Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040227

Dossier : T-223-04

Référence : 2004 CF 295

Ottawa (Ontario), le 27 février 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE                                 

ENTRE :

                                                         GASTON JOSEPH SYLVAIN

                                                                                                                                                    Demandeur

                                                                                   et

                    AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS (ACIA)

                                                                                                                                               Défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une requête, en vertu de l'article 364 des Règles de la Cour fédérale (1998)[1] par laquelle le demandeur vise à obtenir une ordonnance d'injonction provisoire conformément aux dispositions au paragraphe 374(1) des Règles.

[2]                 Gaston Joseph Sylvain, le demandeur, demande que la Cour ordonne à la défenderesse de mettre en application, sans autres délais, l'article 105.1 des Règlements sur la santé des animaux[2] et d'appliquer sans délais sa directive sur l'Hygiène des viandes visant le nettoyage et la désinfection des cageots servants au transport des volailles ; la Cour ordonne à la défenderesse de mettre fin aux pratiques délinquantes des deux établissements visés par les enquêtes scientifiques jointes à la demande et de tout autre établissement qui à sa connaissance n'est pas en conformité avec l'article 105.1 des Règlements et en violation de la Directive sur l'hygiène des viandes annexe III article 3.8.3, et de déposer à la Cour un plan de redressement fondé sur des critères de performance microbiologique certifiant que chacun des établissements visés par cette ordonnance désinfecte à fond les cageots de transport de volailles qui transitent via lesdits établissements.

ALLÉGATIONS

[3]                 Gaston Joseph Sylvain a dirigé une recherche avec Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) au sujet du contrôle des pathogènes présents dans le transport des volailles.

[4]                 Gaston Joseph Sylvain allègue la recherche l'a mené à la conclusion qu'il existe un risque sérieux d'une épidémie d'influenza de type H7 en raison du fait que les abattoirs ne désinfectent pas bien les cageots de transport de la volaille avant d'y mettre la volaille.


[5]                 Gaston Joseph Sylvain a communiqué ses craintes à AAC, mais AAC a répondu qu'il n'a pas les moyens d'assurer que les cageots soient désinfectés comme le prévoit l'article 105.1 des Règlements.

QUESTIONS EN LITIGE

[6]                 Gaston Joseph Sylvain a-t-il intérêt juridique dans cette affaire?

[7]                 Existe-il une urgence d'une importance telle qu'il n'y a aucun autre moyen de procéder pour empêcher le préjudice qui risque de se produire?

[8]                 Y a-t-il une question sérieuse à juger?

[9]                 Y aurait-il un préjudice irréparable si la demande est rejetée?

[10]            Qui la balance des inconvénients favorise-t-elle?

ANALYSE

Gaston Joseph Sylvain a-t-il un intérêt juridique dans cette affaire?

[11]            La Cour estime qu'il est possible que Gaston Joseph Sylvain ait un intérêt juridique. Par contre, il n'est pas nécessaire de décider cette question, puisque même si Gaston Joseph Sylvain a un intérêt juridique il n'a pas démontré qu'une injonction est nécessaire.

Existe-t-il une urgence d'une importance telle qu'il n'y a aucun autre moyen de procéder pour empêcher le préjudice qui risque de se produire?

[12]            Dans l'arrêt R.J.R. MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général)[3], les juges Sopinka et Cory ont résumé les trois étapes que les tribunaux doivent appliquer lorsqu'ils examinent une requête pour une injonction interlocutoire. Ils ont dit :

...Premièrement, une étude préliminaire du fond du litige doit établir qu'il a une question sérieuse à juger. Deuxièmement, il faut déterminer si le requérant subirait un préjudice irréparable si sa demande était rejetée. Enfin, il faut déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l'on accorde ou refuse le redressement en attendant une décision sur le fond...[4]


