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Date : 19990504


Dossier : T-396-98

OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 4 MAI 1999

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

APPEL INTÉRESSANT LA Loi sur la citoyenneté,

L.R.C. 1985, ch. C-29,


ET un appel de la décision d'un juge de la Citoyenneté,


ET NG TAI KONG,


appelant.


J U G E M E N T

     L'appel est rejeté.


François Lemieux


JUGE

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.


Date : 19990504


Dossier : T-396-98

ENTRE :

APPEL INTÉRESSANT LA Loi sur la citoyenneté,

L.R.C. 1985, ch. C-29,


ET un appel de la décision d'un juge de la Citoyenneté,


ET NG TAI KONG,


appelant.


MOTIFS DE JUGEMENT

LE JUGE LEMIEUX :

INTRODUCTION

[1]      Ng Tai Kong s'est pourvu en appel devant cette Cour le 5 mars 1998. Il en appelait d'une décision rendue le 5 février 1998 par le juge de la Citoyenneté Jay Hong, suite à une demande présentée le 8 novembre 1996, par laquelle celui-ci rejetait la demande au motif que Ng Tai Kong ne satisfaisait pas aux conditions de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 (" la Loi ").

[2]      En vertu de cet alinéa de la Loi, un demandeur doit avoir résidé au Canada au moins trois ans en tout dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande.

[3]      L'appel de M. Ng est venu en cette Cour par voie d'un procès de novo et non d'une demande en vertu des Règles de la Cour fédérale, 1998, puisqu'il a été introduit avant l'entrée en vigueur de ces règles.

LA DÉCISION DU JUGE DE LA CITOYENNETÉ

[4]      Le juge de la Citoyenneté Hong a déclaré que M. Ng avait été absent du Canada plus de deux ans (904 jours) dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande. En l'instance, pour satisfaire aux conditions de résidence M. Ng devait le convaincre que ses absences du Canada pouvaient être considérées comme des périodes de résidence au Canada.

[5]      Le juge de la Citoyenneté Hong a déclaré qu'afin de prouver la résidence, une personne doit établir qu'en pensée et en fait elle a centralisé son mode d'existence au Canada. Il a ajouté que si cette résidence était établie, les absences du Canada n'y portent pas atteinte en autant qu'il est démontré que la personne en question s'est absentée temporairement et qu'elle a toujours maintenu au Canada une forme réelle et tangible de résidence.

[6]      Le juge de la Citoyenneté Hong a conclu que :

     a)      M. Ng est arrivé au Canada le 3 août 1993 en tant qu'immigrant ayant reçu le droit d'établissement; il accompagnait son père, sa mère et ses deux frères;
     b)      dans les quatre ans qui ont précédé sa demande de citoyenneté, M. Ng n'a été physiquement présent au Canada que 289 jours. Le reste du temps, il vivait à Hong Kong. M. Ng a donc un déficit de 806 jours par rapport à la période requise pour obtenir la citoyenneté.

[7]      Le juge de la Citoyenneté Hong a ensuite tiré les conclusions suivantes :

                 [traduction]                 
                      Bien que je reconnaisse que la présence physique au Canada pendant toute la période de 1 095 jours n'est pas impérative, une certaine période de présence physique est essentielle afin d'assurer un engagement réel ainsi que des attaches avec le Canada. C'est une réalité que je ne peux absolument pas négliger.                 
                      Il est clair que vous aviez un choix à faire avant d'immigrer au Canada, savoir rester à Hong Kong ou venir au Canada pour y commencer une nouvelle vie.                 
                      Les faits en l'espèce m'ont convaincu que vos périodes de présence au Canada étaient des visites ou des séjours temporaires. Elles ne suffisent donc pas à établir que vous avez centralisé votre mode d'existence au Canada dans les quatre années précédant la date de votre demande; par conséquent, vos absences du Canada ne peuvent être comptées comme des périodes de résidence au Canada.                 

