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Date : 19990414

Dossier : T-1056-98

ENTRE

RUSSELL DEIGAN,

demandeur,

-et

PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA (INDUSTRIE CANADA),

défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MACKAY

[1]            Le demandeur interjette appel, en vertu de la règle 51, de la décision en date du 2 mars 1999 par laquelle le protonotaire Hargrave a ordonné le rejet de la demande présentée par M. Deigan en vue d'obtenir l'autorisation de déposer un dossier supplémentaire dans la présente espèce. Après avoir entendu le demandeur, qui s'est représenté lui-même, à la Cour à Vancouver, et les avocats de la défenderesse par liaison téléphonique de conférence de Halifax et d'Ottawa

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le 12 avril 1999, la Cour a rejeté oralement la requête et l'appel du demandeur. Les présents motifs confirment cette décision.

[2]La norme de contrôle applicable à l'examen d'un appel formé contre une décision

discrétionnaire d'un protonotaire, comme c'est le cas en l'espèce, a été résumée par le juge

MacGuigan dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] A.C.F. n º 103, à la p. 22

(C.A.) (QL en ligne). Après s'être référé à des décisions, il a déclaré

[...] le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants

a) l'ordonnance est entachée d'une erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,

b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal [c.-à-d., comme le juge MacGuigan l'explique dans une note en bas de page, ayant une influence déterminante sur le résultat de l'affaire].

[3]            Le demandeur sollicite l'autorisation de déposer un dossier supplémentaire qui ne se rapporterait qu'à des documents qui ont déjà été déposés, si bien que la défenderesse ne serait pas lésée. Il fait valoir que ce dossier supplémentaire, qui est joint à un affidavit du demandeur en l'espèce, et dont le protonotaire Hargrave n'avait pas été saisi lorsqu'il a examiné la requête, permettra de gagner du temps lors de l'audition de l'affaire, et qu'il est dans l'intérêt de la justice de déposer ce dossier.

[4]            Il serait dans l'intérêt de la justice d'autoriser le dépôt de ce dossier parce que le demandeur estime que la défenderesse, au vu du dossier qu'elle a déposé, a commis des irrégularités. Je ne relève aucune preuve de ces irrégularités, si ce n'est dans des déclarations

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fondées sur des croyances, mais le demandeur allègue que la défenderesse cherche encore à nuire à ses possibilités d'emploi et continue de se montrer malveillante envers lui. Par ailleurs, le demandeur affirme que le dossier de la défenderesse contient des allégations de fait qui sont inexactes étant donné qu'elles contiennent des déclarations qui sont inexactes quant aux faits, qu'elles n'expliquent pas en détail le contexte d'autres circonstances factuelles comme l'entente entre les parties selon laquelle la question de la partialité ne serait pas soulevée dans le cadre de l'arbitrage qui est à l'origine de l'instance, et qu'elles donnent des descriptions qui ne sont ni complètes ni justes envers le demandeur, ou les procédures précédentes, dont la citation de parties de décisions déjà rendues dans la présente affaire.

[5]            À mon avis, tous ces exemples d' « irrégularités » présumées dans le dossier de la défenderesse se rapportent à des observations qui ont été faites dans l'exposé sommaire des faits et des arguments au nom de la défenderesse pour traiter brièvement les questions soulevées par la demande de contrôle judiciaire. Le demandeur peut choisir de débattre ces questions oralement, dans la mesure oÿ elle sont pertinentes selon l'avis du juge qui présidera l'audience, mais il n'est pas utile dans une instance en contrôle judiciaire, qui est censée être raisonnablement expéditive, de continuer de déposer, avant l'audience, des observations écrites sur les différences dans les impressions des parties. Les exemples qui ont été mentionnés, qu'ils soient pris isolément ou collectivement, ne justifient pas le dépôt d'un dossier supplémentaire qui contiendrait essentiellement de nouveaux arguments.

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[6]            Un bref examen des faits peut aider à comprendre le contexte de la présente espèce. Le demandeur, qui occupait un poste dans la fonction publique, a été congédié. Il a présenté un grief pour congédiement injustifié. Ce grief a été entendu par un arbitre. La décision de l'arbitre a fait l'objet d'une première demande de contrôle judiciaire par le demandeur, à laquelle a fait droit ma collègue madame le juge Tremblay-Lamer, qui a renvoyé l'affaire en vue d'un nouvel examen en conformité avec les directives qu'elle a données. Cette décision fait actuellement l'objet d'un appel qui n'a pas encore été entendu par la Cour d'appel, et la nouvelle décision qui a été rendue au terme du nouvel examen qui a été ordonné fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire présentée par M. Deigan.

[7]            Outre les irrégularités perçues, ou les inexactitudes que contiendrait le dossier de la défenderesse, le demandeur affirme que le dossier soulève de nouvelles questions qui justifient le dépôt d'un dossier supplémentaire, dans l'intérêt de la justice envers le demandeur. Ces nouvelles questions seraient la qualification de la principale question soumise à l'arbitre, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision d'un arbitre et l'importance de la décision de madame le juge Tremblay-Lamer, dont des passages sont cités dans le dossier de la défenderesse. Enfin, le demandeur affirme que la défenderesse expose de façon inexacte l'argumentation que l'avocat du demandeur a faite devant l'arbitre.

