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Date : 20041020

Dossier : IMM-454-04

Référence : 2004 CF 1448

Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                                                        PAL SINGH, JAGIR KAUR

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 23 décembre 2003 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.


QUESTION EN LITIGE

[2]                La Commission a-t-elle commis une erreur en appréciant la crédibilité des demandeurs?

[3]                Pour les motifs qui suivent, je réponds à cette question par la négative et je suis d'avis de rejeter la présente demande.

[4]                Le demandeur principal, Pal Singh, âgé de 63 ans, et son épouse Jagir Kaur, âgée de 62 ans, sont des citoyens de l'Inde. Les demandeurs croient avoir une crainte fondée de persécution du fait de leur religion (la religion sikhe), de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social et de leurs opinions politiques.

DÉCISION CONTESTÉE

[5]                La Commission a rejeté la demande des demandeurs parce qu'elle a jugé que leur récit n'était ni crédible ni compatible avec la preuve documentaire.


[6]                Les demandeurs ont prétendu qu'ils avaient été harcelés et battus par la police parce que tous les membres de leur famille étaient soupçonnés d'avoir des liens avec des militants; de tels soupçons pesaient sur eux parce qu'ils étaient des partisans du Parti Akali Dal Mann. Toutefois, la preuve documentaire ne décrit pas le Parti Akali Dal Mann comme une organisation militante. Au contraire, ce parti politique est un parti légal qui a fait élire des représentants au Lok Sabha (la chambre basse de l'assemblée législative nationale indienne) à l'élection d'octobre 1999.

[7]                En outre, la Commission était convaincue que la preuve documentaire montrait que la situation au Penjab s'était grandement améliorée et que la police ne pouvait plus agir en toute impunité, même si un climat de terrorisme persistait encore dans le pays.

[8]                Le demandeur a également soutenu que la police était venue à leur ferme environ deux cents fois entre 1998 et 2002 pour les interroger. La Commission a noté que ce fait important n'avait pas été mentionné dans le Formulaire de renseignements personnels (le FRP). La Commission a conclu que, comme les demandeurs n'étaient pas des personnalités bien connues dans ce parti politique, il n'était donc pas plausible que la police les ait harcelés au point de se rendre deux cents fois à leur ferme.


[9]                En outre, la Commission a conclu que les demandeurs avaient l'obligation d'essayer d'obtenir une protection des autorités de leur pays avant de demander l'asile dans un autre pays. En l'espèce, les demandeurs ont confirmé dans leur témoignage qu'ils n'avaient jamais déposé de plainte contre la police. Cependant, la preuve documentaire démontrait clairement que le gouvernement avait mis en place des mécanismes pour lutter contre les excès de pouvoir de la police. De plus, la preuve documentaire montrait que les avocats et les organisations de défense des droits de la personne étaient actifs au Penjab et qu'il était possible d'obtenir justice relativement à de tels excès de pouvoir.

[10]            Enfin, la Commission a jugé que la facilité avec laquelle les demandeurs avaient réussi à obtenir leur passeport soulevait un doute quant à la véracité de leurs allégations. La Commission a affirmé que, si la police les soupçonnait d'avoir des liens avec les militants et s'était réellement rendue deux cents fois à leur ferme pour les interroger et les harceler, les demandeurs n'auraient pas obtenu leur passeport aussi facilement.

ANALYSE

[11]            En l'espèce, la décision de la Commission repose sur son appréciation de la crédibilité. Vu que le récit des demandeurs contredisait également la preuve documentaire, la Commission n'a pas cru les demandeurs et a rejeté leur demande.

[12]            Il est bien établi en droit que la norme de contrôle applicable dans les affaires mettant en cause des conclusions relatives à la crédibilité est la décision manifestement déraisonnable.

[13]            Il incombe aux demandeurs d'établir qu'ils craignent avec raison d'être persécutés dans leur pays. Pour avoir gain de cause, il ne suffit pas que le demandeur d'asile établisse qu'il craint subjectivement d'être persécuté dans son pays d'origine; il doit également démontrer que sa crainte est objectivement fondée (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689).


[14]            La Commission n'a pas cru les demandeurs et a donné de nombreux exemples à l'appui de cette conclusion. Il était loisible à la Commission de tirer cette conclusion et, à mon avis, rien ne justifie l'intervention de la Cour. À cet égard, je tiens à rappeler un commentaire fait par le juge Pratte dans l'arrêt Shahamati c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 415 (C.A.) (QL), à savoir que la Commission a le droit, pour apprécier la crédibilité, de se fonder sur des critères comme la raison et le bon sens

[15]            Les demandeurs ont soutenu que la Commission n'avait pas tenu compte de la situation objective au Penjab. En outre, les demandeurs ont souligné que la Commission s'était contredite lorsqu'elle avait déclaré que, même si un climat de terrorisme persistait encore dans le pays, la preuve montrait que la situation des droits de la personne au Penjab s'était améliorée. Selon les demandeurs, malgré une amélioration générale de la situation des droits de la personne, il y avait toujours des problèmes et la nature imprévisible et instable de la situation créait un climat véritablement dangereux au Penjab.


[16]            Dans l'arrêt Ward, précité, la Cour suprême du Canada a dit que « [e]n l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique [...], il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger le demandeur » . En l'espèce, la preuve établit la capacité de l'État d'offrir une protection à ceux qui sont persécutés par la police. Toutefois, les demandeurs n'ont pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu'ils seraient incapables d'obtenir la protection de l'État. Les demandeurs n'ont même pas cherché à obtenir quelque forme d'aide que ce soit dans leur pays.

[17]            Les pièces A-1 (2.1b) et A-5 indiquent que le gouvernement a mis en place des mécanismes au Penjab pour lutter contre les excès de pouvoir de la police. La preuve démontre également qu'un certain nombre de recours s'offrent aux personnes qui cherchent à obtenir justice. À cet égard, il convient de noter qu'au moins 60 p. cent des cas sont réglés dans un délai de quatre à six mois. La Commission a donc conclu qu'il était incorrect de présumer que le fait pour le demandeur de consulter un avocat ou une autre entité l'aurait exposé à des représailles policières.

[18]            Rien ne justifie, à mon avis, l'intervention de la Cour.

[19]            Les parties ont eu la possibilité de soumettre une question grave de portée générale à certifier, mais ont refusé de le faire. La présente affaire ne soulève pas une telle question.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

« Michel Beaudry »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-454-04

INTITULÉ :                                                    PAL SINGH, JAGIR KAUR

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 30 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                   LE 20 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Jeffrey Platt                                                       POUR LE DEMANDEUR

Evan Liosis                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jeffrey Platt                                                       POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)                   

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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