[8]      Le juge de la Citoyenneté Hong a cité la jurisprudence suivante de cette Cour :

     a)      Re Koo, [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.), qui établit que l'objectif de l'alinéa 5(1)c) de la Loi est de s'assurer que toute personne qui se voit accorder la citoyenneté canadienne s'est " canadianisée " ou a été amenée à le faire par des contacts constants en côtoyant des Canadiens dans les centres commerciaux, etc.;
     b)      Re Ghany, T-2726-90, 10 janvier 1992, le juge Muldoon (C.F. 1re inst.), qui établit que la Cour doit interpréter l'objet de l'alinéa 5(1)c) de la Loi comme visant à assurer qu'une personne qui veut être citoyenne (et non tout juste ses biens inanimés) doit résider en personne dans la société canadienne pendant au moins trois des quatre années précédant la demande;
     c)      Re Leung (1991), 42 F.T.R. 149, qui établit que lorsque les absences sont motivées purement par des raisons personnelles et qu'elles sont de nature volontaire, elles ne peuvent être prises en compte; et qui établit aussi que même si un grand nombre de citoyens canadiens, qu'ils soient nés au Canada ou naturalisés, doivent passer une grande partie de leur temps à l'étranger en relation avec leur entreprise, et il s'agit là de leur choix, une personne qui veut obtenir la citoyenneté ne dispose pas de la même liberté à cause des dispositions de la Loi.

[9]      Le juge de la Citoyenneté Hong conclut de la façon suivante :

                 [traduction]                 
                      Un examen des faits en cette affaire et de la jurisprudence pertinente m'amène à conclure que vous n'avez pas maintenu d'attaches suffisantes avec le Canada durant vos absences pour que ces absences puissent être comptées comme périodes de résidence en vertu de la Loi.                 

LA PREUVE AU PROCÈS DE NOVO

[10]      M. Ng a témoigné dans le cadre de son appel. Né à Hong Kong le 19 mars 1973, il est entré au Canada le 3 août 1993 comme enfant à charge. Il avait 20 ans à l'époque et avait terminé sa première année d'études universitaires en informatique à l'Université de Hong Kong. La documentation établie lors de son arrivée indique qu'il était " étudiant ". Il n'était pas titulaire d'une bourse.

[11]      Avant leur arrivée au Canada, les parents de M. Ng ont acheté une maison à Scarborough, maison qui est la résidence familiale depuis lors. M. Ng y a sa chambre et certaines de ses affaires personnelles y sont remisées.

[12]      Avant de venir au Canada, les parents de M. Ng ont vendu l'entreprise familiale de Hong Kong, une manufacture de jouets. Le père de M. Ng a été admis à la résidence permanente au Canada dans la catégorie des entrepreneurs. Il a immédiatement monté une entreprise au Canada sous le nom de McArthur Import/Export Limited, qui se spécialise dans l'import-export des jouets et produits assimilés.

[13]      M. Ng s'est absenté du Canada aux périodes suivantes :

     a)      du 11 septembre au 7 décembre 1993;
     b)      du 4 janvier au 2 juin 1994;
     c)      du 13 juillet au 17 décembre 1994;
     d)      du 11 janvier au 6 juillet 1995;
     e)      du 2 août 1995 au 10 février 1996;
     f)      du 13 mars au 3 août 1996.

[14]      M. Ng a reçu son diplôme d'informatique de l'Université de Hong Kong en juillet 1995. Jusqu'à cette date, ses absences du Canada étaient justifiées par ses études.

[15]      En contre-interrogatoire, on a demandé à M. Ng ce qu'il avait prévu avant de venir au Canada afin d'être admis dans une université canadienne, plutôt que d'avoir à retourner à l'Université de Hong Kong.

[16]      M. Ng a répondu alors qu'il avait cherché à s'inscrire à l'Université de Toronto et à l'Université de Waterloo. L'Université de Waterloo était d'avis qu'il n'avait pas les qualifications requises pour être admis dans le programme d'informatique. L'Université de Toronto ne l'aurait admis qu'en première année de son programme d'informatique, car elle ne reconnaissait pas son année d'études à l'Université de Hong Kong.

