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Date : 20040720

Dossier : ITA-2025-04

Référence : 2004 CF 1014

Dans l'affaire de la Loi de l'impôt sur le revenu,

                                                                          - et -

Dans l'affaire d'une cotisation ou des cotisations établies par le ministre du Revenu national en vertu d'une ou plusieurs des lois suivantes: la Loi de l'impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l'assurance-emploi,

CONTRE :

                                                               PIERRE BENOIT

                                                                                                                              débiteur judiciaire

                                                                             et

                                                           CHANTALE GUÉRIN

                                                                             

                                                                                                                                           opposante

                                                                             et

                                                             MAXIME DUBOIS

                                                                                                                                             opposant

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:

[1]                Il s'agit en l'espèce de statuer sur les oppositions formées en vertu de l'article 597 du Code de procédure civile (C.p.c.) par deux opposants à l'encontre d'une saisie mobilière effectuée le 14 avril 2004. Les biens saisis sont des meubles meublant le 2170 rue Henri-Cyr, Longueuil ainsi qu'un véhicule de marque Plymouth Néon vert, 1997, numéro de plaque 526 HYW, numéro de série IP3FS476VD306899 (le véhicule automobile).

[2]                L'opposant Maxime Dubois, le fils d'un premier lit de la conjointe du débiteur judiciaire Pierre Benoit, s'oppose à la saisie du véhicule automobile au motif qu'il en est le propriétaire.

[3]                L'opposante Chantale Guérin, la conjointe du débiteur judiciaire Pierre Benoit, réclame l'annulation de la saisie au motif que les meubles meublants listés à son affidavit sont sa propriété (les meubles saisis).

[4]                Les deux opposants ont fait valoir en commun deux motifs d'opposition à la saisie que nous évaluerons en premier pour ensuite nous pencher sur les motifs d'opposition soulevés par chacun des opposants.

Motifs communs d'opposition

[5]                Dans un affidavit déposé à l'encontre des oppositions à l'étude, l'agente de recouvrement agissant pour l'Agence du revenu du Canada indique ce qui suit quant à l'endettement fiscal du débiteur judiciaire :

1.              Je suis l'agente de recouvrement attitrée au dossier de Pierre Benoît;

2.              Pierre Benoît est endetté envers l'Agence du Revenu suite à l'émission de cotisations pour des appropriations de fonds reliées à la compagnie 2866-0579 Québec Inc., dont il est le seul actionnaire;

3.              Le détail des cotisations est le suivant :

Date de la cotisation

Années

     Impôts

Pénalités et intérêts au 6 mai 2004

        Solde

15 mars 2004

1992

380,58 $

761,89 $

1 142,47 $

15 mars 2004

1993

227,04 $

405,26 $

632,30 $

15 mars 2004

1994

153,52 $

240,84 $

394,36 $

15 mars 2004

1995

    65,29 $

    84,55 $

149,84 $

15 mars 2004

1996

535,85 $

590,94 $

1 126,79 $

2 juin 2003

1997

6 733,53 $

6 327,14 $

13 060,67 $

2 juin 2003

1998

14 175,89 $

10 953,97 $

25 129,86 $

2 juin 2003

1999

26 210,55 $

16 205,54 $

42 416,09 $

2 juin 2003

2000

20 763,59 $

9 646,03 $

30 409,62 $

2 juin 2003

2001

1 368,07 $

443,68 $

1 811,75 $

6 mai 2004

2002

100,12 $

    18,35 $

118,47 $

      Solde en souffrance au 6 mai 2004                                                                116 392,22 $

4.              Les cotisations émises le 2 juin 2003 n'ont jamais été contestées;

5.              Suite à ces cotisations, un certificat visant uniquement les dettes dues pour les années 1997 à 2001 a été émis, le 20 février 2004, pour un montant de 110 563,88 $ plus intérêts composés quotidiennement à partir du 22 janvier 2004 [...];

[6]                Le premier motif que font valoir les opposants découle du paragraphe 5 de cet affidavit. Selon leur procureur et contrairement à ce paragraphe 5, le certificat auquel réfère ce paragraphe ne dévoile pas qu'il vise uniquement les années fiscales 1997 à 2001. Le procureur des opposants a donc allégué qu'en ce sens le certificat en l'espèce ne respecte pas les exigences requises et crée de la confusion dans l'esprit de ses clients. Pour ce motif, le certificat à la base de la saisie en litige serait invalide et la saisie devrait tomber.

