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                                                                                                                                 Date : 20000505

                                                                                                                                             T-415-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 5 MAI 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

E n t r e :

                                                    GLAXO GROUP LIMITED et

                                                      GLAXO WELLCOME INC.

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                             et

                                          MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

                                                     ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

                                                                                                                                           défendeur

                                                                ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

LA COUR, APRÈS AVOIR DÉCOUVERT que, par inadvertance, certains renseignements qui faisaient l'objet de l'ordonnance de confidentialité du 4 mai 1998 s'étaient retrouvés dans les motifs d'ordonnance du 16 mars 2000 ;

APRÈS AUDITION des avocats des parties et LECTURE FAITE des pièces versées au dossier par les avocats :

ORDONNE que les motifs d'ordonnance joints aux présentes sous la cote A soient déposés au greffe ;


DÉCLARE que les motifs d'ordonnance prononcés et déposés le 16 mars 2000 sont assujettis aux modalités de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998 et qu'ils doivent être traités en conséquence.

                                                                                                                            « John A. O'Keefe »              

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                                                                                                 Date : 20000505

                                                                                                                                             T-415-98

                                                                    ANNEXE A

E n t r e :

                                                    GLAXO GROUP LIMITED et

                                                      GLAXO WELLCOME INC.

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                             et

                                          MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

                                                     ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

GENÈSE DE L'INSTANCE

[1]         Par l'avis de requête introductif d'instance qu'elles ont déposé le 13 mars 1998, Glaxo Wellcome Inc. et Glaxo Group Ltd. (Glaxo) ont demandé à la Cour, en vertu du paragraphe 4(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement) de rendre une ordonnance interdisant au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (le ministre) de délivrer un avis de conformité à la défenderesse Apotex Inc. (Apotex) relativement à sa formulation du médicament céfuroxime axétil et à sa formulation d'une composition pharmaceutique du même médicament tant que les brevets canadiens nos 1 240 313 et 1 282 331 ne seront pas expirés.


[2]         Glaxo est propriétaire des brevets canadiens nos 1 240 313 (le brevet 313) et 1 240 331 (le brevet 331). En gros, le brevet 313 contient des revendications pour le médicament céfuroxime axétil à l'état très pur et sous forme substantiellement amorphe, de même que pour les compositions pharmaceutiques dudit médicament, et le brevet 331, des revendications pour une composition pharmaceutique pelliculée de céfuroxime axétil dont la pellicule se rompt en moins de 40 secondes, selon les résultats d'un test décrit, après quoi le noyau du comprimé se désintègre immédiatement.

[3]         Les avocats des parties ont comparu devant moi à Toronto à l'audience des 16 et 17 décembre 1999. Après la clôture du débat, j'ai sursis au prononcé du jugement et j'ai informé les avocats que je rendrais une décision motivée plus tard. Voici donc mon jugement et mes motifs.

CONTEXTE

Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)

[4]         Un bref survol de l'économie du Règlement peut s'avérer instructif à ce moment-ci.


[5]         Le Règlement est entré en vigueur le 12 mars 1993. Il prévoit que tout fabricant de médicaments (la première personne) qui dépose une demande d'avis de conformité à l'égard d'un médicament peut soumettre au ministre une liste énumérant les brevets dont elle est propriétaire ou à l'égard desquels elle détient une licence et qui comportent des revendications portant sur le médicament lui-même et des revendications portant sur l'utilisation du médicament que la première personne souhaite faire inscrire dans le registre des brevets[1].

[6]         Le Règlement prévoit également qu'un autre fabricant (la seconde personne) qui dépose une demande d'avis de conformité à l'égard d'un médicament peut comparer celui-ci au médicament de la première personne pour lequel un avis de conformité a été délivré et à l'égard duquel une liste de brevets a été soumise ou faire un renvoi au médicament de la première personne[2]. En pareil cas, le Règlement oblige la seconde personne à indiquer sur sa demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre relativement au médicament de la première personne, qu'elle accepte que l'avis de conformité portant sur son médicament ne lui soit délivré qu'une fois que les brevets de la première personne seront expirés, ou encore à formuler une des allégations proposées par le Règlement[3].


[7]         Une des allégations prévues par le Règlement - celle qui nous intéresse en l'espèce - est qu' « aucune revendication pour le médicament en soi, ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité » [4]. La seconde personne doit fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle fonde son allégation[5]. Un avis de l'allégation doit ensuite être signifié à la première personne[6].

[8]         Aux termes du paragraphe 6(1) du Règlement, la première personne peut, dans les 45 jours après avoir reçu signification de l'avis d'allégation de la seconde personne, présenter une requête en vue d'obtenir de la Cour une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à la seconde personne au motif qu'aucune des allégations formulées par la seconde personne n'est fondée. Le dépôt de cette requête a pour effet de suspendre pour une période de 24 mois la délivrance de l'avis de conformité[7].

Règlement modifié


[9]         Le Règlement a été modifié le 12 mars 1998[8]. Les modifications visaient notamment à clarifier ce qui avait fait l'objet d'un nombre considérable de litiges par le passé au sujet du moment où la seconde personne doit présenter sa demande d'avis de conformité. Le Règlement modifié dispose que, lorsque la seconde personne allègue, en vertu de l'alinéa 5(1)b), qu'aucune revendication pour le médicament en soi, ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament contenue dans le brevet de la première personne ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente du médicament par la seconde personne, le dépôt de la demande d'avis de conformité doit précéder la formulation de l'allégation ou se produire au même moment.

[10]       Le paragraphe 5(3) du Règlement de 1993 disposait :


5.(3) Where a person makes an allegation pursuant to paragraph (1)(b) or subsection (2) the person shall

(a) provide a detailed statement of the legal and factual basis for the allegation; and

(b) serve a notice of the allegation on the first person and proof of such service on the Minister.


