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                                                                                                                                 Date : 20050120

                                                                                                                    Dossier : IMM-9625-03

                                                                                                                    Référence : 2005 CF 88

ENTRE :

                                                   JOYCELIN ADINA HARDWARE

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

APERÇU

[1]                Peu de temps avant la date prévue pour son renvoi, Mme Hardware a demandé que son expulsion vers la Jamaïque soit repoussée d'au moins deux (2) mois pour des raisons de santé et à cause d'une affaire en instance. Après avoir étudié la demande, l'agent d'exécution a refusé de reporter l'expulsion de Mme Hardware sur la foi des documents que celle-ci avait produits et de l'avis médical transmis par son ministère. Il s'agit en l'espèce du contrôle judiciaire de ce refus.

CONTEXTE

[2]                L'asile a été refusé à Mme Hardware en octobre 2001 et la demande de résidence permanente qu'elle a présentée de l'intérieur du Canada pour des motifs d'ordre humanitaire a été rejetée en janvier 2003.


[3]                Le 5 novembre 2003, Mme Hardware a rencontré l'agent d'exécution qui a constaté ce qui suit : (1) Mme Hardware n'avait fait état d'aucun problème de santé; (2) aucune affaire n'était en instance; (3) une décision défavorable consécutive à un ERAR avait été signifiée à Mme Hardware.

[4]                Lorsque Mme Hardware s'est présentée avec son conseil de l'époque à l'entrevue préalable au renvoi, on lui a remis une convocation lui enjoignant de se présenter en vue de son renvoi le 9 décembre 2003. Le conseil de Mme Hardware a indiqué qu'elle avait déposé une demande de sursis à ce renvoi parce qu'une demande d'indemnité n'avait toujours pas été réglée. Un tel dépôt n'avait pas eu lieu.

[5]                Le 3 décembre 2003, Mme Hardware a demandé un sursis par la voix de son nouveau conseil en raison de ses problèmes de santé et de la demande d'indemnité en instance. La demande comportait : a) un affidavit de Mme Hardware auquel était jointe une évaluation des capacités fonctionnelles confirmant ses problèmes de santé et b) une lettre de son médecin, le docteur Tong.

[6]                Le docteur Tong écrivait dans sa lettre que Mme Hardware souffrait énormément par suite d'un accident d'automobile et qu'il était possible qu'elle doive subir une intervention chirurgicale. Le passage pertinent de sa courte lettre indique ce qui suit :

[TRADUCTION] À mon avis, la santé de Mme Hardware serait fortement compromise si elle était renvoyée du Canada à ce moment-ci. Son renvoi nuirait également à sa demande d'indemnité qui, d'un point de vue médical, est plusôt fondée.

[7]                Avant de rendre sa décision, l'agent d'exécution a demandé l'avis des services médicaux du ministère. Selon le rapport de ces services, Mme Hardware était en mesure de prendre l'avion. Les passages pertinents de cet avis mentionnent que le médecin des services médicaux du ministère a consulté le médecin de Mme Hardware avant de donner son avis :


[TRADUCTION] J'ai parlé au docteur Tong. Mme Hardware a eu un accident d'automobile en novembre 2001. Elle n'a jamais été hospitalisée, l'IRM qui a été effectuée était normale, elle suit des traitements de physiothérapie et la poursuite qu'elle a intentée contre l'autre conducteur est toujours en instance selon le docteur Tong.

Compte tenu de l'historique de l'affaire, de votre preuve et des commentaires du docteur Tong, je suis d'avis que Mme Hardware est en mesure de prendre l'avion si cela est nécessaire.

[8]                L'agent d'exécution a aussi consulté le ministère de la Justice au sujet des répercussions du renvoi sur l'affaire en instance. Selon l'avis qu'il a obtenu, bien que son renvoi rendrait les communications plus difficiles, il n'empêcherait pas Mme Hardware d'aller de l'avant avec sa poursuite.

[9]                Il s'avère que cette poursuite a été déposée devant la cour des petites créances peu de temps avant la demande de sursis en cause en l'espèce. Mme Hardware n'a pas pu expliquer de manière satisfaisante à la Cour pourquoi elle avait intenté à ce moment-là cette poursuite en dommages-intérêts de 10 000 $.

