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     IMM-461-96

OTTAWA (ONTARIO), le 20 juin 1997

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE MARC NADON

Entre :

     CHEN, CHIH-KAI,

     requérant,

     - et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DU CANADA,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                             "MARC NADON"

                        

                         Juge

Traduction certifiée conforme         

                         F. Blais, LL.L.

     IMM-461-96

Entre :

     CHEN, CHIH-KAI,

     requérant,

     - et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DU CANADA,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

     Le requérant demande le contrôle judiciaire d'une décision rendue par Virginia Hughes, agente des visas, le 8 janvier 1996. Dans cette décision, l'agente des visas a refusé la demande de résidence permanente au Canada qu'avait présentée le requérant.

     Les faits pertinents peuvent être résumés comme suit. Le père du requérant a obtenu la résidence permanente au Canada le 8 mai 1995 et il est arrivé à Vancouver (Colombie-Britannique), accompagné de son épouse et de sa fille le 4 juin 1995. La demande de résidence permanente du père avait été déposée au bureau d'Immigration Canada à Hong Kong le 4 août 1994. Une entrevue a eu lieu le 22 août 1994. Lorsque le père a présenté sa demande, son fils, qui est le requérant dans la présente instance, avait presque 23 ans.

     Dans son affidavit en date du 7 février 1996, le père déclare ceci au paragraphe 6 :

         [TRADUCTION]           
         Au cours de l'entrevue, j'ai expliqué à l'agent que mon fils n'avait pu obtenir un passeport parce qu'il faisait son service militaire à Taiwan. Je lui ai dit qu'il était obligatoire qu'un enfant de sexe masculin âgé de plus de 19 ans serve dans l'armée taiwanaise pendant au moins deux ans, et qu'il ne pouvait quitter Taiwan tant que cette obligation ne serait pas accomplie.           

     Cette déclaration est assez surprenante étant donné que le requérant, dans son affidavit également daté du 7 février 1996, déclare au paragraphe 5 qu'il a fait son service militaire entre janvier 1992 et janvier 1994. Donc, quand le père a déposé sa demande en août 1994, et au moment de son entrevue, le 22 août 1994, le requérant avait déjà terminé son service militaire. En fait, quand le père a été convoqué en entrevue à Hong Kong, le requérant vivait en Colombie-Britannique où il était inscrit au programme d'immersion en anglais de l'université de la Colombie-Britannique où il a étudié d'avril 1994 à mars 1995. Jusqu'à l'arrivée de ses parents au Canada en juin 1995, le requérant a vécu seul dans un appartement loué pour lui par ses parents.

     Le père du requérant a fait une autre déclaration surprenante au paragraphe 7 de son affidavit. Dans ce paragraphe, le père déclare qu'au cours de l'entrevue du 22 août 1994 :

         [TRADUCTION]           
         L'agent m'a dit que mon fils pourrait demander la résidence permanente au Canada en tant que "dernier membre de la famille se trouvant à l'étranger" une fois qu'il aurait terminé son service militaire.           

     D'après l'affidavit du père, il semble qu'on ait donné de faux renseignements à l'agent des visas à Hong Kong. Apparemment, l'agent des visas ne savait pas que le requérant vivait déjà au Canada.

     Quand le père a demandé la résidence permanente en août 1994, le nom de son fils figurait sur la demande. Toutefois, le nom du requérant a été supprimé de la demande parce qu'il n'était pas une "personne à charge" selon la définition donnée dans le Règlement sur l'immigration de 1978 , C.R.C., ch. 940, (le Règlement). Aux termes du Règlement, un fils de 19 ou plus est un "fils à charge" s'il est inscrit à une université, un collège ou un autre établissement d'enseignement et y suit à plein temps des cours de formation générale, théorique ou professionnelle et qu'il est en grande partie à la charge financière de ses parents depuis la date de ses 19 ans. Si une telle personne interrompt ses études pendant une période continue qui n'excède pas un an, elle ne perd pas son statut de "fils à charge". En l'espèce, le requérant a cessé d'être un "fils à charge" au sens du Règlement parce qu'il a interrompu ses études pendant plus d'un an étant donné qu'il a effectué deux ans de service militaire de janvier 1992 à janvier 1994. Quand le requérant a commencé son service militaire, il avait déjà 20 ans.

