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Date : 20040225

 

Dossier : IMM-3013-03

 

Référence : 2004 CF 327

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CALGARY (Alberta), le mercredi 25 février 2004

 

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

 

 

  MARIA RUBY HOYOS DE MORENO

 

  demanderesse

 

 

 

 

  et

 

 

  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

  défendeur

 

 

 

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

 

  • [1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision concernant la demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) rendue le 28 mars 2003 par laquelle l’agente d’ERAR a conclu que la demanderesse, une citoyenne de la Colombie, n’est ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (« LIPR »).

  • [2] La principale question soulevée par la demanderesse vise les conclusions de fait de l’agente d’ERAR quant au risque personnalisé, à la protection de l’État et à la possibilité de refuge intérieur qui étaient manifestement déraisonnables, car l’agente d’ERAR n’a pas pris en considération de nouveaux éléments de preuve relatifs à un changement de situation dans le pays, en particulier d’un rapport publié en septembre 2002 par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés intitulé « International protection considerations regarding Colombian asylum-seekers and refugees » (Considérations relatives à la protection internationale des demandeurs d’asile et réfugiés colombiens) (le « rapport du UNHCR publié en septembre 2002 »).

  • [3] La demanderesse est arrivée au Canada le 4 octobre 1999 et a présenté une demande d’asile qui a été rejetée par la Section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la « Commission ») le 4 août 2000. Sa demande reposait sur une peur bien fondée des guérilleros de l’Armée de libération nationale (Ejercito de Liberacion Nacional [ELN]) en Colombie qui l’avait menacée, elle et sa famille, après avoir payé à l’ELN moins que le montant demandé. Elle prétend qu’elle ne peut pas bénéficier de la protection de l’État, car les guérilleros sont puissants et ont de l’influence au sein du gouvernement. Pour les mêmes motifs, elle a déclaré n’avoir aucune possibilité de refuge intérieur.

  • [4] La demanderesse a présenté une demande pour être incluse dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC) conformément à la Loi sur l’immigration et a présenté une demande d’ERAR après l’entrée en vigueur de la LIPR. Sa demande d’ERAR a été rejetée le 28 mars 2003. L’agente d’ERAR a tiré quatre conclusions importantes :


 

 

 


1) Tous les documents présentés par la demanderesse contenaient des renseignements qui avaient déjà été soumis à la Commission ou qui lui étaient facilement accessibles. Par conséquent, conformément à l’alinéa 113a) de la LIPR, aucun nouvel élément de preuve n’avait été déposé après le rejet par la Commission de la demande de la demanderesse (dossier de la demande de la demanderesse, p. 10);

 

2) la demanderesse n’est pas une personne à protéger, car elle n’a pas fourni d’élément de preuve démontrant qu’elle est exposée à un risque auquel d’autres personnes ne sont généralement pas exposées en Colombie (dossier de la demande de la demanderesse, pages 10 à 12);

 

3) la demanderesse n’a fourni aucun élément de preuve clair et convaincant démontrant que l’État n’est pas en mesure d’assurer sa protection. L’agente d’ERAR a cité les conclusions de la Commission concernant la protection de l’État et a déclaré que la demanderesse n’avait fourni aucun autre élément de preuve pour l’amener à remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse est capable de se réclamer la protection de l’État (dossier de la demande de la demanderesse, pages 12 et 13).

 

4) la demanderesse avait une possibilité de refuge et elle n’a fourni aucun élément de preuve pour amener l’agente d’ERAR à remettre en cause la conclusion de la Commission (dossier de la demande de la demanderesse, p. 13).


 

  • [5] Quant à l’argument de la demanderesse selon lequel l’agente d’ERAR n’a pas pris en considération le nouvel élément de preuve soumis dans un affidavit fait sous serment le 10 juillet 2003, l’agente d’ERAR affirme ce qui suit :

3.  La demanderesse a soumis un document au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration à Calgary (Alberta) le 14 novembre 2002. Le document en question était un rapport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés publié en septembre 2002. Une copie de ce document est jointe aux présentes et cotée comme pièce « A » de l’affidavit.

 

 

4.  J’ai lu le document présenté au paragraphe 3 ci-dessus et je l’ai pris en considération pour rendre ma décision relativement à la demande d’ERAR de Mme De Moreno.

 

 

 

  • [6] L’agente d’ERAR ne mentionne pas le rapport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés publié en septembre 2002 dans sa décision. Par conséquent, la demanderesse soutient qu’on n’a pas accordé suffisamment d’importance au rapport étant donné sa valeur probante. À cet égard, elle a renvoyé au paragraphe 5 de la décision du juge Kelen dans Kaybaki c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 32 où le juge déclare ce qui suit :

La décision d’un agent d’ERAR doit être respectée puisqu’elle est fondée sur des conclusions de fait. Cependant, la décision d’un agent d’ERAR doit être appuyée par la preuve. De plus, la présomption selon laquelle le décideur a pris en considération tous les éléments de preuve est réfutable et, lorsque l’élément de preuve en question a une valeur probante importante, la Cour peut tirer une inférence négative du fait que le décideur ait omis de le mentionner. Voir Ozdemir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 282 N.R. 394 (CAF); Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (CAF); Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.)(QL); Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35 (T.D.)...

 

 

 

  • [7] Je juge que la preuve contenue dans le rapport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés publié en septembre 2002 constitue un nouvel élément de preuve conformément à l’alinéa 113a) de la LIPR qui est rédigé comme suit :


 


 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

 

 

 ...

 

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

...

 

 

 

 


 

  • [8] Je suis d’accord avec l’argument de la demanderesse selon lequel le nouvel élément de preuve a une valeur probante importante. Par conséquent, je tire une inférence négative et juge que la présomption selon laquelle le décideur a pris en considération tous les éléments de preuve est réfutable.

  • [9] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la décision rendue par l’agente d’ERAR constitue une erreur susceptible de révision.

 

 

 

 

  ORDONNANCE

Par conséquent, j’annule la décision de l’agente d’ERAR et je renvoie l’affaire à un autre agent d’ERAR pour nouvel examen.

 

 

 

    « Douglas R. Campbell » 

  Juge de la Cour fédérale 


  COUR FÉDÉRALE

 

  AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :  IMM-3013-03

 

INTITULÉ :  Maria Ruby Hoyos De Moreno

c. Le Ministre de la Citoyenneté et

de l’Immigration

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  CALGARY (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 25 février 2004

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :  Le 25 février 2004

 

 

 


COMPARUTIONS :

 

D. Jean Munn  POUR LA DEMANDERESSE

 

Carrie Sharpe  POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Caron & Partners LLP  POUR LA DEMANDERESSE

Calgary (Alberta)

 

Morris A. Rosenberg  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada 

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