de juin 1998, il avait signé un affidavit révélant sa consommation de drogues en mai 1998. À mon avis, il s'agissait d'une décision raisonnable eu égard au fait que jusqu'à maintenant un tel affidavit n'a pas été produit.

[10]       De plus, la Commission a rejeté les explications variées du demandeur relativement aux raisons pour lesquelles il n'a pas déposé de rapport en raison de leur caractère peu convaincant et a conclu que le demandeur a simplement choisi de ne pas tenir compte des exigences relatives aux rapports et que sa conduite équivalait à un abus de la confiance de la Commission.

[11]       Le membre de la Commission Kalvin a conclu que des parties de sa décision antérieure étaient toujours valides. À cet égard, il a déclaré :

[TRADUCTION] Ayant examiné la preuve et entendu les témoignages présentés aujourd'hui et étudié les observations des deux parties en ce qui concerne la présente demande de réouverture, on ne m'a pas convaincu que la décision que j'ai rendue relativement à la présente demande le 13 mai 1999 devrait être modifiée.

...

Ayant entendu les témoignages présentés aujourd'hui, je suis d'avis que les commentaires que j'ai faits dans ma décision du 13 mai 1999 s'appliquent toujours. À l'époque, j'ai dit ce qui suit :


Je comprends que M. Singh lutte contre la toxicomanie et qu'il éprouve des difficultés dans ce combat. Si le seul manquement aux conditions qui lui avaient été imposées par cette Commission avait été qu'il avait recommencé à consommer de la cocaïne, alors j'aurais été plus disposé à envisager favorablement le maintien du sursis dans la présente affaire. Or, ce que je trouve inquiétant dans la présente affaire, ce n'est pas tant que M. Singh ne puisse pas se débarrasser de sa dépendance aux drogues, aussi inquiétant que cela puisse être, mais plutôt que M. Singh a abusé de la confiance qu'avait en lui la Commission du fait qu'il n'a pas été franc avec le membre Townshend quand il a comparu le 29 juin 1998, et parce qu'il a simplement choisi de ne pas tenir compte des exigences relatives aux rapports qui lui avaient été imposées. Même si M. Singh avait recommencé à consommer de la cocaïne, il n'y avait aucune raison justifiant pourquoi il ne pouvait pas respecter les exigences relatives aux rapports qui lui avaient été imposées quand la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d'equity en sa faveur. M. Singh paraît être un homme d'affaires riche, sophistiqué et compétent. Le fait qu'il ait choisi de ne pas tenir compte des exigences relatives aux rapports que la Commission lui avait imposées paraît simplement être un geste de défi ou une indication qu'il n'a pas pris au sérieux la décision rendue par le membre Townshend en juin 1998.

Le point de vue du demandeur

[12]       Le demandeur affirme que, lors de la seconde audience, le membre de la Commission Kalvin s'est fait une fausse idée des paramètres de son pouvoir discrétionnaire. Il allègue que le fait que M. Kalvin se soit penché inopportunément sur son inconduite lors de l'audience précédente et sur les conditions du sursis le prouve. Le demandeur dit que la Commission était tenue en vertu de l'alinéa 70(1)b) de la Loi d'évaluer les circonstances particulières de l'espèce et que la décision fait clairement ressortir que la Commission n'a pris en considération que les prétentions de la Couronne relativement au parjure du demandeur et à son manquement aux conditions du sursis plutôt que la preuve portant sur sa bonne moralité et ses efforts continus en vue d'une réadaptation.

Les points litigieux

[13]       La Commission était-elle tenue d'examiner les circonstances particulières de l'espèce lors de la seconde audience, y compris les prétentions de la Couronne relatives aux manquements au sursis et les efforts du demandeur pour réussir sa réadaptation?

[14]       S'il était nécessaire de tenir compte des circonstances particulières décrites ci-dessus, est-ce que la Commission l'a réellement fait dans la décision?


Analyse et conclusion

[15]       Dans sa décision dans Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35 (1re inst.), le juge Evans a ajouté le commentaire suivant dans la partie de sa décision qui traitait de la pertinence des motifs (au par. 16) :

Une simple déclaration par l'organisme dans ses motifs que, pour en venir à ses conclusions, il a examiné l'ensemble de la preuve dont il était saisi suffit souvent pour assurer aux parties, et au tribunal chargé du contrôle, que l'organisme a analysé l'ensemble de la preuve avant de tirer ses conclusions de fait.

[16]       J'estime, comme la citation de la décision le montre, que la Commission a clairement tenu compte des circonstances particulières de l'espèce. Le fait que la Commission se soit principalement intéressée au parjure et aux manquements de la mesure de la Commission est tout à fait compréhensible étant donné que la requête en annulation du sursis de la Couronne était fondée sur ces questions. Toutefois, d'autres points portant sur la réadaptation n'ont pas été oubliés. M. Kalvin en avait tenu compte seulement sept mois plus tôt et l'avocat du demandeur a reconnu devant moi que rien d'essentiel n'avait changé. Dans les circonstances, la déclaration générale de la Commission indiquant que l'ensemble de la preuve avait été examiné, ainsi qu'un renvoi à la décision précédente, suffit à me convaincre que les circonstances particulières ont été réellement prises en considération.

[17]       Étant donné que je juge que les circonstances particulières de l'espèce ont été prises en considération, je conclus qu'il n'est pas nécessaire que je détermine si la Commission était tenue de le faire.


Conclusion

[18]       Pour ces motifs, la demande est rejetée.

Certification

[19]       Le demandeur a présenté la question suivante aux fins de la certification (la question) :

[TRADUCTION] La section d'appel est-elle tenue d'examiner à nouveau les circonstances particulières de l'espèce en vertu de l'alinéa 70(1)b) de la Loi quand elle se prononce sur l'annulation d'un sursis et le rejet d'un appel aux termes du paragraphe 74(3) de la Loi « quand la personne visée n'a pas présenté de preuve nouvelle et déterminante » ?

[20]       Je conclus que la question ne sera pas certifiée parce que je me suis prononcée sur la présente demande du fait que, sans tenir compte de savoir s'il était tenu de le faire, le membre de la Commission avait pris les circonstances particulières de l'espèce en considération. Par conséquent, la réponse à la question ne statuerait pas du litige en appel.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Vancouver (C.-B.)

le 24 août 2000

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE :    SATBAL SINGH

                               demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                             défendeur

DOSSIER :                                           IMM-487-00

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                   le 10 août 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :     LE JUGE SIMPSON

EN DATE DU :                                     24 août 2000

ONT COMPARU :

Mme Barbara Jackman                                     pour le demandeur

Mme Lori Hendriks                                           pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman & Associates                      pour le demandeur

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              pour le défendeur

Sous-procureur général du canada

Ottawa (Ontario)                      

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