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     Date : 20000517

     Dossier : IMM-1862-99


Entre

     RANJIT SINGH BHULLAR

     demandeur

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



Le juge PINARD


[1]      Il y a en l'espèce recours en contrôle judiciaire exercé par le demandeur contre la décision datée du 22 mars 1999 (et signée le 23 mars 1999)1, par laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté sa demande de réouverture de l'audience sur la question de savoir s'il s'était désisté de sa revendication de ce statut.

[2]      Le demandeur, citoyen indien, est arrivé au Canada le 1er juillet 1998. Il devait comparaître devant la Commission le 5 octobre 1998, mais n'était pas là. Une audience fut prévue pour le 4 novembre 1998 pour examiner s'il y avait eu désistement. Le demandeur a expliqué qu'il était absent le 5 octobre 1998 parce qu'il avait oublié la date, qu'il était nerveux et qu'il était occupé à chercher du travail. La Commission a déclaré qu'il y avait eu désistement de sa part.

[3]      Le 26 novembre 1998, la Commission a reçu une requête incomplète en réouverture de l'audience. Cette requête a été rejetée le 21 janvier 1999, par ce motif qu'il n'y avait pas eu atteinte aux règles de justice naturelle à l'audience sur la question du désistement.

[4]      Le demandeur a soumis le 1er mars 1999 une requête en réexamen de cette décision, en y joignant un affidavit dans lequel il affirmait que c'était l'interprète de son avocat qui lui avait conseillé de mentir au sujet de la recherche d'un emploi. La requête a été rejetée le 22 mars 1999.

[5]      La Commission a conclu qu'il s'agissait uniquement d'examiner s'il y avait eu déni de justice naturelle lors de l'audience du 4 novembre 1998 sur la question du désistement. Elle a jugé que la négligence ou l'incompétence de l'avocat du demandeur ne valait pas forcément atteinte aux principes de justice naturelle de la part de la Commission. C'est pourquoi elle a décidé de rejeter la requête.

[6]      Il est de droit constant que la Commission peut rouvrir l'audition d'une revendication du statut de réfugié si l'audience initiale a été conduite de manière contraire aux règles de justice naturelle (Cf. Longia c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 288, page 293 (C.A.F.), et Ojie c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (19 juin 1998), IMM-3119-97 (C.F. 1re inst.)). Dans Rus c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 143 F.T.R. 316, page 320, j'ai appliqué ce principe à l'égard d'une requête en réouverture de l'audience après qu'il eut été jugé que le demandeur s'était désisté de sa revendication du statut de réfugié :

     " ce n'est pas le refus d'ajourner du 3 octobre 1996 qui, parce qu'il serait entaché d'un déni de justice naturelle, fait directement l'objet de la présente demande, mais bien la décision du 5 décembre 1996 rejetant la demande de réouverture déposée le 12 novembre 1996 par le requérant. Ainsi, ce dernier, pour réussir, se doit d'établir l'existence d'un déni de justice naturelle lors de l'audition même sur le désistement, soit celle du 28 octobre 1996. En effet, dans l'arrêt Longia c. Canada (M.E.I.) , [1990] 3 C.F. 288, la Cour d'appel fédérale rappelle que le tribunal (dans ce cas, la Commission d'appel de l'immigration) n'a aucun pouvoir inhérent ou qui se prolonge dans le temps lui permettant de reprendre l'audition d'une demande de réexamen de la revendication du statut de réfugié. À la page 293, la Cour d'appel ajoute :
         " " En effet, il est désormais bien établi, dans la jurisprudence de cette Cour, que si l'audition d'une demande ne s'est pas déroulée selon les règles de justice naturelle, la Commission peut considérer que sa décision est nulle et réexaminer la question (voir Gill c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration ) [[1987] 2 C.F. 425 (C.A.)], Singh [c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 6 Imm.L.R. (2d) 10 (C.A.F.)] et Nabiye [Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Nabiye, [1989] 3 C.F. 424 (C.A.)] "). "

[7]      En l'espèce, le demandeur ne conclut pas expressément à atteinte aux règles de justice naturelle lors de l'audience sur la question du désistement. Il invoque plutôt le mensonge qu'il a fait au tribunal en prétendant qu'il était en train de chercher du travail alors qu'il devait comparaître à l'audience de mise au rôle. Selon son affidavit, il a fait ce mensonge sur les conseils de l'interprète de son avocat. En outre, il soutient que le fait de manquer une audience de mise au rôle n'est pas suffisamment important pour justifier la décision qu'il y a eu désistement.

[8]      À mon avis, le demandeur n'a pas démontré que l'audience sur la question du désistement avait été conduite au mépris des règles de justice naturelle. Le tribunal a jugé insatisfaisante l'explication qu'il donnait de son absence. Je ne pense pas que la décision prise par le demandeur, apparemment sur les conseils de l'interprète de son avocat, de dire au tribunal qu'il cherchait du travail alors qu'il en avait déjà un, ait eu pour résultat de le priver de la possibilité de se faire entendre pleinement. Puisqu'il qu'il n'y a pas eu déni de justice naturelle, la décision qu'il y a eu désistement demeure valide.

