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Date : 20050929

Dossier : IMM-7766-04

Référence : 2005 CF 1338

Toronto (Ontario), le 29 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

                                                               KYONG-U ZEON

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La décision sous examen en l'espèce est celle qu'un agent des visas (l'agent) de l'ambassade du Canada à Seoul, en Corée (l'ambassade), a prise lorsqu'il a conclu que le demandeur était interdit de territoire au Canada pour criminalité en application de l'alinéa 36(2)c) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LICR). Le demandeur conteste la décision en soutenant principalement que celle-ci ne respecte pas la norme de la décision raisonnable, parce que les motifs sont insuffisants et qu'elle a été rendue contrairement à l'équité procédurale. Pour les motifs exposés ci-après, je souscris aux deux arguments.

[2]                La présente affaire concerne des conclusions d'interdiction de territoire formulées en application de l'article 11 et de l'alinéa 36(2)c) de la LIPR, qui se lisent respectivement comme suit :

Article 11 :


11. (1) L'étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l'agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d'un contrôle, qu'il n'est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document shall be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.


Alinéa 36(2)c) :


(2) Emportent, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour criminalité les faits suivants :

[...]

c) commettre, à l'extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation;

(2) A foreign national is inadmissible on grounds of criminality for

[...]

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an indictable offence under an Act of Parliament;


[3]                Les circonstances qui ont donné lieu à la décision ne sont pas contestées.


[4]                Le demandeur a signé un accord d'investissement et a demandé des visas de résident permanent conformément au Programme d'immigration des investisseurs fédéral. L'épouse et les enfants du demandeur se trouvent au Canada depuis juin 2002, ayant obtenu des visas d'étudiant étranger. Le demandeur était préoccupé par la lenteur du traitement de sa demande de visa, parce qu'il voulait inscrire sa fille dans une école particulière au plus tard le 5 juillet 2004; il s'est donc rendu à l'ambassade à plusieurs reprises et a posé différentes questions, mais n'a reçu aucune réponse au sujet de l'état de sa demande de visa. Enfin, le 24 juin 2004, le demandeur a décidé de régler la question en versant un paiement et, ce jour-là, il a remis en mains propres au préposé à la réception de l'ambassade du Canada une enveloppe qui contenait une somme d'environ 590 $CAN et une note demandant le traitement accéléré de sa demande.

[5]                Le lendemain, le demandeur a été informé que ses visas étaient prêts; cependant, lorsqu'il est arrivé à l'ambassade, il a appris que la délivrance des visas serait reportée parce que le paiement qu'il avait versé était considéré comme un pot-de-vin. Le demandeur a ensuite fait parvenir au consul de l'ambassade une lettre dans laquelle il a expliqué ses intentions et les raisons qui l'ont poussé à agir ainsi. Le demandeur a été interrogé par l'agent des visas à l'ambassade le 6 juillet 2004 et a alors été avisé que la remise de l'enveloppe était un geste qui le rendait interdit de territoire au Canada.

A. La preuve


[6]                Exception faite des circonstances non contestées qui sont exposées ci-dessus, il n'y a que trois sources de preuve au sujet des facteurs sur lesquels repose la décision prise en application de l'alinéa 36(2)c) : les dossiers informatisés des notes de l'agent (les notes) qui ont été prises le jour où le demandeur a été interrogé, la lettre d'avis envoyée au demandeur le 15 juillet 2004 (la lettre) et l'affidavit que le demandeur a déposé au soutien de la présente demande (l'affidavit). L'agent n'a déposé aucun affidavit.

[7]                Voici les extraits pertinents des notes sous leur forme originale :

[TRADUCTION]

L'intéressé s'est rendu au bureau de l'immigration le 24 juin 2004. Il voulait remettre une enveloppe et a insisté pour remettre l'enveloppe directement au préposé à la réception et non la laisser dans la boîte de dépôt. Le préposé a accepté l'enveloppe sans l'examiner.

Le 25 juin 2004, le personnel du bureau d'enregistrement a ouvert l'enveloppe et y a trouvé une lettre de l'intéressé ainsi qu'une liasse de billets de banque. Selon la bande élastique entourant les billets, le montant s'élevait à 500 000 KRW, soit environ 590 $CAN. Dans la lettre, la délivrance des visas était demandée d'ici le 25 juin 2004. Le montant exact n'est pas connu, la bande élastique n'a pas été brisée et les billets n'ont pas été comptés.

