Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050124

Dossier : IMM-4420-04

Référence neutre : 2005 CF 111

Ottawa (Ontario), le lundi 24 janvier 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

                                                     JOSE LUIS GARCIA MENDEZ

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Dans la présente demande, le demandeur conteste la décision datée du 28 avril 2004 par laquelle un agent d'examen des risques avant renvoi (ERAR) a conclu qu'il ne serait pas exposé à un risque, à son retour au Mexique, du fait de son homosexualité.

[2]                Dans sa demande d'ERAR, le demandeur soutenait avoir deux craintes de retourner au Mexique, à savoir : il craignait de ne pas pouvoir obtenir les médicaments dont il a besoin pour survivre et il craignait, même s'il pouvait obtenir des soins médicaux au Mexique, de ne pas recevoir, en raison de la discrimination qu'il subirait en tant qu'homosexuel, les soins médicaux qui lui permettraient de survivre.


[3]                C'est le refus de l'agent d'ERAR d'admettre la preuve fournie par le demandeur, une preuve provenant de la cause d'un individu qui dans une situation similaire avait obtenu le statut de réfugié, qui est au coeur de la contestation. La disposition législative en vertu de laquelle l'agent a refusé d'admettre la preuve est l'alinéa 113a) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR).

[4]                L'alinéa 113a) de la LIPR accorde à un agent d'ERAR le pouvoir discrétionnaire de limiter la preuve qui est admise. Il est reconnu que la disposition s'applique aux articles 96 et 97 de la LIPR :


Examen de la demande

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

a) le demandeur d'asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n'étaient alors pas normalement accessibles ou, s'ils l'étaient, qu'il n'était pas raisonnable, dans les circonstances, de s'attendre à ce qu'il les ait présentés au moment du rejet;

Consideration of application

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;



[5]                Le demandeur prétend que, premièrement, l'agent d'ERAR a non seulement commis une erreur susceptible de contrôle par le refus lui-même, mais il prétend que, deuxièmement, l'alinéa 113a) de la LIPR porte atteinte aux droits qui lui sont garantis par l'article 7 de la Charte. Pour les motifs ci-après énoncés, je suis d'accord avec le demandeur quant à sa première prétention et, par conséquent, j'estime qu'il n'est pas nécessaire de me prononcer à l'égard de la deuxième prétention.

A. La décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié

[6]                Étant donné que l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'agent d'ERAR dépend des conclusions de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) dans un cas précis, il est important dans la présente affaire de décrire d'abord la décision de la Commission et, ensuite, d'analyser la décision de l'agent d'ERAR.

[7]                Le demandeur est un citoyen du Mexique qui est entré au Canada en octobre 2002. Il a présenté une demande d'asile dans les deux semaines suivant son arrivée et, au cours de l'examen médical requis à l'égard de sa demande, un diagnostic selon lequel il était séropositif pour le VIH a été posé pour la première fois. Le 29 avril 2003, la Commission a entendu et rejeté la demande d'asile présentée par le demandeur en tant qu'homosexuel mexicain séropositif pour le VIH. Lorsqu'il a présenté sa demande initiale, le demandeur mettait l'accent de sa demande sur la discrimination au travail découlant de son homosexualité. Ce n'est que lors de l'audience devant la Commission qu'il a présenté sa demande d'asile en tant qu'homosexuel mexicain séropositif pour le VIH.

[8]                Dans sa décision, la Commission a tiré des conclusions quant à la crédibilité défavorables de la façon suivante :

[...] le tribunal a trouvé qu'une bonne part du témoignage livré par le demandeur d'asile pour étayer sa demande d'asile n'était ni crédible ni digne de foi. Il y a eu de nombreuses contradictions, incohérences, réponses à côté de la question et invraisemblances, ainsi qu'un manque de « raison et de bon sens » concernant certains aspects de son témoignage.

[...]

Le tribunal ne croit pas non plus que l'orientation sexuelle alléguée du demandeur d'asile ait joué quelque rôle dans ses problèmes ou dans sa décision de quitter le Mexique.

