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Date : 20021128

Dossier : T-1214-02

Référence neutre : 2002 CFPI 1234

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE), LE JEUDI 28 NOVEMBRE 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN

ENTRE :

                                                         JOAN A. WILLIAMSON

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                   représentant le ministre chargé de l'application de la

                                Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Mme Joan A. Williamson (la demanderesse) a présenté une demande de contrôle judiciaire visant une décision rendue sur le fondement de la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, L.R.C. 1985, ch. C-51.

[2]                Dans sa décision, Virginia Baker a rejeté la demande de désignation du Fort Saskatchewan Museum and Historic Site à titre d'établissement au sens de cette loi.


[3]                Sur le fondement de la règle 317 des Règles de la Cour fédérale (1998), la demanderesse a demandé que lui soit transmis le dossier de l'office fédéral. Le défendeur s'est opposé à la communication de certains documents ou éléments matériels, ce que lui permettait la règle 318. La présente instance fait donc suite à cette opposition.

[4]                Le défendeur soutient que le décisionnaire, Mme Baker, s'est dûment acquitté de ses obligations suivant la règle 318 en transmettant les documents mentionnés dans l'annexe jointe à l'affidavit d'une adjointe juridique du ministère de la justice, à Edmonton, Joanne Romans. Il fait en outre valoir que le décisionnaire pouvait obtenir un avis juridique confidentiel et qu'il peut invoquer le secret professionnel de l'avocat relativement à cet avis.

[5]                De plus, le défendeur avance que, pour décider si les documents ou éléments matériels non transmis sont visés par le secret professionnel de l'avocat, la Cour doit examiner les documents ou éléments matériels pour lesquels le privilège est invoqué. Il invoque à l'appui l'arrêt 1185740 Ontario Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), [1999] A.C.F. 1432 (C.A.F.).


[6]                La demanderesse rétorque que les documents ou éléments matériels en cause ont plutôt trait à des questions de preuve et ne sont pas protégés par le secret professionnel de l'avocat. Selon elle, tout énoncé de droit remis au décisionnaire constitue une argumentation juridique dont l'office fédéral a été saisi et qu'il doit communiquer de pair avec son dossier.

[7]                Elle fait par ailleurs valoir que, lorsque les documents ou éléments matériels demandés sont pertinents aux fins d'étayer la demande de contrôle judiciaire, ils doivent être transmis si le décisionnaire en était saisi au moment où la décision a été rendue. Elle invoque à l'appui le critère énoncé par le juge Nadon et confirmé par la Cour d'appel fédérale dans 1185740 Ontario Ltd., précité, au paragraphe 3 : « l'office [s'est-il] servi des documents dans son enquête, ses délibérations et sa décision » ? La demanderesse soutient que, en l'espèce, le décisionnaire s'est « servi » de l'avis juridique et que celui-ci doit être communiqué.

[8]                Les principes qui régissent le secret professionnel de l'avocat sont bien connus, et la Cour suprême du Canada les a résumés dans Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821, à la page 835. Ce privilège se caractérise par la confidentialité.

[9]                Toutefois, la partie qui invoque ce privilège ne peut se contenter d'affirmer qu'un document est protégé par le secret professionnel de l'avocat. Elle doit établir les faits sur le fondement desquels le privilège est invoqué; voir Lumonics Research Ltd. c. Gordon Gould et al., [1983] 2 C.F. 360 et 1185740 Ontario Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), [1999] A.C.F. no 1990 (C.F. 1re inst.), paragraphe 7.

[10]            En l'espèce, le défendeur a produit l'affidavit de Joanne Romans. L'affidavit ne porte que sur les documents que le défendeur est disposé à transmettre et qui constitueraient le dossier de l'office fédéral. Il ne fait pas mention du secret professionnel de l'avocat ni des motifs pour lesquels il est invoqué.

[11]            Le défendeur n'a présenté aucun élément de preuve pour étayer l'allégation selon laquelle le document en cause est visé par le secret professionnel de l'avocat. Le document a été remis à la Cour dans une enveloppe scellée. Je l'ai examiné et, à défaut d'un affidavit du défendeur faisant état des faits pertinents se rapportant au document, il m'est impossible de conclure qu'il s'agit d'un avis juridique et non une argumentation juridique, comme le prétend la demanderesse. L'affidavit de Mme Romans ne permet pas de tirer une autre conclusion.

[12]            Comme l'a signalé le juge Nadon dans 1185740 Ontario Ltd., précité, c'est au défendeur qu'il incombe d'établir l'application du secret professionnel de l'avocat, ce qu'il n'a pas fait. Il n'a pas établi le bien-fondé de son opposition, et la demanderesse a gain de cause en l'instance. Le défendeur transmettra le document litigieux au plus tard 10 jours après la présente ordonnance.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE au défendeur de transmettre le document litigieux dans les 10 jours qui suivent la présente ordonnance.

(s) « E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claire Vallée, LL.B.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-1214-02

INTITULÉ DE LA CAUSE :            JOAN A. WILLIAMSON c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :               4 novembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PAR : LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                     28 novembre 2002

ONT COMPARU :

Nathan Whitling                                   pour la demanderesse

Christine Ashcroft                                pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Parlee McLaws, s.r.l..                          pour la demanderesse

Edmonton (Alberta)

Morris Rosenberg                                pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


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