Le personnel du bureau d'enregistrement a immédiatement signalé la remise de l'enveloppe au superviseur du bureau, qui a lui-même fait un rapport à ce sujet au directeur du traitement des données (DTD) et au gestionnaire du programme d'immigration (GPI).

La demande a été présentée sous forme finale le 23 juin 2004 et les visas ont été imprimés le lendemain. Les visas n'ont pas été acheminés au bureau des passeports et n'ont pas été remis à l'intéressé en raison de l'enquête en cours au sujet de la remise par celui-ci d'une somme d'argent à la réception et de l'évaluation s'y rapportant.

B044077865 DAV 25 JUIN 2004

L'intéressé s'est présenté à la réception le 25 juin 2004 et a dit que son avocat l'avait informé que ses visas étaient prêts. L'intéressé a été informé que sa demande était encore sous étude et qu'il serait joint si d'autres mesures étaient nécessaires.

B044077865 DAV 25 JUIN 2004

Entrevue à 9 h, le mardi 6 JUILLET 2004. Avis donné à l'intéressé.

B044077865 SSY 29 JUIN 2004

- L'intéressé s'est présenté pour son entrevue à 9 h, le 6 juillet 2004

- Traduction faite par Helen Yoo

- L'intéressé a reconnu avoir remis une enveloppe contenant de l'argent

- L'intéressé a reconnu que la lettre jointe aux billets de banque était sa lettre et que l'écriture était la sienne


- L'intéressé a reconnu ses paroles subséquentes concernant l'argent et sa demande de traitement accéléré

(L'argent a été remis à l'intéressé, en présence du directeur de programme intérimaire et de la traductrice)

- L'intéressé s'est fait demander à maintes reprises s'il savait que le fait de donner de l'argent était un problème

- L'intéressé a admis qu'il éprouvait des remords à cet égard

- Il a dit qu'il avait fait la même chose pour obtenir un visa de l'ambassade de la Chine et que sa démarche avait porté fruit

- Il a dit qu'il ne savait pas qu'il y avait une différence culturelle entre le Canada et la Chine

- Il s'est excusé d'avoir donné de l'argent

- Informé l'intéressé que le geste allait à l'encontre de la Loi sur l'immigration

- Motifs raisonnables de croire que l'intéressé avait commis un acte allant à l'encontre de la Loi

- Il a commis un acte qui serait contraire au Code criminel du Canada

- Il a tenté de soudoyer un fonctionnaire

- L'intéressé n'avait pas l'intention de commettre ce geste, il savait que les documents étaient corrects

- Alors, vous avez donné l'argent pour obtenir les visas plus rapidement?

- Je l'ai fait pour ma fille, pour qu'elle soit admise au collège

- Avisé l'intéressé au sujet du permis d'études pour les enfants

- Avisé l'intéressé qu'il était désormais interdit de territoire pour criminalité

- Avisé l'intéressé qu'il serait incapable de faire des séjours au Canada

- Avisé l'intéressé qu'une lettre de refus lui serait envoyée d'ici une semaine ou 10 jours

- La lettre fera état des motifs du refus et de la durée de l'interdiction de territoire ainsi que de la date à laquelle il ne serait plus interdit de territoire.

[Non souligné dans l'original.]

(Dossier du tribunal, aux pages 2 à 4.)

Voici le texte de la lettre :

[TRADUCTION]

Après avoir examiné à fond tous les aspects de votre demande et les renseignements à l'appui, j'ai décidé que vous ne respectiez pas les exigences relatives à un visa de résidence permanente, parce que vous êtes une personne visée à l'alinéa 36(2)c) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. En conséquence, vous êtes interdit de territoire au Canada pour criminalité.

Selon l'alinéa 36(2)c), l'étranger qui a commis, à l'extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation est interdit de territoire.

Le 30 juin 2004, vous avez commis une infraction en Corée, soit une offre de pot-de-vin. Il s'agissait d'une infraction selon la loi de l'endroit où elle a été commise. L'article 133 de la Korean Criminal Act prévoit ce qui suit :


[TRADUCTION] (1) Quiconque verse ou promet ou manifeste la volonté de verser un pot-de-vin au sens des articles 129 à 132 est passible d'une peine d'emprisonnement d'au plus cinq ans ou d'une amende d'au plus vingt millions de won < modifié par la loi numéro 5057, 29 décembre 1995 > .

