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Date: 20001006


Dossier : T-405-98

CALGARY (ALBERTA), LE VENDREDI 6 OCTOBRE 2000

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM


AFFAIRE INTÉRESSANT UNE DÉCISION D'UN COMITÉ

D'APPEL D'ANCIENS COMBATTANTS CANADA

CONSTITUÉ CONFORMÉMENT À LA LOI SUR LE

TRIBUNAL DES ANCIENS COMBATTANTS (RÉVISION ET APPEL)

ENTRE :


MERVYN H. SHMYR


demandeur


et


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


défendeur



ORDONNANCE

     Pour les motifs énoncés dans les motifs de l'ordonnance, la demande visant à la production d'éléments de preuve dont le décideur ne disposait pas est rejetée.

     L'intitulé de la cause est modifié de façon que le procureur général du Canada soit désigné à titre de défendeur.


     La demande de contrôle judiciaire est rejetée, le tout sans dépens.


                 « Max M. Teitelbaum »

             __________________________

                 J.C.F.C.



Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.



Date: 20001006


Dossier : T-405-98


AFFAIRE INTÉRESSANT UNE DÉCISION D'UN COMITÉ

D'APPEL D'ANCIENS COMBATTANTS CANADA

CONSTITUÉ CONFORMÉMENT À LA LOI SUR LE

TRIBUNAL DES ANCIENS COMBATTANTS (RÉVISION ET APPEL)

ENTRE :


MERVYN H. SHMYR


demandeur


et


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


défendeur


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

[1]      Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle le Tribunal des anciens combattants (Révision et appel) (le TACRA) a confirmé, le 17 décembre 1997, une décision du comité d'examen. Par cette décision, datée du 25 juin 1997, la demande que le demandeur avait présentée en vue d'obtenir une pension d'invalidité du ministère des Anciens combattants était rejetée.

Les faits

[2]      Le demandeur Mervyn H. Shmyr est né en 1943. Il a été membre de la GRC du 7 février 1964 au 23 septembre 1969, date à laquelle il a été renvoyé. Après son renvoi, le demandeur a demandé une pension d'invalidité à la Commission canadienne des pensions, en alléguant une anomalie évolutive de la colonne lombaire et une entorse lombaire chronique. La Commission canadienne des pensions a conclu, le 29 septembre 1970, que la blessure alléguée n'ouvrait pas droit à pension.

[3]      Le demandeur a subséquemment demandé une pension d'invalidité au ministère des Anciens combattants, en alléguant un syndrome discal lombaire et un syndrome discal cervical. Le demandeur attribue le syndrome discal lombaire aux exercices d'éducation physique et aux exercices équestres, qui faisaient partie de la formation reçue à la GRC, ainsi qu'à un accident de voiture qu'il a eu au mois d'avril 1968 pendant qu'il était de service. Le demandeur attribue le syndrome discal cervical à cet accident de voiture.

[4]      Le demandeur a demandé une pension d'invalidité au ministère des Anciens combattants à l'égard des troubles dont il était atteint. La demande a été rejetée, et le demandeur a demandé au comité d'examen de réviser cette décision; cette demande a été refusée le 25 juin 1997. Le demandeur en a subséquemment appelé de cette décision devant le TACRA; c'est la décision défavorable rendue par cet organisme qui fait maintenant l'objet de la demande de contrôle judiciaire.

Décision du TACRA

[5]      En ce qui concerne la demande de pension d'invalidité que le demandeur a présentée pour le syndrome discal cervical, le TACRA a noté que le demandeur fondait cette demande sur l'accident qu'il avait eu au mois d'avril 1968. La formation a noté la déclaration qu'un témoin qui était un collègue du demandeur, Dennis M. Roughley, avait faite au moyen d'une lettre dans laquelle l'événement était décrit comme suit :

         [TRADUCTION]
         La voiture de marque Plymouth a heurté la porte avant située du côté du conducteur de la voiture de police. Je ne puis me rappeler quelle était l'étendue du dommage. Je me rappelle que nous avons repris place dans la voiture de police et que nous avons poursuivi le conducteur de la Plymouth afin de l'arrêter pour avoir commis plusieurs infractions.
         Nous avons effectué plusieurs milles sur une route de section gravelée à la poursuite du véhicule jusqu'à ce qu'il entre sur une terre en jachère. Vous, agent Shmyr, avez suivi le véhicule dans le fossé. Je me rappelle également que notre voiture s'est soudainement arrêtée après avoir heurté de plein fouet le fossé. La voiture de marque Plymouth s'est également arrêtée, après avoir frappé le fossé et après avoir traversé une route qui divisait deux champs. Je ne puis me rappeler tous les détails de l'accident, mais je me rappelle qu'il a fallu plusieurs heures pour mener à bonne fin l'enquête relative à cet événement, après que nombreuses photos aériennes eurent été prises. Il y a eu des blessures, mais je ne me rappelle pas dans quelle mesure.1