5.(3) Lorsqu'une personne fait une allégation visée à l'alinéa (1)b) ou au paragraphe (2), elle doit :

a) fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde ;

b) signifier un avis d'allégation à la première personne et une preuve de cette signification au ministre.


[11]     Les modifications de 1998 ont remplacé ces dispositions par le texte suivant :


5.(3) Where a person makes an allegation pursuant to paragraph (1)(b) or subsection (2) the person shall

[...]

(b) if the allegation is made under any of

subparagraphs (1)(b)(i) to (iii), serve a notice of the allegation on the first person;

(c) if the allegation is made under subparagraph (1)(b)(iv),

(i) serve on the first person a notice of the

allegation relating to the submission filed under subsection (1) at the time that the person files the submission or at any time thereafter, and

[...]

(d) serve proof of service of the information referred to in paragraph (b) or (c) on the Minister.                        


5.(3) Lorsqu'une personne fait une allégation visée à l'alinéa (1)b) ou au paragraphe (2), elle doit :

[...]

b) si l'allégation est faite aux termes de l'un des sous-alinéas (1)b)(i) à (iii), signifier un avis de l'allégation à la première personne;

c) si l'allégation est faite aux termes du

sous-alinéa (1)b)(iv) :

(i) signifier à la première personne un avis de l'allégation relative à la demande déposée selon le paragraphe (1), au moment où elle dépose la demande ou par la suite,

[...]

d) signifier au ministre une preuve de la

signification effectuée conformément aux alinéas b) ou c).


[12]     Bien qu'il ne fasse pas partie du Règlement, le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation est tout à fait clair et explique la raison d'être des modifications :


Pas d'avis d'allégation prématuré : Le fabricant de médicaments génériques ne peut pas signifier au titulaire du brevet un avis d'allégation relatif à une absence de contrefaçon s'il n'a pas d'abord déposé une demande d'approbation d'avis de conformité auprès du ministre de la Santé.

[13]       Le Règlement modifié renferme par ailleurs diverses dispositions transitoires. L'une d'entre elles prévoit que les modifications apportées au paragraphe 5(3) ne s'appliquent pas aux allégations :


9.(1)[...] if, before the coming into force of

these Regulations, it was served on the first person, if proof of that service was served on the Minister and if the first person has commenced a proceeding under subsection 6(1).

9.(1) [...] si, avant l'entrée en vigueur du

présent règlement, elles ont été signifiées à la première personne, si la preuve de leur

signification a été signifiée au ministre et si la première personne a présenté une demande aux termes du paragraphe 6(1).


Allégation d'Apotex

[14]       Conformément à la procédure prescrite par le Règlement, Glaxo a déjà soumis des listes de brevets au ministre pour qu'il les inscrive au registre des brevets qu'il tient en vertu du Règlement. Les brevets 313 et 331 faisaient partie des brevets mentionnés par Glaxo.


[15]       Le 22 janvier 1998, Apotex transmettait à Glaxo une lettre présentée comme étant un avis d'allégation. En ce qui concerne le brevet 313, Apotex prétendait qu'aucune revendication du brevet ne serait contrefaite advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de comprimés contenant du céfuroxime axétil. En particulier, Apotex alléguait que tout comprimé fabriqué ou vendu par elle serait [TRADUCTION] « fabriqué à l'aide de céfuroxime axétil pur uniquement sous forme cristalline » . En ce qui concerne le brevet 331, Apotex prétendait que tout comprimé fabriqué ou vendu par elle ne se désintégrerait pas immédiatement après la rupture de la pellicule externe, mais que le temps de désintégration serait de plusieurs minutes au moins après rupture de la pellicule.

[16]       Je passe maintenant à l'examen des circonstances de l'espèce. Je commence par les questions préliminaires de procédure soulevées par les parties et je traiterai ensuite de la question de fond, celle de savoir si l'allégation d'Apotex est fondée ou non.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

Conformité au Règlement

[17]       Dans les observations qu'elle a formulées devant moi, Glaxo a soulevé deux questions préliminaires. Elle soutient en effet qu'Apotex ne s'est pas conformée au Règlement pour les raisons suivantes :

a)          elle n'a pas fourni un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde ;

b)         elle n'a pas déposé de demande d'avis de conformité avant de signifier son avis d'allégation à Glaxo.

a)          Les dispositions transitoires


[18]       Les parties ont débattu devant moi la question de l'interprétation qu'il convient de donner des dispositions transitoires contenues au paragraphe 9(1) des modifications récentes apportées au Règlement. Apotex soutient que les dispositions en cause exigent seulement que l'avis d'allégation ait été signifié avant l'entrée en vigueur du Règlement modifié pour éviter l'application des modifications, tandis que Glaxo affirme que les trois événements énumérés doivent s'être produits pour éviter l'application du Règlement modifié. La question ne se pose que dans la mesure où l'on se demande si Apotex s'est conformée aux dispositions du nouvel article 5 et si elle a déposé une demande d'avis de conformité avant de signifier son avis d'allégation à Glaxo. Il est évident que l'allégation d'Apotex constitue une allégation de non-contrefaçon au sens du sous-alinéa 5(1)b)(iv), de sorte que, si la Cour juge qu'elles s'appliquent en l'espèce, les modifications auront pour effet d'exiger que la présentation de l'avis de conformité ait eu lieu avant la signification de l'avis d'allégation.

[19]       Glaxo soutient que la présentation de drogue nouvelle (PDN) doit être déposée au plus tard au moment de la signification de l'avis d'allégation à la première personne (paragraphe 12 de l'avis de requête), mais elle n'a présenté aucun élément de preuve permettant de savoir si la PDN a été déposée ou non. Glaxo a soulevé cette question et, comme elle n'a présenté aucune preuve à ce sujet, je ne puis conclure que ce moyen est mal fondé. En termes simples, j'ignore si une PDN a ou non été déposée avant que l'allégation ne soit signifiée.

