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Date : 20040914

Dossier : IMM-7205-03

Référence : 2004 CF 1142

Calgary (Alberta), le 14 septembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN

ENTRE :

                                                             BLERINA RESULAJ

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                      MOTIFS MODIFIÉS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

(Prononcés à l'audience, puis exposés par écrit pour plus de clarté et de précision)

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 30 juillet 2003 dans laquelle un agent d'examen des risques avant renvoi (agent d'ERAR) a conclu que la demanderesse ne serait pas, par son renvoi en Albanie, exposée au risque de persécution, de torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités.

[2]                La demanderesse est une citoyenne de l'Albanie âgée de 23 ans. Sa demande d'asile a été rejetée le 17 mai 2001. Son mari, qui a lui aussi présenté une demande d'asile, est retourné en Albanie avant la tenue de l'audience.

[3]                La demanderesse a présenté une demande à titre de DNRSRC, dans laquelle elle a allégué qu'elle craignait d'être persécutée en raison des activités politiques de son mari et qu'elle était une femme seule risquant de devenir victime du trafic de personnes. En novembre 2001, un agent chargé des DNRSRC a rejeté cette demande. La demanderesse a par la suite présenté une demande d'ERAR, qui fait l'objet de la présente instance, dans laquelle elle a allégué qu'elle craignait d'être exploitée sexuellement par son mari et d'être forcée à se prostituer.

[4]                L'agent d'ERAR a rejeté la demande en concluant que le fait que la demanderesse risquait d'être [traduction] _ victime d'un crime _ ne pouvait pas constituer le fondement d'une demande d'ERAR. À titre subsidiaire, il a conclu que même si la demanderesse était exposée à un risque, elle n'avait pas réussi à démontrer qu'elle ne pouvait pas se réclamer de la protection de l'État.


[5]                Étant donné que la demande de la demanderesse était fondée sur des allégations de violence faite aux femmes et que tous les éléments de preuve produits avaient trait à ces allégations, l'agent d'ERAR était tenu d'examiner la demande dans cette optique. La preuve permettait de penser que la demanderesse avait été victime de violence familiale dans le passé et qu'elle et sa famille allaient probablement continuer d'avoir des rapports marqués par la violence avec l'ex-mari de la demanderesse.

[6]                L'agent d'ERAR a dit que le motif pour lequel il a rejeté la preuve ou l'allégation liée à la violence familiale était que la demanderesse avait divorcé de son mari violent. L'agent a affirmé ce qui suit : [traduction] _ toutefois, s'il croit qu'elle lui doit de l'argent, il pourrait exiger qu'elle le lui rembourse. De plus, il pourrait avoir recours à des menaces pour la forcer à se trouver un travail bien rémunéré quelconque pour pouvoir commencer à le rembourser. _ (dossier du tribunal, p. 15). Il n'a pas expliqué pourquoi il pensait que le comportement du mari allait changer d'une façon aussi drastique. Ceci est encore plus étonnant si l'on tient compte du rapport du département d'État américain sur la situation en Albanie en 2002 (auquel renvoie la décision de l'agent d'ERAR), qui énonce que [traduction] _ beaucoup d'hommes [...] suivent toujours le code traditionnel - le Kanun - dans lequel les femmes sont considérées et traitées comme des biens _ (dossier de la demanderesse, p. 80).

[7]              Il est tout à fait possible qu'une femme soit victime à la fois de violence familiale et d'actes criminels. Il est de jurisprudence constante que les femmes victimes de violence familiale représentent un groupe social qui a droit à la protection offerte par le statut de réfugié au sens de la Convention. Voir Diluna c. Canada (M.E.I.), [1995] A.C.F. no 399; Narvaez c. Canada (M.C.I.), [1995] 2 C.F. 55.

[8]                Par conséquent, je conclus que l'agent d'ERAR a rendu une décision manifestement déraisonnable et a commis une erreur susceptible de contrôle dans le mesure où il a :

-           omis d'expliquer pourquoi il a rejeté la preuve ayant trait à la violence familiale;

-           omis d'expliquer pourquoi il pensait que le comportement du mari allait changer d'une façon aussi drastique;

-           examiné la demande uniquement dans l'optique d'une personne victime d'un crime et non d'une femme victime de violence;

-           omis de tenir compte de la preuve concernant la protection de l'État dont les femmes victimes de violence peuvent se prévaloir en Albanie.

[9]                La présente demande sera donc accueillie.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la décision en date du 30 juillet 2003 rendue par l'agent d'ERAR soit annulée, et que l'affaire soit renvoyée à un autre agent d'ERAR pour nouvel examen.

_ K. von Finckenstein _

                                                                                                                                                     Juge                       

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.                                 


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-7205-03

INTITULÉ :                                       BLERINA RESULAJ

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 17 AOÛT 2004

MOTIFS MODIFIÉS DE

L'ORDONNANCE ET

ORDONNANCE :                            LE JUGE von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                     LE 14 SEPTEMBRE 2004

COMPARUTIONS:                        

Krassina Kostadinov                            POUR LA DEMANDERESSE

Andrea Hammell                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:                              

Krassina Kostadinov                           POUR LA DEMANDERESSE

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)                               

Morris Rosenberg                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


                                                                                                COUR FÉDÉRALE

                                                                             

Date : 20040818

Dossier : IMM-7205-03

ENTRE :

BLERINA RESULAJ

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                           

MOTIFS MODIFIÉS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                           

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