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Date : 19981008


Dossier : IMM-3158-97

ENTRE :


SUREASH RATNASINGAM,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS D"ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]      Il s"agit de la demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission de l"immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur n"était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Le demandeur est un citoyen du Sri Lanka venu au Canada pour revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention au motif qu"il craint d"être persécuté au Sri Lanka parce qu"il est un Tamoul originaire de ce pays.

[3]      L"avocate du demandeur a soutenu que la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Commission) a commis une erreur en tirant des conclusions qui interprétaient de façon erronée la preuve produite ou négligeaient d"en tenir compte, et en appréciant de façon défavorable la crédibilité de son client en se fondant sur ces conclusions.

[4]      L"avocate du demandeur a également fait valoir que la Commission a commis une erreur lorsqu"elle a omis d"apprécier de façon raisonnable la crédibilité de son client et de communiquer à celui-ci sa conclusion défavorable afin de lui permettre de réfuter l"invraisemblance alléguée.

[5]      La Commission n"a pas cru différentes parties du témoignage du demandeur.

[6]      Dans sa décision, à la page 8 de son dossier judiciaire, la Commission mentionne :

                 [TRADUCTION] Après avoir examiné l"ensemble de la preuve, la formation ne croit pas le récit du revendicateur, en particulier le fait qu"il a été arrêté et détenu en août 1994. Elle souligne que, comme il a lui-même témoigné, le revendicateur a été arrêté et détenu en novembre 1993, mais qu"il a par la suite été libéré sans problème, vraisemblablement après avoir satisfait la curiosité des autorités en ce qui concerne son identité. La formation estime qu"il est invraisemblable que le revendicateur ait été brutalisé lors de son arrestation alléguée en août 1994, pendant la tenue des élections parlementaires. Au moment de sa deuxième arrestation, le revendicateur était déjà en possession de sa carte d"identité nationale, datée du 9 novembre 1993, sur laquelle figurait l"adresse suivante : 155/2, route Kenal, Colombo-6. Une telle carte est un document de premier ordre qui établit la nationalité et l"identité. Les demandes visant à obtenir une carte d"identité nationale se font au lieu du domicile. En conséquence, l"adresse qui figure sur la carte est l"adresse permanente de son titulaire. Compte tenu de cela, il ne semble pas vraisemblable, de l"avis de la formation, que le revendicateur ait été détenu pendant 10 jours et qu"il ait été brutalisé par la police de Colombo alors qu"il avait en sa possession le document requis qui l"identifiait en tant que résident de Colombo, et ce pour la simple raison que des élections parlementaires avaient lieu à cette époque-là.                 

[7]      Les membres de la formation de la Commission ont mentionné expressément qu"ils avaient examiné l"ensemble de la preuve et ils ont par la suite précisé, aux pages 5 et 6 de leur décision, qu"ils accordaient " plus de poids " à la preuve documentaire d"Amnistie Internationale et du Haut-commissariat du Canada à Colombo. Un rapport d"Amnistie Internationale, cité à la page 5 de la décision de la Commission, mentionne :

                 [TRADUCTION] [...] que la plupart des personnes détenues et interrogées sont libérées dans les 24 heures qui suivent, ou du moins après deux à trois jours.                 

[8]      La Commission a également souligné que :

                 [TRADUCTION] [...] le Haut-commissariat du Canada à Colombo, un autre organisme que la formation estime réputé, confirme la conclusion d"Amnistie Internationale selon laquelle en 1994 et 1995, en moyenne, 95 % des personnes détenues afin d"être interrogées ont été libérées dans les 24 heures suivant leur arrestation, et les ONG confirment que cela est toujours la norme.                 

[9]      Sur le fondement de cette preuve, la Commission a conclu, à la page 6 de sa décision :

                 [TRADUCTION] La formation n"estime pas que le revendicateur a été brutalisé lors de son arrestation survenue en août 1994.                 

[10]      En outre, la Commission n"a pas cru que le demandeur est retourné dans le nord du pays à l"époque pendant laquelle il prétend s"y être rendu, comme il ressort de la page 6 de sa décision :

                 [TRADUCTION] Il était déraisonnable pour le revendicateur, qui s"était déjà installé à Colombo, tel qu"il ressort de sa carte nationale d"identité, et qui avait subi des épreuves et des malheurs dans le nord du pays où, vers le milieu de 1992, lui et son frère avaient dû à plusieurs reprises creuser des abris pour les TLET, de retourner dans le nord du pays à une époque pendant laquelle des pourparlers de paix avaient lieu et les opérations de sécurité étaient moins fréquentes, alors que le groupe de travail sur les droits de la personnes rapportait que presque toutes les personnes détenues en 1994 avaient été libérées dans les 24 heures. La formation ne croit pas que le revendicateur soit retourné à Jaffna en 1994, comme il l"a prétendu.                 

[11]      La Commission a pris sa décision en se fondant sur la preuve dont elle disposait.

[12]      À la page 2 de l"arrêt Aguebor c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration (A-1116-91), le juge Décary de la Cour d"appel a dit :

                 Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu"est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d"un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d"un récit et de tirer les inférences qui s"imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d"attirer notre intervention, ses conclusions sont à l"abri du contrôle judiciaire.                 

[13]      Dans l"arrêt Shahamati c. Le ministre de l"Emploi et de l"Immigration (A-388-92), le juge Pratte de la Cour d"appel a dit :

                 [...] la Commission a le droit, pour apprécier la crédibilité, de se fonder sur des critères comme la raison et le bon sens.                 

[14]      La Section du statut de réfugié a le droit de rejeter de la preuve non contredite si celle-ci n"est pas compatible avec les probabilités touchant l"affaire dans son ensemble. En outre, elle a le droit de tirer une conclusion défavorable en matière de crédibilité en se fondant sur la seule invraisemblance du récit du demandeur, comme l"a confirmé la jurisprudence1.


[15]      Après avoir examiné l"affaire, j"ai conclu que celle-ci ne soulevait aucune question de droit contestable en vertu de laquelle le demandeur pourrait avoir gain de cause.

[16]      Par ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[17]      Ni l"une ni l"autre avocate n"a suggéré que soit certifiée une question grave de portée générale conformément à l"article 83 de la Loi sur l"immigration. Je suis d"accord. En conséquence, aucune question ne sera certifiée.

                         Pierre Blais

                         juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 8 octobre 1998.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              IMM-3158-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Sureash Ratnasingam c. M.C.I.
LIEU DE L"AUDIENCE :          Toronto
DATE DE L"AUDIENCE :      le 30 septembre 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE RENDUS PAR MONSIEUR LE JUGE BLAIS

EN DATE DU :              8 octobre 1998

ONT COMPARU :

Helen P. Luzius              pour le demandeur
Lori Hendriks              pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Helen P. Luzius              pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général     
du Canada                  pour le défendeur
__________________

1      Alizadeh c. M.E.I. (C.A.F., 11 janvier 1993, A-26-90).      Sheikh c. M.E.I., [1990] 3 C.F. 238, 112 N.R. 61, 71 D.L.R. (4th) 604, 11 Imm. L.R. (2d)      81 (C.A.F.).      Leung c. M.E.I. (1990), 74 D.L.R. (4th) 313, 129 N.R. 391 (C.A.F.).      Rajapakse c. M.E.I. (C.F. 1re inst., 17 juin 1993, 92-A-7056), à la p. 2.      Castro c. M.E.I. (C.F. 1re inst., 4 août 1993, T-2349-92), à la p. 2.

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