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Date : 20050207

Dossier : IMM-2110-04

Référence : 2005 CF 184

Toronto (Ontario), le 7 février 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

THANH LUY PHAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Thanh Luy Phan sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de la Section d'appel de l'immigration (la SAI) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. La SAI a décidé que l'alinéa 117(9)d) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) empêchait M. Phan de parrainer son fils, puisque M. Phan n'avait pas divulgué l'existence de son fils lorsqu'il avait déposé sa demande d'établissement.


[2]                M. Phan soutient que l'agent des visas qui, à l'origine, a traité la demande de résidence permanente du fils n'a pas pris en compte les facteurs d'ordre humanitaire pertinents qui influent sur l'intérêt supérieur du fils. Selon M. Phan, la SAI a ensuite commis une erreur en n'examinant pas la question de savoir si l'agent des visas avait correctement pris en compte les facteurs d'ordre humanitaire pertinents.

Le contexte factuel

[3]         M. Phan est venu au Canada en tant que réfugié et il est maintenant un citoyen canadien. En 2003, un agent des visas a rejeté la demande de résidence permanente de son fils né au Vietnam parce que M. Phan n'avait pas déclaré qu'il avait un fils au moment du dépôt de sa propre demande d'établissement en 1987.

[4]         M. Phan a interjeté appel de cette décision à la SAI. Devant la SAI, il a soutenu que celle-ci devrait prendre en compte des considérations d'ordre humanitaire et qu'on devrait autoriser son fils à rejoindre son père au Canada.


[5]         La SAI a décidé que, dans le contexte d'un appel en matière de parrainage en vertu du paragraphe 63(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), la question en litige était de savoir si le fils appartenait à la catégorie du regroupement familial au sens du Règlement. Tout en acceptant que l'affaire puisse potentiellement soulever des considérations d'ordre humanitaire, la SAI a décidé que l'article 65 de la LIPR l'empêchait d'examiner de telles questions.

[6]         La SAI a ensuite conclu que le fait que M. Phan ait lui-même omis de déclarer son fils au moment de sa demande d'établissement lui interdisait de le parrainer dans l'avenir, puisque le fils ne pouvait pas être considéré comme appartenant à la catégorie du regroupement familial. En arrivant à cette conclusion, la SAI a fait observer que l'intention de l'alinéa 117(9)d) était d'empêcher un appelant de parrainer un membre de la famille qui n'avait pas été déclaré et examiné à l'époque où la demande de résidence permanente avait été présentée.

La question en litige

[7]         Bien que la demande de contrôle judiciaire de M. Phan soulève un certain nombre de questions, son avocat reconnaît que la plupart de ces questions ont été résolues à l'encontre de la position de son client par la décision rendue dans l'affaire De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1276.


[8]         Bien que la décision De Guzman soit actuellement devant la Cour d'appel fédérale, la seule question qui a été examinée dans le cadre de la présente demande est celle de savoir si la SAI avait commis une erreur en ne se demandant pas si l'agent des visas avait correctement pris en compte les facteurs d'ordre humanitaire lors de l'appréciation de la demande de résidence permanente du fils.

L'argumentation de M. Phan

[9]         Le paragraphe 162(1) de la LIPR confère à la SAI une « compétence exclusive » pour connaître des questions de droit, de fait et de compétence. Selon mon interprétation de l'argumentation de M. Phan, sa position est que cela comprend le pouvoir de décider si l'agent des visas a correctement examiné s'il y avait des considérations d'ordre humanitaire dans une affaire en particulier.

[10]       M. Phan soutient que la décision De Guzman permet d'affirmer que les considérations d'ordre humanitaire envisagées par l'article 25 de la LIPR doivent être prises en compte par l'agent des visas dans les affaires qui seraient autrement visées par l'alinéa 117(9)d) du Règlement.


[11]       Conformément aux avertissements de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, M. Phan affirme qu'il incombe à l'agent des visas d'être « réceptif, attentif et sensible » à l'intérêt supérieur des enfants comme son fils dans les affaires telles que celle-ci et, lorsqu'il convient de le faire, de référer ces affaires à un représentant du ministre pour qu'il examine si une exemption devrait être accordée pour des raisons d'ordre humanitaire.