[6]      La formation a noté que, dans les états de service ou dans le dossier médical du demandeur, il n'est aucunement fait mention de cet événement, et que le demandeur ne s'était pas plaint d'avoir subi des blessures à ce moment-là, ou lors de son renvoi. Le demandeur s'est plaint de maux de dos pour la première fois en 1970, mais il n'a pas rattaché ces maux à l'accident survenu en 1968.

[7]      La formation a noté un avis médical soumis par le docteur Salem M. Esmail, qui est orthopédiste. Le médecin a déclaré qu'il ne pouvait pas rattacher directement les écrasements de la colonne vertébrale à l'accident de voiture dont le demandeur avait été victime. En outre, les radiographies qui avaient été prises en 1970 ne révélaient pas l'existence de fractures par compression, qui ne se manifestent pas avec le temps, mais apparaissent plutôt peu de temps après un accident.

[8]      La formation a également noté que le docteur Esmail s'était demandé si l'accident survenu en 1968 avait eu pour effet d'exacerber l'arthrose naturelle de la colonne cervicale, mais elle a semblé accorder peu d'importance ou n'accorder aucune importance à l'avis du docteur Esmail étant donné que cet avis était fondé sur la version donnée par le demandeur. La formation a considéré de la même façon l'avis médical d'un certain docteur Tworek étant donné que cet avis était également fondé sur la version du demandeur.

[9]      En rejetant la demande que le demandeur avait présentée en invoquant un syndrome discal cervical, la formation a conclu ce qui suit :

         [TRADUCTION]
         Si l'appelant avait subi d'importantes blessures au cou et au bas du dos, il aurait fallu qu'il se plaigne. Or, son dossier ne renferme pas le moindre renseignement et ne fait état d'aucune plainte et d'aucun traitement et, même lorsqu'il a été renvoyé, l'appelant n'a pas mentionné la blessure. En outre, la formation a remarqué que lorsqu'il a demandé une pension en invoquant des maux de dos, l'appelant n'a même pas mentionné la blessure qu'il avait subie en 1968. Le fondement de sa demande n'est pas vraisemblable et la formation considère que l'événement allégué qui se serait produit en 1968 n'a aucunement contribué à faire apparaître les troubles allégués, à accélérer l'apparition de ces troubles ou à aggraver ces troubles.2

[10]      En ce qui concerne la demande que le demandeur a présentée en invoquant un syndrome discal lombaire, la formation a noté que le demandeur attribue ce trouble aux exercices d'éducation physique et aux exercices équestres qu'il faisait pendant qu'il servait dans la GRC. Le demandeur a également souligné que l'accident qui s'était produit en 1968 était un facteur possible.

[11]      La formation n'a pas accepté l'avis exprimé par le docteur Esmail, selon lequel l'accident de 1968 aurait pu aggraver le trouble lombaire, en disant encore une fois que cet avis était fondé sur la version du demandeur.

[12]      La formation a conclu qu'en l'absence d'une blessure importante au dos qui aurait été subie pendant que le demandeur était de service, avec plaintes ou traitements à l'appui, il n'était pas possible de rattacher les troubles allégués au service que le demandeur avait effectué au sein de la GRC, et elle a rejeté la demande.

Questions préliminaires

[13]      Le demandeur présente une requête, qui doit être entendue avant que le contrôle judiciaire lui-même soit demandé, en vue de faire admettre certains documents en tant que partie intégrante du dossier de la demande de contrôle judiciaire. Le demandeur cherche à présenter ces nouveaux éléments de preuve au moyen de l'affidavit qu'il a établi et déposé le 17 novembre 1999.

