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Date : 19990601


Dossier : T-1523-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 1er JUIN 1999

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE DUBÉ

ENTRE


SYED MOHAMMAD KHAIRULBASHAR,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


JUGEMENT

     L"appel interjeté par le demandeur est accueilli.

                             J.E. Dubé
                                     Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


Date : 19990601


Dossier : T-1523-98

ENTRE


SYED MOHAMMAD KHAIRULBASHAR,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DUBÉ

[1]      Il s"agit ici d"un appel de la décision par laquelle le juge de la citoyenneté a conclu, le 9 juin 1998, que le demandeur n"avait pas réellement centré son mode de vie sur le Canada puisqu"il s"était absenté pour de longues périodes, soit en tout pendant 890 jours.

1.      Les faits

[2]      La conjointe et les trois fils du demandeur sont arrivés au Canada en 1989. Ils sont maintenant citoyens canadiens. En 1993, le demandeur avait mis fin à ses activités commerciales au Pakistan, sauf qu"il lui restait à régler un litige civil avec le gouvernement du Pakistan. Le 18 février 1993, le demandeur est arrivé au Canada à titre d"immigrant ayant reçu le droit d"établissement; il avait clairement l"intention de s"y installer en permanence.

[3]      Le demandeur a adhéré à une collectivité religieuse et sociale islamique, le " Mouvement Ahmadiyya en Islam (Canada) ", à Toronto (Ontario). Il s"est également inscrit à une association d"architectes, l"" International Ahmadiyya Association of Architects and Engineers ", dont il est membre à vie. Le demandeur n"a pas pu trouver un emploi d"enseignant étant donné qu"il avait 60 ans. Ses titres de compétences et son expérience n"étaient pas reconnus au Canada. Le demandeur enseigne donc sur une base individuelle les mathématiques, l"informatique et l"anglais à des enfants et à des adultes, chez lui, depuis le mois de mai 1995. Il détient un permis de conduire canadien, a ouvert un compte bancaire à la Banque Toronto-Dominion en février 1994 et paie régulièrement l"impôt sur le revenu canadien depuis le mois de février 1993. Il participe également au Programme communautaire des bénévoles en matière d"impôt depuis 1996.

[4]      En janvier 1994, le demandeur a acheté une maison au 59, Dromore Crescent, North York (Ontario). Sa famille et lui habitent encore à cet endroit.

[5]      Le demandeur s"est absenté du Canada pour s"occuper de longues procédures judiciaires à Islamabad, au Pakistan. Il s"agissait d"une obligation d"une durée limitée qui a été réglée; le demandeur ne s"est jamais absenté du Canada depuis lors. Tous les enfants du demandeur ont terminé leurs études au Canada; son fils aîné est titulaire d"un MBA de l"Université York, à Toronto. Le deuxième fils a obtenu un baccalauréat en sciences informatiques de cette université et le cadet est titulaire d"un diplôme d"école secondaire.

2.      La question en litige

[6]      Il s"agit de savoir si le juge de la citoyenneté a commis une erreur de droit en concluant que le demandeur ne remplissait pas les conditions de résidence prévues à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi sur la citoyenneté (la Loi) au moment où il avait présenté sa demande.

3.      Analyse

[7]      La décision fondamentale à cet égard a été rendue par le juge en chef adjoint Thurlow (tel était alors son titre) dans l"affaire bien connue Papadogiorgakis1, où l"on a clairement consacré le principe selon lequel une personne qui a établi une résidence au Canada ne cesse pas de résider dans ce pays lorsqu"elle quitte temporairement sa résidence pour effectuer un voyage d"affaires, prendre des vacances ou poursuivre des études.

[8]      Toutefois, la jurisprudence qui a été élaborée depuis lors n"est pas uniforme. Selon un courant d"opinions fondé sur une interprétation stricte de la Loi , le demandeur doit être physiquement présent pendant au moins trois ans en tout dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande. D"autre part, selon une interprétation plus libérale, même s"il est essentiel que le demandeur soit physiquement présent pendant une bonne partie du temps, il peut dans une certaine mesure s"absenter pour des motifs valables. Dans l"affaire Papadogiorgakis , le demandeur était un jeune étudiant grec qui vivait avec une famille canadienne en Nouvelle-Écosse et qui, pendant les années en cause, étudiait dans un collège américain. Il existe une myriade de décisions dans lesquelles il a été statué que des hommes d"affaires s"occupant de commerce international qui s"absentent souvent pour de longues périodes de la nouvelle résidence qu"ils ont établie au Canada remplissent néanmoins les conditions de résidence.

[9]      J"ai personnellement statué à maintes reprises que le demandeur qui a établi d"une façon claire et définitive une résidence au Canada dans l"intention évidente d"y maintenir des liens personnels permanents ne devrait pas être privé de la citoyenneté simplement parce qu"il doit gagner sa vie et celle de sa famille en faisant des affaires à l"étranger. La résidence d"une personne n"est pas située là où celle-ci travaille, mais là où elle retourne une fois son travail terminé. En général, l"un des indices les plus révélateurs de l"intention réelle d"une personne est le fait que toute sa famille s"est établie dans une résidence permanente au Canada.

[10]      En l"espèce, le juge de la citoyenneté a conclu que le demandeur avait établi sa résidence au Canada, mais qu"il ne l"avait pas maintenue. À mon avis, le demandeur n"a pas abandonné sa résidence en exécutant les obligations qui lui incombaient encore dans son ancien pays.

[11]      La décision Papadogiorgakis a été rendue en 1978. Si le législateur modifiait la Loi de façon à stipuler que la résidence s"entend d"une présence physique continue au Canada, l"affaire serait clairement réglée. Cependant, tant qu"il ne le fera pas, je crois qu"il serait injuste d"imposer au demandeur une interprétation si stricte.

[12]      Par conséquent, l"appel interjeté par le demandeur est accueilli.

                             J.E. Dubé
                                     Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 1er juin 1999

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :      T-1523-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      SYED MOHAMMAD KHAIRULBASHAR c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION
LIEU DE L"AUDIENCE :      Toronto (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :      le 25 mai 1999

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE DUBÉ EN DATE DU 1er JUIN 1999.

ONT COMPARU :

Sil Salvaterra      pour le demandeur
Leena Jaakkimainen      pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osgoode Hall Law School      pour le demandeur

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg      pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


__________________

1      [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.).

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