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Date : 20050729

Dossier : T-2953-93

Référence : 2005 CF 1041

ENTRE :

LA BANDE INDIENNE DE LOUIS BULL ET LE CHEF HERMAN ROASTING,

HENRY RAINE, JONATHAN BULL, THERESA BULL,

CLYDE ROASTING, DONNA TWINS, WINNIE BULL,

SOLOMON BULL, GEORGE DESCHAMPS,

le chef et les conseillers de la Bande indienne de Louis Bull

en leur propre nom et agissant en qualité de représentants de tous les autres membres

de la Bande indienne de Louis Bull

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                          - et -

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF

DU CANADA

                                                                                                                                        défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

INTRODUCTION


[1]                Les présents motifs suivent l'audition d'une requête introduite le 4 février 2005 au nom des demandeurs en vue d'obtenir l'autorisation de modifier leur déclaration, les dépens et d'autres mesures de redressement. Les faits qui entourent les modifications demandées sont compliqués. Voici la description des modifications demandées, ainsi que le contexte de l'affaire.

CONTEXTE

[2]                La présente action a été introduite par déclaration en 1993. Elle vise notamment le partage des redevances provenant des réserves pétrolières et gazières de la réserve de Pigeon Lake, lesquelles redevances sont partagées entre la bande indienne de Louis Bull et les bandes indiennes de Samson, d'Ermineskin et de Montana. Chacune des quatre (4) bandes a un litige en cours contre la Couronne visant, notamment, le partage des recettes en redevances provenant de la réserve de Pigeon Lake. Il n'y a pas de procédures entre les quatre (4) actions et aucune des bandes n'a présenté une demande contre une autre bande, du moins à l'égard des redevances provenant de la réserve de Pigeon Lake.


[3]                Le partage des redevances provenant de la réserve de Pigeon Lake entre les quatre (4) bandes se fait par tête. Dans la présente action, les demandeurs prétendent, notamment, que telles redevances auraient dû et devraient, à l'avenir, continuer d'être distribuées à parts égales entre les quatre (4) bandes. Selon la demande de modification de la déclaration dont la Cour est saisie, les demandeurs allèguent subsidiairement que, si la répartition à parts égales est rejetée, la défenderesse a sous-estimé l'effectif de la bande indienne de Louis Bull, pendant plusieurs années, de sorte que, pendant ces années, la quote-part de la bande de Louis Bull a été réduite. Par conséquent, dans la déclaration modifiée, les demandeurs sollicitent des dommages-intérêts contre la défenderesse, encore une fois, subsidiairement à la demande de redressement visant la modification de la base de distribution pour que les redevances soient réparties en quatre parts égales.

[4]                Le 20 novembre 1998[1], la bande indienne de Louis Bull a introduit une deuxième action contre la défenderesse dans laquelle la bande alléguait également que l'effectif de la bande de Louis Bull avait été sous-estimé entre environ la fin novembre 1974 et environ juillet 1983. Par avis de requête daté du 24 janvier 2003, les demandeurs ont sollicité la modification de leur déclaration dans cette autre action (l'action Fayant), dans le but, essentiellement, de réunir à cette dernière action la même action dont ils demandent la réunion à la présente action. Dans l'action Fayant, la défenderesse a contesté la requête des demandeurs et elle a déposé une requête incidente demandant la réunion de l'action Fayant à la présente action ou, subsidiairement, la suspension de l'action Fayant jusqu'à décision finale sur certaines autres questions litigieuses en l'espèce.

[5]                Dans une ordonnance datée du 30 avril 2003, la protonotaire Aronovitch a accueilli la requête des demandeurs dans l'action Fayant et elle a rejeté la requête incidente de la défenderesse.

