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Dossier : T-452-99


ENTRE :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION


demandeur


et


ABDI DIRIR ABDI


défendeur



     JE CERTIFIE PAR LES PRÉSENTES que, le 26 mai 2000, la Cour (le juge O"Keefe) a ordonné ce qui suit à la fin des motifs de l"ordonnance :

     Il est ordonné que l"appel (la demande) du ministre soit accueilli.

CERTIFIÉ À Ottawa (Ontario), le 29 mai 2000.


                             " Geneviève Payer "

                                 Fonctionnaire du greffe

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.






Date: 20000526


Dossier : T-452-99

Ottawa (Ontario), le 26 mai 2000

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O"KEEFE

ENTRE :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION


demandeur


et


ABDI DIRIR ABDI


défendeur




MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE



LE JUGE O"KEEFE



[1]      Il s"agit d"un appel interjeté par le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration (le ministre), conformément à la règle 300c ) des Règles de la Cour fédérale (1998), contre la décision par laquelle le juge de la citoyenneté Somerville a approuvé, le 13 janvier 1999, la demande de citoyenneté d"Abdi Dirir Abdi (le défendeur). Le ministre affirme que le défendeur ne remplit pas les conditions de résidence énoncées à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi sur la citoyenneté, S.C. 1974-75-76, ch. 108 (la Loi).

[2]      Le défendeur et sa famille (sa conjointe et deux enfants) sont initialement arrivés au Canada le 7 août 1987; le statut de réfugié au sens de la Convention leur a subséquemment été reconnu. Avant que le défendeur puisse devenir résident permanent, il a quitté le Canada pour se rendre en Somalie, soit le pays à l"égard duquel il affirme craindre avec raison d"être persécuté. Il est retourné en Somalie afin d"essayer de trouver ses neveux. Au moyen du parrainage de sa conjointe (qui était depuis lors devenue citoyenne canadienne) dans la catégorie de la famille, le défendeur est devenu résident permanent du Canada le 30 juillet 1992.

[3]      Le défendeur a demandé la citoyenneté canadienne le 3 août 1995, soit 1 098 jours après avoir obtenu le droit d"établissement.

[4]      Selon les renseignements fournis dans le formulaire de demande, le défendeur s"était dans l"intervalle absenté du Canada pendant 276 jours, aux dates ci-après énoncées :



Période

Lieu

But

Nombre de jours d"absence

30 août 1992 - 2 janvier 1993

Arabie saoudite

Travail

135

28 février 1993 - 19 juillet 1993

Arabie saoudite

Travail

141

Total

276

Selon ces chiffres, il manquait au défendeur 273 jours sur les 1 095 jours nécessaires.

[5]      Les renseignements fournis dans le questionnaire de résidence du défendeur au sujet de ses absences du Canada étaient différents de ceux qui figuraient dans sa demande.

[6]      Au mois de janvier 1999, le défendeur a fourni les renseignements suivants au sujet de ses absences du Canada :

Date

Lieu

Motif

1990 - 1992

Décès d"un membre de la famille

31 décembre 1992 - 30 juin 1993

Arabie saoudite

Travail temporaire

27 mars 1994 - 13 juillet 1994

16 octobre 1994 - 26 octobre 1994

20 juin 1995 - 4 juillet 1995

10 juin 1996 - 25 juin 1996

Arabie saoudite

Entrevues et recherche d"emploi

22 décembre 1996 - 8 juillet 1997

20 juin 1998 - 8 juillet 1998

Arabie saoudite

Travail temporaire

Je suis allé en Arabie saoudite pour aider mon frère dans son entreprise

[7]      Le défendeur a également déclaré s"être absenté du Canada entre le mois de mai et le mois de juillet 1995 lorsqu"il était en Arabie saoudite.

[8]      La conjointe et deux enfants du défendeur sont demeurés au Canada depuis leur arrivée et sont devenus citoyens canadiens en 1994.

[9]      Le défendeur a temporairement été séparé de sa conjointe du mois de mai 1994 jusqu"au 31 décembre 1998, mais les conjoints se sont réconciliés et ont recommencé à vivre ensemble au mois de janvier 1999.

[10]      Avant d"aller en Somalie, le défendeur avait travaillé au Canada.

[11]      Le défendeur subvenait aux besoins de sa conjointe et de sa famille au Canada.

[12]      Le défendeur avait un compte bancaire actif au Canada depuis 1984; il est un client de Bell Canada depuis le mois d"octobre 1987 et il a participé aux activités de la collectivité somalienne depuis son arrivée au Canada.

Le point litigieux

[13]      Le défendeur remplit-il les conditions énoncées à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi, selon lesquelles dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande de citoyenneté, il doit avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout?

Les dispositions législatives

[14]      L"alinéa 5(1)c ) de la Loi est ainsi libellé :

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois_:

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante_:

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,



(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

Analyse et décision

[15]      Il s"agit ici uniquement de savoir si le défendeur remplit les conditions de résidence énoncées à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi.

[16]      Cet appel est entendu en vertu des nouvelles Règles de sorte qu"il ne s"agit pas d"une nouvelle audience. Je dois examiner les documents dont disposait le juge de la citoyenneté.

[17]      L"alinéa 5(1)c ) de la Loi exige que la personne qui demande la citoyenneté ait, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout.

