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Date : 19990526


Dossier : IMM-3771-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 26 MAI 1999

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

     CONG DAHN DO,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     défendeur.

     O R D O N N A N C E

     Le dossier est renvoyé au représentant du Ministre pour qu"il le réexamine en tenant compte du rapport psychologique de 1997.

     " Danièle Tremblay-Lamer "

                                     JUGE

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


Date : 19990526


Dossier : IMM-3771-98

ENTRE :

     CONG DAHN DO,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire relative à la décision du représentant du ministre, W.A. Sheppit, en date du 8 juillet 1998, selon laquelle il a été décidé en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration (ci-après la Loi)1 que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada.

LES FAITS

[2]      Le demandeur est résident permanent au Canada. Il est né le 7 novembre 1970 au Viêt-nam, et a fui le pays à l"âge de huit ans en raison de la guerre. Il est arrivé au Canada le 13 avril 1982. Depuis, il a été déclaré coupable de plusieurs infractions, dont celles de trafic de stupéfiants, de fraude, d"introduction par effraction dans un lieu d"habitation, d"agression armée et de voies de fait avec l"intention de causer des blessures.

[3]      Une enquête a été tenue le 18 novembre 1997 devant un arbitre, qui a déterminé que le demandeur faisait partie de la catégorie de personnes visées au sous-alinéa 27(1)d)(i), à savoir un résident permanent qui a été déclaré coupable d"une infraction prévue par une loi fédérale, pour laquelle une peine d"emprisonnement de plus de six mois a été imposée. L"arbitre a également établi une liste des infractions pour lesquelles le demandeur a été déclaré coupable et, sur la foi de celle-ci, il a pris une mesure d"expulsion. Le demandeur a interjeté appel de la décision en question devant la Section d"appel de l"immigration de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (ci-après Section d"appel) le 4 décembre 1997.

[4]      Le 19 mai 1998, le demandeur a reçu un avis de convocation à l"audition de l"appel, dont la date a été fixée au 20 juillet 1998.

[5]      Le 11 juin 1998, le demandeur a été avisé de l"intention du ministère de recourir à un avis de danger en vertu du paragraphe 70(5) et du sous-alinéa 46.01(1)e )(iv) de la Loi. L"avis indiquait que le demandeur disposait de 15 jours à partir de la date de réception pour présenter des observations. La date d"échéance pour le dépôt des observations était donc le 26 juin 1998.

[6]      Le 29 juin 1998, le représentant du ministre a conclu que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada. Son rapport indiquait que les observations soumises par le demandeur le 26 juin 1998 avaient été prises en considération2. Des documents supplémentaires soumis le 29 juin 1998 ont été écartés, étant donné qu"ils n"ont été reçus qu"après la date d"échéance.

[7]      Le demandeur soutient en premier lieu que l"arbitre a commis une erreur de droit, étant donné qu"il n"a pas expressément déterminé que le demandeur faisait partie de la catégorie de personnes visées à l"alinéa 27(1)d ), à savoir une personne qui a été déclarée coupable d"une infraction punissable d"un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, comme l"exige le régime de l"alinéa 70(5)c ).

[8]      Cet argument doit être rejeté. Dans l"affaire Athwal3, la Cour d"appel fédérale a affirmé que rien dans la Loi n"autorisait expressément un arbitre à tirer comme conclusion de fait qu"une personne a été déclarée coupable d"une infraction punissable d"un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans.

             En résumé, rien dans la Loi n"autorise expressément l"arbitre présidant une enquête à tirer des conclusions factuelles à l"exception de celles requises aux fins de l"article 27 de la Loi. Cet article ne fait nullement état de la conclusion particulière requise sous le régime de l"alinéa 70(5)c ) pour qu"un droit d"appel soit éliminé. Je reconnais que, interprété isolément, cet alinéa pourrait laisser entendre que l"arbitre a le pouvoir implicite de tirer la conclusion de fait nécessaire. À mon avis, il existe deux raisons pour lesquelles un tel sous-entendu n"est pas justifié en l"espèce. En premier lieu, le paragraphe 69.4(2) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18] confère à la SAI une " compétence exclusive ... pour entendre et juger sur des questions de droit et de fait - y compris en matière de compétence " dans le cas des appels visés à l"article 70. Ainsi donc, il est raisonnable de soutenir que l"intention du législateur était d"investir la SAI de l"obligation de déterminer si une personne avait été déclarée coupable d"une infraction punissable d"un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans. Cette conclusion se trouve renforcée lorsqu"on examine l"effet de privation de ce qui est essentiel qu"une opinion contraire aurait sur l"application de la disposition transitoire. C"est dans cela que réside le second motif du rejet de l"idée qu"un arbitre a le pouvoir implicite de tirer la conclusion en question4.             