[8]            Selon moi, aucun de ces exemples ne soulève de nouvelles questions puisqu'ils se ne rapportent pas à des questions qui figurent déjà au dossier de la présente demande et de celles qui l'ont précédée. Les trois premiers exemples sont carrément des questions de droit qui doivent

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être tranchées, si besoin est, en fonction du dossier. Le dernier exemple, soit les observations de l'avocat, est une question de fait qui devrait ressortir du dossier si ces commentaires doivent être analysés. En temps normal, les observations des avocats sont des facteurs dont le décideur doit tenir compte, et ils ne constituent pas une partie officielle du dossier, sauf dans la mesure oÿ ils peuvent être consignés dans une transcription, dans un procès-verbal ou dans la décision finale. Aucun de ces exemples ne justifie la décision qu'un dossier supplémentaire est nécessaire à ce stade-ci dans l'intérêt de la justice.

[9]            J'en viens enfin à la liste que le demandeur a dressée des erreurs que le protonotaire aurait commises. Le demandeur affirme que le protonotaire a appliqué le mauvais critère : le dépôt d'un dossier supplémentaire était-il dans l'intérêt de la justice, la défenderesse serait-elle lésée par ce dépôt et ce dossier serait-il utile à la Cour. Le protonotaire aurait omis d'appliquer ce critère, et dans la description qu'il a faite des arguments du demandeur, sans aucune ébauche du dossier supplémentaire proposé, il aurait mal compris ce que le demandeur entendait faire et il aurait estimé à tort que ce dossier retarderait le déroulement de l'instance. Le demandeur soutient que le protonotaire a refusé d'appliquer les nouveaux principes de droit avancés par le demandeur et n'a tenu aucun compte de la règle 3 des Règles de la Cour fédérale (1998), qui dispose que les règles sont appliquées « de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible » . Si le dépôt du dossier supplémentaire n'est pas autorisé, le demandeur sera privé de la possibilité de présenter sa cause de façon pleine et juste, et le juge qui sera saisi de l'affaire n'aura pas une compréhension complète des questions en

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litige. Enfin, le demandeur prétend que le protonotaire n'a pas accordé l'importance voulue à un certain nombre de facteurs soulevés par le demandeur.


[10]          C'est évidemment l'ordonnance du protonotaire, et non les motifs qui ont été prononcés, qui est litigieuse en l'espèce. Je ne suis pas convaincu que l'une ou l'autre des erreurs que le protonotaire aurait commises correspond au critère exposé dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem, précité, ce qui doit être le cas pour que la Cour puisse intervenir et faire droit à l'appel formé contre la décision discrétionnaire du protonotaire. Je ne suis pas convaincu que l'ordonnance frappée d'appel est manifestement erronée ou fondée sur un principe erroné ou sur une interprétation erronée des faits, ou soulève une question ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

[111          Le demandeur veut avoir la possibilité d'inclure dans le dossier supplémentaire qu'il souhaite déposer ses impressions sur plusieurs questions que la défenderesse aurait irrégulièrement incluses dans son dossier, son exposé sommaire des faits et des arguments. Dans une instance en contrôle judiciaire, c'est habituellement durant l'audition et au moyen d'arguments qu'il est possible de le faire. Le demandeur a la possibilité de faire valoir ses arguments dans les limites jugées pertinentes par le juge qui présidera l'audience sans avoir à déposer un dossier supplémentaire.

[12]          Pour ces motifs, la requête en appel de la décision du protonotaire est rejetée. La Cour rend une ordonnance écrite en ce sens, qui confirme l'ordonnance prononcée verbalement à

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l'audience et la directive alors donnée au demandeur de présenter une demande d'audience dans les trois semaines suivant la date de l'audience, c'est-à-dire au plus tard le 3 mai 1999.

[13]          Après l'audience, le demandeur a discuté avec le greffier la question des dépens, dont la défenderesse avait demandé l'attribution dans des observations écrites et dans de brèves observations orales. Je n'ai pas invité le demandeur à faire des observations sur les dépens durant l'audience, et, dans les circonstances, il me semble opportun de tenir compte des observations qu'il voudra peut-être soumettre par écrit d'ici le 26 avril 1999, et des observations écrites que la défenderesse voudra peut-être présenter en réponse dans les dix jours suivant la signification des observations écrites du demandeur. Si le demandeur ne présente pas d'observations écrites, les dépens suivront le sort du principal et seront déterminés par le juge qui connaîtra de la demande de contrôle judiciaire.

(S) « W. Andrew MacKay

Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 14 avril 1999

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE:       T-1056-98

INTITULÉ :            RUSSELL DEIGAN

PROCUREURS GÉNÉRALE DU CANADA (INDUSTRIE CANADA)

LIEU DE L'AUDIENCE :       Vancouver (C.-B.)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE en date du 2 mars 1999

COMPARUTIONS

M. Russell Deigan                pour le demandeur

M. Ronald Snyder                 pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Russell Deigan                pour le demandeur Commission des relations de travail

dans la Fonction publique Ottawa (Ont.)

M. Morris Rosenberg           pour la défenderesse Sous-procureur général du Canada

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