[13]            Dans les requêtes pour des injonctions provisoire, il y a une étape de plus à franchir avant que la Cour rende l'ordonnance. Les Règles prévoient des situations d'urgence telle que le demandeur ne peut attendre que la demande d'injonction interlocutoire soit entendue. Dans ces situations, la défenderesse présente une requête, en vertu du paragraphe 469(2), pour une injonction provisoire. Comme c'est un cas d'urgence, le demandeur n'a pas besoin de suivre certaines règles procédurales, par exemple, la demande peut être présentée ex parte, et le demandeur n'a pas besoin de déposer le dossier au moins dix jours francs avant la date d'audience.[5]

[14]            Le demandeur profite donc de l'écart aux règles procédurales, mais, en même temps, il doit démontrer qu'il est urgent d'obtenir l'injonction. S'il ne peut le démontrer, il risque de voir sa requête rejetée si la Cour conclut que le demandeur a déposé une requête d'injonction provisoire dans le but de contourner les Règles.[6]

[15]            En l'espèce, Gaston Joseph Sylvain n'a pas prétendu qu'il existait une urgence telle qu'il ne pouvait attendre qu'une demande d'injonction interlocutoire soit entendue. Cependant, la Cour n'estime pas que sa requête devrait être rejetée simplement parce qu'il a fait une requête pour une injonction provisoire et non interlocutoire.

[16]            Premièrement, la requête a procédé comme une requête régulière. Gaston Joseph Sylvain a déposé son dossier dix jours avant l'audience. De plus, la procédure n'est pas ex parte. Finalement, les deux parties ont présenté des affidavits complets et la Cour estime que les arguments étaient exhaustifs. Gaston Joseph Sylvain n'a pas profité du fait que la requête porte le titre « provisoire » plutôt que « interlocutoire » .

[17]            Deuxièmement, il est fort possible que Gaston Joseph Sylvain ait fait une requête pour injonction provisoire et non interlocutoire par erreur. Il agit seul, et la différence entre une injonction provisoire et une injonction interlocutoire n'est pas nécessairement évidente pour celui qu n'est pas avocat. Par conséquent, la Cour n'estime pas que cette erreur devrait être fatale à la requête.

Y a-t-il une question sérieuse à juger?

[18]            Gaston Joseph Sylvain a déposé le rapport qu'il a écrit pour AAC, des rapports expliquant que l'influenza aviaire est très contagieuse, et transmissible par des cageots de transport de volaille, et un affidavit de Pierre Dion, président de la compagnie qui a fait la recherche sur le contrôle des pathogènes dans le transport des volailles.

[19]            La défenderesse a déposé un affidavit de Richard Lemay, vétérinaire et employé de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (le « ACIA » ), qui atteste qu'il est impossible de parfaitement stériliser un cageot. Il atteste également que les inspecteurs de l'ACIA ont le pouvoir d'inspecter les établissements pour vérifier la conformité de leur processus de nettoyage aux Règlements et d'exiger que les établissements prennent des mesures correctives en cas de non-conformité aux Règlements. La défenderesse a aussi déposé une lettre écrite par Patrick Folz, avocat du ministère de l'AAC, dans laquelle il rappelle à Gaston Joseph Sylvain les termes de contrat entre Terra Nova Systèmes et l'AAC et indique que Terra Nova Systèmes est en contravention du contrat.


[20]            La Cour estime même si la défenderesse a soulevé un doute que l'affaire est un problème de contrat et non un problème d'hygiène, le demandeur a quand même déposé assez de preuve pour déterminer que la question n'est ni frivole ni vexatoire. Par conséquent, il y a une question sérieuse à juger.

Y aurait-il un préjudice irréparable si la demande était rejetée?

[21]            La Cour estime que Gaston Joseph Sylvain prétend que si l'ACIA n'oblige pas les établissements qui utilisent les cageots à volaille à bien les désinfecter, il y aura une épidémie d'influenza aviaire.

[22]            La Cour n'estime pas que la preuve présentée par Gaston Joseph Sylvain soit suffisante pour démontrer qu'il y aura une épidémie d'influenza aviaire si sa demande est rejetée.

