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Date : 20040520

Dossier : IMM-3125-02

Référence : 2004 CF 746

Ottawa (Ontario), le 20 mai 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE JOHANNE GAUTHIER

ENTRE :

                                                      VOLODIMIR BELOUSYUK

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Belousyuk sollicite le contrôle judiciaire de la décision d'une agente des visas qui a refusé sa demande de statut de résident permanent aux motifs : (i) qu'il a donné une fausse indication sur un fait important contrairement au paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi) et (ii) qu'il ne s'est pas conformé à la demande de l'agente des visas de fournir des documents supplémentaires (paragraphe 9(4) de la Loi, les dispositions législatives pertinentes sont énoncées dans l'annexe jointe).

[2]                Le demandeur est un citoyen de l'Ukraine qui a fait sa demande de statut de résident permanent en mars 1997 et qui sollicitait d'être apprécié dans la profession envisagée d'ingénieur en sciences nucléaires (CNP 2157-110). Entre 1997 et juin 2002, il s'est présenté à trois entrevues et a eu de nombreux échanges de correspondance avec l'ambassade du Canada en Ukraine, notamment en ce qui a trait à son expérience récente à titre d'ingénieur en sciences nucléaires.

[3]                Jusqu'à sa retraite de la marine soviétique en 1994, M. Belousyuk a accumulé environ quinze ans d'expérience à titre d'ingénieur principal en sciences nucléaires. Il prétend que depuis lors, il a travaillé en tant que consultant indépendant et en tant qu'expert en ingénierie dans le domaine de l'équipement d'énergie nucléaire. Les documents qu'il avait soumis relativement à son dossier d'emploi après 1994 n'ont pas convaincu l'agente des visas, en particulier parce que cela consistait principalement en une lettre signée par son beau-père pour une société appelée Zimac et dont il n'aurait jamais fait mention lors de ses entrevues antérieures. Par conséquent, le 11 juillet 2001, l'agente des visas lui a envoyé une lettre d'équité pour lui faire part des préoccupations qu'elle avait relativement à sa demande. L'agente lui a accordé un certain délai pour produire des documents corroborants sous forme de contrats ou de correspondance émanant directement de clients pour qui Zimac aurait utilisé ses services.


[4]                En réponse à cette demande, M. Belousyuk a d'abord soumis une lettre datée du 1er août 2001, écrite en russe, traçant les grandes lignes de son expérience et comprenant une lettre d'une société de communication canadienne l'invitant à devenir un associé. Le 6 septembre 2001, le demandeur a soumis une version anglaise de la lettre du 1er août 2001. Ensuite, le 30 octobre 2001, il a soumis une copie télécopiée d'une lettre de référence datée du 25 octobre 2001, provenant du Scientific Research Institute « Energoproekt » de Kharkov, laquelle mentionnait qu'il avait travaillé, durant la période de 1994-1998, en tant que consultant indépendant dans des documents techniques en sciences nucléaires. Cette lettre était signée par M. Almakaev, identifié comme le président du bureau de direction, et portait le numéro 22126/347.

[5]                Le 13 novembre 2001, M. Belousyuk a de nouveau soumis une photocopie de cette lettre avec une demande de mise à jour. Il a soumis une deuxième demande semblable le 11 février 2002. Vu que l'original de cette lettre n'avait pas été soumis, la responsable du programme et première secrétaire (Immigration) à l'ambassade, qui est actuellement responsable du présent dossier, a demandé que son authenticité soit vérifiée auprès de la société Energoproekt. Il ressort des notes du STIDI et de l'affidavit de la responsable du programme qui a rendu la décision faisant l'objet du contrôle que le 12 avril 2002, elle a reçu une confirmation écrite signée par le chef du service du personnel et par le président du bureau de direction, M. Almakaev, que, de fait, le demandeur n'avait jamais été à l'emploi d'Energoprokt en tant que consultant indépendant et que la lettre de référence originale datée du 25 octobre 2001, et portant le numéro 22126/347, avait été délivrée par erreur.


[6]                Le 17 avril 2002, le demandeur a été mis au courant des renseignements reçus de la part d'Energoproekt et du fait qu'il n'avait jamais soumis de preuve acceptable en réponse à la lettre du 11 juillet 2001 de l'agente des visas. M. Belousyuk a été informé que son dossier demeurerait ouvert pendant 30 jours dans le but de lui donner la possibilité de répondre à ces renseignements.

[7]                Par une lettre datée du 24 avril 2002, M. Belousyuk a soumis divers documents qui, en fait pour la majorité, avaient déjà été produits avant que la lettre d'équité du 11 juillet 2001 lui ait été envoyée. Dans sa lettre d'accompagnement, il a déclaré que son travail chez Energoproekt était classifié et que cela ne devait pas être rendu public, que les renseignements donnés à l'ambassade par la société étaient erronés et que le commis qui aurait donné ces renseignements à l'ambassade avait été congédié.