Si cet acte avait été commis au Canada, il aurait constitué une infraction visée à l'alinéa 121(1)a) du Code criminel du Canada, « fraudes envers le gouvernement » , laquelle est punissable par mise en accusation et passible d'une peine d'emprisonnement d'au plus cinq ans.

Le paragraphe 11(1) de la Loi énonce que les visas ou autres documents exigés sont délivrés sur preuve, à la suite d'un contrôle, que l'étranger n'est pas interdit de territoire et se conforme à la Loi. Je suis convaincu que vous êtes interdit de territoire pour les motifs exposés ci-dessus. Par conséquent, je refuse votre demande conformément au paragraphe 11(1) de la Loi.

Cette interdiction de territoire s'applique également à tout séjour au Canada comme visiteur, dans votre cas. En conséquence, vous ne devriez pas tenter de venir au Canada.

L'étranger qui est interdit de territoire au titre de l'alinéa 36(2)c) peut tenter de convaincre le ministre de sa réadaptation lorsqu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis la perpétration de l'infraction et qu'il n'a commis aucune autre infraction ni n'a été déclaré coupable d'une autre infraction par la suite. Lorsqu'une période de 10 ans s'est écoulée depuis la perpétration de l'infraction, l'étranger peut être présumé réadapté.

(Dossier du tribunal, aux pages 35 et 36.)

Voici les extraits pertinents de l'affidavit :

[TRADUCTION]

Le 24 juin 2000, j'ai décidé de faire accélérer les choses en versant un paiement afin d'obtenir un service prioritaire. Je l'avais déjà fait dans le même but relativement à l'acquisition d'un visa à l'ambassade de la Chine et j'ai pensé qu'il s'agissait d'une démarche régulière à suivre pour obtenir un service prioritaire. Je me suis rendu à l'ambassade du Canada à Seoul avec une enveloppe contenant l'équivalent d'environ 590 $CAN ainsi qu'une lettre dans laquelle je demandais que les visas soient délivrés d'ici le 25 juin. Lorsque je suis arrivé à la réception du bureau de l'immigration, le préposé m'a dit de laisser mon enveloppe dans la boîte de dépôt, mais je tenais à ce que les visas soient délivrés le lendemain. Le préposé a accepté l'enveloppe sans l'examiner. L'argent contenu dans l'enveloppe n'était manifestement pas destiné à l'usage personnel de qui que ce soit à l'ambassade et je n'ai certainement pas communiqué une intention de ce genre au préposé à la réception. J'ai voulu en tout temps que cet argent serve de frais de traitement pour le bureau pertinent chargé de faciliter la procédure.


Le lendemain, j'ai appris de mon avocat que les visas avaient été approuvés et étaient prêts. Cependant, lorsque je suis arrivé à la réception, j'ai été informé que ma demande était encore sous examen. Ce jour-là, le bureau d'enregistrement de l'ambassade a ouvert mon enveloppe et a immédiatement signalé la remise de l'argent au superviseur, qui a ensuite informé le directeur du traitement des données et le gestionnaire du programme d'immigration de mon geste.

Lorsque j'ai appris que l'ambassade avait considéré mon paiement comme un pot-de-vin et que, de ce fait, la délivrance des visas serait reportée, j'ai été étonné et j'ai éprouvé des remords. Même si je n'avais certainement pas l'intention de verser un pot-de-vin, j'ai compris que mon acte était interprété de cette façon et j'ai regretté d'avoir commis ce qui m'a alors semblé être une erreur. Le 29 juin, j'ai fait parvenir à Mark Floyd, consul de l'ambassade du Canada à Seoul, une lettre dans laquelle je lui ai exposé ma situation et l'ai informé que j'avais commis une erreur.