[20]       Le paragraphe 6(1) confère un droit d'action à la première personne :


6.(1) A first person may, within 45 days after being served with a notice of an allegation pursuant to paragraph 5(3)(b) or (c), apply to a court for an order prohibiting the Minister from issuing a noticeof compliance until after the expiration of a patent that is the subject of the allegation.

6.(1) La première personne peut, dans les 45 jours après avoir reçu signification d'un avis d'allégation aux termes des alinéas 5(3)b) ou c), demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration du brevet visé par

l'allégation.


[21]       Le paragraphe 6(2) attribue la compétence suivante à la Cour :



6.(2) The court shall make an order pursuant to subsection (1) in respect of a patent that is the subject of one or more allegations if it finds that none of those allegations is justified.

6.(2) Le tribunal rend une ordonnance en vertu du paragraphe (1) à l'égard du brevet visé par une ou plusieurs allégations si elle conclut qu'aucune des allégations n'est fondée.


[22]       Glaxo affirme que le ministre n'a pas compétence pour délivrer un avis de conformité tant qu'une présentation de drogue nouvelle n'a pas été déposée. Elle soutient en fait que l'avis d'allégation déposée avant la demande d'avis de conformité est nul. Elle a peut-être raison, mais il m'est impossible de rendre une décision sur ce fondement pour les motifs exposés au paragraphe 19. Glaxo demande à la Cour de rendre une ordonnance d'interdiction en vertu du Règlement. Or, la Cour ne peut rendre une telle ordonnance que si elle conclut qu'aucune des allégations formulées par la seconde personne (Apotex) n'est fondée.

[23]       Il est vrai toutefois que l'article 7 prévoit que le ministre ne peut délivrer un avis de conformité avant « la date à laquelle la seconde personne se conforme à l'article 5 » :


7.(1) The Minister shall not issue a notice of compliance to a second person before the latest of

[...]

(b) the day on which the second person complies with section 5.

7.(1) Le ministre ne peut délivrer un avis de conformité à la seconde personne avant la plus tardive des dates suivantes :

[...]

b) la date à laquelle la seconde personne se conforme à l'article 5.


[24]       Si Apotex ne s'est pas conformée à l'article 5, elle devra en assumer les conséquences.


[25]       On ne sait pas avec certitude si l'affaire dont la Cour est saisie est sans objet ou encore si elle est prématurée si Apotex n'a pas présenté de demande d'avis de conformité, auquel cas le ministre serait présumé avoir refusé de délivrer un avis de conformité tant qu'Apotex ne se sera pas conformée à l'article 5. Je ne réponds pas à la question, étant donné que Glaxo n'a pas avancé d'argument en ce sens dans sa requête et qu'elle n'a pas, du moins jusqu'à tout récemment, tenté de se prévaloir des dispositions du paragraphe 6(7) du Règlement relatives à la communication préalable qui lui auraient permis de savoir si une demande a effectivement été soumise au ministre.

Suffisance de l'allégation d'Apotex

[26]       Glaxo soutient également que les moyens de droit et de fait invoqués par Apotex dans son avis d'allégation ne permettent pas de conclure que la formulation d'Apotex ne tombe pas sous le coup des revendications des brevets 313 et 331.

[27]       Le Règlement oblige la seconde personne à préciser, dans l'avis d'allégation qu'elle signifie à la première personne, les moyens de fait et de droit sur lesquels elle se fonde. Glaxo affirme que l'allégation d'Apotex est insuffisante, étant donné qu'elle ne fournit pas un énoncé suffisamment détaillé du droit et des faits sur lesquels elle fonde son allégation. Elle ajoute qu'en réalité, les faits articulés ne permettent nullement de conclure à la non-contrefaçon.

[28]       Ainsi que je l'ai déjà précisé, l'allégation que formule Apotex au sujet du brevet 313 est que son matériau de départ serait du céfuroxime axétil pur sous forme cristalline, et non du céfuroxime axétil non cristallisé (amorphe). En ce qui concerne le brevet 331, Apotex affirme que tout comprimé qu'elle utiliserait ne se désintégrerait pas immédiatement après la rupture de la pellicule externe, mais que le temps de désintégration serait de plusieurs minutes.


[29]       La Cour d'appel a examiné l'ampleur que doivent avoir les moyens de fait et de droit invoqués au soutien de l'allégation. Dans l'arrêt Bayer AG c. Canada, (1996), 51 C.P.R. (3d) 329, la Cour a conclu qu'une simple affirmation de non-contrefaçon ne suffisait pas, mais qu'il était loisible à la seconde personne de retenir certains renseignements concernant sa formulation tant qu'une ordonnance de confidentialité ne serait pas prononcée. Il s'agit vraisemblablement de la procédure couramment suivie dans les affaires comme celle-ci.

[30]       Compte tenu de cette décision, je suis d'avis que l'exception préliminaire soulevée par Glaxo au sujet de l'insuffisance des moyens de fait invoqués par Apotex au soutien de son allégation est mal fondée. Bien que le simple fait que le matériau de départ dont Apotex se sert pour sa formulation soit du céfuroxime axétil pur sous forme cristalline puisse, selon l'interprétation du brevet 313 que je retiens, ne pas constituer un motif suffisant pour conclure que le brevet 313 ne serait pas contrefait, il ne s'ensuit pas que l'allégation d'Apotex n'est pas fondée. Apotex a expliqué plus en détail les raisons pour lesquelles l'allégation de non-contrefaçon constituait une preuve suffisante pour permettre à la Cour d'évaluer l'allégation. Cette façon de faire a été approuvée par la Cour d'appel dans l'arrêt Bayer AG, précitée.