     Le visa d'étudiant du requérant a été renouvelé en avril 1995, date à laquelle il s'est inscrit au Royal Oak College pour obtenir un diplôme en architecture résidentielle. Le 25 juillet 1995, Imperial Consultants Canada Ltd. de Vancouver a déposé un engagement au nom du père du requérant afin de parrainer le requérant dans la catégorie de la famille à titre d'enfant à charge de "Type II" (étudiant à plein temps). En décembre 1995, le requérant a déposé sa demande de résidence permanente. Cette demande a été reçue au Consulat général du Canada à Seattle le 12 décembre 1995.

     Le 8 janvier 1996, l'agente des visas a rendu la décision suivante :

         [TRADUCTION]           
         La présente concerne votre demande de résidence permanente au Canada.           
         J'ai maintenant terminé l'évaluation de votre demande et j'ai le regret de vous informer qu'il a été décidé que vous ne respectiez pas les conditions d'immigration au Canada, malgré l'aide offerte par votre parent au Canada. L'engagement d'aide qui a été déposé en votre nom indique que vous pourriez répondre à la définition d'enfant à charge étant donné que vous êtes étudiant à plein temps. Toutefois, pour être considéré comme un enfant à charge, un étudiant à plein temps ne peut pas interrompre ses études pendant plus d'un an après avoir atteint l'âge de 19 ans. Comme vous avez fait votre service militaire à Taiwan de janvier 1992 à janvier 1994, vous avez interrompu vos études pendant deux ans. Vous ne répondez donc pas à la définition d'enfant à charge. Notre bureau de Hong Kong a déjà établi ce fait et a informé votre père en conséquence au cours de son entrevue d'immigration qui a eu lieu à ce bureau le 22 août 1994.           
         Comme vous n'êtes pas membre de la catégorie de la famille, vous tombez dans la catégorie des parents aidés. Aux termes du paragraphe 8(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, les parents aidés sont appréciés en fonction de plusieurs facteurs, soit les études, la préparation professionnelle, l'expérience, la demande dans la profession, l'existence d'un emploi réservé ou désigné, le facteur démographique au Canada, l'âge, la connaissance du français et de l'anglais et la personnalité. Vous avez été évalué, d'après ces facteurs, pour l'occupation suivante :           
             Étudiant Code de la CCDP : 9999991           
         Le paragraphe 11(2) du Règlement sur l'immigration ne permet pas qu'un visa d'immigrant soit délivré à un requérant qui n'a obtenu aucun point d'appréciation au facteur de la demande dans la profession. Malheureusement, la demande au titre des étudiants au Canada est pour le moment nulle. Vous tombez donc dans la catégorie inadmissible des personnes visées à l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration et votre demande a été refusée.           
         J'ai également examiné les facteurs d'ordre humanitaire possibles, mais j'ai conclu qu'il n'y avait pas de motifs suffisants pour justifier un examen spécial.           
         En outre, j'ai examiné si le droit d'immigration au Canada pouvait vous être accordé en vertu de la politique concernant les personnes à charge ayant dépassé l'âge limite qui sont obligatoirement tenues de faire leur service militaire, comme le signale le "Résumé de l'étude d'impact de la réglementation du DORS 92/101" en date du 6 février 1992. Malheureusement, cette politique exige que la demande d'immigration au Canada visant un parent soit soumise avant le dix-neuvième anniversaire de la personne à charge ayant dépassé l'âge limite. La demande de vos parents a été reçue à notre bureau à Hong Kong le 8 août 1994, alors que vous avez déjà 22 ans et que vous aviez également terminé vos deux années de service militaire. Par conséquent, à mon avis, votre cas ne peut être traité en vertu de la politique précitée.           
         Vos parents devraient communiquer avec le Service du traitement centralisé à Mississauga afin de se faire rembourser les droits d'établissement qu'ils ont payés en votre nom.           
         Je me rends bien compte que cette décision sera une déception pour vous et je regrette qu'elle ne soit pas favorable.           