[12]       La question de savoir si l'agent des visas a correctement pris en compte les facteurs d'ordre humanitaire en l'espèce est une question de droit, selon M. Phan, qui cite la décision dans l'affaire Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 2055. De ce fait, la question relevait valablement de la compétence de la SAI, conformément au paragraphe 162(1) de la LIPR. À l'appui de cet argument, M. Phan invoque l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Foster c. Pringle, [1972] R.C.S. 821.

Analyse

[13]       L'avocat de M. Phan a déployé de vaillants efforts pour contrecarrer l'effet de la décision de la Cour dans l'affaire De Guzman - une décision, je dois souligner, qu'il ne conteste pas.

[14]       Les arguments de M. Phan soulèvent, à mon avis, un certain nombre de problèmes, particulièrement celui du libellé de l'article 65 de la LIPR qui prévoit que :


65. Dans le cas de l'appel visé aux paragraphes 63(1) ou (2) d'une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial, les motifs d'ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s'il a été statué que l'étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire.

[Non souligné dans l'original.]

65. In an appeal under subsection 63(1) or (2) respecting an application based on membership in the family class, the Immigration Appeal Division may not consider humanitarian and compassionate considerations unless it has decided that the foreign national is a member of the family class and that their sponsor is a sponsor within the meaning of the regulations.

[Emphasis added.]

[15]       Il ressort clairement de l'alinéa 117(9)d) du Règlement que, dans les circonstances de l'espèce, le fils de M. Phan ne doit pas être considéré comme appartenant à la catégorie du regroupement familial :

117(9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

[...]

d) dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d'une demande à cet effet, l'étranger qui, à l'époque où cette demande a été faite, n'a pas fait l'objet d'un contrôle et était un membre de la famille du répondant n'accompagnant pas ce dernier ou était un ex-époux ou ancien conjoint de fait du répondant. DORS/2004-59, art. 4.

117(9) No foreign national may be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if;

[...]

(d) the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member or a former spouse or former common-law partner of the sponsor and was not examined. SOR/2004-59,s. s. 4.


[16]       Il n'est cependant pas nécessaire que j'examine l'application correcte de ces dispositions en l'espèce, ni que j'examine la justesse de l'interprétation faite par M. Phan de la décision du juge Kelen dans l'affaire De Guzman puisque, à mon avis, l'argumentation de M. Phan est fondée sur une prémisse factuelle qui n'est pas étayée par la preuve.

[17]       Même si je devais accepter l'ensemble des arguments de M. Phan, le fait est que la Cour ne dispose d'aucune preuve qu'on ait jamais demandé à l'agent des visas de prendre en compte des considérations d'ordre humanitaire dans l'examen de la demande de résidence permanente du fils. Je ne suis pas convaincue que l'agent des visas a une obligation distincte de prendre en compte des facteurs d'ordre humanitaire en l'absence d'une demande du demandeur visant à obtenir de l'agent qu'il le fasse : voir les décisions Jankovic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1878 (QL), et Plata c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 195 (QL).

[18]       Cela ne signifie pas que M. Phan et son fils se trouvent sans recours : comme le juge Kelen l'a fait remarquer dans la décision De Guzman, ils peuvent demander que la demande de résidence permanente du fils soit examinée par la voie d'une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire en vertu de l'article 25 de la LIPR.

Conclusion

[19]       Pour ces motifs, la demande est rejetée.


Certification

[20]       M. Phan m'a demandé de certifier la question suivante :

[traduction]

La [SAI] avait-elle ou non, dans les circonstances, la compétence pour trancher la question de droit qui est de savoir si oui ou non l'agent des visas aurait dû prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant?

[21]       À mon avis, cette question repose sur l'hypothèse qu'on avait demandé à l'agent des visas de prendre en compte l'intérêt supérieur du fils dans l'examen de sa demande de résidence permanente. Comme je l'ai fait remarquer précédemment, il n'y a pas de preuve dans le dossier pour étayer une telle conclusion.

[22]       De ce fait, je suis convaincue que la réponse à la question ne serait pas décisive en l'espèce et je refuse de la certifier.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question de portée générale n'est certifiée.

« A. Mactavish »

                                                                                                     Juge                            

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-2110-04

INTITULÉ :                                                                THANH LUY PHAN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DES MOTIFS :                                               LE 1er FÉVRIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                               LE 7 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS :

Cecil Rotenberg                                                             POUR LE DEMANDEUR

David Tyndale                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cecil Rotenberg                                                             POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)

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