[31]       Pour décider si l'allégation elle-même est fondée ou non, il est nécessaire de plaider les questions en litige, comme les parties l'ont certainement fait en l'espèce. Glaxo cite l'extrait suivant de l'arrêt Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (ministre de la Santé et du Bien-être social), (1994), 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.) :

Pour décider si les allégations sont « fondées » ou non, la Cour doit ensuite décider si, sur le fondement des faits admis ou établis, les allégations permettraient en droit de conclure que le brevet ne serait pas contrefait par l'intimée.


[32]       Bien qu'il semble être invoqué dans le but d'étayer la thèse de Glaxo, cet extrait confirme simplement qu'après avoir entendu la requête, la Cour doit se demander si, compte tenu des faits établis, l'allégation - en l'espèce, l'allégation de non-contrefaçon - est fondée ou non.

[33]       Je passe maintenant à la question de fond de savoir si l'allégation d'Apotex est fondée ou non. Pour ce faire, je me propose d'interpréter chacun des brevets et d'analyser ensuite les éléments de preuve relatifs au procédé d'Apotex.

BIEN-FONDÉ DE L'ALLÉGATION D'APOTEX

Charge de la preuve

[34]       Avant d'aborder les questions en litige en l'espèce, je tiens à souligner que le fardeau de la preuve incombe en l'espèce à la demanderesse Glaxo, à qui il appartient de démontrer à la Cour, selon la prépondérance des probabilités, que l'allégation d'Apotex n'est pas fondée. C'est la norme que la Cour d'appel a retenue dans l'arrêt Hoffman-La Roche c. Canada, (1996), 70 C.P.R. (3d) 206.

Principes applicables en matière d'interprétation des brevets


[35]       Pour déterminer si les allégations d'Apotex sont fondées ou non, il faut interpréter les brevets 313 et 331 et définir la portée du monopole revendiqué par les brevets en question. À cette fin, je citerai des principes d'interprétation des brevets bien établis. Ces principes d'interprétation des brevets s'appliquent en l'espèce même s'il ne s'agit pas d'une action en contrefaçon de brevet comme tel. En effet, si mon interprétation du brevet m'amène à conclure que la fabrication ou la commercialisation de la formulation d'Apotex qui est décrite dans la preuve qui m'a été soumise contreferait les brevets 313 et 331 de Glaxo, les allégations de non-contrefaçon d'Apotex seraient nécessairement mal fondées.

[36]       Les principes d'interprétation des brevets sont bien établis et ne donnent vraisemblablement lieu à aucune controverse. Suivant d'éminents auteurs d'ouvrages de doctrine[9], les brevets doivent être interprétés selon une méthode téléologique, de manière à donner effet à l'invention, et le tribunal ne doit être ni trop indulgent, ni trop sévère. Les revendications doivent être interprétées du point de vue de la personne versée dans l'art ou la technique en question avec un esprit disposé à comprendre.

[37]       Il convient de suivre les principes d'interprétation précis suivants[10] :

a)          Les revendications doivent être interprétées en fonction de l'ensemble du mémoire descriptif.

            b)          Les revendications doivent être interprétées sans tenir compte de l'état antérieur de la technique.

c)          Il faut, si possible, attribuer un sens distinct à chaque revendication.

d)          On renonce à tout ce qui n'est pas revendiqué.


[38]       Finalement, il convient de souligner qu'il faut interpréter le brevet avant de trancher la question de la contrefaçon du brevet et que ces deux questions sont tout à fait distinctes.

Le brevet 313

[39]       Je vais maintenant interpréter le brevet 313 à la lumière de ces principes. Il sera surtout nécessaire d'examiner la question en fonction de l'interprétation de deux revendications qui sont véritablement en litige en l'espèce, à savoir la revendication 15 et la revendication 18.

[40]       Le brevet 313 contient des revendications pour le médicament céfuroxime axétil à l'état très pur et sous forme substantiellement amorphe. La divulgation du brevet 313 se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Compte tenu de l'expérience passée avec les céphalosporines, nous avons d'abord préparé du céfuroxime axétil à l'état substantiellement pur et sous forme cristalline en vue d'une évaluation commerciale. Nous avons cependant constaté avec étonnement qu'à l'état substantiellement pur, le céfuroxime axétil cristallin ne permet pas d'obtenir le meilleur agencement de propriétés pour un usage commercial et que, contrairement aux expériences précédentes avec les céphalosporines, il est avantageux d'utiliser du céfuroxime axétil à l'état très pur et sous forme substantiellement amorphe. Nous avons donc établi que, sous sa forme substantiellement amorphe, le céfuroxime axétil à l'état très pur affiche une plus grande biodisponibilité à l'administration orale que sous sa forme cristalline, et qu'en outre la forme amorphe du céfuroxime axétil possède une stabilité chimique qui convient à l'entreposage.

Le céfuroxime axétil, conformément à l'invention, contient de préférence moins de 5 % masse/masse et, mieux encore, moins de 3 % masse/masse d'impuretés. Il faut comprendre ici que les « impuretés » auxquelles il est fait référence n'incluent pas les résidus de solvant issus de la méthode utilisée pour préparer le céfuroxime axétil touché par l'invention. Tout résidu de solvant sera de préférence présent à raison d'une proportion inférieure à 6 % masse/masse et, mieux encore, inférieure à 2 % masse/masse.

...

Au nombre des solvants qui conviennent pour dissoudre le céfuroxime axétil en vue d'obtenir des solutions qui permettent une récupération figurent les solvants organiques, dont les cétones, p. ex. l'acétone et, au besoin, les mélanges d'acétone et d'autres solvants, p. ex. l'eau.