     Le litige dont je suis saisi concerne la conclusion de l'agente des visas indiquant qu'elle n'a pu trouver de raisons d'ordre humanitaire pour justifier un examen spécial. Les dispositions législatives ayant trait à cette question se trouvent au paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, à l'article 2.1 et au paragraphe 11(3) du Règlement. Les dispositions pertinentes sont les suivantes :

         114(2)      Le gouverneur en conseil peut, par règlement, autoriser le ministre à accorder, pour des raisons d'ordre humanitaire, une dispense d'application d'un règlement pris aux termes du paragraphe (1) ou faciliter l'admission de toute autre manière.           
         2.1      Le ministre est autorisé à accorder, pour des raisons d'ordre humanitaire, une dispense d'application d'un règlement pris aux termes du paragraphe 114(1) de la Loi ou à faciliter l'admission au Canada de toute autre manière. (DORS/93-44)           
         11(3)      L'agent des visas peut           
             a)      délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'obtient pas le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10 ou qui ne satisfait pas aux exigences du paragraphe (1) ou (2) [...]           
         s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier ou des personnes à sa charge de s'établir avec succès au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.           

     Comme le fait remarquer l'avocate de l'intimé au paragraphe 30 de son mémoire, "ni la loi, ni le règlement ne prévoit pas [sic] de critère ou procédure pour l'exercice du pouvoir de dispense et le pouvoir conféré au ministre est un pouvoir discrétionnaire".

     Donc, la décision prise par l'agente des visas dans les circonstances de l'espèce est tout à fait discrétionnaire. Dans l'arrêt Shah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 29 Imm. L.R. (2d) 82, le juge Hugessen de la Cour d'appel a résumé les principes régissant les demandes fondées sur des raisons d'ordre humanitaire aux pages 1 à 3 (A-617-92) :

             Il est bien établi que la teneur de l'obligation d'agir équitablement varie selon les circonstances. En l'espèce, nous sommes tous d'avis que la teneur de cette obligation était minimale. La décision visée [publiée à (1992), 55 F.T.R. 87] (dont la contestation a été rejetée par le jugement dont appel) a été rendue par une agente d'immigration chargée de faire une recommandation au gouverneur en conseil quant à l'exercice du pouvoir discrétionnaire de ce dernier d'accorder au requérant une dispense de l'application du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration pour des raisons d'ordre humanitaire. C'est le paragraphe 114(2) de la Loi qui lui confère le pouvoir d'accorder une dispense de cette nature. Cette décision relève entièrement de son jugement et de son pouvoir discrétionnaire et la Loi ne confère aucun droit au requérant en ce qui a trait au dispositif de cette décision. Il s'agit donc d'une décision différente de bien d'autres, par exemple, de celle d'un agent des visas saisi d'une demande parrainée du droit d'établissement, qui est tenu d'appliquer certains critères qui sont établis par la Loi et qui confèrent certains droits au requérant qui y satisfait.           
             En l'espèce, le requérant ne doit pas répondre à des allégations dont il faut lui donner avis; c'est plutôt à lui de convaincre la personne investie d'un pouvoir discrétionnaire qu'il doit recevoir un traitement exceptionnel et obtenir une dispense de l'application générale de la Loi. La tenue d'une audition et l'énoncé des motifs de la décision ne sont pas obligatoires. L'agente n'a pas l'obligation d'exposer au requérant les conclusions éventuelles qu'elle est susceptible de tirer des éléments dont elle dispose, ni même les éléments en apparence contradictoires qui sèment le doute dans son esprit. Si elle entend se fonder sur des éléments de preuve extrinsèques qui ne lui sont pas fournis par le requérant, elle doit bien sûr lui donner l'occasion d'y répondre. Toutefois, lorsqu'elle décèle l'existence d'éléments contradictoires, son omission de les porter expressément à l'attention du requérant peut avoir une incidence sur le poids qu'elle doit leur accorder par la suite, mais ne porte pas atteinte au caractère équitable de sa décision. Toute remarque incidente tirée des décisions In re H.K. (An Infant), Kaur v. Canada (Minister of Employment & Immigration), et Ramoutar c. Canada, qui pourrait être invoquée à l'appui de la prétention contraire, doit être interprétée dans ce sens.           
             Pour avoir gain de cause, la partie requérante doit démontrer que la personne investie d'un pouvoir discrétionnaire a commis une erreur de droit, a appliqué un principe erroné ou inapplicable ou a agi de mauvaise foi. Il s'agit d'un fardeau très lourd dont la partie requérante ne s'est pas acquittée. Le rejet de la requête était justifié.           
             L'appel sera donc rejeté.           
         [Renvois omis]           

     Ainsi donc, la question dont je suis saisi est de savoir si l'agente des visas a commis une erreur de droit, a appliqué un principe erroné ou inapplicable ou a agi de mauvaise foi. Comme l'indique le juge Hugessen, le fardeau de la preuve incombe au requérant et il s'agit d'un fardeau très lourd.