En fait, le témoignage de l'intéressé manque aussi de crédibilité au sujet de ses problèmes passés, dont le tribunal n'admet même pas la crédibilité, liés à son homosexualité. Le seul élément de preuve crédible est qu'il a reçu au Canada un diagnostic de séropositivité au VIH. En soi, ce diagnostic n'indique pas son orientation sexuelle particulière.

(Décision de la Commission, dossier du tribunal, aux pages 435 et 441.)

[9]                Cependant, malgré les conclusions quant à la crédibilité défavorables, la Commission a analysé la question de savoir si le demandeur d'asile recevrait des traitements et médicaments « convenables » pour la séropositivité pour le VIH dont il souffrait s'il retournait au Mexique. La Commission a conclu que, selon la preuve des conditions du pays au Mexique, le demandeur ne serait pas exposé à un risque pour des motifs médicaux et que, de toute façon, le sous-alinéa 97(1)b)(iv) de la LIPR empêche que soit accueillie une demande d'asile fondée sur le défaut du Mexique de fournir des soins médicaux ou de santé. En fin de compte, il a été conclu que le demandeur d'asile n'était ni un réfugié ni une personne à protéger.

[10]            Aux fins de la présente demande par laquelle est contestée la décision rendue à la suite de l'ERAR quant à la décision de la Commission, je conclus que la déclaration suivante de la Commission est d'une importance cruciale :

Les documents n'indiquent pas que l'un ou l'autre de ces programmes gouvernementaux, en particulier dans le DF [district fédéral], sont discriminatoires dans la prestation de soins de santé à l'endroit d'un quelconque groupe social vivant avec le VIH/sida, comme les homosexuels de sexe masculin.

(Décision de la Commission, dossier du tribunal, à la page 442.)

[11]            La décision de la Commission n'a pas fait l'objet d'un contrôle judiciaire.

B. La décision rendue à la suite de l'ERAR

[12]            Compte tenu du rejet de sa demande d'asile, le demandeur a demandé un ERAR en février 2004 et il a de plus présenté une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire en mars 2004. Ce ne sont que la demande d'ERAR et la décision rendue à cet égard qui sont en cause dans la présente demande étant donné que la décision défavorable rendue à l'égard de la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire n'a pas fait l'objet d'une autorisation pour un contrôle judiciaire.


[13]            Selon le demandeur, deux éléments importants de preuve devaient être pris en compte par l'agent d'ERAR, à savoir : le fait que, en mai 2003, il a entrepris avec un citoyen canadien une relation homosexuelle qui a conduit à un mariage le 15 février 2004 et la preuve recueillie aux fins du dossier de son ami, M. Sergio Luis Pineda Flores, dont la demande d'asile fondée sur les mêmes facteurs que ceux exposés par le demandeur a été accueillie (la preuve Flores). Cette preuve était déposée parmi un ensemble d'éléments de preuve présentés et une prétention faite à l'agent d'ERAR selon laquelle il existait, contrairement à la conclusion précédemment mentionnée de la Commission, de la preuve démontrant que des professionnels de la santé au Mexique exerçaient de la discrimination à l'endroit des homosexuels porteurs du VIH. Par conséquent, le demandeur a présenté cette prétention modifiée à l'agent d'ERAR afin qu'il tire une conclusion qu'il existe un risque et, ainsi, qu'il rende une décision établissant que le sous-alinéa 97(1)b)(iv) de la LIPR n'empêche pas que sa demande d'asile soit accueillie.