[9]      En outre, je conviens avec le défendeur qu'en décidant de ne pas rouvrir le dossier, la Commission n'était pas tenue d'examiner la crainte de persécution exprimée par le demandeur. Dans Ressam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 110 F.T.R. 50, le demandeur agissait en contrôle judiciaire contre la conclusion tirée par la Commission qu'il s'était désisté de sa revendication du statut de réfugié. En pages 53 et 54 de cette décision, j'ai jugé qu'il s'agissait, dans les audiences de ce genre, d'examiner seulement s'il y avait eu désistement :

     [6] Je tiens d'abord à souligner que lorsqu'un requérant se présente devant le tribunal en vertu du paragraphe 69.1(6) de la Loi, ce n'est pas pour l'audition de sa revendication, mais bien pour qu'il puisse faire valoir ses moyens relativement à la conclusion en désistement à laquelle il est exposé. À cet égard, je suis entièrement d'accord avec le raisonnement de mon collège monsieur le juge Denault dans Ghassan (Daher Ghassan c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (22 juin 1994), IMM-2843-93 (C.F. 1re inst.)) où il a exprimé ce qui suit :
         Le procureur du requérant estime que la section du statut s'est méprise sur le sens et la portée du paragraphe 69.1(6) de la Loi. Il plaide que selon l'essence même de cette disposition, le tribunal doit vérifier si la partie intéressée est disposée à poursuivre ou non sa revendication. Il soutient que dans la mesure où la partie intéressée est présente et prête à procéder et que le dossier est en état, on ne peut tout simplement pas conclure au désistement.
         Je ne partage pas cet avis" Lorsque la section du statut, aux termes du sous-alinéa 69.1(6)(b) de la Loi, donne à l'intéressé la possibilité de se faire entendre, le but de cette audience en désistement est précisément de permettre à l'intéressé d'exposer les raisons pour lesquelles il croit ne pas s'être désisté. Ce n'est qu'après avoir permis au revendicateur d'exposer ses raisons et conclu qu'elles étaient valables que la section du statut peut procéder à l'étude de la demande.

[10]      De même, la seule question à résoudre par la Commission en l'espèce était de savoir s"il y avait eu déni de justice naturelle à l'audience sur la question du désistement. Elle n'avait pas à examiner au fond sa revendication du statut de réfugié.

[11]      Enfin, les arguments tirés par le demandeur de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne se rapportent à son expulsion et sont, de ce fait, prématurés.

[12]      En conséquence, la Cour déboute le demandeur de son recours en contrôle judiciaire.

[13]      L'avocat du demandeur propose les deux questions suivantes à certifier :

     1.      La conclusion au désistement du fait que le demandeur n'a pas comparu à l'audience de mise au rôle, qui est une rencontre avec un fonctionnaire de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, porte-t-elle atteinte aux règles de justice naturelle?
     2.      La preuve de risque notable de torture, de meurtre ou autre persécution, est-elle pertinente pour la décision en matière de désistement ou de réouverture de la revendication devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié? La preuve de syndrome de stress post-traumatique est-elle pertinente?
     3.      Les décisions en matière de désistement ou de réouverture du dossier devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié doivent-elles respecter les garanties minimales du droit international en matière de droits de la personne?

[14]      Toutes ces questions se rapportent soit à la conclusion au désistement, soit à la décision sur la réouverture de la revendication du statut de réfugié; or le point litigieux en l'espèce porte uniquement sur la décision de ne pas rouvrir l'audience sur la question du désistement. Attendu que la question à certifier " doit être aussi une question déterminante pour l'appel " (Cf. Liyanagamage c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration , 176 N.R. 4, page 5), les questions proposées ci-dessus ne se prêtent pas à la certification.

     Signé : Ivon Pinard

     ________________________________

     Juge


Ottawa (Ontario),

le 17 mai 2000




Traduction certifiée conforme,




Martine Brunet, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER No :              IMM-1862-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Ranjit Singh Bhullar c. M.C.I.


LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)


DATE DE L'AUDIENCE :          13 avril 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE PINARD


LE :                      17 mai 2000



ONT COMPARU :


M. Stewart Istvanffy                  pour le demandeur

M. Daniel Latulippe                  pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


M. Sterard Istvanffy                  pour le demandeur

Montréal (Québec)

M. Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada




     Date : 20000517

     Dossier : IMM-1862-99

Ottawa (Ontario), le 17 mai 2000

En présence de Monsieur le juge Pinard


Entre

     RANJIT SINGH BHULLAR

     demandeur

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



     ORDONNANCE


     La Cour déboute le demandeur de son recours en contrôle judiciaire contre la décision en date du 22 mars 1999 de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, portant rejet de sa demande de réouverture de l'audience à l'issue de laquelle il avait été jugé qu'il s'était désisté de sa revendication du statut de réfugié.


     Signé : Ivon Pinard

     ________________________________

     Juge


Traduction certifiée conforme,




Martine Brunet, LL. L.

__________________

1      Motifs de décision datés du 4 mai 1999.

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