À la suite de l"affaire Athwal , il est clair que le défaut d"un arbitre de tirer une telle conclusion de fait ne peut être une erreur de droit.

[9]      Le demandeur soutient en second lieu que le représentant du ministre n"a pas pris en considération un rapport psychologique préparé pour Services correctionnels Canada, daté du 24 avril 1997, selon lequel on considérait que le demandeur était moins susceptible que la moyenne de commettre d"autres crimes violents5. Le document en question se trouvait dans la deuxième documentation, reçue seulement après la date d"échéance.

[10]      Le demandeur affirme que, en dépit de cela, le ministère était déjà en possession des renseignements pertinents, et aurait dû donc les examiner.

[11]      Le rapport psychologique du 24 avril 1997 ne faisait pas partie des documents présentés au représentant du ministre, comme l"indique l"avis envoyé au demandeur le 11 juin 19986. Cependant, un document intitulé " Rapport récapitulatif sur l"évolution du cas " en date du 29 décembre 1998, dans lequel il y était indiqué que le demandeur représentait un risque élevé de récidive, faisait partie du dossier soumis au représentant du ministre.

[12]      Le défendeur a fait observer que le " Rapport récapitulatif " constitue la plus récente évaluation du demandeur, et que, de ce fait, il reflète avec plus d"exactitude la situation de celui-ci. La Cour n"est pas de cet avis. Le rapport psychologique de 1997 est la plus récente évaluation psychologique du demandeur; il affirme que le demandeur représente un risque moins élevé que la moyenne quant à la récidive de crimes violents. Ce dernier renseignement n"a pas été repris dans le " Rapport récapitulatif ". De plus, le rapport de 1997 était facile d"accès pour le défendeur et, selon la Cour, d"une grande pertinence.

[13]      Par ailleurs, il est troublant de constater que le " Rapport récapitulatif " de 1998 n"ait pas mentionné le rapport davantage favorable de 1997, mais bien un rapport de 1991 qui déclarait que l"individu en question était dangereux.

[14]      Étant donné les graves conséquences qu"entraînerait une décision défavorable, le rapport psychologique de 1997 aurait dû se trouver entre les mains du ministre. En dernière analyse, il est permis au ministre d"en arriver à la même conclusion; toutefois, l"équité procédurale requiert que toute la preuve pertinente soit soumise au ministre ou à son représentant7.



[15]      Par conséquent, le dossier est renvoyé au représentant du Ministre pour qu"il le réexamine en tenant compte du rapport psychologique de 1997.

     " Danièle Tremblay-Lamer "

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

26 mai 1999

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-3771-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Cong Dahn Do

                     - et -

                     Le ministre de la Citoyenneté et de                          l"Immigration

LIEU DE L"AUDIENCE :          Montréal (Québec)

DATE DE L"AUDIENCE :          7 mai 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

EN DATE DU :              7 mai 1999

COMPARUTIONS

Harry Blank                     

                                 POUR LE DEMANDEUR

Christine Bernard

                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Harry Blank

Montréal (Québec)

                                 POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

                                 POUR LE DÉFENDEUR

__________________

1      L.R.C. (1985), ch. I-2.

2      Dossier du tribunal, à la p. 3.

3      Athwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration), [1998] 1 C.F. 489 (C.A.F.).

4      Ibid., à la p. 498.

5      Dossier du demandeur, à la p. 25.

6      Dossier du tribunal, à la p. 27.

7      Pereira c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (1997), 126 F.T.R. 315 (C.F. 1re inst.); Chedid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (1997), 127 F.T.R. 81 (C.F. 1re inst.).

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