[14]            La preuve Flores qui avait été fournie à l'agent d'ERAR est composée de trois parties distinctes, à savoir : certains éléments de preuve documentaire fournis à la Commission au soutien de la demande présentée par M. Flores (dossier de demande du demandeur (DDD), aux pages 66 à 80), la décision de la Commission datée du 3 janvier 2002 (DDD, aux pages 59 à 62) et une lettre signée par M. Flores, datée du 17 mars 2004, exposant sa preuve de la discrimination exercée au Mexique par des professionnels de la santé (DDD, aux pages 64 et 65.) Comme il a été mentionné, les principaux efforts faits pour la production de ces « éléments de preuve » à l'agent d'ERAR visaient à faire rectifier la conclusion tirée par la Commission selon laquelle elle ne disposait pas de preuve démontrant que les professionnels de la santé au Mexique exerçaient de la discrimination à l'endroit des homosexuels qui souffrent du VIH/SIDA.


[15]            Lors des observations faites de vive voix, l'avocat du défendeur a reconnu que, dans le contexte d'un ERAR, un demandeur peut tenter de faire rectifier une conclusion tirée par la Commission si les éléments de preuve envisagés à cet égard peuvent être décrits comme de nouveaux « éléments de preuve » suivant l'alinéa 113a) de la LIPR.

[16]            Par conséquent, le demandeur devait, afin de faire admettre les nouveaux « éléments de preuve » , respecter l'alinéa 113a) de la LIPR. L'agent d'ERAR a refusé, lorsqu'il a appliqué l'alinéa 113a), d'admettre les éléments de preuve pour les motifs suivants :

[TRADUCTION]

Je passe maintenant aux documents se rapportant à Sergio Luis Pineda Flores - sa déclaration personnelle, la décision datée du 3 décembre 2002 rendue à son endroit par la SPR et des documents fournis au soutien de la demande d'asile présentée par M. Flores. Je n'estime pas que ces documents constituent de nouveaux éléments de preuve étant donné que ces documents, notamment ceux appuyant la demande, étaient également antérieurs à la décision rendue par la SPR à l'endroit du demandeur. En outre, je remarque que cette décision, qui est antérieure à la décision rendue par la SPR, était fondée sur la situation de M. Flores et ses expériences personnelles. Je conclus que le demandeur émet une hypothèse lorsqu'il dit qu'il serait traité de façon similaire à la façon selon laquelle M. Flores avait été traité au Mexique. Je remarque que le demandeur a pris conscience de son état de santé après son arrivée au Canada et qu'il allègue qu'il est exposé à des risques en se fondant sur une connaissance générale de mauvais traitements subis par des homosexuels au Mexique et des expériences personnelles particulières d'un individu. Je remarque que bien que le demandeur ait initialement déclaré dans son FRP qu'il était homosexuel et qu'il a subi de la discrimination à l'école et au travail, il a déclaré qu'il n'avait pas physiquement souffert en raison de son orientation sexuelle et sa demande d'asile initiale n'était pas fondée sur son orientation sexuelle, mais plutôt sur des problèmes qu'il avait eus avec son employeur qui ne lui avait pas offert un emploi permanent et sur des problèmes qu'il avait eus avec son représentant syndical. Je remarque en outre que le demandeur a un baccalauréat, parle plusieurs langues (espagnol, japonais, anglais et français), avait un emploi et qu'au cours des périodes durant lesquelles il n'avait pas d'emploi, il étudiait ou voyageait à l'étranger.


J'ai en outre examiné les documents se rapportant à l'état de santé actuel du demandeur et à ses traitements médicaux actuels. Je remarque que la SPR a accepté l'état de santé du demandeur et par conséquent j'estime que ces documents ne constituent pas de nouveaux éléments de preuve. Je remarque que le demandeur participe à des traitements thérapeutiques expérimentaux contre le VIH/SIDA au BC Centre for Excellence in HIV/AIDS. Le centre a établi ce programme afin de fournir sans frais à des individus admissibles dans la province des soins choisis à l'égard du VIH/SIDA, et à leurs médecins des renseignements se rapportant aux soins à l'égard du VIH/SIDA et à la prise en charge du patient. À cet égard, les médicaments pour l'étude ou les procédures de recherche n'ont pas été facturés au demandeur. Dans sa déclaration solennelle, le demandeur affirme qu'il est exposé à des risques parce qu'il n'obtiendrait pas de l'assurance maladie, parce que selon lui deux des traitements (le Tenofovir - un médicament expérimental et le test TDM - un test sanguin mensuel) ne sont pas offerts au Mexique et parce que les médicaments sont remis aux patients pour des périodes plus courtes que celles prescrites par le médecin. Je remarque que la SPR a examiné l'argument à l'égard de la possibilité d'obtenir des soins médicaux et a de plus mentionné le sous-alinéa 97(1)b)(iv) qui énonce ce qui suit :