[17]      M. Ng a déclaré que s'il s'était inscrit au programme de l'Université de Toronto, il aurait perdu une année en plus de terminer ses études une année plus tard. Le programme d'informatique de l'Université de Toronto est un programme de quatre ans, alors que celui de l'Université de Hong Kong est un programme de trois ans.

[18]      M. Ng a aussi fait valoir une autre raison de ne pas accepter l'offre de l'Université de Toronto, savoir qu'en sa qualité d'étudiant étranger il aurait dû absorber des frais de scolarité beaucoup plus élevés.

[19]      M. Ng a déclaré dans son témoignage qu'il n'a pas tenté de s'inscrire dans une autre université canadienne, étant donné qu'après en avoir discuté avec ses amis il était arrivé à la conclusion que les deux universités pour lesquelles il avait fait des démarches avaient les meilleurs programmes d'informatique.

[20]      Au cours de ses études à l'Université de Hong Kong, M. Ng a demeuré avec son oncle et sa famille. Il avait sa chambre dans l'appartement de son oncle. Il ne payait pas de loyer, mais défrayait d'autres coûts dont la nourriture.

[21]      M. Ng a d'autres parents proches à Hong Kong, savoir un autre oncle et une tante. Son grand-père réside en Chine.

[22]      Après avoir obtenu son diplôme, M. Ng s'est absenté à nouveau du Canada. Il s'est absenté du 8 août 1995 au 10 février 1996, et à nouveau du 13 mars au 8 août 1996.

[23]      Durant ces périodes, M. Ng a travaillé pour l'entreprise de son père à Hong Kong. L'entreprise en question avait obtenu un contrat pour faciliter l'exportation des produits d'un manufacturier de Hong Kong et pour installer un système informatisé. Son traitement lui était versé en dollars canadiens et il a produit ses déclarations d'impôt en tant que résident canadien.

[24]      M. Ng a récemment changé d'emploi. Il travaille maintenant pour une compagnie de Toronto qui se spécialise dans le commerce des articles de maison. M. Ng devra encore s'absenter par affaires dans le cadre de son nouvel emploi. Il réside maintenant un tiers à la moitié de l'année au Canada.

[25]      M. Ng a déclaré qu'à l'occasion de ses absences après l'obtention de son diplôme, il a passé 80 p. 100 de son temps à Hong Kong et 20 p. 100 de son temps en Chine. Lors de ses séjours à Hong Kong, il habitait la plupart du temps avec son oncle et séjournait à l'occasion à l'hôtel lorsqu'il devait rencontrer des clients. En Chine continentale, il séjournait à l'hôtel.

[26]      Lors de son contre-interrogatoire, M. Ng a dû répondre à des questions sur sa recherche d'emploi au Canada après ses études. Il a déclaré avoir commencé sa recherche d'emploi à peu près six mois avant l'obtention de son diplôme. Il a envoyé à peu près vingt demandes d'emploi, pour moitié comme stagiaire en gestion et pour moitié dans le domaine informatique. Il s'est renseigné auprès de ses amis. Il a fait des recherches dans l'internet. Il a déclaré avoir recherché les occasions d'emploi lors de son séjour d'un mois au Canada.

[27]      M. Ng pouvait difficilement préciser auprès de quelles compagnies canadiennes il avait fait des demandes. Il s'agissait de compagnies actives dans la région de Toronto, puisque c'est là que sa famille réside. Les réponses qu'il a reçues lui annonçaient qu'il n'y avait pas de vacances dans un avenir prévisible. Dans certains cas, les réponses négatives étaient liées à son manque de qualifications. Je peux en conclure que ces réponses venaient de compagnies où il avait sollicité un emploi comme stagiaire en gestion.

[28]      M. Ng a déclaré que son père l'avait engagé parce que son entreprise avait besoin de quelqu'un. Il a aussi dit qu'en fin de compte il savait pouvoir compter sur son père au besoin.

[29]      Le père et la mère de M. Ng sont citoyens canadiens, ainsi que ses frères et soeurs.

ANALYSE

[30]      M. Ng a déposé sa demande de citoyenneté trois ans et trois mois après son arrivée au Canada comme résident permanent. En tant qu'étudiant à l'université, il était alors à la charge de sa famille.

