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     Date : 19990421

     Dossier : IMM-2643-98

Entre

     BELAY GETACHEW YOHANNES,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge GIBSON

[1]      Les présents motifs se rapportent à la décision en date du 23 avril 1998, par laquelle la section du statut de réfugié (la section du statut) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention, tel que ce concept est défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration1.

[2]      Le demandeur, qui est citoyen de l'Éthiopie, revendique le statut de réfugié au sens de la Convention par ce motif que s'il devait retourner dans son pays, il y serait persécuté en raison de ses opinions politiques, qu'exprimait son appartenance à l'All Amahara People's Organization (AAPO). Pour preuve de cette affiliation et du travail qu'il a fait pour l'AAPO, il a produit une lettre où on peut lire notamment ce qui suit :

     [TRADUCTION]

     Nous avons reçu confirmation par nos propres sources ainsi que par les renseignements donnés par Droits de la personne Éthiopie que ce membre de notre organisation a été détenu à différentes reprises et malmené par les forces de sécurité du gouvernement éthiopien à cause de sa participation active à notre organisation.2         

[3]      La section du statut a entrepris de vérifier cette information auprès de l'AAPO au su et avec l'acquiescement du demandeur et de son avocat. Elle a transmis à son agent de liaison à l'AAPO une copie de cette lettre. En réponse, elle a reçu une lettre datée, curieusement, du 24 juillet 1990 et indiquant que le demandeur n'est pas un membre de cette organisation3. Copie de cette réponse a été transmise à l'avocat du demandeur, lequel a écrit ce qui suit à la section du statut :

     [TRADUCTION]

     À la lumière de cet élément de preuve, j'estime en tant qu'avocat qu'il est inutile de présenter des conclusions écrites puisque que je n'ai connaissance d'aucune preuve qui remette en question le processus suivi par l'AAPO pour parvenir à sa conclusion.4         

Il y a lieu de souligner que la seule conclusion à laquelle fût parvenue l'AAPO était que, à la date de sa correspondance avec la section du statut, c'est-à-dire après le départ du demandeur de l'Éthiopie et avant l'audience de la section, celui-ci ne faisait pas partie de l'organisation. L'information communiquée par cette dernière à la section du statut ne disait rien au sujet de la lettre précédente, qui confirmait l'appartenance du demandeur, du travail qu'il faisait pour l'organisation et des difficultés qui en résultaient pour lui.

[4]      Par de très brefs motifs de décision, la section du statut s'est prononcée en ces termes :

     [TRADUCTION]

     Le demandeur prétend qu'il a été persécuté par le gouvernement de l'Éthiopie à cause de ses activités de membre de l'AAPO. Il a produit en preuve une lettre censée émaner de cette organisation. Il a donné des détails sur les lieux où il rencontra les membres et sur l'étendue de sa participation. Il a fait savoir qu'il avait été détenu et produit un rapport médical sur les séquelles physiques et mentales de la détention. Il ne s'est pas opposé à ce que la lettre produite soit envoyée à Addis-Abeba pour vérification. Il s'est vu communiquer une transcription de la méthodologie suivie par l'AAPO pour vérifier l'appartenance à l'organisation. La réponse de l'AAPO indique que le demandeur n'en faisait pas partie. Celui-ci s'est vu donner toute la possibilité voulue pour la réfuter. Il a accepté la conclusion de l'AAPO. Comme il n'en faisait pas partie, la persécution dont il se disait victime n'aurait pu avoir lieu comme il le prétendait dans son témoignage, et est juste une invention pour faire une revendication du statut de réfugié. De même, l'attestation signée par le Dr Wendell Block à l'appui de sa revendication ne peut avoir aucune valeur probante.         

                                                 [non souligné dans l'original]

[5]      Je conclus que la section du statut s'est complètement méprise sur l'information qu'elle recevait de l'AAPO. Celle-ci ne l'informait pas que le demandeur n'en avait jamais fait partie. Au contraire, elle ne faisait savoir qu'à la date de sa réponse, quelle que fût cette date, le demandeur n'était pas membre. Cette mauvaise interprétation a amené la section du statut à conclure que puisque le demandeur n'avait jamais fait partie de l'AAPO (conclusion qui était complètement dénuée de fondement), il n'a jamais été victime de persécution, sa revendication était pure invention et l'attestation médicale produite à l'appui n'avait aucune valeur probante.

[6]      Serait-elle une conclusion de fait, l'inférence que la section du statut a dégagée de sa correspondance avec l'AAPO serait une conclusion tirée de façon abusive et arbitraire, au mépris des éléments de preuve dont elle disposait. Si elle n'est pas une conclusion de fait, et j'inclinerais à y voir une conclusion mixte de fait et de droit, elle constitue une erreur susceptible de contrôle judiciaire, quelle que soit la norme de contrôle appliquée.

[7]      Par ces motifs, la Cour fait droit au recours en contrôle judiciaire, annule la décision de la section du statut et renvoie la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention faite par le demandeur, à une formation de composition différente pour nouvelle instruction.

     Signé : Frederick E. Gibson

     ________________________________

     Juge

Toronto (Ontario),

le 21 avril 1999

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :              IMM-2643-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Belay Getachew Yohannes

                     c.

                     Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

DATE DE L'AUDIENCE :      Mardi 20 avril 1999

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE GIBSON

LE :                      Mercredi 21 avril 1999

ONT COMPARU :

M. Michael Crane                  pour le demandeur

M. Marcel Larouche                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael T. Crane                  pour le demandeur

Avocat

200-166 rue Pearl

Toronto (Ontario)

M5H 1L3

Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19990421

     Dossier : IMM-2643-98

Entre

     BELAY GETACHEW YOHANNES,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


__________________

1      L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée.

2      Dossier du tribunal, page 46.

3      Dossier du tribunal, page 30.

4      Dossier du tribunal, page 32.

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