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes - sauf celles infligées au mépris des normes internationales - et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l'incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

J'estime que ces allégations se rapportent au caractère adéquat des soins de santé au Mexique et à la possibilité d'obtenir des soins et que, par conséquent, elles ne peuvent pas être examinées suivant ces dispositions de la LIPR qui sont applicables.

Étant donné que j'ai conclu que les prétentions de l'avocat ne constituent pas des nouveaux éléments de preuve suivant l'alinéa 113a), j'ai examiné les conditions générales du pays afin de voir s'il y a eu, depuis que la SPR a rendu sa décision, un changement important qui donnerait obligatoirement au demandeur la qualité de personne à protéger. En examinant et en prenant en compte maintenant les conditions du pays selon les documents publics disponibles et les documents fournis, je conclus que les conditions du pays au Mexique dans leur ensemble n'ont pas changé de façon importante depuis que la SPR a rendu sa décision le 21 novembre 2003.

Il semblerait que le demandeur, s'il devait subir du harcèlement et de la discrimination à son retour au Mexique, pourrait obtenir la protection offerte aux minorités sexuelles.

[Non souligné dans l'original.]

(Décision rendue à l'égard de l'ERAR, aux pages 3 et 4.)


[17]            Comme je l'ai mentionné au cours de l'audition de la présente demande, à mon avis, l'agent d'ERAR a commis une erreur dans l'application de l'alinéa 113a) à l'égard de la lettre signée par M. Flores. L'alinéa 113a) exige qu'une décision soigneuse soit rendue à l'égard de l'admissibilité de la preuve quant aux trois motifs prévus. À mon avis, il est nécessaire d'être précis lorsque l'on tire une conclusion suivant cette disposition, étant donné qu'il y a d'importantes ramifications à la décision rendue à l'égard des risques auxquels un demandeur en particulier sera exposé. À mon avis, l'agent d'ERAR n'a pas répondu à l'attente à cet égard.

[18]            La lettre de M. Flores datée du 17 mars 2004 est clairement postérieure à la décision rendue par la Commission dans la présente affaire. Il semble que l'agent d'ERAR n'a pas compris ce fait puisqu'il a mis cette lettre dans la même catégorie que les éléments de preuve présentés qui étaient antérieurs à la décision de la Commission. J'estime que, en raison de cette erreur, l'agent d'ERAR n'a pas compris l'argument de rectification présenté par le demandeur à l'égard des risques, et qu'il n'a par conséquent pas tiré une conclusion claire à cet égard,. Au soutien de cet argument, la lettre de M. Flores fournit une preuve forte comme suit :

[TRADUCTION]

Au Mexique, je faisais l'objet d'intolérance et d'exclusion pour deux raisons : premièrement pour une déviation en tant qu'homosexuel et, deuxièmement, en tant que porteur du VIH/SIDA.

Le problème des services de santé au Mexique est l'atmosphère homophobe. L'individu, par ricochet, ne se sent pas sûr de lui en raison des attitudes et il doit se cacher et se protéger.

Le rejet et l'indifférence que j'ai vécus au cours de mes cinq ans montraient que les médecins et les autorités du Centro Medico Siglo XXI (IMSS) ont causé un préjudice irréparable à ma santé physique et psychologique, ce qui m'empêche d'obtenir une plus longue vie et une meilleure qualité de vie.