     En examinant les documents déposés par les parties dans leurs dossiers respectifs, je note que le requérant n'a pas demandé que l'agente des visas autorise son admission sur la base des raisons d'ordre humanitaire. Par conséquent, le requérant n'a fourni aucun élément de preuve ni aucun argument sur cette question. Au cours d'une conférence téléphonique avec les avocats, je leur ai demandé si l'omission du requérant de demander que l'agente des visas examine les raisons d'ordre humanitaire constituait une raison de ne pas lui donner gain de cause dans la présente demande. Les deux avocats m'ont fait leurs observations mais, en raison de la conclusion à laquelle j'en suis arrivé, il ne me sera pas nécessaire de me prononcer sur cette question particulière.

     Je commence mon analyse en partant de la prémisse que, dans sa décision, l'agente des visas a indiqué qu'elle avait examiné les raisons d'ordre humanitaire possibles et qu'elle n'en n'avait pas trouvées suffisamment pour justifier un examen spécial. Le dossier déposé par le ministre renferme l'affidavit de l'agente des visas en date du 3 mai 1996, dans lequel celle-ci déclare ce qui suit :

         [TRADUCTION]           
         12.      En évaluant le cas du requérant, j'ai examiné la possibilité d'appliquer le paragraphe 114(2) de la Loi. J'ai examiné s'il y avait des raisons d'ordre humanitaire pouvant justifier l'octroi au requérant d'une dispense spéciale de l'application de l'article 9 de la Loi, mais j'ai conclu qu'il n'y avait pas suffisamment de motifs pour justifier un examen spécial.           
         13.      J'en suis venue à cette conclusion après avoir tenu compte du fait que le père de M. Chih-Kai Chen devait avoir été au courant que son immigration pouvait entraîner la séparation de la famille étant donné que le Haut-Commissariat du Canada à Hong Kong l'avait informé que Chih-Kai Chen ne répondait pas aux dispositions réglementaires régissant les personnes à charge. Le fait qu'il n'ait pas déclaré son fils comme personne à charge quand il a obtenu le droit d'établissement au Canada le 4 juin 1995, m'a renforcée dans cette opinion.           
         19.      De toute façon, d'après les pièces dont j'étais saisie, je n'ai pas trouvé de preuve suffisante de la dépendance du requérant pour justifier que son cas soit traité en vertu de la politique décrite aux articles 1.17 et 1.32 du Guide IS.           

     L'agente des visas a été interrogée sur son affidavit par Me Weigel, avocat du requérant, le 26 septembre 1996. Avant d'aborder cet interrogatoire, il convient de dire quelques mots au sujet du paragraphe IS 1.171 du Guide de l'immigration. L'article 1.17 porte le titre suivant "Membres de la famille se trouvant toujours à l'étranger - Cas particuliers". L'article 1.17 indique que la réunion des familles constitue l'un des objectifs énoncés dans la politique canadienne d'immigration. Le texte indique que "certaines dispositions permettent l'admission de certains immigrants qui ne réunissent pas les conditions voulues, mais qui devraient toutefois être autorisés à élire domicile au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire". Le texte se poursuit en autorisant l'admission au Canada des "derniers membres de la famille se trouvant encore à l'étranger". Le paragraphe 1.17(2) est rédigé dans les termes suivants :

