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Date : 19980915


Dossier : IMM-5437-97

Entre :

     NATALIA TCHEREMNYKH

     ANDREY TCHEREMNYKH

     VIKTORIA TCHEREMNYKH

     Demandeurs

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     Défendeur

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER :

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire à l"encontre de la décision de la Section du statut selon laquelle les demandeurs, citoyens du Kazakhstan, ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.

[2]      La demanderesse Natalie TCHEREMNYKH et ses deux enfants Andrey TCHEREMNYKH et Viktoria PLAKINA ont revendiqué le statut de réfugié invoquant une crainte bien fondée de persécution en raison de leur nationalité et de leur appartenance à un groupe social particulier. Les revendications des enfants sont basées sur celle de leur mère.

[3]      Au soutien de sa revendication, la demanderesse, qui est de nationalité russe, a essentiellement allégué que la nationalité juive de sa mère serait la source de tous les problèmes subis par sa famille depuis plusieurs années.

[4]      La demanderesse a mis en preuve un duplicata de son certificat de naissance où il est indiqué la nationalité juive de sa mère. Elle a expliqué comment elle a égaré l"original de ce document. La Section du statut n"a pas jugé plausible son explication :

[...] les certificats de naissance émis dans l"ex-URSS sont d"une certaine épaisseur, ce qui rend dénuée de toute plausibilité l"allégation qu"on puisse ainsi les glisser dans un livre et prêter ensuite celui-ci à quelqu"un sans que leur présence ne soit manifeste. "1.

[5]      De plus, la section du statut de réfugié n"a accordé aucune valeur probante à ce certificat de naissance (duplicata). À cet effet, le tribunal mentionne :

[...] le tribunal a fait part de sa connaissance spécialisée à la revendicatrice et lui a indiqué qu"il savait pertinemment, pour avoir été plusieurs fois confronté à de telles situations au cours des récents mois, qu"il était très facile pour les revendicateurs en provenance du Kazakhstan et des pays de l"ex-URSS de se procurer des documents d"identité faisant état d"une origine juive ou partiellement juive2.

[6]      Enfin, la Section du statut a jugé invraisemblable l"histoire de la demanderesse à l"effet qu"elle serait persécutée à cause de l"origine juive de sa mère. La demanderesse a reconnu qu"un certificat de naissance est un document dont un individu se sert à peine trois ou quatre fois au cours de son existence et que c"est le passeport qui est utilisé au Kazakhstan, dans la vie de tous les jours. Or, son passeport ainsi que celui des enfants établit qu"elle est de nationalité russe. Elle n"accorde donc aucune valeur aux prétentions des demandeurs quant à l"existence d"actes persécutoires ou discriminatoires de nature antisémite à l"endroit des revendicateurs.

[7]      Les demandeurs soutiennent que la Section du statut a erré en s"en remettant seulement à sa connaissance spécialisée pour conclure à l"absence de valeur du duplicata du certificat de naissance de la demanderesse.

[8]      La demanderesse allègue de plus la négligence de l"ancien procureur au dossier qui n"a pas déposé le certificat de naissance de sa soeur, reconnue comme réfugiée au Canada en 1992, et où il est indiqué la nationalité de sa mère.

[9]      À mon avis, la Section du statut explique clairement les raisons pour lesquelles elle n"a accordé aucune valeur probante au duplicata du certificat de naissance déposé par la demanderesse. Il revenait à la Section du statut d"apprécier les explications fournies par la demanderesse et de tirer ses propres conclusions sur la valeur du document.

[10]      Comme le rappelait récemment le juge Joyal dans l"affaire Culinescu3, la crédibilité est une question de fait relève entièrement de la compétence de la Section du statut de réfugié et que celle-ci est justifiée de mettre en question l"authenticité d"un document lorsqu"elle dispose de suffisamment d"éléments pour en conclure ainsi. C"est le cas en l"espèce.

[11]      De plus, comme l"indique la procureure de la défenderesse, ses raisons étaient fondées non seulement sur sa connaissance spécialisée mais également sur plusieurs invraisemblances qui ont émergé de la preuve soumise par la demanderesse.

[12]      Quant au manque de plausibilité de la revendication, la Section du statut pouvait raisonnablement l"inférer : de l"aveu même de la demanderesse, le certificat de naissance n"est utilisé que 3 ou 4 fois dans une vie. Puisque c"est le passeport qui est quotidiennement utilisé et que celui-ci indique la nationalité russe, il était plausible de conclure qu"elle ne pouvait être persécutée à cause de son origine juive.

[13]      Enfin, la demanderesse plaide l"incompétence de son avocate. La jurisprudence a maintes fois reconnu que, sauf dans des cas exceptionnels, le client ne peut se dissocier de la conduite de son procureur.

[14]      Dans l"affaire Jouzichin ,4 le juge Reed déclare que :

the general rule is that you do not separate counsel"s conduct from the client. Counsel is acting as agent for the client and as harsh as it may be the client must bear the consequences of hiring poor counsel.

[15]      Je suis de cet avis. La demanderesse doit subir les conséquences de son choix de procureur. Quoiqu"il en soit, elle a elle-même manqué de diligence. Au moment de l"audience, les commissaires lui ont spécifiquement demandé si sa soeur avait en sa possession son certificat de naissance. Celle-ci s"est contentée de répondre qu"elle l"ignorait. De plus, bien qu"à la fin de l"audience le tribunal indique encore une fois l"importance du certificat en question, la demanderesse n"a pris aucune mesure pour en assurer son dépôt.

[16]      En conséquence, il n"y aucun motif pour cette Cour d"intervenir. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     "Danièle Tremblay-Lamer"

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 15 septembre 1998.

__________________

1      Les motifs de la Section du statut de réfugié, p.3.

2      Ibid.

3      Culinescu c. M.C.I., [1997] 136 F.T.R. 241 (C.F., 1ère inst.).

4      Jouzichin v. M.C.I., (le 9 décembre 1994) IMM-1686-94 (C.F., 1ère inst.), para.2.

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