En général, nous avons constaté que le céfuroxime axétil affichait une stabilité thermique suffisante pour soutenir un séchage par atomisation et, en conséquence, le séchage par atomisation est une méthode de choix pour la récupération. Les systèmes de séchage par atomisation peuvent être exploités selon une méthode connue pour obtenir un produit amorphe essentiellement exempt de matière sous forme cristalline et de contaminants particulaires.

On peut également préparer une composition qui convient à la fabrication de comprimés, capsules ou granules en soumettant à un séchage par atomisation ou à un séchage sur cylindres une suspension de céfuroxime axétil pur amorphe et d'excipients qui conviennent auxdits comprimés, capsules ou granules.

[41]       En somme, si j'ai bien compris la divulgation, un matériau de départ, le céfuroxime axétil, très probablement sous forme cristalline, est dissout, conformément à des méthodes bien connues, dans une solution d'eau et d'acétone. Ces solvants sont ensuite évaporés par séchage par atomisation ou une autre méthode, et le produit qui reste consiste en céfuroxime axétil sous forme amorphe, qui se distingue du produit sous forme cristalline. Le produit obtenu par séchage par atomisation de solvants dont les molécules se dispersent de façon aléatoire comprend une quantité minime de solvants résiduels (eau et acétone). Il contient aussi de petites quantités d'impuretés résultant de la formation du céfuroxime axétil lui-même ; on trouve dans la divulgation une liste des impuretés les plus susceptibles d'être présentes dans le produit.

[42]       La divulgation du brevet précise également que la référence aux « impuretés » ne comprend pas le résidu des solvants. L'analyse de pureté porte avant tout sur le céfuroxime axétil lui-même. Les aspects particuliers en jeu dans l'interprétation du brevet 313 sont le degré de pureté nécessaire pour qu'un produit soit protégé par les revendications du brevet et la détermination de ce qui constitue une impureté.

[43]       Les questions litigieuses soulevées en l'espèce tournent autour de l'interprétation des deux revendications du brevet 313 :


[TRADUCTION]

15.            Céfuroxime axétil à l'état très pur et sous une forme substantiellement amorphe.

18.            Composition pharmaceutique contenant du céfuroxime axétil à l'état très pur et sous forme substantiellement amorphe, mélangé à un ou plusieurs porteurs ou excipients pharmaceutiques.

[44]       D'après les éléments de preuve qui m'ont été soumis, le céfuroxime axétil se présente soit sous forme cristalline, soit sous forme amorphe. Si j'ai bien compris, ces termes sont mutuellement exclusifs. Les substances sous forme cristalline ont une structure prévisible et un ordre à longue distance. Les substances sous forme amorphe n'ont pas un ordre à aussi longue distance. Par conséquent, à la lumière de la formulation de la revendication et des connaissances des personnes versées dans l'art, le céfuroxime axétil sous forme cristalline, qu'il soit pur ou non, n'est pas protégé par la revendication du brevet 313.

[45]       Je ne crois pas que le sens du terme « substantiellement » , qui modifie ici l'adjectif « amorphe » , soit en cause dans la présente procédure. J'ai devant moi peu d'éléments de preuve quant à ce qu'une personne versée dans l'art entendrait ici par « substantiellement » . Lors du contre-interrogatoire, le déposant d'Apotex, le Dr Sherman, a affirmé qu'à son avis l'expression « substantiellement amorphe » signifiait que la substance était essentiellement exempte de matière cristalline. Qu'il me suffise de dire que j'estime que la caractéristique globale générale que doit présenter le céfuroxime axétil en question pour être protégé par la revendication du brevet 313 doit être amorphe et de n'avoir aucun ordre à longue distance spécifique.


[46]       En ce qui concerne la pureté requise, le brevet revendique le céfuroxime axétil « à l'état très pur » . Aux fins du présent jugement, on définira le céfuroxime axétil à l'état pur comme étant composé à cent pour cent de céfuroxime axétil. Les revendications n'exigent pas que le céfuroxime axétil soit entièrement pur - il suffit qu'il soit « à l'état très pur » .

[47]       Selon la divulgation du brevet, les impuretés typiques contenues dans l'échantillon consisteront en résidus de la formation du céfuroxime axétil et représenteront de préférence moins de 5 pour cent du poids de tout l'échantillon. La divulgation exclut aussi spécifiquement de ce qu'elle considère comme impureté les résidus de solvant qui restent après la formation du céfuroxime axétil amorphe.

[48]       Les éléments de preuve qui me sont présentés concernant le degré de pureté revendiqué par la mention faite dans le brevet 313 du « céfuroxime axétil à l'état très pur » sont divergents. Selon le Dr Sherman, déposant pour Apotex, il faut une pureté d'au moins 95 pour cent et peut-être même aussi élevée que 98 ou 99 pour cent pour qu'une personne versée dans l'art puisse affirmer qu'un produit particulier est « à l'état très pur » . De son côté, le Dr Winterborn, déposant pour Glaxo, affirme qu'une personne versée dans l'art ne considérerait pas comme une impureté une substance délibérément ajoutée à une formulation.


[49]       En me référant à la description et à la divulgation du brevet 313, je note que le degré d'impureté est « de préférence » inférieur à 5 pour cent et « mieux encore » inférieur à 2 pour cent, lorsqu'on l'exprime en proportion du poids de la substance totale que représente l'impureté. Et, bien que les revendications décrivent la portée du monopole revendiqué par le titulaire du brevet, la description peut être utile comme outil d'interprétation et servir de guide à la Cour dans son analyse de ce qu'une personne versée dans l'art entendrait par l'expression « à l'état très pur » . Ces personnes versées dans l'art sont en fin de compte celles à qui s'adresse la divulgation du brevet. La portion de la divulgation qui fait référence aux impuretés se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Le céfuroxime axétil, conformément à l'invention, contient de préférence moins de 5 % masse/masse et, mieux encore, moins de 3 % masse/masse d'impuretés. Il faut comprendre ici que les «    impuretés » auxquelles il est fait référence n'incluent pas les résidus de solvant issus de la méthode utilisée pour préparer le céfuroxime axétil touché par l'invention.