         2)      Derniers membres de la famille se trouvant encore à l'étranger           
             a)      La présente ligne directrice a pour objet d'indiquer une façon de procéder en vertu de laquelle le cas des personnes qui sont, à toutes fins pratiques, à la charge de leurs parents au Canada, peut être traité au même titre que celui des membres de la famille accompagnant le requérant principal, même si ces personnes ne sont pas proprement dites des membres de la catégorie de la famille, selon la définition qu'en donne le Règlement. Certains cas pourront être étudiés au moment où immigre la cellule familiale, ou par la suite.           
             b)      En raison de la nature de certains cas (fondée sur les faits comme ils sont présentés) qui seront portés à l'attention des agents d'immigration au Canada et des agents des visas à l'étranger, et dans le contexte du milieu social et économique où vivent les personnes concernées, il faudra faciliter l'admission du parent. En d'autres occasions, il pourra s'agir de personnes à l'égard desquelles la définition légale de "catégorie de la famille" ne s'est jamais appliquée, mais qui sont néanmoins des membres de fait de la cellule familiale, comme une vieille tante ou un vieux domestique âgé qui demeurait avec la famille avant que celle-ci vienne au Canada. Les problèmes d'ordre financier ou émotif que l'immigrant pourrait avoir sans le soutien et l'aide de la cellule familiale qui immigre au Canada ou qui y est déjà installée demeurent les principaux facteurs dont il faut tenir compte.           
             c)      Cet état de dépendance peut prendre diverses formes. Il peut s'agir d'une dépendance qui existait avant l'arrivée au Canada de la famille de la personne concernée pour ensuite se poursuivre sans interruption. Par ailleurs, cette situation peut également survenir par suite de problèmes personnels d'ordre financier ou en raison du décès ou de l'invalidité d'un des principaux soutiens de famille.           
             d)      Dans les cas où des membres de la famille dépendent de cette dernière, les personnes visées ci-dessous peuvent être considérées comme des personnes à la charge de la famille et dont le cas comporte des considérations d'ordre humanitaire ou des motifs de commisération lorsque ces personnes peuvent prouver qu'elles dépendent effectivement de parents au Canada pour des raisons d'ordre émotif et financier :           
                 i)      une personne âgée, non mariée ou veuve, ayant un lien quelconque de parenté avec le chef de famille, qui est considérée comme un membre de fait de la famille, qui habite normalement ou habitait avec la famille et qui n'a personne d'autre sur qui compter pour subvenir à ses besoins;           
                 ii)      un garçon ou une fille, bien que n'étant pas l'enfant du chef de famille ni de son conjoint, qui est un membre de fait de la famille immédiate depuis longtemps;           
                 iii)      dernier frère ou dernière soeur célibataire encore à l'étranger, dont les parents sont tous deux décédés et qui dépend de ses frères ou soeurs résidant de façon permanente au Canada;           
                 iv)      un membre de la famille veuf(veuve) ou célibataire (il n'est pas nécessaire qu'il soit du même sang - voir i) et ii) ci-dessus), qui ne dépendait pas de sa famille au moment où celle-ci est venue au Canada, mais qui, depuis lors, se retrouve manifestement à la charge de ses parents au Canada parce qu'il(elle) a subi de graves blessures, ou, s'il s'agit d'une famille, par suite de la perte d'un des principaux soutiens de famille. Il faudrait, dans ce cas, que les membres de la famille établis au Canada désirent sincèrement se charger de subvenir aux besoins du(des) parent(s) concerné(s) et que leur situation financière le leur permette;           
                 v)      un domestique âgé célibataire ou veuf qui demeurait avec la famille du résident canadien ou qui avait demeuré avec celle-ci avant qu'elle vienne au Canada.           
             e)      Lorsqu'il s'agit d'établir si cette ligne de conduite doit s'appliquer à un cas particulier, l'examinateur doit tenir compte de tous les facteurs économiques et sociaux que comporte la situation de la famille en question afin de déterminer si le requérant dépend effectivement de parents au Canada pour des raisons d'ordre émotif et financier.           

     Je passe maintenant à l'interrogatoire de l'agente des visas sur son affidavit. L'agente des visas a déclaré qu'en examinant les raisons d'ordre humanitaire, elle avait tenu compte de la politique énoncée aux articles IS 1.17 et 1.32 du Guide de l'immigration. À la page 25 de la transcription, l'agente des visas déclare ceci :

         [TRADUCTION]           
         Ma lettre de refus ne faisait pas précisément mention du fait que j'avais examiné son cas en vertu de cette politique. Mais c'est effectivement ce que j'ai fait alors que j'examinais les motifs d'ordre humanitaire.           