[31]      Durant cette période, M. Ng a consacré à peu près deux ans à ses études à Hong Kong et une autre année à travailler pour l'entreprise canadienne de son père à Hong Kong. Durant toute cette période, il est revenu au Canada pour de courts séjours. Je suis tout à fait conscient que Hong Kong est très loin du Canada, même si l'on voyage par avion.

[32]      L'affaire dont je suis saisi ne concerne pas uniquement un " étudiant ". En fait c'est une affaire hybride, puisque M. Ng n'est resté au Canada qu'un mois après avoir terminé ses études à l'Université de Hong Kong en juillet 1995 avant de retourner à Hong Kong pour y travailler.

[33]      La Loi sur la citoyenneté prescrit les mêmes conditions aux étudiants qu'aux autres résidents permanents qui demandent la citoyenneté, savoir qu'ils doivent avoir résidé au Canada pendant trois des quatre années qui ont précédé la date de leur demande.

[34]      L'essentiel de la jurisprudence qu'on a citée en l'instance traite d'affaires mettant en cause des étudiants. Ma lecture de ces affaires indique que cette Cour a appliqué les mêmes critères d'interprétation de la résidence dans les affaires mettant en cause des étudiants que ceux qu'elle a utilisés pour toute autre personne demandant la citoyenneté canadienne. Ceci, bien sûr, en étant tout à fait consciente de la difficulté et de ce que j'appellerais l'aspect délicat des demandes lorsque les étudiants en cause poursuivent leurs études à l'étranger. Le juge Denault en a fait état de la façon suivante dans Re Kwan, dossier T-2748-97, le 26 novembre 1998 :

                      Il est difficile de décider si des étudiants qui poursuivent leurs études à l'étranger peu de temps après l'installation de leurs parents au Canada ont eux-mêmes centralisé leur mode de vie dans ce pays.                 

[35]      Une des affaires-clé pour l'interprétation des conditions de résidence est In re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208, une décision du juge en chef adjoint Thurlow (tel qu'il était alors). Le juge Reed s'est fondée sur cette décision et d'autres pour énoncer le critère suivant dans Re Koo, (précité), à la p. 293 :

                      La conclusion que je tire de la jurisprudence est la suivante: le critère est celui de savoir si l'on peut dire que le Canada est le lieu où le requérant "vit régulièrement, normalement ou habituellement". Le critère peut être tourné autrement: le Canada est-il le pays où le requérant a centralisé son mode d'existence?                 

Le juge Reed a ensuite énoncé six questions à poser afin de rendre une telle décision.

[36]      Dans Re Papadogiorgakis, le juge en chef adjoint Thurlow déclare, à la p. 214 :

                      Une personne ayant son propre foyer établi, où elle habite, ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même poursuivre des études. Le fiat que sa famille continue à y habiter durant son absence peut appuyer la conclusion qu'elle n'a pas cessé d'y résider. On peut aboutir à cette conclusion même si l'absence a été plus ou moins longue. Cette conclusion est d'autant mieux établie si la personne y revient fréquemment lorsque l'occasion se présente. Ainsi que l'a dit le juge Rand dans l'extrait que j'ai lu, cela dépend [traduction] " essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances au lieu en question ".                 

[37]      Appliquant cette interprétation, le juge en chef adjoint Thurlow a conclu que M. Papadogiorgakis était pendant toute la période pertinente un résident dans la demeure de ses amis à Tusket (N.-É.) et que, même s'il n'était pas propriétaire de la maison, il en avait fait le centre de son mode habituel de vie en mai 1974. C'est là qu'il a habité pendant le reste de l'année 1974 et toute l'année 1975. On ne peut considérer sa présence en ce lieu à cette époque comme un " séjour " ou une " visite ". Lorsqu'en 1976 il a quitté ce lieu pour aller à l'université, il ne l'a fait que dans le but provisoire de faire des études. Il a quitté sans rompre la continuité qui faisait de la Nouvelle-Écosse le centre de son mode habituel de vie.