[7]                Le procureur des opposants n'était toutefois pas en mesure d'étayer en droit de façon serrée son allégation quant à l'imprécision du certificat en l'espèce. On peut présumer que ce certificat a été obtenu et confectionné de façon similaire à des centaines d'autres et il aurait fallu que le procureur des opposants fasse plus que simplement soulever à l'audition une telle allégation. Quant à tout préjudice ou confusion qu'une telle imprécision aurait pu engendrer sur le terrain, le dossier de requête des opposants ne contient aucune preuve à cet effet.

[8]                Un deuxième motif soulevé par les opposants est à l'effet que la dette fiscale du débiteur judiciaire est prescrite et que la saisie ne pourrait donc tenir.


[9]                La Cour suprême du Canada s'est récemment penchée dans l'arrêt Markevich c. Canada, [2003] 1 R.C.S. 94 sur la question du délai de prescription auquel étaient soumises les mesures de recouvrement prévues à la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), telle qu'amendée (la L.I.R.). En page 118, la Cour à l'unanimité à l'exception d'une voix établit ce qui suit :

Je conclus que les mesures de recouvrement prises en vertu de la LIR sont prescrites six ans après la survenance du fait générateur. La dette fiscale de l'intimé et l'expiration du délai de 90 jours suivant la mise à la poste de l'avis de cotisation daté du 17 juin 1986 constituent le fait générateur en l'espèce.

[10]            L'arrêt Markevich établit donc le délai de prescription des mesures de recouvrement d'une dette fiscale à six ans, à partir de l'expiration du délai de 90 jours suivant la mise à la poste de l'avis de cotisation.

[11]            De plus, suite à la décision Markevich, des amendements ont été apportés, en date du 13 mai 2004, à la LIR (Bill C-30, article 50 modifiant l'article 222 LIR).

[12]            Pour l'essentiel, le nouveau paragraphe 222(4) de la LIR se lit :


(4) Le délai de prescription pour le recouvrement d'une dette fiscale d'un contribuable :

a) commence à courir :

(i) si un avis de cotisation, ou un avis visé au paragraphe 226(1), concernant la dette est posté ou signifié au contribuable après le 3 mars 2004, le quatre-vingt-dixième jour suivant le jour où le dernier de ces avis est posté ou signifié,

(ii) si le sous-alinéa (i) ne s'applique pas et que la dette était exigible le 4 mars 2004, ou l'aurait été en l'absence de tout délai de prescription qui s'est appliqué par ailleurs au recouvrement de la dette, le 4 mars 2004 ;

b) prend fin, sous réserve du paragraphe 8, dix ans après le jour de son début.

[Non souligné dans l'original.]

(4) The limitation period for the collection of a tax debt of a taxpayer

(a) begins

(i) if a notice of assessment, or a notice referred to in subsection 226(1), in respect of the tax debt is mailed to or served on the taxpayer, after March 3, 2004, on the day that is 90 days after the day on which the last one of those notices is mailed or served, and

(ii) if subparagraph (i) does not apply and the tax debt was payable on March 4, 2004, or would have been payable on that date but for a limitation period that otherwise applied to the collection of the tax debt, on March 4, 2004; and

(b) ends, subject to subsection (8), on the day that is 10 years after the day on which it begins.

[13]            Puisque les avis de cotisation pour les années d'imposition 1997 à 2001 furent émis le 2 juin 2003, il ne saurait être question en fonction de l'arrêt Markevich ou de la LIR de statuer ici que la dette fiscale visée par le certificat est prescrite. Le deuxième argument des opposants doit donc aussi être rejeté.