     Aux pages 28, 29 et 30 de la transcription, l'agente des visas est interrogée plus particulièrement sur les critères ayant trait à la politique relative au dernier membre de la famille se trouvant encore à l'étranger.

         106.      Q.      D'accord. Maintenant, vous dites que vous avez consulté les articles 1.17 et 1.32, est-ce exact?           
             R.      C'est exact, Monsieur.           
         107.      Q.      Bon, n'est-il pas exact que les articles 1.17 et 1.32 parlent de dépendance pour des raisons d'ordre émotif et financier?           
             R.      C'est ça, Monsieur.           
         108.      Q.      Et ces articles donnent divers exemples de cas hypothétiques de personnes qui pourraient être admissibles en vertu de cette politique?           
             R.      C'est ça, Monsieur.           
         109.      Q.      D'accord. Quels sont ces exemples?           
             R.      Vous voulez que je vous cite le règlement, Monsieur? Ou le Guide IS lui-même?           
         110.      Q.      Oui, oui, des extraits du Guide.           
             R.      [...] vous voulez que je cite l'article 1.17 ou 1.32, Monsieur?           
         111.      Q.      Je pense que l'article 1.17 est la disposition générique.           
             R.      Bon, quel paragraphe voulez-vous que je cite précisément, Monsieur?           
         112.      Q.      Non, je vous demande si vous pouvez me citer certains des exemples qui sont mentionnés dans cet article. Vous pouvez les énumérer tous ou certains d'entre eux.           
             R.      Bon, on dit ceci :           
                 En d'autres occasions, il pourra s'agir de personnes à l'égard desquelles la définition légale de "catégorie de la famille" ne s'est jamais appliquée, mais qui sont néanmoins des membres de fait de la cellule familiale, comme une vieille tante ou un vieux domestique âgé qui demeurait avec la famille avant que celle-ci vienne au Canada.           
         113.      Q.      D'accord. Maintenant, il s'agit simplement d'exemples, n'est-ce pas?           
             R.      C'est ce que je crois comprendre, Monsieur. On dit "il pourra s'agir".           
         114.      Q.      Donc, il pourrait s'agir d'un étudiant de 22 ans?           
             R.      Probablement qu'il pourrait s'agir d'un étudiant de 22 ans, selon les circonstances, mais, encore une fois, Monsieur, cela est hypothétique.           
         115.      Q.      Bien sûr.           
             R.      D'après mon interprétation de cette affaire, le requérant, M. Chen, Chih Kai, également connu sous le nom de Jackie, ne peut être visé par cet article.           
         116.      Q.      D'accord. C'est parce qu'il ne dépendait pas financièrement de ses parents?           
             R.      Il n'a pas été clairement établi quelle était sa dépendance financière à l'égard de ses parents, mais de façon générale ce n'est pas ce que je crois comprendre de la politique concernant le dernier membre de la famille se trouvant encore à l'étranger.           
         117.      Q.      Je vois. Qu'en est-il de la dépendance émotive?           
             R.      Et bien, je ne sais pas s'il y avait une dépendance émotive dans ce cas. Aucune preuve ne m'a été fournie indiquant qu'il y avait des facteurs à prendre en compte au titre de la dépendance émotive, Monsieur.           
         118.      Q.      Je vois. Aucun facteur?           
             R.      Dans la demande, non, Monsieur.           
         119.      Q.      Je vois. Avez-vous interviewé le jeune homme?           
             R.      Non, Monsieur.           

     D'après la transcription, il ressort clairement que l'agente des visas n'a pas jugé que la situation du requérant justifiait qu'une dispense lui soit accordée pour lui permettre d'entrer au Canada. L'agente des visas ne croyait pas que le requérant dépendait de ses parents pour des raisons d'ordre financier ou émotif.