[38]      La question à trancher dans Papadogiorgakis, (précité), n'était pas de savoir si l'intéressé avait établi et centralisé son mode habituel de vie au Canada, ce que le juge en chef adjoint Thurlow a démontré. La question était de savoir si, compte tenu de ses séjours à l'étranger pour ses études supérieures, il était ou non resté un résident au sens de la loi. Le juge en chef adjoint Thurlow répond à cette question de la façon suivante, à la p. 215 :

                 Il me paraît avoir fait de cette maison le centre de son mode habituel de vie pendant plus d'un an et demi avant de poursuivre ses études à l'université et il a continué à le faire même alors qu'il était à l'université. À mon avis, sa vie a continué comme auparavant, sous réserve seulement de la nécessité pour lui de s'en absenter dans le but provisoire de faire des études.                 

[39]      Pour obtenir gain de cause en instance, M. Ng doit me convaincre que :

     a)      premièrement, il a établi et centralisé son mode habituel de vie au Canada avant de retourner à Hong Kong pour faire des études et travailler dans l'entreprise de son père;
     b)      deuxièmement, il a conservé et centralisé son mode habituel de vie au Canada durant ces absences.

[40]      Après avoir entendu les plaidoiries des avocats des deux parties et examiné les affaires qu'ils ont citées, il me semble qu'ils sont d'accord que le critère approprié à appliquer ici est celui de savoir si M. Ng avait centralisé son mode habituel de vie au Canada.

[41]      L'avocat de M. Ng présente un argument fort simple. M. Ng a centralisé son mode habituel de vie au Canada du fait qu'il vit avec ses parents et est à leur charge, et que ses séjours à l'étranger étaient de nature provisoire et liés à ses études et à son travail.

[42]      L'avocate du défendeur a aussi accepté que le critère approprié pour déterminer la résidence est le concept de la centralisation du mode habituel de vie au Canada. Elle a repris les six questions énoncées par le juge Reed dans Re Koo, (précité), questions qu'elle considère utiles pour déterminer l'issue de cette affaire.

[43]      L'avocate du défendeur fait ressortir que M. Ng n'est demeuré au Canada que trente-huit jours avant de retourner à Hong Kong pour y continuer ses études. Ceci contraste avec bon nombre d'affaires, comme Papadogiorgakis (précité), où l'intéressé a vécu au Canada et étudié à l'Université Acadia pendant quatre ans avant de poursuivre ses études supérieures à l'étranger; Re Michael Brian Wasser, le 10 octobre 1996, T-2330-95, où le juge Noël (tel qu'il était alors), a accueilli l'appel d'un étudiant du fait qu'il avait continuellement vécu au Canada de l'âge de sept à vingt-sept ans avant de quitter pour poursuivre ses études supérieures aux États-Unis; et Re Thomas Alan Keahey, le 4 juin 1997, T-265-96, où le juge Pinard a accueilli l'appel d'un étudiant qui avait régulièrement, normalement et habituellement vécu au Canada avec les autres membres de sa famille pendant quelque vingt années avant ses absences prolongées à l'étranger pour compléter ses études.

[44]      L'avocate du défendeur a plaidé que M. Ng a vécu avec sa famille élargie à Hong Kong (son oncle). Elle a aussi porté mon attention sur la longueur de ses absences, qui était substantielle (904 jours), le laissant considérablement en défaut de rencontrer les conditions de résidence. Elle a aussi indiqué que le rythme des présences physiques de M. Ng au Canada n'indique pas qu'il rentrait chez lui, mais bien qu'il venait en visite et que ses absences n'avaient pas un but provisoire.

[45]      M. Ng ne m'a pas convaincu qu'il avait centralisé son mode habituel de vie au Canada, ce qui lui aurait permis de compter ses absences aux fins des conditions de résidence prévues dans la Loi. Ma décision est fondée sur les éléments suivants de l'affaire, considérés dans leur contexte global.

[46]      Premièrement, M. Ng est retourné à Hong Kong après avoir passé seulement trente-huit jours au Canada. Les ressemblances avec Re Kwan, (précité), et Re Moulot, le 25 novembre 1997, T-962-97, le juge Pinard, sont remarquables.