Motifs particuliers à chaque opposant


[14]            Quant à Maxime Dubois, le seul argument restant est que le véhicule automobile est sa propriété. Toutefois, le procureur de M. Dubois a concédé à l'audition que cette affirmation relève d'une simulation puisqu'il appert du registre du bureau des véhicules moteurs que la voiture appartient au débiteur judiciaire Pierre Benoît. Les documents d'assurance sont d'ailleurs au même effet. Cette simulation permettrait tout simplement à M. Dubois d'obtenir une couverture d'assurance à un prix raisonnable.

[15]            Les articles 1451 et 1452 du Code civil du Québec (C.c.Q.) se lisent comme suit :

Art. 1451. Il y a simulation lorsque les parties conviennent d'exprimer leur volonté réelle non point dans un contrat apparent, mais dans un contrat secret, aussi appelé contre-lettre.

Entre les parties, la contre-lettre l'emporte sur le contrat apparent.

Art. 1452.    Les tiers de bonne foi peuvent, selon leur intérêt, se prévaloir du contrat apparent ou de la contre-lettre, mais s'il survient entre eux un conflit d'intérêts, celui qui se prévaut du contrat apparent est préféré.

[16]            Compte tenu de cette simulation, la créancière saisissante a choisi, tel que le prévoit l'article 1452 C.c.Q., de se prévaloir de l'acte apparent, lequel revient à retenir que Pierre Benoît est propriétaire du véhicule saisi.

[17]            Le motif particulier soulevé par M. Dubois ne peut donc être retenu et son opposition à la saisie doit donc être rejetée.

[18]            Quant à Mme Chantale Guérin, elle soutient que les meubles meublants saisis lui appartiennent.


[19]            Toutefois, l'affidavit qu'elle soumet en l'espèce n'établit pas que c'est elle et non son conjoint qui est en possession desdits biens.

[20]            Même si l'on reconnaissait pour fin d'argument que Mme Guérin participe à la possession de ces biens, il ressort qu'elle n'a soumis que très peu de factures qui visent les biens saisis. De plus, la preuve révèle que cette dernière n'a pas de revenu, outre possiblement des allocations familiales pour ses deux enfants, ou d'emploi depuis 1997.

[21]            En ce sens, trois des meubles saisis (soit une bergère inclinable, un sofa et une causeuse) réclamés par Mme Guérin sont financés en réalité par un financement obtenu par son conjoint, le débiteur saisi en l'espèce.

[22]            Je suis en accord avec la créancière saisissante pour soutenir que le fait que l'opposante se permette de déclarer que la bergère inclinable, le sofa et la causeuse en cuir saisis sont les siens malgré le fait que le financement soit au nom de son conjoint entache sa crédibilité de façon telle qu'on ne puisse croire que les autres biens qu'elle déclare être les siens, sans fournir de facture, sont vraiment sa propriété.

[23]            Compte tenu des motifs qui précèdent, l'opposante ne m'a pas convaincu que c'est elle et non son conjoint qui est propriétaire des meubles meublants saisis. En conséquence, son opposition doit également être rejetée.

[24]            Une ordonnance sera émise en conséquence.

Richard Morneau

protonotaire

Montréal (Québec)

le 20 juillet 2004


                                     COUR FÉDÉRALE

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ:


ITA-2025-04

Dans l'affaire de la Loi de l'impôt sur le revenu,

- et -

Dans l'affaire d'une cotisation ou des cotisations établies par le ministre du Revenu national en vertu d'une ou plusieurs des lois suivantes: la Loi de l'impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l'assurance-emploi,

CONTRE :

PIERRE BENOIT

                                                            débiteur judiciaire

et

CHANTALE GUÉRIN

                                                                        opposante

et

MAXIME DUBOIS

                                                                          opposant


LIEU DE L'AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                           12 juillet 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               Me Richard Morneau, protonotaire

DATE DES MOTIFS :                                  20 juillet 2004

ONT COMPARU:


Me Julie Mousseau

pour la créancière saisissante

Me Marc E. Barchichat

pour les opposants


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour la créancière saisissante

Barchichat et Associés

Montréal (Québec)

pour les opposants

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