     Aux paragraphes 68 et 69 de son mémoire, l'avocat du requérant a formulé les observations suivantes :

         [TRADUCTION]           
         68. Le requérant fait valoir que si l'agente des visas avait pleinement exercé son pouvoir discrétionnaire, qu'elle était allée au-delà de la définition de personne à charge qui est donnée dans le Règlement et de la déclaration concernant les personnes qui sont défavorablement touchées par la nouvelle définition de la dépendance, qui peuvent faire l'objet d'un examen pour des raisons d'ordre humanitaire comme il est indiqué dans le REIR de février 1992, et si elle avait plutôt utilisé une définition objective de l'expression "raisons d'ordre humanitaire", en se laissant guider par le principe énoncé au paragraphe 3c ) selon lequel la Loi sur l'immigration doit être appliquée pour faciliter la réunion des familles, elle aurait examiné la définition plus large qui est donnée dans la politique concernant le dernier membre de la famille se trouvant encore à l'étranger; elle aurait ainsi correctement conclu que le requérant faisait partie de cette dernière catégorie.           
         69. Si la politique concernant le dernier membre de la famille se trouvant encore à l'étranger est suffisamment large pour inclure des personnes comme une tante âgée et des domestiques qui ont une dépendance d'ordre émotif ou financier à l'égard de la famille, il ne fait aucun doute que le requérant, qui est le fils unique de 24 ans, sans aucune compétence à faire valoir sur le marché, deux ans de service militaire et un diplôme d'études secondaires, et qui continue à étudier à plein temps en vivant actuellement avec sa famille au Canada, devrait être considéré comme une personne à charge aux termes de cette politique. En sa qualité d'étudiant étranger au Canada, il était, par définition, à la charge de ses parents. Cette dépendance aurait sûrement été vérifiée par un agent des visas à qui on aurait demandé un permis d'étudiant avant qu'un visa d'étudiant soit délivré.           

     Je ne peux accepter les arguments du requérant. Tout d'abord, je suis d'avis que le résumé de l'étude d'impact de la réglementation (auquel le requérant fait référence au paragraphe 68 de son mémoire sous l'acronyme REIR) n'est pas pertinent. Le REIR constitue simplement les observations du ministère concernant les modifications apportées au Règlement. Il ne peut avoir pour effet de modifier le Règlement. Dans une large mesure, il s'agit d'une explication de la raison pour laquelle le Règlement a été modifié. Le REIR indique en partie ce qui suit :

         1.      L'âge de 19 ans n'est pas arbitraire et pourrait être défendu en cas de contestation en vertu de la Charte. L'âge de 19 ans a été retenu après étude de toutes les lois fédérales et provinciales pertinentes. C'est l'âge de la majorité le plus élevé dans la législation canadienne, qui détermine certains droits et avantages. La limite de 21 ans fixée pour les enfants à charge avant 1988 correspondait à l'âge de la majorité au Canada au moment de la rédaction de la Loi sur l'immigration de 1976. Fixer l'âge limite à 21 ans serait purement arbitraire et difficile à justifier par des motifs objectifs.           
         2.      Les immigrants qui arrivent au Canada sont censés accepter les réalités de la culture canadienne. Par ailleurs, dans de nombreuses cultures, les enfants commencent à travailler jeunes et sont déjà indépendants avant l'âge de 19 ans. Il serait impossible d'arriver à une définition conforme à toutes les réalités culturelles ou adaptées à toutes les situations. Une personne qui fait son service militaire n'est normalement plus considérée comme une personne à la charge de ses parents. Toutefois, les enfants qui ont moins de 19 ans au moment de la présentation de la demande d'immigration seraient admissibles et pourraient venir au Canada une fois terminé leur service militaire à la condition qu'ils soient toujours célibataires.           

     Un fils cesse d'une personne à charge dès qu'il atteint l'âge de 19 ans. L'exception à cette règle est le cas des fils qui continuent leurs études après leur dix-neuvième anniversaire et qui n'interrompent pas leurs études pour une période de plus d'un an. Dans l'analyse, le ministère semble laisser entendre que si, au moment où le père présente sa demande, le fils n'a pas 19 ans, mais que son dix-neuvième anniversaire (ou un autre anniversaire) survient avant que le traitement de la demande soit terminé, alors le cas de ce fils peut être examiné de façon favorable. Ce n'est certainement pas la situation du requérant actuel qui avait plus de 19 ans au moment où son père a déposé sa demande de résidence permanente pour la première fois.