[50]       Compte tenu de la divulgation de l'invention, on préfère donc qu'il y ait moins de 5 pour cent d'impuretés, et qu'il est encore mieux qu'il y en ait moins de 2 pour cent. Par conséquent, on pourrait considérer comme la limite revendiquée par le brevet une pureté se situant entre 100 et 95 pour cent. Mais cela ne s'ensuit pas nécessairement. Néanmoins, il faut garder à l'esprit que l'invention est vraisemblablement utile et que cette utilité doit découler des caractéristiques décrites dans les revendications et la divulgation du brevet. De surcroît, selon le témoignage du Dr Sherman, une substance ne contenant en poids que 10 pour cent d'impuretés serait considérée comme « pure » par une personne versée dans l'art. Bien que pour moi, « pur » signifie pur à 100 pour cent, il semble que pour le Dr Sherman, une substance « pure » puisse contenir plus d'impuretés qu'une substance « à l'état très pur » . C'est là dans le fond une question de sémantique.

[51]       De son côté, le Dr Winterborn a fondé toute sa preuve concernant les degrés de pureté sur l'allégation selon laquelle aucune personne versée dans l'art ne considérerait comme une impureté une substance délibérément ajoutée au céfuroxime axétil.


[52]       À la lumière des éléments de preuve produits devant moi, j'en conclus que les substances dont le degré de pureté varie entre 95 et 100 pour cent sont protégées par les revendications du brevet 313. Par conséquent, pour qu'il y ait contrefaçon de la revendication 15 du brevet, le céfuroxime axétil en question doit être principalement sous forme amorphe et sa pureté doit se situer entre 95 et 100 pour cent.

[53]       Considérons à présent la revendication 18 :

[TRADUCTION]

18.            Une composition pharmaceutique contenant du céfuroxime axétil à l'état très pur et sous forme substantiellement amorphe, mélangé à un ou plusieurs porteurs ou excipients pharmaceutiques.

[54]       Cette revendication ne fait qu'étendre le monopole du céfuroxime axétil amorphe en soi à ses formulations pharmaceutiques (comprimés) mélangées avec des porteurs ou des excipients pharmaceutiques. Ces excipients sont couramment utilisés et bien connus des personnes versées dans l'art. Ils constituent une méthode pour acheminer le médicament, soit, dans le cas qui nous occupe, l'ingrédient actif, le céfuroxime axétil.

[55]       En gardant à l'esprit l'un des principes fondamentaux de l'interprétation, qui veut que « l'on renonce à tout ce qui n'est pas revendiqué » , et compte tenu de la divulgation du brevet, qui explique comment les personnes versées dans l'art interviennent sur l'ingrédient actif pour produire telle formulation pharmaceutique, la portée de cette revendication m'apparaît plutôt limitée et ne semble pas ajouter beaucoup à la revendication 15. La revendication 18 ne fait qu'étendre le monopole concernant la formulation de céfuroxime axétil à l'état très pur et sous forme substantiellement amorphe aux compositions pharmaceutiques contenant cette substance.


[56]       Selon le libellé de la revendication, le céfuroxime axétil est mélangé à un ou plusieurs porteurs ou excipients pharmaceutiques. Un mélange a été défini comme le fait de mêler physiquement . Effectivement, la divulgation du brevet décrit les méthodes utilisées pour mêler physiquement divers additifs ou substances non actives ou essentielles en vue d'obtenir un comprimé pharmaceutique. Le libellé de la revendication 18 est toutefois à mes yeux assez large pour couvrir tout mélange similaire.

Formulation d'Apotex

[57]       Je passe maintenant à l'examen des éléments de preuve portant sur la nature de la formulation d'Apotex pour décider si celle-ci contreferait le brevet 313 de Glaxo.

[58]       La formulation d'Apotex est décrite dans les mémoires descriptifs qu'Apotex a produits après le prononcé de l'ordonnance de confidentialité dans la présente action. Passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998.

[59]       Passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998.


[60]       Passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998.

[61]       Passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998.

[62]       Passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998.

[63]       Passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998.

[64]       Passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998.

[65]       Passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998.

[66]       Je dois avouer que je ne suis pas convaincu que le procédé dont le céfuroxime axétil fait l'objet dans le procédé décrit par Apotex est aussi important qu'Apotex le prétend. Passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998. Ainsi que je l'ai mentionné à l'étape de l'interprétation du brevet, une étape intermédiaire aussi inutile entreprise avant la formation du comprimé n'éviterait pas une contrefaçon du brevet lui-même. Passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998 [...] s'il contient du céfuroxime axétil très pur sous forme substantiellement amorphe, le brevet 313 est contrefait.


[67]       [Passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998 [...] la preuve administrée est à mon avis insuffisante pour me permettre de conclure que le céfuroxime axétil est amorphe. Selon les procédés décrits, il est difficile de scinder les composants pour déterminer si tel est le cas. Je ne suis donc pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le [Passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998] d'Apotex contient du céfuroxime axétil sous forme substantiellement amorphe.

[68]       C'est une conclusion difficile à tirer qui ne repose que sur la charge de la preuve. Comme cette charge incombe à Glaxo, il m'est impossible de conclure que l'allégation d'Apotex n'est pas fondée alors que j'ignore la nature exacte de [passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998]. Je suis incapable de conclure que [passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998] d'Apotex contient du céfuroxime axétil sous forme substantiellement amorphe.