[18]      Selon la jurisprudence de cette cour, la personne qui demande la citoyenneté n"a pas réellement à être physiquement présente au Canada pendant toute la période de trois ans ou pendant 1 095 jours étant donné que, dans certaines circonstances, le temps qu"elle a passé au Canada au cours de cette période peut entrer en ligne de compte aux fins du calcul de la période de résidence requise (voir Re ;Papadogiorgakis [1978] 2 C.F. 208 (C.F. 1re inst.) et Re Koo [1993] 1 C.F. 286 (C.F. 1re inst.).)

[19]      Dans Re Koo, supra, Madame le juge Reed a traité comme suit de la question des absences, à la page 294 :

     [...] l"absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaireou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l"étranger)?

[20]      L"examen du dossier montre que le défendeur a travaillé ou qu"il a cherché du travail sur une base régulière en Arabie saoudite. Il a également déclaré que s"il devenait citoyen canadien, il ne trouverait probablement pas de travail au Canada. Aucun élément de preuve ne montre qu"au cours des périodes pertinentes, le défendeur ait même cherché du travail au Canada.

[21]      Le dossier ne renferme aucun détail au sujet des activités du défendeur au Canada pendant la période pertinente, à part le fait qu"il a un compte bancaire et un compte de téléphone et qu"il a participé aux activités de la collectivité somalienne depuis son arrivée.

[22]      La décision du juge de la citoyenneté n"aide pas le défendeur puisque le juge dit simplement ceci :

     [TRADUCTION]
     Selon les renseignements versés au dossier, il manque au demandeur 273 jours sur les 1 095 jours nécessaires. Toutefois, l"examen des renseignements relatifs à son passeport effectué par l"agent de la citoyenneté montre qu"il y a des incohérences. Je lui ai demandé de fournir des renseignements détaillés au sujet de ses voyages au Canada et à l"extérieur du Canada, ses relevés bancaires et une lettre de sa conjointe montrant qu"il subvient aux besoins financiers de sa famille. Il promet de fournir ces renseignements d"ici trois jours. Il n"habite pas avec sa conjointe et ses enfants, mais avec un membre de sa famille. Il dit qu"il n"a jamais touché de prestations d"aide sociale et que son argent provient du travail qu"il fait avec son frère en Arabie saoudite.          11 janvier 1999
                                     R. Somerville
     13 janvier
     Nous avons reçu des documents additionnels montrant que le demandeur subvient aux besoins de sa conjointe et de ses enfants à l"aide des sommes d"argent qui lui sont versées pour son travail en Arabie saoudite. Les relevés bancaires sont à jour. La lettre de la conjointe montre qu"il subvient aux besoins de la famille depuis qu"ils ont obtenu le droit d"établissement.
                                     Demande approuvée.

[23]      Le dossier montre que la durée totale des absences était supérieure aux 273 jours mentionnés par le juge de la citoyenneté.

[24]      L"un des buts de l"alinéa 5(1)c ) a été énoncé d"une manière claire et vivante par le juge Muldoon dans Re Pourghasemi (1999) 19 Imm.L.R. (2d) 259 (C.F. 1re inst.), à la page 260 :

Il est évident que l"alinéa 5(1)c) vise à garantir que quiconque aspire au don précieux de la citoyenneté canadienne ait acquis, ou se soit vu obligé d"acquérir, au préalable la possibilité quotidienne de " se canadianiser ". Il le fait en côtoyant les Canadiens au centre commercial, au magasin d"alimentation du coin, à la bibliothèque, à la salle de concert, au garage de réparation d"automobiles, dans les buvettes, les cabarets, dans l"ascenseur, à l"église, à la synagogue, à la mosquée ou au temple -- en un mot là où l"on peut rencontrer des Canadiens et parler avec eux -- durant les trois années requises. Pendant cette période, le candidat à la citoyenneté peut observer la société canadienne telle qu"elle est, avec ses vertus, ses défauts, ses valeurs, ses dangers et ses libertés.

[25]      Il n"y a rien dans le dossier ou dans la décision du juge de la citoyenneté qui indique que le défendeur ait fait ce genre de choses à l"exception du fait qu"il a travaillé au Canada et qu"il a participé aux activités de la collectivité somalienne au Canada. Compte tenu de la preuve, j"estime que le défendeur n"a pas centralisé son mode de vie au Canada. Pour ces motifs, je suis d"avis que le défendeur ne remplit pas les conditions de résidence énoncées à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi, étant donné que je ne suis pas prêt à tenir compte de ses périodes d"absence du Canada aux fins du calcul de la période de résidence requise en vertu de l"alinéa 5(1)c ) de la Loi.

[26]      L"appel interjeté par le ministre est donc accueilli.


ORDONNANCE

[27]      IL EST ORDONNÉ que l"appel (la demande) du ministre soit accueilli.





                             " John A. O"Keefe "

                                 J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

le 26 mai 2000.


Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.



COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      T-452-99

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration c. Abdi Dirir Abdi
LIEU DE L"AUDIENCE :      Toronto (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :      le 11 avril 2000

MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE du juge O"Keefe en date du 26 mai 2000


ONT COMPARU :

Leena Jaakkimainen          POUR LE DEMANDEUR

Stephen Green          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg          POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Green & Spiegel          POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)

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