[6]                Par requête datée du 2 mai 2003, la défenderesse a interjeté appel de l'ordonnance de la protonotaire Aronovitch. Dans une ordonnance datée du 12 juin 2003, ma collègue, la juge Snider, a accueilli l'appel de la défenderesse, elle a annulé l'ordonnance de la protonotaire Aronovitch et elle a rejeté la requête en autorisation de modifier la déclaration déposée par les demandeurs. Au paragraphe [30] de ses motifs[2], la juge Snider a dit :

Les demandeurs ont reconnu qu'à une certaine étape de l'action 1993 [c'est-à-dire la présente action], on procédera à un recalcul complexe des redevances payables à chacune des bandes. Par conséquent, quoiqu'il serait possible de recalculer la quote-part de la Bande des redevances tirées de Pigeon Lake avant la décision définitive dans l'action de 1993, sur le fondement restreint des anciens paiements par tête, procéder ainsi donnerait lieu à une répétition inutile. En outre, tandis qu'on demandait au moyen des modifications visées dans la présente action la réévaluation des redevances, sur la base d'un calcul par tête, la demande présentée par les mêmes demandeurs dans l'action de 1993 vise une quote-part de 25 % des redevances. Les modifications donnent ainsi lieu, au mieux, à une répétition inutile de calculs de redevances et, au pire, à des actes de procédure incompatibles, en contravention de l'article 180 des Règles de la Cour fédérale, 1998. À mon avis, la présente action n'est pas le cadre approprié pour procéder à une redistribution et à un recalcul de redevances.

[Non souligné dans l'original.]

[7]                Les demandeurs ont interjeté appel de l'ordonnance de la juge Snider devant la Cour d'appel fédérale. Dans un jugement rendu le 24 mars 2004, la Cour d'appel fédérale a rejeté l'appel des demandeurs. Dans des motifs très succincts[3] rendus à l'audience, le juge Nöel a écrit, au paragraphe [3] :

Sans nous prononcer sur les autres aspects de la décision faisant l'objet de l'appel, nous souscrivons au paragraphe 30 des motifs de la juge Snider et convenons avec elle que la question que soulèvent les modifications devrait être réglée dans le cadre de ce que les parties ont décrit en termes généraux comme l'action 1993 [c'est-à-dire la présente action].


[8]                La requête en modification de la déclaration dont la Cour est saisie en l'espèce a par la suite été déposée.

ARGUMENTS DE LA DÉFENDERESSE, INTIMÉE

[9]                La défenderesse fait valoir que dans les modifications proposées, les demandeurs sollicitent un redressement en invoquant la violation du rapport fiduciaire, ou de l'obligation en equity ou en vertu de la loi, sans étayer leur demande par des faits pertinents qui leur donneraient droit au redressement demandé et que, par conséquent, la cause d'action alléguée doit être rejetée. En outre, la défenderesse prétend que puisque les trois (3) autres bandes, à savoir les bandes indiennes de Samson, d'Ermineskin et de Montana n'ont pas qualité de codéfenderesses, les modifications proposées sont viciées en ce que, en l'absence de codéfenderesses, la Cour sera contrariée dans la recherche d'une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible. Enfin, la défenderesse fait valoir que les demandeurs veulent réunir une nouvelle cause d'action à leur déclaration sans alléguer certains faits essentiels qui établiraient que la cause d'action proposée est prescrite.

[10]            En fin de compte, la défenderesse sollicite le rejet de la requête des demandeurs.


[11]            Subsidiairement, si la Cour décide d'accueillir la requête des demandeurs, la défenderesse demande à la Cour d'assortir l'ordonnance de conditions à savoir : premièrement, exiger que les modifications que les demandeurs souhaitent apporter à la déclaration comprennent tous les faits pertinents nécessaires afin d'établir une cause d'action qui justifierait la réparation demandée; deuxièmement, exiger que les bandes indiennes de Samson, d'Ermineskin et de Montana aient qualité de codéfenderesses; troisièmement, préciser que la défenderesse aura le droit d'[traduction] « [...] alléguer la prescription, dans sa défense » ; enfin, préserver certains droits de la défenderesse en matière de procédure.

[12]            En outre, subsidiairement, si la Cour accueille la requête des demandeurs sans assortir l'ordonnance de conditions, l'avocate de la défenderesse sollicite un délai supplémentaire de deux (2) mois pour permettre à la défenderesse de demander d'autres renseignements, de signifier et de déposer une défense modifiée et de demander des instructions concernant la présentation d'avis de mise en cause.