Au cours de toutes ces années, je me suis battu inlassablement contre la discrimination et le rejet que je subissais injustement dans les institutions en tant qu'homosexuel et porteur du VIH. J'ai demandé aux autorités leur aide et leur protection, exigeant qu'on me traite dignement et qu'on m'offre équitablement des services de santé, mais on ne s'est jamais occupé de ma demande; le contraire se produisait quotidiennement à l'égard de mon droit à la vie et à la santé qui était enfreint quotidiennement.

Dans la demande à l'égard de l'atteinte à la dignité signalée à l'attention des médecins et des autorités, je demandais qu'ils ne refusent pas de me donner mes médicaments et qu'ils ne les cachent pas, parce que des dommages irréversibles étaient causés à ma santé et que je risquais de contracter certaines maladies opportunistes, comme la tuberculose ou le cancer ou que je risquais de développer de la résistance au traitement.

Humilié et blessé par tant d'indifférence, je me suis adressé à maintes reprises aux travailleurs sociaux, à l'adjoint du directeur administratif de la pharmacie, au directeur de la section de médecine interne, à l'adjoint du directeur des spécialités, à la section financière administrative et, finalement, au directeur de l'institut de l'assurance sociale du Mexique pour l'informer qu'à plusieurs reprises on a refusé de me donner mes médicaments et on les a cachés; en outre je lui ai mentionné que mon droit à des soins de santé et à des prescriptions pour le VIH/Sida était violé, mais malheureusement les autorités n'ont pas respecté la loi.

Finalement, et avec le seul espoir que l'amour donnait à ma vie, j'ai décidé de demander de l'aide aux bureaux des droits de la personne où on ne m'a pas écouté non plus. Ayant le coeur gros, j'ai dû quitter le Mexique sinon je n'écrirais pas ces lignes parce que, honnêtement, je serais mort.

Aujourd'hui, j'ai compris que l'espoir a de nombreuses facettes et a une infinité de lieux et de possibilités. Peu à peu, j'ai retrouvé la vraie valeur de l'être humain : « la vie » .

Le gouvernement du Canada doit examiner à fond la demande présentée par M. Jose Luis Garcia Mendez. S'il retourne au Mexique, il sera victime de la discrimination et du rejet qui sont reflétés quotidiennement dans la société mexicaine. Étant une victime du régime de soins de santé du Mexique, j'ai directement subi le fait d'avoir peu accès ou pas d'accès du tout au traitement requis pour le VIH/Sida. S'il retourne au Mexique, je crains qu'il meure.

Veuillez agréer mes salutations distinguées,

Sergio Pineda

[19]            Au soutien de l'admission de la preuve Flores dans la demande d'ERAR, dont la lettre fait partie, l'avocat du demandeur a prétendu ce qui suit à l'égard de cette demande :


[TRADUCTION]

L'ensemble d'éléments et la décision rendue à l'égard de la demande de Sergio Pineda montrent la sorte de difficultés que les homosexuels mexicains porteurs du VIH ont au Mexique. M. Pineda a lutté pendant des années pour obtenir un traitement adéquat et est même allé jusqu'à déposer une plainte à la Commission des droits de la personne pour discrimination et refus de donner des traitements. Il est finalement venu au Canada où il a été admis à la date de l'audition de sa demande d'asile tenue à Vancouver le 3 décembre 2002. J'ai inclus une photocopie de la décision rendue à son endroit, une lettre de M. Pineda et certains éléments de preuve utilisés lors de son audience. Cette décision, dans le dossier VA2-01360, est importante parce que le commissaire a conclu qu'il y avait un lien entre ses problèmes au Mexique et la définition de réfugié au sens de la Convention.

(Dossier du tribunal, aux pages 217 et 218.)

[20]            Curieusement, même s'il a été décidé, dans une décision séparée rendue par l'agent d'ERAR suivant l'alinéa 113a) qui n'était pas en cause dans la présente demande, que les éléments auxquels l'avocat renvoie n'étaient pas admissibles, l'agent d'ERAR a néanmoins renvoyé à quatre de sept éléments lorsqu'il a rendu sa décision à l'égard de l'ERAR. Le passage suivant est extrait du rapport intitulé « Mexico: Update on Treatment of Homosexuals, May 2002 » (DDD, aux pages 142 à 178) à l'égard des soins de santé pour le VIH au Mexique :

[TRADUCTION]

Pour un individu qui reçoit des traitements avancés pour le VIH aux États-Unis, le fait d'être renvoyé au Mexique dans de telles circonstances est vraisemblablement une peine de mort indirecte à moins que tel individu ou sa famille ait les ressources financières pour payer des soins privés.