[14]      Les documents en question sont une lettre datée du 14 juillet 1998 et un document de cinq pages de la GRC, qui comprend le formulaire A-159. Ce dernier document, le formulaire A-159, a été signé par le demandeur lorsqu'il a été renvoyé de la GRC. On y demandait d'indiquer les blessures ou maladies qui avaient entraîné l'invalidité pour laquelle une pension était demandée et de fournir les dates pertinentes. Le demandeur a répondu qu'il avait été blessé au dos pendant qu'il suivait sa formation à titre de recrue, en 1964, et il a attribué cette blessure aux [TRADUCTION] « exercices équestres » .

[15]      Le défendeur soutient que le demandeur tente d'une façon illégitime de se fonder sur trois affidavits, datés du 3 mars 1998, du 23 juin 1998 et du 17 novembre 1999. Les Règles de la Cour fédérale qui étaient en vigueur au moment où le demandeur a déposé son avis de requête introductive d'instance, au mois de mars 1998, prévoient que le demandeur doit déposer un ou plusieurs affidavits en même temps que l'avis de requête et que des affidavits complémentaires peuvent uniquement être déposés sur autorisation de la Cour3.

[16]      Le demandeur n'a pas demandé à la Cour l'autorisation de déposer les affidavits du 23 juin 1998 et du 17 novembre 1999.

[17]      Dans la décision Weare c. Canada (Procureur général), Monsieur le juge MacKay a statué ce qui suit :

         Quant à M. Weare, il est bien établi en droit que dans une demande de contrôle judiciaire la seule preuve dont la Cour peut tenir compte, en évaluant si le décideur administratif a commis une erreur, est celle dont disposait ce dernier. Dans une demande de contrôle judiciaire, le bien-fondé de la décision contestée ne peut être débattu de nouveau à l'aide d'une nouvelle preuve dont le décideur ne disposait pas. Pour ce motif, je ne peux tenir compte, en rendant la présente décision, d'aucune preuve invoquée par le demandeur postérieure à la décision du Tribunal, et notamment de différentes lettres échangées par les médecins spécialistes qui appuieraient la cause du demandeur. À ce sujet, je signale simplement que conformément au paragraphe 32(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. (1995), ch.18 (la Loi), le Tribunal conserve le pouvoir de réexaminer sa décision en raison de nouveaux éléments de preuve fournis par le demandeur. Ce paragraphe prévoit :
             32. (1) Par dérogation à l'article 31, le comité d'appel peut, de son propre chef, réexaminer une décision rendue en vertu du paragraphe 29(1) ou du présent article et soit la confirmer, soit l'annuler ou la modifier s'il constate que les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit étaient erronées; il peut aussi le faire sur demande si l'auteur de la demande allègue que les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit étaient erronées ou si de nouveaux éléments de preuve lui sont présentés.4