[8]                Encore une fois, la véracité de cette déclaration a été vérifiée auprès d'Energoproekt. Le chef des ressources humaines a de nouveau été contacté et il a confirmé qu'il était toujours à l'emploi de la société et que personne n'avait été congédié.

[9]                Dans une lettre datée du 3 juin 2002, le demandeur a été informé que sa demande était rejetée.


[10]            M. Belousyuk soutient qu'il n'a jamais fourni intentionnellement de faux renseignements à l'agente des visas et que c'est à tort qu'elle l'a accusé de fraude. Il a également soumis que les documents produits avec sa lettre du 24 avril 2002 suffisaient à établir son expérience récente parce que, entre autres choses, rien ne permettait de douter de la crédibilité de la lettre de Zimac. On n'a pas tenu compte de cet élément de preuve puisque, comme il est mentionné dans l'affidavit de la responsable du programme, elle n'a pas apprécié ces documents après la confirmation du fait que le commis n'avait pas été congédié. À cet égard, il affirme également qu'il aurait dû être apprécié sur la base de son expérience au mois de mars 1997. Par conséquent, le fait qu'il puisse ne pas avoir établi qu'il avait une expérience plus récente n'était pas pertinent parce que cette préoccupation était postérieure à la date déterminante de sa demande.

Analyse

[11]            La norme de contrôle applicable à la décision de l'agente des visas dans la présente affaire est celle de la décision raisonnable simpliciter, cela signifiant qu'après un examen assez poussé des éléments de preuve au dossier, je dois déterminer si les motifs donnés par l'agente étayent sa conclusion.

[12]            Il est bien établi en droit que le demandeur avait le fardeau de la preuve; il devait convaincre l'agente des visas que sa demande était conforme à la Loi et aux règlements pris sous son régime. À cet égard, la Cour ne peut tenir compte que des éléments de preuve dont disposait la décideuse lorsqu'elle a rendu la décision. Par conséquent, la Cour n'examinera pas les nouveaux éléments de preuve produits par M. Belousyuk.


a) Contravention au paragraphe 9(3) de la Loi

[13]            M. Belousyuk soutient que le malentendu quant à son travail chez Energoproekt découlait du fait que l'ambassade avait communiqué avec le chef des ressources humaines qui s'occupe des employés réguliers de la société et qui n'a rien à voir avec les consultants indépendants. Il prétend que la lettre du 12 avril 2002, laquelle n'est rédigée qu'en russe, n'affirme pas qu'il n'a jamais travaillé en tant que consultant indépendant mais seulement qu'il n'a jamais été un employé. L'ambassade a simplement posé la mauvaise question.

[14]            Aucune traduction n'a été fournie pour cette lettre. Comme je l'ai déjà mentionné, la responsable du programme-agente des visas affirme dans son affidavit que cela confirme que le demandeur n'a jamais travaillé en tant que consultant indépendant. L'affidavit de M. Belousyuk ne traite pas de cette question. Aussi, bien que la Cour ne puisse pas lire la lettre du 12 avril 2002, il est évident que le deuxième paragraphe réfère à la lettre du 25 octobre 2001, de par la date et le numéro de référence. Selon l'affidavit de la responsable du programme, il y est affirmé que cette lettre a été délivrée par erreur. Cet élément de preuve n'a pas été contredit.

[15]            Par conséquent, quelle que soit l'interprétation que l'on puisse donner aux mots utilisés pour décrire la relation entre M. Belousyuk et Energoproekt dans le premier paragraphe, il est clair que la société a désavoué la lettre du 25 octobre 2001.

[16]            De plus, M. Belousyuk affirme qu'Energoprokt lui avait dit que le commis qui avait divulgué les renseignements à son sujet serait probablement congédié. Mais ce qu'il ignorait, c'est que la société n'y avait tout simplement jamais donné suite et que personne n'avait effectivement été congédié. Toutefois, la lettre du 24 avril 2002 du demandeur affirme clairement que le commis avait été congédié. Pour qu'il y ait contravention au paragraphe 9(3) de la Loi, il n'est pas nécessaire de prouver l'intention.

[17]            La Cour est convaincue qu'il était raisonnable pour l'agente des visas de conclure qu'il y avait eu contravention au paragraphe 9(3) de la Loi. Même si une telle contravention n'a pas pour effet de rendre automatiquement un demandeur interdit de territoire, cela peut justifier une décision de ne pas accorder un visa si la contravention est liée à un fait important. (Kang c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1981] 2 C.F. 807 (C.A.F.); Sharief c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 278, [2003] A.C.F. no 386 (1re inst.) (QL)). En l'espèce, je suis convaincue qu'une telle contravention aurait été suffisante en soi pour justifier le rejet de la demande de M. Belousyuk. La lettre d'Energoproetk a été déposée en réponse à une demande précise de l'agente des visas et elle était très pertinente à l'égard de son expérience, un sujet qui est important pour son admission. Je n'accepte pas l'argument de M. Belousyuk selon lequel son expérience récente, selon la description qu'en fait la lettre d'Energoprotk, n'était pas pertinente en raison de la date déterminante de sa demande.