(Décision rendue à l'égard de l'ERAR, à la page 7.)

Il est intéressant de noter que l'extrait immédiatement suivant du rapport n'a pas été cité, lequel extrait traite de la preuve de la discrimination exercée par les professionnels de la santé au Mexique et, par conséquent, touche à la prétention du demandeur selon laquelle il existe un lien entre cette preuve et un motif énuméré dans la Convention :


[TRADUCTION]

De plus, la société mexicaine continue largement à faire preuve de préjugés à l'endroit des homosexuels qui sont porteurs du VIH. Comme c'était le cas aux États-Unis il y a plusieurs années, le SIDA continue d'être considéré comme une maladie d'homosexuels. Une association entre l'homosexualité, le SIDA et la mort est fréquemment faite. De fausses idées à l'égard de la façon dont la maladie se répand soulèvent la crainte qui, avec l'homophobie profondément enracinée, soulève la discrimination - comme dans le cas de l'emploi précédemment décrit. Des attitudes similaires entraînent de la discrimination dans des soins médicaux donnés par des professionnels de la santé qui ne sont pas correctement informés à l'égard des risques de transmission du VIH. Elles entraînent également de l'ostracisme et du harcèlement par les collectivités dans lesquelles vivent des individus porteurs du VIH.

(DDD, à la page 177.)

C. Conclusion à l'égard de la contestation de l'ERAR

[21]            Il est reconnu que la norme de contrôle des conclusions de fait est la décision manifestement déraisonnable. J'estime que l'erreur de l'agent d'ERAR à l'égard de la date de la lettre de M. Flores est une conclusion de fait manifestement déraisonnable et, par conséquent, constitue une erreur susceptible de contrôle. Compte tenu de l'omission de l'agent d'ERAR d'avoir correctement examiné l'admissibilité de la preuve du demandeur à l'égard des risques décrits et compte tenu des conséquences importantes que subirait le demandeur s'il devait retourner au Mexique sans qu'un examen approprié soit effectué, je conclus que la décision de l'agent d'ERAR est déficiente au point d'être manifestement déraisonnable.


D. La contestation fondée sur la Charte

[22]            La contestation du demandeur à l'égard de la validité constitutionnelle de l'alinéa 113a) est faite à titre de prétention subsidiaire à la contestation quant au fond de la décision de l'agent d'ERAR. Étant donné que j'ai rendu une décision favorable au demandeur quant au fond de la décision contestée, je ne vois aucun motif de me prononcer sur la prétention subsidiaire.

[23]            Lors de la présentation des observations de vive voix, l'avocat du défendeur a reconnu que si la décision à l'égard de la présente demande dépend d'une erreur de fait, aucune question n'est soulevée aux fins de la certification. Étant donné que j'ai conclu qu'elle dépend d'une erreur de fait, j'estime qu'il n'y a pas de question à certifier.

                                        ORDONNANCE

Par conséquent, j'annule la décision de l'agent d'ERAR et je renvoie l'affaire à un autre agent d'ERAR afin qu'il rende une nouvelle décision.

                                                                      _ Douglas R. Campbell _                    

                                                                                                     Juge                                    

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                       IMM-4420-04

INTITULÉ :                      JOSE LUIS GARCIA MENDEZ

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 21 JANVIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :     LE 24 JANVIER 2005

COMPARUTIONS :

Bediako Buahene                                              POUR LE DEMANDEUR

Keith Reimer                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bediako Buahene                                              POUR LE DEMANDEUR

Avocat

John H. Sims, c.r.                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice - Vancouver

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.