RÈGLES APPLICABLES

[13]            Il n'a pas été contesté, devant la Cour, que le paragraphe 75(1) et l'article 201, de pair avec l'article 3 des Règles des Cours fédérales[4] s'appliquent à la requête dont la Cour est saisie. Voici ces dispositions :



75. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et de la règle 76, la Cour peut à tout moment, sur requête, autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties.

...

75. (1) Subject to subsection (2) and rule 76, the Court may, on motion, at any time, allow a party to amend a document, on such terms as will protect the rights of all parties.


...


201. Il peut être apporté aux termes de la règle 76 une modification qui aura pour effet de remplacer la cause d'action ou d'en ajouter une nouvelle, si la nouvelle cause d'action naît de faits qui sont essentiellement les mêmes que ceux sur lesquels se fonde une cause d'action pour laquelle la partie qui cherche à obtenir la modification a déjà demandé réparation dans l'action.

...

201. An amendment may be made under rule 76 notwithstanding that the effect of the amendment will be to add or substitute a new cause of action, if the new cause of action arises out of substantially the same facts as a cause of action in respect of which the party seeking the amendment has already claimed relief in the action.

...

3. Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

3. These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits.


PRINCIPES GÉNÉRAUX

[14]            Dans l'arrêt Canderel Ltée c. Canada[5], le juge Décary, s'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, a précisé la règle générale qui s'applique lorsqu'il s'agit de savoir s'il est équitable, dans une situation donnée, d'autoriser la modification d'un acte de procédure. Il a écrit, à la page 10 de cet arrêt :

[...] la règle générale est qu'une modification devrait être autorisée à tout stade de l'action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d'injustice à l'autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu'elle serve les intérêts de la justice.

Concernant les intérêts de la justice, le juge Décary a cité, en l'approuvant, le passage suivant des motifs du juge Bowman de la Cour canadienne de l'impôt, aujourd'hui juge en chef de la Cour canadienne de l'impôt, dans Continental Bank Leasing Corporation et al. c. La Reine[6] :


[...] je préfère tout de même examiner la question dans une perspective plus large : les intérêts de la justice seraient-ils mieux servis si la demande de modification ou de rétractation était approuvée ou rejetée? Les critères mentionnés dans les affaires entendues par d'autres tribunaux sont évidemment utiles, mais il convient de mettre l'accent sur d'autres facteurs également, y compris le moment auquel est présentée la requête visant la modification ou la rétractation, la mesure dans laquelle les modifications proposées retarderaient l'instruction expéditive de l'affaire, la mesure dans laquelle la thèse adoptée à l'origine par une partie a amené une autre partie à suivre dans le litige une ligne de conduite qu'il serait difficile, voire impossible, de modifier, et la mesure dans laquelle les modifications demandées faciliteront l'examen par la Cour du véritable fond du différend. Il n'existe aucun facteur qui soit prédominant, ou dont la présence ou l'absence soit nécessairement déterminante. On doit accorder à chacun des facteurs le poids qui lui revient dans le contexte de l'espèce. Il s'agit, en fin de compte, de tenir compte de la simple équité, du sens commun et de l'intérêt qu'ont les tribunaux à ce que justice soit faite.

[Non souligné dans l'original.]

[15]            Dans Yeager c. Service correctionnel du Canada et al.[7], mon collègue, le juge O'Keefe, a dit, au paragraphe [10] de ses motifs :

Les facteurs à prendre en compte pour déterminer si un préjudice non indemnisable serait subi sont notamment le stade auquel en est l'instance lorsque la modification est demandée, la mesure dans laquelle la modification retarde la tenue rapide de l'instruction et la mesure dans laquelle la position de l'autre partie, selon ses plaidoiries et ses arguments, serait minée ou inaltérable : [...]

À l'appui de ces motifs, le juge O'Keefe a cité l'arrêt Scanner Industries c. Canada[8].