[18]            Cette expression « date déterminante » ne se trouve pas dans la Loi ni dans les règlements pris sous son régime. Elle n'était décrite que dans le chapitre OP1 de l'ancien guide de l'immigration - Traitement des demandes à l'étranger. Je comprends que lorsqu'il y avait une date déterminante pour une demande, cela signifiait que le droit qui était en vigueur à cette date s'appliquait au moment où la décision était finalement rendue concernant la demande et que, par exemple, une diminution des points de la demande dans la profession n'affectait pas la demande d'un travailleur qualifié déposée avant la date d'une telle augmentation.

[19]            Toutefois, cela ne signifiait pas que l'agent des visas n'avait pas le droit de tenir compte des faits qui survenaient après la date déterminante. En fait, la Cour a décidé que l'agent des visas doit évaluer la demande de résidence permanente en se fondant sur les faits tels qu'ils existent au moment de l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire et que cette approche pouvait également profiter à un demandeur lorsqu'il s'arrange pour mettre à jour ses compétences ou pour obtenir une offre d'emploi viable. (Lau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 81 (1re inst.) (QL);Shabashkevich c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2003 CFPI 361, [2003] A.C.F. no 510 (1re inst.) (QL)).


b) Contravention au paragraphe 9(4) de la Loi

[20]            M. Belousyuk soutient que l'agente des visas n'a pas tenu compte de la lettre de la société de communication canadienne l'invitant à devenir un associé. La Cour fait remarquer que cela n'avait rien à voir avec son expérience en tant qu'ingénieur en sciences nucléaires. Si c'est ce que M. Belousyuk envisageait de faire au Canada, cela semble en fait corroborer l'opinion de l'agente, exprimée dans sa lettre du 11 juillet 2001, selon laquelle, du fait qu'il n'avait pas travaillé dans ce domaine depuis quelques années, il peut ne plus être employable en tant qu'ingénieur en sciences nucléaires, une profession hautement technique qui évolue rapidement.

[21]            En ce qui a trait aux autres documents joints à sa lettre du 24 avril 2002, lesquels n'ont pas fait l'objet d'un examen plus approfondi de la part de la responsable du programme, la Cour fait remarquer que la plupart sont en russe seulement. Ceux qui sont traduits ne me convainquent pas du fait que la conclusion de l'agente des visas était déraisonnable. En fait, ces documents font référence à la livraison de génératrices diesel et à la fourniture d'électricité pour une société nationale d'électricité. Le lien entre ces documents et le travail du demandeur en tant qu'ingénieur en sciences nucléaires n'est pas clair. Aussi, comme je l'ai déjà mentionné, ces documents n'étaient pas nouveaux. La plupart, sinon la totalité de ceux-ci, avaient été fournis à l'agente des visas avant la lettre du 11 juillet 2001 et avaient été déclarés insuffisants. Quant à la lettre de Zimac, la Cour estime qu'il n'était pas déraisonnable pour l'agente des visas de conclure qu'elle avait besoin de corroboration pour les motifs énoncés dans la lettre du 11 juillet 2001.


[22]            Les parties n'ont pas soumis de question pour la certification et la Cour estime que la présente affaire demeure un cas d'espèce.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La demande est rejetée.

                                                                                                                             « Johanne Gauthier »           

                                                                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                                        Annexe

Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, Ch. I-2

Immigration Act, R.S.C. 1985, c. I-2

Obligations

9(3) Toute personne doit répondre franchement aux questions de l'agent des visas et produire toutes les pièces qu'exige celui-ci pour établir que son admission ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.

Duty to answer questions

9(3) Every person shall answer truthfully all questions put to that person by a visa officer and shall produce such documentation as may be required by the visa officer for the purpose of establishing that his admission would not be contrary to this Act or the regulations.

Délivrance de visas

   (4) Sous réserve du paragraphe (5), l'agent des visas qui est convaincu que l'établissement ou le séjour au Canada du demandeur et des personnes à sa charge ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements peut délivrer à ce dernier et aux personnes à charge qui l'accompagnent un visa précisant leur qualité d'immigrant ou de visiteur et attestant qu'à son avis, ils satisfont aux exigences de la présente loi et de ses règlements.

Issuance of visa

   (4) Subject to subsection (5), where a visa officer is satisfied that it would not be contrary to this Act or the regulations to grant landing or entry, as the case may be, to a person who has made an application pursuant to subsection (1) and to the person's dependants, the visa officer may issue a visa to that person and to each of that person's accompanying dependants for the purpose of identifying the holder thereof as an immigrant or a visitor, as the case may be, who, in the opinion of the visa officer, meets the requirements of this Act and the regulations.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                    IMM-3125-02

INTITULÉ :                                                                   VOLODIMIR BELOUSYUK

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                            TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 15 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                   LA JUGE GAUTHIER

DATE DES MOTIFS :                                                 LE 20 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Inna Kogan                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Ann Margaret Oberst                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cecil L. Rotenberg                                                           POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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