[69]       Mais la revendication du brevet comporte aussi un second aspect : le céfuroxime axétil doit également être très pur. Ainsi que nous l'avons déjà signalé, il s'agit d'une pureté supérieure à 95 %. Suivant la preuve produite par le Dr Sherman, [passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998]. Je ne sais pas avec certitude si les résidus de solvant font partie de [passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998]... étant donné que ces « impuretés » ont été expressément exclues de la définition. Toutefois, ainsi que le Dr Sherman l'a reconnu lors de son contre-interrogatoire, même l'eau a à tort été considérée comme une impureté. Je suis convaincu qu'on a également considéré les résidus de solvant comme des impuretés pour en arriver à de tels chiffres.


[70]      Mais, malgré cette incertitude, [passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998].

[71]       Je n'oublie pas le témoignage du Dr Winterborn, qui a affirmé qu'une personne versée dans l'art ne considérerait pas une substance[passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998]. J'aurais abondé dans son sens dans d'autres circonstances. Mais, compte tenu des circonstances de l'espèce, force est de constater que la situation est différente de celle qu'envisageait le Dr Winterborn. Par exemple, les porteurs ou excipients pharmaceutiques mélangés au céfuroxime axétil dont il est question à la revendication 18 ne seraient pas considérés comme des impuretés. [Passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998].

[72]       Je prends également acte du témoignage du Dr Shefter, qui affirme que [passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998]. Cette définition se trouve à la page 500 du dossier de requête du déposant :

[TRADUCTION]

Les impuretés ordinaires sont ces espèces présentes dans les substances chimiques pharmaceutiques en vrac qui sont inoffensives parce qu'elles n'ont aucune activité biologique indésirable significative compte tenu de la quantité présente. Ces impuretés peuvent provenir de la synthèse, de la préparation ou de la dégradation des articles officinaux.

[73]       Ayant fait l'objet du procédé qui a été décrit, [passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998].


[74]       Du fait de cette conclusion, [passage omis en vertu de l'ordonnance de confidentialité rendue le 4 mai 1998] [...] ne peut tout simplement pas être considéré comme du céfuroxime axétil très pur. J'ai déjà conclu que je n'étais pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le céfuroxime axétil présent était sous forme amorphe. Mais, compte tenu du procédé utilisé par Apotex, je conclus à l'absence de céfuroxime axétil très pur.

[75]       Apotex soutient que, comme les revendications du brevet 313 portent sur du céfuroxime axétil à l'état très pur et sous une forme substantiellement amorphe, la bonne interprétation qu'il convient de donner du brevet est que ces deux éléments doivent être présents dans la même substance. Je suis du même avis. Si le céfuroxime axétil n'est pas à la fois très pur et sous une forme substantiellement amorphe, il n'y a pas de contrefaçon et l'allégation d'Apotex serait fondée. Je conclus que c'est effectivement le cas en ce qui concerne le brevet 313.

Le brevet 331

[76]       La divulgation du brevet 331 concerne un comprimé de céfuroxime axétil qui serait mieux absorbé et plus efficace que les formulations antérieures. La divulgation indique que, dans le dossier d'antériorité, le noyau du comprimé pouvait former une masse gélatineuse nuisant à sa désintégration et, donc, réduire le degré d'absorption et l'efficacité du médicament. Ce phénomène se produisait tant avec le céfuroxime axétil sous forme cristalline qu'avec le céfuroxime axétil sous forme amorphe. Glaxo a observé que l'on pouvait surmonter ce problème de gélification en préparant un comprimé pelliculé qui se rompt rapidement au contact des liquides de l'estomac et de l'intestin, ce qui permet au noyau de se désintégrer immédiatement. Le noyau du comprimé peut être fabriqué de façon à se désintégrer rapidement grâce à des méthodes bien connues dans le métier, notamment en utilisant des délitants.


[77]       La revendication 1 du brevet se lit comme suit :

[TRADUCTION]

1. Comprimé pharmaceutique pour administration par voie orale constitué d'un noyau contenant une quantité efficace de céfuroxime axétil comme ingrédient actif et d'un revêtement pelliculé servant à masquer le goût amer du céfuroxime axétil lors de l'administration par voie orale; le revêtement pelliculé a un temps de rupture inférieur à 40 secondes, selon les résultats d'un test de rupture dans lequel le comprimé est placé dans un becher d'acide chlorhydrique à 0,07 M immobile à 37 º C, le temps de rupture étant défini comme le temps qui s'écoule avant que le noyau du comprimé devienne visible à l'oeil nu à travers la pellicule rompue et que le noyau du comprimé se désintègre immédiatement après la rupture de la pellicule au cours dudit test de rupture.

[78]       Pour interpréter ce brevet, je conclus que l'étendue de la protection accordée par le brevet 331 et toutes les revendications dudit brevet établit clairement que le monopole revendiqué porte sur les formulations et les revêtements pelliculés qui se rompent en moins de 40 secondes. Cela ressort clairement et manifestement du libellé de la revendication. Mais ce qui est en cause dans la présente affaire, c'est l'étendue du monopole revendiqué en ce qui a trait à la vitesse de désintégration du noyau du comprimé après la rupture du revêtement externe.

[79]       Le brevet lui-même porte simplement que le noyau du comprimé « se désintègre immédiatement après la rupture de la pellicule au cours dudit test de rupture. » Le mot « immédiatement » n'est pas défini, et la divulgation ne donne pas non plus beaucoup d'indication sur ce qu'il signifie. D'après les illustrations de la désintégration, il apparaît que celle-ci se fait en une dizaine de secondes. J'estime qu'il suffit de dire que la désintégration se fait très rapidement.


[80]       Le seul élément de preuve qui m'est présenté quant à ce qu'une personne versée dans l'art considérerait être une désintégration immédiate est celui qu'a soumis le Dr Sherman, qui a affirmé que pour tout temps de désintégration inférieur à une minute, on pouvait parler de désintégration immédiate. Des preuves ont également été produites selon lesquelles certains comprimés pharmaceutiques ont des temps de désintégration supérieurs à une heure. Compte tenu de ce qui précède, je crois que le brevet 331 devrait être considéré comme revendiquant des temps de désintégration pouvant aller jusqu'à une minute. En l'absence du témoignage du Dr Sherman, j'en serais arrivé à la conclusion que le temps de désintégration revendiqué était beaucoup plus court.

