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Date : 20000913


Dossier : T-1657-00

    

Entre :

     MAX GROS-LOUIS

     -et-

     ANDRÉ DUCHESNEAU

     -et-

     NORMAND LAINEY

     -et-

     MAURICE VINCENT

     -et-

     RAYMOND SIOUI

     -et-

     LUC LAINÉ

     Demandeurs

     ET:

     LE CONSEIL DE LA NATION HURONNE-WENDAT

     -et-

     ROGER VINCENT, ès qualités de directeur des finances

     et administrateur du Conseil de la Nation Huronne-Wendat

     -et-

     GERMAIN PAUL, ès qualités de nouveau président des

     élections désigné par le conseil le 30 août 2000 par

     sa résolution no 5163

     -et-

     EDDY JENNIS, ès qualités de président du scrutin dûment

     désigné en vertu du Code de représentation de la

     Première Nation Huronne-Wendat

     -et-

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Défendeurs




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :


[1]      Les présents motifs sont à l'appui de l'ordonnance que j'ai rendue ce jour sur la requête des demandeurs présentée en vertu de l'article 18.2 des Règles de la Cour fédérale (1998).

[2]      Les faits suivants, allégués par les demandeurs, sont bien supportés par la preuve :

     -      De 1951 jusqu'à tout récemment, le ministre avait décrété que les élections des membres du conseil de la Nation Huronne-Wendat devaient être tenues selon la Loi sur les indiens;
     -      La Première Nation Huronne-Wendat a entrepris une longue démarche de réflexion et de consultation concernant son système électoral, ce qui a conduit le conseil à adopter le Code de représentation de la Première Nation Huronne-Wendat, lequel a été entériné par référendum;
     -      En date du 19 juillet 2000, le ministre des Affaires indiennes et du Nord a adopté un arrêté ministériel, en vertu de l'article 74(1) de la Loi sur les indiens, déclarant que les élections au conseil de la Nation Huronne-Wendat ne seraient plus tenues aux termes de la Loi sur les indiens et ce, afin de permettre à cette Première Nation d'élire son conseil selon ses propres coutumes;
     -      Ainsi, à compter du 19 juillet 2000, l'Arrêté sur l'élection du conseil de bandes indiennes a été modifié de façon à rayer le nom de la Nation Huronne-Wendat de la liste des Premières Nations qui peuvent tenir leurs élections en vertu de la Loi sur les indiens;
     -      En application de ce Code de représentation, le Conseil de la Nation Huronne-Wendat a désigné le défendeur Eddy Jennis à titre de président d'élection pour la tenue d'un scrutin le 27 septembre 2000;
     -      À la suite de sa nomination, le défendeur Jennis a enclenché le processus électoral, notamment par la tenue d'assemblées publiques de chaque cercle familial afin que chacun des cercles familiaux désigne des candidats, les trois dernières assemblées ayant été tenues le samedi 26 août 2000;
     -      Au terme du processus de mises en candidature, les défendeurs Normand Lainey et Maurice Vincent ont été élus par acclamation respectivement pour le Cercle familial Picard/Lainé et pour le Cercle familial Vincent/Romain/Paul. De plus, des candidats ont été désignés pour les autres postes électifs, à l'exception du poste de chef familial pour le Cercle familial Sioui/Savard/Dumont, poste pour lequel aucun membre de la Première Nation ne s'est porté candidat;
     -      Le Conseil de la Nation Huronne-Wendat, par sa résolution no 5163 adoptée sur division le 30 août 2000, prétend annuler tout le processus électoral suivi en vertu du Code de représentation en vigueur, et destituer le président du scrutin, le défendeur Eddy Jennis, pour le remplacer par le défendeur Germain Paul;
     -      De plus, le Conseil a devancé la date des élections de manière à ce qu'elles soient tenues le 15 septembre 2000, suivant une procédure dérogatoire au Code de représentation en vigueur, procédure dérogatoire soi-disant coutumière similaire à celle prévue dans la Loi sur les indiens et son règlement d'application. La période de mise en candidature pour ces élections, aux termes d'un avis à la population fait par le défendeur Germain Paul, avait alors été fixé au 8 septembre 2000.

La question sérieuse

[3]      L'argument des demandeurs voulant que la résolution no 5163 adoptée par le Conseil de la Nation Huronne-Wendat le 30 août 2000 constitue un abus de pouvoir et soit illégale m'apparaît très sérieux, vu les éléments suivants mis en preuve :

     a)      l'arrêté ministériel du 19 juillet 2000 pris par le ministre des Affaires indiennes et du Nord Canadien; et
     b)      le Code de représentation de la Première Nation Huronne-Wendat, notamment les articles 168 à 180, demandé et approuvé par résolutions du Conseil, entériné par les membres de la Première Nation Huronne-Wendat lors d'un référendum tenu en conformité avec une politique du ministère des Affaires indiennes et du Nord relativement à l'adoption d'un système électoral communautaire, et dont les résultats ont été entérinés par le conseil.

Le préjudice irréparable

[4]      Permettre qu'il soit donné effet à la résolution no 5163 du 30 août 2000, à ce stade-ci, annulerait l'élection des demandeurs Normand Lainey et Maurice Vincent qui ont été proclamés élus par le président du scrutin et, partant, sont en droit de siéger comme membres du conseil, à titre de chefs familiaux, respectivement du Cercle familial Picard/Lainé et du Cercle familial Vincent/Romain/Paul. Plus important encore, donner effet à la résolution priverait tous les membres de la Première Nation Huronne-Wendat habitant hors réserve du droit de vote que leur reconnaît le Code de représentation en vigueur dont les dispositions, à cet égard, respectent manifestement l'esprit de l'arrêt Corbiere c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 203.

[5]      À mon sens, il s'agit là d'un préjudice important et irréparable.


Balance des inconvénients

[6]      Je trouve qu'il est dans l'intérêt général des membres de la Première Nation Huronne-Wendat que l'élection de leur prochain conseil se fasse en conformité avec le Code de représentation qui, encore une fois, a été demandé et approuvé par résolutions de leur conseil antérieur, a été approuvé par eux-mêmes lors d'un référendum tenu démocratiquement et dont les résultats ont été entérinés par le même conseil antérieur. Je crois que "le principe de la démocratie", considéré par la Cour suprême du Canada dans Corbiere, supra, comme étant l'un des facteurs importants guidant les tribunaux dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire de réparation, favorise l'émission d'une ordonnance suspendant la résolution controversée no 5163 du 30 août 2000, laquelle a été adoptée par un conseil de bande sur le point de perdre son existence légale, et ce, sous le simple prétexte d'une faible participation aux assemblées de mises en candidature et de prétendues irrégularités qui auraient pu et dû, si elles avaient tant d'importance et si cela était si urgent, être invoquées dans le cadre d'une procédure judiciaire visant à empêcher l'élection alors prévue pour le 27 septembre 2000 d'avoir lieu.

[7]      C'est évidemment l'urgence et les contraintes de temps qui commandent la brièveté et la concision des présents motifs.

     Yvon Pinard

     Juge

Montréal (Québec)

le 13 septembre 2000

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