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     Date: 20001027

     Dossier: IMM-4571-99


Entre :

     AYONDU CHIEBUKA

     Partie demanderesse

     - et -


     LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Partie défenderesse



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 3 septembre 1999 par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié statuant que la demanderesse n'est pas une réfugiée au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]      La demanderesse est citoyenne du Nigéria. Elle a quitté son pays le 25 novembre 1995, a séjourné au Cameroun, au Ghana et aux États-Unis pour ensuite arriver au Canada le 3 mars 1996, où elle a revendiqué le statut de réfugié quatre jours plus tard. Au Nigéria, la demanderesse aurait été responsable de la coordination du Movement of the survival of the Ogoni people (MOSOP). En novembre 1990, elle aurait été arrêtée, torturée et violée. Elle aurait aussi été arrêtée et détenue à plusieurs reprises en 1993. En mai 1994, un mandat d'arrestation aurait été émis au nom de la demanderesse en sa capacité de membre de l'exécutif du MOSOP. Elle se serait cachée jusqu'en novembre 1995 pour ensuite se rendre au Cameroun.

[3]      La décision en cause est fondée sur l'absence de crédibilité de la demanderesse, le tribunal ayant trouvé que la requérante n'avait pas témoigné de façon directe et franche, notamment en raison du caractère évasif de son témoignage.

[4]      La demanderesse reproche notamment à l'un des deux commissaires de la Section du statut les commentaires suivants qu'il a faits lors de l'audition :

         BY PRESIDING MEMBER (to person concerned)
         Q.      Madame, let me tell you, if I was raped I would not forget. If I was raped twice, I would not forget. And if I was raped...
         A.      I neve...
         -      ... let me continue, madame.
         A.      Okay.
         -      ... I would not be reacting. We see people here who come who were raped. Some of them they have two different attitudes. Some of them are not ready to speak about that at all. This is very painful for them to speak about that. Some of them they just try to forget about it. This is known by psychologists, anyway I am not. Other people speak about that with a lot of emotion. You didn't speak about your alleged rape with emotion at all. First of all.
             Second thing, you didn't mention in your PIF that you were raped twice. How come one person who was raped could forget about another rape, because it wasn't the biggest. Any rape is tremendous crime, you could not forget about that.
         A.      I didn't forget about it.
         Q.      But you didn't mention it and you didn't...
         A.      I did not forget about it. It's like you said, it's something I don't want to dwell on. I don't want to dwell on it, you know.


[5]      Les propos du commissaire m'apparaissent non seulement sexistes, mais ils démontrent un manque de sensibilité et de compassion inacceptable. Il importe de souligner que l'autre commissaire s'est formellement dissocié de ces commentaires particuliers, bien qu'il se soit dit par ailleurs d'accord avec son collègue.

[6]      Pour ma part, je juge les commentaires en question, considérés dans le contexte reflété par la transcription de l'audition devant la Section du statut, suffisamment graves pour faire naître une crainte raisonnable de partialité et miner l'ensemble de la décision. « De toute évidence, le bon juge a une vaste expérience personnelle et professionnelle, qu'il met à profit pour trancher les litiges avec sensibilité et compassion. » Ces propos du juge Bastarache, dans l'arrêt Arsenault-Cameron c. Î.-P.É., [1999] 3 R.C.S. 851, à la page 853, reliés au critère applicable à la crainte de partialité, m'apparaissent en l'espèce fort pertinents.

[7]      En conséquence, je me sens justifié d'intervenir pour maintenir la demande de contrôle judiciaire, casser la décision en cause et renvoyer l'affaire à la Section du statut de réfugié pour être considérée à nouveau par un panel différemment constitué.




                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 27 octobre 2000



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