Le 6 juillet 2004, j'ai été interrogé à l'ambassade. J'ai alors reconnu avoir remis l'enveloppe et j'ai affirmé que j'éprouvais des remords, surtout lorsque l'agent qui m'a interrogé m'a dit que mon acte allait à l'encontre de la Loi sur l'immigration. À l'époque, j'ignorais la loi canadienne et, lorsque j'ai été informé que mon acte était à la fois illégal et contraire aux normes de conduite canadiennes, j'ai cru l'agent sur parole. Cependant, j'ai répété que je n'avais pas l'intention de soudoyer qui que ce soit et que j'ai remis l'argent simplement afin que le visa soit délivré plus tôt, parce qu'il y avait une date limite pour l'inscription de mon enfant à l'école. Je me suis fait dire pendant l'entrevue que j'étais interdit de territoire au Canada pour criminalité, que je recevrais une lettre de refus d'ici une semaine à dix jours et que les motifs de ce refus seraient expliqués dans cette lettre.

Le 8 juillet, Mme Wasilewski a fait parvenir à M. Mark Floyd une lettre dans laquelle elle a expliqué que je n'avais nullement l'intention de verser un pot-de-vin et que je croyais que la somme d'argent correspondait simplement à des frais relatifs à un service accéléré. Mme Wasilewski a demandé à M. Floyd de tenir compte de l'ensemble des circonstances de mon affaire. J'avais déjà investi une somme de 400 000 $ et obtenu une décision favorable relativement à ma demande de visa. Mme Wasilewski a souligné dans sa lettre qu'il aurait été illogique de ma part de mettre en péril mon avenir en tentant de verser un pot-de-vin de 600 $CAN à un fonctionnaire alors que ma demande était approuvée. Mme Wasilewski a soulevé la possibilité que l'agent ait mal évalué ma conduite et a demandé qu'on m'accorde le bénéfice du doute.

Le 15 juillet 2004, j'ai reçu la lettre de refus qui m'avait été promise le 6 juillet. Dans la lettre elle-même, il était simplement mentionné que j'avais commis une infraction (offre de pot-de-vin) selon la loi coréenne et que cette infraction serait considérée comme une fraude envers le gouvernement au Canada. Il n'est nullement mentionné dans la lettre que l'agent avait examiné mes assertions selon lesquelles je n'avais pas l'intention de soudoyer qui que ce soit. Il n'est nullement question non plus de la préoccupation que j'avais exprimée au sujet de la date limite fixée pour l'inscription de mon enfant à un établissement scolaire ou encore de mon explication selon laquelle j'avais l'intention de donner ce qui me semblait correspondre à des frais de traitement relatifs à un service accéléré. Compte tenu du contenu de la lettre et de la façon dont l'entrevue s'est déroulée, je ne sais pas si l'agent a simplement jugé que je n'étais pas crédible ou s'il a plutôt ignoré ma preuve ou choisi de ne pas en tenir compte.

(Dossier de la demande du demandeur, aux pages 17 à 20.)


B. Caractère insuffisant de la décision rendue

[8]                Il est indéniable que la décision prévue à l'alinéa 36(2)c) de la LIPR porte sur des questions complexes. Selon cette disposition, une conclusion doit être tirée au sujet de l'exigence de « double criminalité » . L'article 33 de la LIPR prévoit que les faits sur lesquels reposent les conclusions relatives à chacune de ces exigences doivent être appréciés simplement sur la base de « motifs raisonnables de croire » qu'ils sont survenus; néanmoins, les deux conclusions suivantes doivent être tirées : le demandeur a commis une infraction selon le droit étranger et cette infraction a un équivalent en droit canadien. Pour rendre une décision raisonnable en application de l'alinéa 36(2)c), l'agent des visas doit fournir une analyse critique de la façon dont il est possible de dire, en se fondant sur des motifs raisonnables de croire, qu'un demandeur de visa a commis un acte qui constitue une infraction dans un territoire étranger et que l'acte en question constituerait également une infraction au Canada. L'agent des visas doit satisfaire à chacune de ces exigences juridiques, si complexes soient-elles, afin d'éviter que sa décision soit annulée lors d'un contrôle judiciaire (voir Valery c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 4 C.F. 42 (1re inst.), Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1971 (1re inst.), et Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 1 C.F. 235 (C.A.)).