[16]            Enfin, le protonotaire Hargrave a dit, au paragraphe 18 des motifs de la décision Houle c. Canada[9] :


[...] Je ne devrais pas non plus être obligé de prévoir si la modification sera accueillie ou non au procès : [...] « [l]e juge des requêtes ne détermine pas à l'avance si un amendement sera invoqué avec succès lors de l'instruction; il se prononce simplement sur la question de savoir si l'amendement devrait être déposé » . Cette affirmation va dans le sens de ce que la Cour d'appel a dit dans Bande Enoch des Indiens de Stony Plain c. Canada [...] : le critère qui permet de rejeter une demande de modification est qu'il soit clair, manifeste et indubitable que cette modification n'aura aucune chance de succès [...]                    [citations omises]

Dans les mêmes motifs, le protonotaire Hargrave a mentionné les répercussions de l'expiration d'un délai de prescription. Il a écrit, au paragraphe 38 :

[...] En résumé, lorsque les dispositions que l'on veut ajouter à titre de modifications découlent essentiellement des mêmes faits que ceux énoncés dans la déclaration initiale, la question de savoir si les modifications donnent naissance ou non à une nouvelle cause d'action que l'expiration du délai de prescription interdit d'invoquer est sans importance.

ANALYSE

a)         Les intérêts de la justice


[17]            Beaucoup de temps s'est écoulé depuis que les faits qui sous-tendent la présente requête en vue de modifier la déclaration ont été portés, pour la première fois, à l'attention des demandeurs et, puisque la question de la répartition des redevances entre les quatre (4) bandes qui participent aux recettes tirées de la réserve de Pigeon Lake a été réunie à la présente action, je suis convaincu que les demandeurs ont fait preuve de diligence raisonnable relativement aux modifications proposées, eu égard à la cadence à laquelle la présente action se déroule. En particulier, les mesures prises par les demandeurs afin de réunir les mêmes questions et l'action Fayant qui a perduré, étaient loin d'être malavisées. Quand il est devenu évident, lors de la décision de la Cour d'appel fédérale concernant ces mesures, que les demandeurs n'auraient pas gain de cause, compte tenu des directives données par la Cour et par la Cour d'appel fédérale selon lesquelles la présente action était le cadre « le plus approprié » relativement aux modifications demandées, les demandeurs ont agi avec diligence raisonnable en espérant raisonnablement que les modifications demandées en l'espèce auraient lieu, du moins en principe, par consentement.

[18]            Dans la présente action, la contestation est liée, mais la Cour a été avisée, à l'audience, que la communication de la preuve n'avait pas encore commencé et que, par entente implicite sinon explicite, le procès relatif à la présente action demeurerait en suspens pendant encore un certain temps. Je suis donc convaincu qu'il y a peu de risque de délai indu si la Cour accueille la présente requête.

[19]            Une partie importante du « [...] véritable fond du différend » dans la présente action a, depuis plusieurs années, été la répartition opportune des redevances tirées de la réserve de Pigeon Lake entre les quatre (4) bandes qui partagent ces revenus. Il s'agit de l'essence même des modifications à la déclaration qui font l'objet de la présente instance. À preuve, les quelques brefs extraits des motifs de la juge Snider et de la Cour d'appel fédérale cités précédemment dans le contexte de la requête en modification de la déclaration dans l'action Fayant.

[20]            En fin de compte, lorsqu'il s'agit de justice, de bon sens et des intérêts de la justice, conformément aux termes de l'article 3 des Règles, afin d'apporter « [...] une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible » , je suis convaincu que la requête devrait, en l'absence d'un préjudice non indemnisable à la défenderesse, être accueillie.