[23]            Gaston Joseph Sylvain a mené sa recherche dans deux abattoirs. Tandis que la recherche démontre qu'il y a probablement des problèmes d'hygiène dans ces deux abattoirs, elle ne démontre pas qu'il existe un problème systématique de désinfection des cageots à volaille. De plus, la preuve de Gaston Joseph Sylvain ne démontre pas qu'une fois que l'ACIA a été avertie des problèmes dans les deux abattoirs, les problèmes n'ont pas été résolus.

[24]            La preuve présentée par la défenderesse n'est pas forte non plus. L'affidavit de Richard Lemay est d'ordre général et ne parle pas de la situation dans les abattoirs examinés par Gaston Joseph Sylvain. Par ailleurs, Gaston Joseph Sylvain aurait pu faire subir un contre-interrogatoire à Richard Lemay, mais il a choisi de ne pas le faire. Richard Lemay contredit donc la preuve de Gaston Joseph Sylvain, même si c'est de façon générale.

[25]            En fin de compte, c'est Gaston Joseph Sylvain qui a le fardeau de la preuve, et le fardeau est lourd. Il doit démontrer non seulement qu'il est possible qu'il aura un préjudice irréparable, mais aussi qu'il est certain qu'un préjudice irréparable se produira si la Cour rejette sa requête. La Cour estime qu'il a seulement démontré qu'il était possible qu'il se produise un préjudice irréparable.

Qui la balance des inconvénients favorise-t-elle?

[26]            Vu que Gaston Joseph Sylvain n'a pas établi la deuxième étape du critère applicable aux demandes d'injonctions interlocutoires, la Cour estime qu'il échoue pour ce qui est de la troisième étape.

CONCLUSION

[27]            Pour tous ces motifs, la requête est rejetée.


                                                                             ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête soit rejetée.

En obiter, la Cour se prononce sur un propos qui tient compte de tous documents et explications si bien approfondi par les deux parties, même si la requête n'est pas accueillie. La Cour considère que le demandeur fait rappeler à la défenderesse une responsabilité fondamentale envers le public canadien. L'état des connaissances ( « state of the art » ) est telle que suite à l'expérience du Syndrome aigu respiratoire sévère (SRAS), la défenderesse devrait publiciser sa responsabilité de prévention et non uniquement de réaction. Donc, pas seulement qu'un projet devrait être en marche pour l'avenir dans les éventualités autres que celles présentement envisagées pour diffusion, mais pour assurer le public canadien, étape par étape, que l'Agence surveille et s'occupe de toutes éventualités autant que possible selon l'état des connaissances existantes.

« Michel M.J. Shore »

ligne

                                                                                                                                                                 Juge                          


                                                    COUR FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                   

DOSSIER :                                                         T-223-04

INTITULÉ :                                                        GASTON JOSEPH SYLVAIN

c. AGENCE CANADIENNE

D'INSPECTION DES ALIMENTS            

LIEU DE L'AUDIENCE :                                QUÉBEC (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 26 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE                

ET ORDONNANCE:                                       L'HONORABLE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS DE                                LE 27 FÉVRIER 2004

L'ORDONNANCE ET

ORDONNANCE:                                             

COMPARUTIONS :

Gaston Joseph Sylvain                                        POUR LE DEMANDEUR

Me Guy Lamb                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GASTON JOSEPH SYLVAIN                         POUR LE DEMANDEUR

MORRIS ROSENBERG                                    POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-Procureur Général du Canada



[1]DORS/98-106 (les Règles)

[2]DORS/91-525 (les Règlements)

[3][1994] 1 R.C.S. 311, [1994] A.C.S. no 17 (QL)

[4]Supra au para. 43.

[5]Kun Shoulder Rest Inc. c. Joseph Kun Violin and Bow Maker Inc., [1997] A.C.F. no 1386 (QL) au para. 23-24.

[6]Supra.


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.