[9]                Une des questions principales qui se posent en l'espèce est de savoir à quel moment la décision prise en application de l'alinéa 36(2)c) l'a été. À mon avis, les notes démontrent que la décision a été prise pendant l'entrevue, quelques jours avant la rédaction de la lettre. En conséquence, il semble que la conclusion formulée dans la lettre quant à l'équivalence constitue ce que j'appellerais du « remplissage » visant à faire ce qui n'a pas été fait, mais aurait dû l'être avant la décision.

[10]            En effet, non seulement n'y a-t-il pas la moindre preuve que l'analyse critique exigée du droit coréen et du droit canadien avait été amorcée et était terminée avant que la décision soit annoncée pendant l'entrevue, mais certains éléments de preuve montrent le contraire. L'agent des visas renvoie uniquement au droit canadien lorsqu'il mentionne dans les notes que l'acte du demandeur allait à l'encontre de la Loi sur l'immigration et du Code criminel du Canada, car il [TRADUCTION] « a tenté de soudoyer un fonctionnaire canadien » . En conséquence, je suis d'avis que la décision a été rendue sans l'analyse critique de l'équivalence exigée par l'alinéa 36(2)c).

[11]            Au cours des plaidoiries, l'avocate du défendeur a fait valoir que les mots figurant à la fin des notes, selon lesquels les motifs du refus seraient expliqués dans une lettre, corrigent toute lacune découlant de l'entrevue et touchant le processus décisionnel. Je ne souscris pas à cet argument. À mon avis, indépendamment de ce que l'agent a voulu dire par ce commentaire, celui-ci ne permet pas de conclure que l'analyse complexe de la double criminalité exigée par l'alinéa 36(2)c) a été menée avant que la décision soit prise.

[12]            En conséquence, je suis d'avis que la décision est insuffisante et, de ce fait, déraisonnable.

C. Manquement à l'équité procédurale

[13]            À mon avis, une lecture des notes et de l'affidavit ne permet pas de déterminer avec précision le contenu de la conversation qui a eu lieu entre l'agent et le demandeur. Il appert des notes que l'agent a cru que le demandeur avait admis sa culpabilité alors que, dans l'affidavit, le demandeur déclare sous serment qu'aucune admission de cette nature n'avait été faite. À mon sens, il est très important de connaître la nature exacte de la conversation afin d'évaluer le caractère raisonnable de la décision sous examen.

[14]            En ce qui concerne le type de processus décisionnel qui a été suivi dans la présente affaire, pour s'acquitter du devoir d'équité minimal qui lui incombe à l'endroit d'une personne à laquelle il demande des explications sur des faits qu'il estime accablants, le décideur doit prouver avec précision le contenu de la conversation sur laquelle il s'est fondé pour en arriver à sa décision. À cette fin, il peut utiliser, par exemple, une transcription des propos échangés, un enregistrement de la conversation, un compte rendu écrit détaillé sous forme de notes prises pendant la conversation ou un affidavit dans lequel il relate en détail ce qui a été dit. Dans la présente affaire, le seul registre que l'agent a fourni au sujet de la conversation en question se limite aux notes brèves et ambiguës et j'estime qu'elles ne respectent pas la norme de preuve requise.


[15]            À mon sens, ce manquement à l'équité procédurale constitue une erreur susceptible de révision.

[16]            L'avocate du défendeur propose la question suivante aux fins de la certification :

Y a-t-il manquement à l'équité procédurale lorsque le demandeur est informé qu'il est interdit de territoire et qu'il reçoit subséquemment des motifs écrits exposant le fondement de cette décision?

[17]            À mon avis, la question posée n'est pas une question de portée générale. Les conclusions formulées dans les présents motifs au sujet de la qualité de la décision qui a été prise et du moment où elle l'a été dépendent de la preuve particulière qui a été présentée en l'espèce.

                                        ORDONNANCE

En conséquence, j'annule la décision de l'agent et je renvoie l'affaire à un agent des visas différent en vue d'un nouvel examen. J'ordonne que la décision soit prise à la lumière d'une nouvelle preuve et que le nouvel examen ait lieu en présence de l'avocat du demandeur, si celui-ci le désire.

                                                                      « Douglas R. Campbell »                   

                                                                                                     Juge                                   

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-7766-04

INTITULÉ :                                        KYONG-U ZEON

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 20 SEPTEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE :              LE 29 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Mario Bellissimo                                    POUR LE DEMANDEUR

Janet Chisholm                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mario Bellissimo                                    POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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