[18]      En ce qui concerne une autre question préliminaire, le défendeur s'oppose à ce que le ministre des Anciens combattants du Canada soit désigné à titre de défendeur dans l'intitulé de la cause. Le défendeur désigné devait être le procureur général du Canada; le défendeur sollicite donc une ordonnance modifiant l'intitulé de cause en conséquence.
[19]      J'ai refusé d'accueillir la demande que le demandeur a présentée en vue de produire des éléments de preuve dont le TACRA ne disposait pas. Si la demande avait été accueillie, cela aurait causé un préjudice grave au défendeur. En outre, lorsqu'une demande de contrôle judiciaire telle que celle-ci est présentée, je dois déterminer si la décision est manifestement déraisonnable. Or, je ne pourrais le faire si je tenais compte d'éléments de preuve dont le décideur ne disposait pas.
[20]      J'ai accueilli une demande visant à faire modifier le nom du défendeur de façon que ce soit le procureur général du Canada qui soit désigné.
Position du demandeur
[21]      Le demandeur soutient que le TACRA a commis une erreur en omettant d'appliquer les présomptions légales qui militent en sa faveur relativement à l'appréciation de la preuve5.
[22]      Le demandeur déclare que la formation ne disposait d'aucun élément de preuve montrant qu'il avait déjà subi une blessure au cou ou au dos au moment où il s'est enrôlé dans la GRC en 1964. Aucun élément de preuve ne contredisait la prétention selon laquelle le demandeur devait faire des exercices d'éducation physique et des exercices équestres. Le demandeur affirme que l'absence d'un rapport faisant état de l'existence de blessures n'équivaut pas à une preuve contradictoire et que la présomption prévue au paragraphe 21(3) de la Loi sur les pensions et à l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) devrait s'appliquer.
[23]      Le demandeur soutient que la formation n'a pas accordé l'importance qu'il convenait d'accorder à la preuve présentée par Dennis M. Roughley6 et R.B. Irving7 et qu'elle a rejeté à tort l'avis médical du docteur Esmail. Le demandeur soutient également que la formation a commis une erreur en omettant d'examiner ou même de mentionner deux rapports rédigés par son chiropraticien, le docteur Percy Boyko8.
Position du défendeur
[24]      Le défendeur soutient que les présomptions légales qui militent en faveur du demandeur ne veulent pas dire que le TACRA doit retenir chacun des éléments de preuve présentés par celui-ci. La preuve doit plutôt être à la fois vraisemblable et raisonnable.
[25]      Le défendeur soutient que même si l'avis médical du docteur Tworek n'est pas contredit, la formation n'est pas tenue de le retenir si elle fait savoir pourquoi elle juge cet élément de preuve invraisemblable. Le défendeur affirme que la formation n'a pas commis d'erreur en rejetant le rapport du docteur Esmail puisqu'il était fondé sur la version donnée par le demandeur.
[26]      Quant aux lettres de Dennis Roughley et de R.B. Irving, le défendeur convient qu'elles confirment que l'accident de voiture de 1968 a bel et bien eu lieu. Toutefois, ces lettres ne fournissent pas de détails au sujet des blessures subies ou du traitement suivi, et elles ne peuvent pas être considérées comme un élément de preuve objectif.
Contexte législatif
[27]      L'article 32 de la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada prévoit qu'un membre de la GRC se voit accorder une concession de pension conformément à la Loi sur les pensions s'il a subi une invalidité chaque fois que la blessure ou maladie ou son aggravation ayant occasionné l'invalidité ou le décès sur lequel porte la demande de pension était consécutive ou se rattachait directement à son service dans la Gendarmerie.
[28]      L'article 2 de la Loi sur les pensions prévoit ce qui suit :

2. The provisions of this Act shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to provide compensation to those members of the forces who have been disabled or have died as a result of military service, and to their dependants, may be fulfilled.

2. Les dispositions de la présente loi s'interprètent d'une façon libérale afin de donner effet à l'obligation reconnue du peuple canadien et du gouvernement du Canada d'indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides ou sont décédés par suite de leur service militaire, ainsi que les personnes à leur charge.


[29]      Le paragraphe 21(3) de la Loi sur les pensions crée une présomption en faveur des demandeurs :

21. (3) For the purposes of subsection (2), an injury or disease, or the aggravation of an injury or disease, shall be presumed, in the absence of evidence to the contrary, to have arisen out of or to have been directly connected with military service of the kind described in that subsection if the injury or disease or the aggravation thereof was incurred in the course of

(f) any military operation, training or administration, either as a result of a specific order or established military 21.(3) Pour l'application du paragraphe (2), une blessure ou maladie -- ou son aggravation -- est réputée, sauf preuve contraire, être consécutive ou rattachée directement au service militaire visé par ce paragraphe si elle est survenue au cours_:


f) d'une opération, d'un entraînement ou d'une activité administrative militaires, soit par suite d'un ordre précis, soit par suite d'usages ou pratiques militaires établis, que custom or practice, whether or not failure to perform the act that resulted in the disease or injury or aggravation thereof would have resulted in disciplinary action against the member;

l'omission d'accomplir l'acte qui a entraîné la maladie ou la blessure ou son aggravation eût entraîné ou non des mesures disciplinaires contre le membre des forces;


[30]      Les articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA(RA) sont ainsi libellés :

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

39. Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve_:

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

[31]      La Loi sur le TACRA(RA) renferme, à l'article 31, une clause privative ainsi que la disposition susmentionnée figurant à l'article 32 autorisant le réexamen d'une demande qui a déjà été entendue. L'article 31 se lit comme suit :

31. A decision of the majority of members of an appeal panel is a decision of the Board and is final and binding.

31. La décision de la majorité des membres du comité d'appel vaut décision du Tribunal; elle est définitive et exécutoire.


Analyse

[32]      En l'espèce, il s'agit principalement de savoir si le TACRA a soupesé la preuve d'une façon manifestement déraisonnable, compte tenu des présomptions et obligations prévues par la loi.