[10]            En refusant de surseoir au renvoi, l'agent d'exécution a indiqué qu'il avait tenu compte des avis médicaux, des antécédents de Mme Hardware en matière d'immigration, notamment les conclusions sur lesquelles reposait la décision de rejeter sa demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, et des difficultés auxquelles elle pourrait être exposée dans le cadre de sa poursuite civile. Il a conclu qu'il n'y avait pas de motifs suffisants de surseoir au renvoi.

[11]            La juge Gauthier, de la Cour, a ordonné un sursis à l'expulsion de Mme Hardware. Elle craignait, compte tenu des éléments dont elle disposait alors, que l'on n'ait pas tenu suffisamment compte des problèmes médicaux de celle-ci. La Cour a maintenant examiné les faits de façon plus approfondie que la juge Gauthier avait pu le faire vu le temps et les documents dont elle disposait à l'époque.


ANALYSE

[12]            La seule question qui doit être tranchée en l'espèce est celle de savoir si l'agent d'exécution a commis une erreur lorsqu'il a exercé son pouvoir discrétionnaire et a décidé de ne pas surseoir au renvoi.

[13]            Le pouvoir discrétionnaire que peut exercer un agent d'exécution est très limité suivant l'article 48 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

[14]            Mme Hardware s'est beaucoup appuyée sur la décision Prasad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 805, dans laquelle le juge Russell a statué que l'agent d'exécution peut tenir compte des circonstances qui influent directement sur les préparatifs de voyage ainsi que des circonstances particulières de l'affaire. De plus, un agent peut entraver illégalement l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en ne tenant pas compte de circonstances impérieuses propres à la personne visée, par exemple sa sécurité personnelle ou sa santé.

[15]            Je souscris aux commentaires du juge Russell sur cet aspect des obligations découlant de l'article 48.

[16]            La décision Prasad n'est cependant d'aucune aide pour Mme Hardware. Il incombe au demandeur de démontrer qu'il existe des circonstances particulières. Comme la décision de l'agent d'exécution l'indique, c'est parce que Mme Hardware ne l'a pas fait qu'il a refusé de surseoir à son renvoi.


[17]            Une demande de sursis ne doit pas servir à contester la preuve d'un médecin expert, sauf dans les circonstances les plus exceptionnelles. Tous les problèmes médicaux de Mme Hardware ont ou auraient dû être abordés dans la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, laquelle a été rejetée. Aucun fait nouveau important n'a été porté à l'attention de l'agent d'exécution ou des services médicaux du ministère.

[18]            L'agent d'exécution a agi de manière tout à fait raisonnable. Il a demandé un avis médical et le médecin qui lui a donné cet avis a examiné les documents fournis par Mme Hardware et a parlé directement au médecin de celle-ci. Il n'y avait aucune preuve médicale convaincante de l'existence de circonstances particulières.

[19]            L'agent d'exécution a aussi demandé un avis juridique sur les répercussions du renvoi sur la poursuite intentée par Mme Hardware. Cela aurait pu être une raison valable de surseoir au renvoi, ce dont je doute fort, et l'agent d'exécution a pris ce facteur en considération.

[20]            Compte tenu de la preuve dont l'agent d'exécution disposait, notamment les avis médicaux et l'avis juridique, il est difficile de voir ce qu'il aurait pu faire de plus. C'est à Mme Hardware qu'il incombe en entier de démontrer qu'il existe des circonstances particulières.

[21]            Comme son avocat l'a expliqué à la Cour, Mme Hardware avait simplement demandé que son renvoi soit repoussé de deux mois afin qu'elle puisse mettre à jour sa situation médicale. L'ordonnance de la juge Gauthier a fait en sorte qu'elle a bénéficié de plus de temps. Or, aucune demande n'a été faite depuis cette ordonnance afin que soient présentés de nouveaux éléments de preuve confirmant que l'agent d'exécution avait commis une erreur de fait en rendant sa décision ou démontrant que des circonstances particulières existaient.


[22]            Compte tenu de toutes ces circonstances, la Cour ne voit aucune raison d'infirmer la décision rendue par l'agent d'exécution dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[23]            Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                           « Michael L. Phelan »                      

                                                                                                                                                     Juge                                 

Traduction certifiée conforme

D. Laberge, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           IMM-9625-03

INTITULÉ :                                                          JOYCELIN ADINA HARDWARE

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                  LE 9 DÉCEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                     LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                         LE 20 JANVIER 2005

COMPARUTIONS :

Dwight Jenkins                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Sally Thomas                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dwight Jenkins                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Oshawa (Ontario)

John H. Sims                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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