b)         Préjudice non indemnisable à la défenderesse

[21]            L'avocate de la défenderesse fait valoir que si les modifications demandées étaient autorisées, la défenderesse subirait un préjudice non indemnisable puisque les demandeurs n'ont pas donné qualité de codéfenderesses aux bandes de Samson, d'Ermineskin et de Montana. En effet, ces bandes pourraient éventuellement être visées directement et d'une manière importante par les effets de la présente action pour ce qui touche la demande subsidiaire de redressement en matière de répartition des redevances. Cependant, les bandes de Samson, d'Ermineskin et de Montana sont susceptibles d'être visées directement par le résultat de la présente action, du moins si elles étaient liées par ledit résultat, depuis fort longtemps. Jusqu'à maintenant, la défenderesse semble s'être contentée de laisser la question en suspens, malgré le risque plus élevé d'un préjudice à la défenderesse si une décision est prise relativement à la déclaration non modifiée selon laquelle les quatre (4) bandes doivent se partager également les redevances tirées de la réserve de Pigeon Lake.

[22]            L'insuffisance des modifications proposées, comme fondement factuel de la demande subsidiaire proposée est, j'en suis convaincu, une question à trancher à un autre moment; il ne s'agit pas d'une question qui doit être tranchée dans le cadre de la présente requête en modification de la déclaration.

[23]            Enfin, sur cette question, je suis convaincu que le droit de la défenderesse de présenter une défense fondée sur la prescription peut être suffisamment protégé, comme il se doit, sans que soit invoqué le redressement très important que serait le rejet de la demande de modification en cause.

c)         Conditions dont serait assortie la décision d'accueillir la demande de modification

[24]            L'avocate de la défenderesse fait valoir que la Cour devrait exiger des demandeurs qu'ils étayent plus abondamment le fondement factuel de la demande subsidiaire proposée. Je suis convaincu qu'il ne s'agit pas d'une question que la Cour doit examiner à cette étape de la procédure. Il appartient aux demandeurs eux-mêmes de veiller à ce que les modifications qu'ils se proposent d'apporter à leur déclaration soient suffisamment détaillées. S'il appert qu'elles ne le sont pas, la question pourra être examinée à un autre moment. Dans le même ordre d'idées, la question des codéfenderesses relève de la discrétion des demandeurs. Si les demandeurs ont décidé de ne pas ajouter les trois (3) autres bandes qui se partagent les redevances tirées de la réserve de Pigeon Lake, la défenderesse peut néanmoins demander que ces bandes soient mises en cause. Tel que susmentionné, il s'agit d'une question qui est en suspens dans la présente action depuis plusieurs années. Il n'est pas de bon aloi que l'avocate de la défenderesse tente d'obliger les demandeurs à ajouter des codéfenderesses si tard dans la procédure, dans le contexte d'une requête en modification qui comporte très peu d'éléments susceptibles d'influer sur les répercussions du fait que les autres trois (3) bandes n'ont pas qualité de parties à la présente procédure.


[25]            Enfin, concernant les conditions, tel que susmentionné, la Cour est convaincue que la condition qui a pour objet de protéger la défenderesse contre tout préjudice découlant des répercussions des modifications proposées sur une défense de prescription peut, en fait, être respectée sans que soit imposée la mesure plus ou moins draconienne qui consiste à rejeter la demande de modification de la déclaration.

d)         Prolongation du délai afin de permettre à la défenderesse de réagir d'une manière efficace aux modifications proposées

[26]            La Cour est convaincue que la demande de la défenderesse à cet égard est raisonnable et qu'elle n'entraînera aucun réel délai du procès.

CONCLUSION


[27]            Compte tenu de la brève analyse ci-dessus, et plus particulièrement de l'orientation générale que présente la jurisprudence en matière de requêtes en modification, et en tenant compte des observations susmentionnées de la juge Snider et de la Cour d'appel fédérale dans les motifs relatifs à la précédente requête en modification de la déclaration dans l'action Fayant, la présente demande de modification sera accueillie. Les demandeurs disposeront de quinze (15) jours à compter de la date de la présente ordonnance pour signifier et déposer une nouvelle déclaration modifiée (no 2), pour l'essentiel, conformément au modèle présenté à l'onglet 5 du dossier de requête des demandeurs déposé dans les présentes le 4 février 2005 et telle nouvelle déclaration modifiée (no 2) ne portera pas atteinte à toute défense fondée sur la prescription que la défenderesse pourrait présenter en se fondant sur le fait que les modifications effectuées dans la nouvelle déclaration modifiée (no 2) n'ont été signifiées qu'à la date réelle de signification.