[33]      Dans la décision Weare, le juge MacKay a examiné l'effet de la clause privative figurant à l'article 31 de la Loi sur le TACRA(RA). Il a conclu que la cour qui effectue l'examen doit faire preuve de retenue à l'égard des décisions du TACRA, à l'exception de celles portant sur la compétence du Tribunal à moins qu'elles ne soient manifestement déraisonnables9.

[34]      Quant à la preuve médicale présentée par le demandeur, la formation peut à juste titre rejeter pareil élément si elle dispose d'une preuve médicale contradictoire. Les articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA(RA) ne veulent pas dire que la formation doit nécessairement accepter les prétentions du demandeur. La preuve doit être à la fois vraisemblable et raisonnable. Si la preuve fondée sur une conclusion d'invraisemblance ou d'absence de caractère raisonnable est rejetée, la formation doit le dire et fournir des motifs.

[35]      Enfin, il faut également noter que le demandeur doit présenter une preuve indiquant l'existence d'un lien de causalité entre son service dans la GRC et l'état pour lequel il demande maintenant une pension d'invalidité. La formation tire les conclusions les plus favorables, tout doute raisonnable devant être résolu en faveur du demandeur. Pourtant, le demandeur doit néanmoins démontrer l'existence d'un lien de causalité.

[36]      En l'espèce, la formation ne doute pas de l'état ou des troubles actuels du demandeur. Elle ne semble pas non plus douter expressément que l'accident de 1968 se soit produit, mais elle utilise le terme [TRADUCTION] « allégué » en parlant de cet accident.

[37]      La formation conteste la preuve que le demandeur a présentée afin d'établir le lien de causalité nécessaire. La preuve médicale figure dans des rapports rédigés par les docteurs Esmail, Tworek et Boyko.

[38]      Dans ses motifs, la formation dit expressément qu'elle ne peut pas considérer l'avis du docteur Esmail comme vraisemblable puisqu'il est fondé sur la version des faits telle qu'elle a été relatée par le demandeur. Au début de son rapport, le docteur Esmail déclare ce qui suit :

[TRADUCTION]

[Le demandeur] m'informe que lors d'une poursuite à grande vitesse, le 27 avril 1968, il a subi d'importantes blessures au cou et au bas du dos. Le patient peut décrire la poursuite fort bien et il possède certaines photographies à l'appui. Fondamentalement, cela s'est produit dans un champ où il a été projeté d'un côté et de l'autre et de haut en bas, la voiture de police qu'il conduisait ayant finalement heurté un fossé. Il a subi d'importantes blessures au cou et au bas du dos.10


[39]      La formation a noté que, dans le dossier médical et les états de service du demandeur, il n'était pas fait mention de l'accident et des blessures. En rejetant les avis médicaux des docteurs Esmail et Tworek, la formation dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Si l'appelant avait subi d'importantes blessures au cou et au bas du dos, il aurait fallu qu'il se plaigne. Or, son dossier ne renferme pas le moindre renseignement et ne fait état d'aucune plainte et d'aucun traitement; même lorsqu'il a été renvoyé, l'appelant n'a pas mentionné la blessure.11

[40]      À mon avis, la formation n'a pas commis d'erreur en rejetant les avis médicaux. Elle a dit qu'ils lui semblaient invraisemblables et elle a fourni des motifs, comme elle était tenue de le faire.

[41]      Le demandeur se plaint également du fait que la formation n'a pas mentionné ou qu'elle n'a pas expressément rejeté le rapport médical fourni par son chiropraticien, le docteur Boyko. La lettre du docteur Boyko, datée du 18 juin 1997, fournit des détails au sujet du traitement chiropratique suivi par le demandeur, au sujet de sa fréquence, de sa durée et du régime de traitement. La lettre dit également que, depuis une vingtaine d'années, le demandeur a toujours eu des problèmes et que ces problèmes sont compatibles avec un traumatisme subi dans un accident de voiture ainsi qu'avec les blessures subies dans l'exercice de ses fonctions au sein de la GRC.

[42]      Il est bien établi dans la jurisprudence que, dans sa décision, le décideur n'a pas à énumérer chacun des éléments de preuve. Il est présumé que le décideur a tenu compte de tous les éléments soumis. À mon avis, le fait que le TACRA n'a pas mentionné la lettre du docteur Boyko n'est pas fatal. Contrairement à l'avis exprimé par le docteur Esmail, cette lettre ne saurait être considérée comme un avis médical diagnostique; il s'agit plutôt d'un rapport énonçant le régime de traitement que le demandeur suivait alors.