     À la page 10 de la transcription, l'agente des visas a répondu à une question qui lui a été posée par l'avocat du requérant en indiquant que d'après la façon dont elle interprétait le REIR, celui-ci [TRADUCTION] "s'applique aux enfants qui répondent à la définition réglementaire des personnes à charge pendant que les parents [...]". La réponse complète donnée par l'agente des visas n'a pas été consignée en raison d'une "perte de transmission", comme l'indique la transcription. Toutefois, je crois qu'elle a voulu dire que si le fils n'a pas encore 19 ans quand son père présente sa demande, il sera considéré comme une personne à charge même s'il ne peut venir au Canada avec ses parents parce qu'il doit terminer son service militaire. Comme je viens de le dire, cette situation est bien loin d'être celle du requérant qui a eu 19 ans en 1990, c'est-à-dire presque quatre ans avant que son père demande la résidence permanente au Canada.

     Dans ses observations, le requérant fait valoir que l'agente des visas n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire en restreignant son analyse en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi à la politique dont il est question au point 2 de l'extrait précité du REIR, c'est-à-dire au cas d'un fils qui n'a pas encore 19 ans au moment de la demande d'établissement de ses parents. Je ne peux accepter la position adoptée par le requérant.

     Comme le démontre les extraits (pages 28 à 30) de la transcription, l'agente des visas a examiné les articles 1.17 et 1.32 du Guide de l'immigration. Elle a déclaré qu'elle ne croyait pas que le requérant avait établi qu'il dépendait de ses parents pour des raisons d'ordre financier ou émotif. À mon avis, on ne peut dire d'après la preuve que l'agente des visas n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire, comme le laisse entendre le requérant.

     On pourrait peut-être faire valoir, comme le fait le requérant, qu'un fils de 24 ans qui continue d'étudier à plein temps doit nécessairement être considéré comme une personne à charge, au sens donné à cette expression à l'article 1.7 (sic) du Guide de l'immigration. L'avocat est d'avis qu'un étudiant est nécessairement une personne à la charge financière des parents et donc, est visé par la politique du dernier membre de la famille se trouvant encore à l'étranger. Comme le montre clairement la transcription, l'agente des visas ne partage pas cette opinion. Pour ce qui a trait à la dépendance d'ordre émotif, l'agente des visas a répondu à l'une des questions de l'avocat de la façon suivante : [TRADUCTION] "Et bien, je ne sais pas s'il y avait une dépendance émotive dans ce cas. Aucune preuve ne m'a été fournie indiquant qu'il y avait des facteurs à prendre en compte au titre de la dépendance émotive, Monsieur".

     Comme je l'ai déjà indiqué, en présentant sa demande de résidence permanente, le requérant n'a pas demandé que cette demande soit examinée pour des raisons d'ordre humanitaire et, par conséquent, il n'a fourni aucun élément de preuve pour appuyer une telle demande.

     L'avocat du requérant fait valoir que son client était un étudiant qui n'avait aucune source d'emploi et qu'il était ipso facto financièrement et émotivement à la charge de ses parents. Donc, de l'avis de l'avocat, le requérant est une personne à charge sur le plan financier et émotif. À mon avis, le simple fait qu'une personne de 24 ans soit toujours aux études ne signifie pas nécessairement que cet étudiant dépend financièrement ou émotivement de ses parents. Il faut des éléments de preuve réels pour établir qu'il y a une dépendance au niveau financier ou émotif. Je ne suis saisi d'aucun élément de preuve de ce genre, pas plus que ne l'était l'agente des visas.

     Comme le requérant n'a pas réussi à convaincre l'agente des visas de l'existence de raisons d'ordre humanitaire suffisantes, il devait me convaincre que l'agente des visas avait "commis une erreur de droit, appliqué un principe


erroné ou inapplicable ou avait agi de mauvaise foi". Il n'a pas réussi à le faire. Par conséquent, la demande sera rejetée.

                             "MARC NADON"

                        

                         Juge

Ottawa (Ontario)

le 20 juin 1997

Traduction certifiée conforme         

                             F. Blais, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              IMM-461-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Chen, Chih-Kai

                         - et -

                         Le ministre de l'Emploi et de
                         l'Immigration du Canada
LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 3 juin 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR LE JUGE NADON

DATE :                      le 20 juin 1997

ONT COMPARU :

Melvin Weigel                              pour le requérant

Michèle Joubert                          pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet de droit Weigel                      pour le requérant

Montréal (Québec)

George Thomson                          pour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      Pour les fins de l'espèce, il n'est pas nécessaire de se référer à l'article 1.32 du Guide.

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