[28]            Suivant la signification de la nouvelle déclaration modifiée (no 2), la défenderesse disposera de quatre-vingt-dix (90) jours pour demander des renseignements supplémentaires, si nécessaire, pour demander des instructions concernant la présentation d'avis de mise en cause et pour signifier et déposer une défense modifiée.

DÉPENS

[29]            L'avocate de la défenderesse a renvoyé la Cour au paragraphe 410(1) des Règles concernant les dépens afférents à la modification d'un acte de procédure faite par une partie « sans autorisation » . En l'espèce, les modifications présentées à la Cour seront faites « avec autorisation » . Dans les circonstances, je suis d'avis que le paragraphe 410(1) ne s'applique pas.


[30]            L'avocate des demandeurs fait valoir que, si sa requête est accueillie, et compte tenu des opinions déjà exprimées par la Cour et par la Cour d'appel fédérale selon lesquelles la présente action est le cadre approprié pour trancher la question soulevée par les modifications proposées et étant donné l'apparent acquiescement de l'avocate de la défenderesse à cette opinion dans le contexte de la proposition de modification dans une action différente entre les mêmes parties, l'omission de l'avocate de la défenderesse de consentir aux modifications et la défense qu'elle a présentée relativement à la requête sont, et ce sont mes propres paroles, et non celles de l'avocate, « inadmissibles » . En fin de compte, l'avocate des demandeurs soutient que les dépens afférents à la requête doivent être accordés aux demandeurs, que tels dépens devraient s'élever à 7 500 $ (sept mille cinq cents dollars) et être payables immédiatement.

[31]            J'abonderais davantage dans le sens de l'avocate des demandeurs si je n'étais pas convaincu que les questions soulevées au nom de la défenderesse dans la présente requête sont des questions de fond susceptibles de se révéler bien fondées plus tard dans la présente action.

[32]            Compte tenu des questions que je me pose ainsi que de l'absence de preuve de toute tentative de compromis, les dépens afférents à la requête, établis à 3 000 $ (trois mille dollars), plutôt que la somme demandée au nom des demandeurs, seront accordés aux demandeurs, et seront payables immédiatement.

                                                                       _ Frederick E. Gibson _                    

                                                                                                     Juge                                   

Ottawa (Ontario)

le 29 juillet 2005

Traduction certifiée conforme

D. Laberge, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                          T-2953-93

INTITULÉ :                         LA BANDE INDIENNE DE LOUIS BULL ET LE CHEF HERMAN ROASTING, HENRY RAINE, JONATHAN BULL, THERESA BULL, CLYDE ROASTING, DONNA TWINS, WINNIE BULL, SOLOMON BULL, GEORGE DESCHAMPS, le chef et les conseillers de la Bande indienne de Louis Bull en leur propre nom et agissant en qualité de représentants de tous les autres membres de la Bande indienne de Louis Bull

c.

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :        OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :       LE 18 JUILLET 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :              LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :             LE 29 JUILLET 2005

COMPARUTIONS :

Sylvie M. Molgat                      POUR LES DEMANDEURS

Lynn Cunningham                    POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sylvie Molgat                           POUR LES DEMANDEURS

Dubuc, Osland - Avocats

Ottawa (Ontario)

Lynn Cunningham                    POUR LA DÉFENDERESSE

Justice Canada


Edmonton (Alberta)



[1]     Dossier de la Cour fédérale no T-2171-98.

[2]     2003 CFPI 732.

[3]     2004 C.A.F. 124.

[4]     DORS/98-106.

[5]     [1994] 1 C.F. 3 (C.A.F.).

[6]     (1993), 93 DTC 298, à la page 302.

[7]     (2000), 189 F.T.R. 196.

[8]     [1994] 69 F.T.R. 310; confirmé (1994), 172 N.R. 313 (C.A.F.).

[9]     [2000] ACF no 1197.


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