[81]       Une grande partie des arguments de Glaxo concernant le brevet 331 avaient trait à l'expérience réalisée par le Dr Sherman sur la formulation d'Apotex, où il est apparu que la désintégration prenait « de nombreuses minutes » . Le Dr Sherman a attesté que le comprimé s'était désintégré avec effervescence et qu'il continuait à perdre de sa masse pendant de nombreuses minutes. La désintégration a cessé « sans être complète » . Il a été dit par la suite que le comprimé avait encore un noyau ferme palpable au moment où la désintégration avec effervescence avait cessé.

[82]       Glaxo a allégué que le témoignage du Dr Sherman était suspect et qu'en tout état de cause, compte tenu de la définition de « désintégrer » donnée dans la Pharmacopée des États-Unis, le Dr Sherman avait de toute évidence mal apprécié ce qu'il observait et que son témoignage n'avait par conséquent que peu de valeur.


[83]       Je n'ai guère été impressionné par ces allégations. Quelle que soit la définition que l'on utilise, le noyau du comprimé, selon le Dr Sherman, a continué à se désintégrer avec effervescence pendant plusieurs minutes, et une fois la réaction terminée, le comprimé avait toujours un noyau ferme palpable. Cela ne correspond pas au brevet 331 de Glaxo, où il est dit que le noyau du comprimé se désintègre « immédiatement » , ce que l'on a défini ici comme voulant dire en moins d'une minute.

[84]       Je ne me rendrai pas à la demande instante de Glaxo en écartant la preuve du Dr Sherman dans sa totalité. Rien ne pourrait en effet me justifier de le faire. Glaxo a été incapable de récuser le Dr Sherman lors du contre-interrogatoire et s'est appuyé sur l'argument selon lequel la définition du verbe « désintégrer » enlevait pratiquement toute utilité aux observations du Dr Sherman. La preuve présentée par le Dr Winterborn, qui fait état de son opinion selon laquelle le comprimé se désintégrerait immédiatement, n'est également d'aucune utilité pour Glaxo, car elle ne constitue qu'une opinion à l'encontre des affirmations du Dr Sherman à l'effet du contraire. La contradiction dans les preuves ne sera pas tranchée en faveur de Glaxo.

[85]       La preuve soumise par le représentant d'Apotex, le Dr Sherman, était qu'il avait réalisé un test de rupture conformément à la divulgation d'Apotex et qu'il avait observé la désintégration du noyau du comprimé. Il a remarqué que le comprimé continuait à perdre de sa masse pendant de nombreuses minutes. Le Dr Sherman a par la suite affirmé avoir trituré le noyau du comprimé et constaté la présence d'un noyau dur, observant ainsi que la désintégration n'était pas complète.


[86]       Les observations formulées au sujet de la présumée mauvaise appréciation du Dr Sherman en ce qui concerne le test de désintégration à utiliser, ainsi que les observations d'Apotex suivant lesquelles la définition de la Pharmacopeia des États-Unis ne s'applique pas puisque Glaxo utilise un test de rupture différent sont les arguments les moins pertinents qui ont été invoqués en l'espèce. Il ressort à l'évidence du témoignage que la formulation d'Apotex ne tombe pas sous le coup des revendications du brevet 331. Il n'y a absolument aucune raison qui me justifierait d'écarter ce témoignage malgré la demande instante de l'avocat de Glaxo. Les éléments de preuve présentés pour réfuter ce témoignage était purement spéculatifs. Ils sont insuffisants.

[87]       Il m'est donc impossible de conclure que l'allégation formulée par Apotex au sujet du brevet 331 n'est pas fondée.

[88]       Pour obtenir gain de cause dans sa demande, Glaxo devait démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'allégation d'Apotex suivant laquelle aucune des revendications des brevets 313 et 331 ne serait contrefaite par Apotex n'était pas fondée. Or, elle n'a pas réussi à faire cette preuve.

DISPOSITIF

[89]    Par suite de ce qui précède, la demande est rejetée avec dépens. La Cour ne prononce pas d'ordonnance d'interdiction.

                          « John A. O'Keefe »              

J.C.F.C.

Halifax (Nouvelle-Écosse)

Le 16 mars 2000

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                             AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                               T-415-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Glaxo Group Limited et Glaxo Wellcome Inc.

c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et Apotex Inc.

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                Les 16 et 17 décembre 1999

                                                                                                                                                       

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                   DU JUGE O'KEEFE EN DATE DU 16 MARS 2000

                                                                                                                                                       

ONT COMPARU :

Me Peter R. Wilcox                                                        pour les demanderesses

Personne n'a comparu                                       pour le défendeur (ministre)

Me H.B. Radomski                                                        pour la défenderesse (Apotex Inc.)

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Ogilvy, Renault                                                  pour les demanderesses

Morris Rosenberg                                                          pour le défendeur (ministre)

Sous-procureur général du Canada

Goodman, Phillips & Vineberg                           pour la défenderesse (Apotex Inc.)

Toronto (Ontario)



[1]            Article 4.

[2]               Paragraphe 5(1).

[3]               Idem.

[4]               Sous-alinéa 5(1)b)(iv).

[5]               Alinéa 5(3)a).

[6]               Sous-alinéa 5(2)c)(i).

[7]               Alinéa 7(1)e).

[8]               DORS/98-166.

[9]               H.G. Fox, Canadian Patent Law and Practice (4e éd.) (Toronto, Carswell, 1969).

[10]              Idem.

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