[47]      Deuxièmement, même si M. Ng était un étudiant à charge de sa famille, son retour à Hong Kong était essentiellement volontaire et l'expression de son choix. Même si ce n'était qu'en première année, il avait été accepté à l'Université de Toronto. Il n'a pas donné suite à cette offre parce qu'il aurait dû prendre deux ans de plus pour obtenir son diplôme canadien. Il aurait alors centralisé son mode de vie au Canada. Son choix personnel a été de retourner à Hong Kong pour obtenir plus rapidement un diplôme, alors qu'il savait que ce dernier ne serait pas reconnu de la même façon qu'un diplôme délivré par une université canadienne (voir Re Kwan, (précité)), diplôme qui aurait facilité son intégration au Canada. Je ne suis pas convaincu que la raison pour laquelle il n'a pas accepté l'offre de l'université de Toronto soit d'ordre financier.

[48]      Troisièmement, après avoir obtenu son diplôme de l'Université de Hong Kong, il n'a pas cherché de façon soutenue un emploi au Canada. Encore une fois, son choix par convenance personnelle a été d'accepter du travail au sein de l'entreprise de son père, travail qui exigeait qu'il soit absent du Canada (pour une affaire semblable, voir Re Lee, le 5 novembre 1997, T-137-97, le juge Gibson).

[49]      Quatrièmement, il fallait que M. Ng démontre qu'il avait des attaches au Canada et un engagement envers ce pays, et non simplement envers sa famille. M. Ng n'a pas démontré qu'il avait des attaches suffisantes au Canada (voir Re Shang, le 23 janvier 1998, T-1186-97, le juge Wetston; Re Chan, le 18 février 1998, T-1870-97, le juge Joyal).

[50]      Cinquièmement, le juge Pinard a fait ressortir dans Re Moulot (précité) que les conditions de résidence de l'alinéa 5(1)c) visent une résidence d'au moins trois ans dans les quatre ans qui ont précédé la date de la demande. Il écrit ceci :

                 D'ailleurs, la Loi permet déjà à une personne qui a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent de ne pas résider au Canada pendant une des quatre années qui précèdent immédiatement la date de sa demande de citoyenneté.                 

M. Ng a présenté sa demande de citoyenneté canadienne seulement trois ans et un tiers après son arrivée au Canada. La loi lui accorde ce droit. Il a déclaré ne plus travailler pour l'entreprise de son père, son nouveau travail l'obligeant à s'absenter beaucoup moins. Dans Re Kwan (précité), où les circonstances sont assez similaires à celles de la présente affaire, le juge Denault a indiqué que la demande de citoyenneté lui semblait prématurée. J'exprimerais cette réalité de façon différente, savoir qu'en présentant sa demande aussitôt, M. Ng a réduit ses chances de succès. En effet, il s'est donné fort peu de temps pour démontrer qu'il avait centralisé son mode habituel de vie au Canada, ce qu'il pourrait faire plus facilement maintenant que ses attaches au Canada semblent beaucoup plus concrètes (c'était aussi le cas dans Re Hsieh, le 16 juin 1997, T-817-96, le juge McKeown). Il en a maintenant l'occasion en présentant une nouvelle demande de citoyenneté canadienne.

[51]      Bien que je leur ai donné une plus grande extension ici, les motifs du juge de la Citoyenneté Hong sont tout à fait fondés. En conséquence, l'appel est rejeté.

     François Lemieux

    

     J U G E

OTTAWA (ONTARIO)

LE 4 MAI 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


NOM DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-396-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 ET un appel de la décision du juge de la Citoyenneté ET NG TAI KONG
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          Le 22 avril 1999

MOTIFS DE JUGEMENT DE M. LE JUGE LEMIEUX

EN DATE DU :              4 mai 1999

ONT COMPARU :

M. Sheldon Robins                          POUR L'APPELANT
Md. Sally Thomas                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Sheldon M. Robins                      POUR L'APPELANT

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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