[43]      Le demandeur se plaint également de la manière dont la formation a examiné la preuve non médicale de Dennis Roughley et de R.B. Irving.

[44]      Le sergent Roughley a présenté sa preuve sous la forme d'une lettre datée du 11 décembre 1996. Dans sa lettre, le sergent Roughley donne des détails au sujet de la poursuite à laquelle s'étaient livrés les agents au mois d'avril 1968 et au sujet de l'accident, étant donné qu'il était de service ce soir-là. La lettre fournit certains détails au sujet des événements qui ont abouti à l'accident, mais elle ne donne aucun renseignement au sujet des blessures si ce n'est qu'il y est dit ce qui suit : [TRADUCTION] « Des blessures ont été subies, mais je ne me rappelle pas dans quelle mesure. » En fin de compte, cette lettre est fort peu utile lorsqu'il s'agit d'établir le lien nécessaire entre l'état actuel du demandeur et l'accident qui est survenu en 1968. En somme, la lettre ne donne pas de détails au sujet de la nature des blessures.

[45]      La valeur de la lettre du 19 juin 1997 de R.B. Irving est également contestable. M. Irving y déclare que même si, comme le demandeur, il faisait partie de la patrouille routière, il n'était pas de service au moment de l'accident. M. Irving déclare ce qui suit :

[TRADUCTION]

Je me rappelle que la voiture de police a été détruite et que les agents ont subi diverses blessures. Je crois qu'en plus d'avoir été blessé à la jambe, Merv avait une grosse bosse à la tête. Je ne me rappelle pas la date exacte de cet événement, mais on m'a dit qu'il s'était produit le 27 avril 1968.12


[46]      Encore une fois, cet élément de preuve établit simplement qu'un accident s'est produit et que certaines blessures ont été subies. Il ne fournit aucun renseignement et aucun détail au sujet de la nature et de l'étendue des blessures.

[47]      La formation a accordé fort peu d'importance ou n'a accordé aucune importance à cet élément de preuve de nature non médicale. Étant donné que la lettre ne renferme pas de détails, la formation ne semble pas avoir commis d'erreur. Il incombe à la formation en sa qualité de décideur d'apprécier la preuve et de lui accorder l'importance voulue.

[48]      À mon avis, et compte tenu des remarques qui précèdent, rien ne justifie une intervention judiciaire. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

                 « Max M. Teitelbaum »

                 __________________________

                 J.C.F.C.

Calgary (Alberta),

le 6 octobre 2000.

Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      T-405-98

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      MERVYN H. SHMYR et SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L'AUDIENCE :      CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 28 SEPTEMBRE 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Teitelbaum en date du 6 octobre 2000


ONT COMPARU :

JOHN H. WILSON          POUR LE DEMANDEUR

JANELL K. KOCH          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

WILSON LAYCRAFT          POUR LE DEMANDEUR

CALGARY (ALBERTA)

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA      POUR LE DÉFENDEUR

JUSTICE CANADA (EDMONTON)

__________________

1Dossier de la demande du demandeur, p. 46.

2Dossier de la demande du demandeur, p. 14.

3Ancienne règle 1603. À l'heure actuelle, la règle 306 des Règles de la Cour fédérale (1998) prévoit que l'affidavit du demandeur doit être déposé dans les 30 jours qui suivent la délivrance d'un avis de demande. Conformément à la règle 313, des affidavits complémentaires peuvent uniquement être déposés sur autorisation de la Cour.

4(1998), 153 F.T.R. 75 (1re inst.), p. 77-78.

5Article 2 et paragraphes 21(2) et (3) de la Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-6, et articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (la Loi sur le TACRA (RA)), L.C. 1995, ch. 18. Nous reviendrons sur ces dispositions dans la partie des présents motifs qui est intitulée : « Contexte législatif » .

6Dossier de la demande du demandeur, p. 46.

7Dossier de la demande du demandeur, p. 50.

8Dossier de la demande du demandeur, p. 49. ll ne semble y avoir dans le dossier qu'un seul rapport rédigé par le docteur Boyko. Dans ce rapport, en date du 18 juin 1997, il est fait mention d'un autre rapport, daté du 17 août 1995.

9Supra, note 4, p. 79.

10Dossier de la demande du demandeur, p. 24.

11Dossier de la demande du demandeur, p. 14.

12Dossier de la demande du demandeur, p. 50.

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