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Date : 20040209

Dossier : T-525-02

Référence : 2004 CF 209

Toronto (Ontario), le 9 février 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR ROGER R. LAFRENIÈRE, PROTONOTAIRE                  

ENTRE :                                            

1340232 ONTARIO INC. faisant affaire sous le nom de

TNT EXERCISE & LEISURE OUTLET INC.

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

         LA CORPORATION DE GESTION DE LA VOIE MARITIME DU SAINT-LAURENT

                                                                                                                                        défenderesse

                                                                             

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La demanderesse a introduit une action en responsabilité pour les pertes économiques qu'elle a subies à la suite de la fermeture du pont Allanburg sur le canal Welland du 11 août 2001 au 16 novembre 2001 et qui auraient été causées par la négligence de la


défenderesse. La défenderesse sollicite une ordonnance radiant la déclaration aux motifs qu'elle ne révèle aucune cause d'actionvalable et que la défenderesse n'a aucune obligation de diligence envers la demanderesse quant aux faits plaidés.

[2]         La demanderesse s'oppose à la réparation demandée par la défenderesse. Elle a également introduit une requête sollicitant l'autorisation de modifier sa déclaration pour ajouter de nouvelles allégations de négligence contre la défenderesse relativement à son exploitation du pont et plaider que la défenderesse avait une obligation de mise en garde et que sa conduite équivalait à la négligence grave et à la nuisance. Les présents motifs portent à la fois sur la déclaration initiale et sur la modification projetée (ci-après la déclaration).

[3]         Les questions centrales dans les deux requêtes qui me sont présentées sont de savoir si, conformément au critère énoncé dans Anns c. Merton London Borough, [1978] A.C. 728 (H.L.(E.)) (ci-après Anns), il existe une obligation de diligence pouvant entraîner la responsabilité de la défenderesse pour les pertes subies par la demanderesse, ou s'il y a des considérations de principe qui empêchent la demanderesse d'intenter une action contre la défenderesse.

Le contexte factuel

[4]         Dans la procédure de requête en radiation, les faits essentiels exposés dans la déclaration sont réputés vrais. Les faits exposés dans la déclaration se résument comme suit :


[5]         La demanderesse est une commerçante qui fait affaire sous le nom de TNT Exercise & Leisure Outlet Inc. dans la ville de Pelham, dans la province de l'Ontario. La défenderesse, la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent, est l'exploitante du pont Allanburg, un pont à leviers mécaniques sur le canal Welland. Le pont permet à la population de Niagara Falls de plus de 80 000 résidants d'accéder au commerce de la demanderesse.

[6]         L'incident ayant entraîné l'arrêt du passage sur le pont Allanburg a eu lieu le 11 août 2001 lorsque le navire _ Windoc _ est entré en collision avec le pont Allanburg, rendant le pont inutilisable. La déclaration de la demanderesse allègue qu'un employé de la défenderesse qui n'aurait pas été en possession de toutes ses facultés aurait subitement et de manière inattendue abaissé le pont sur le _ Windoc _, causant un dommage au pont et entraînant un incendie sur le navire.

[7]         La demanderesse allègue qu'à la suite de la négligence grave de la défenderesse ou de ses employés, le passage sur le pont n'a pas été possible pendant une période de trois mois, ce qui a entraîné des pertes économiques pour la demanderesse. La demanderesse prétend que la distance qui sépare le pont de son commerce se situe entre 0,25 et 0,50 mille et, en conséquence, que le [TRADUCTION] _ commerce de la demanderesse est à proximité et dépend de la possibilité de traverser le pont pour mener des activités commerciales _. La déclaration modifiée soutient que la défenderesse pouvait raisonnablement prévoir que la demanderesse subirait des pertes économiques à la suite de la diminution de l'accès à son commerce.


Les principes juridiques applicables

[8]         À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d'un acte de procédure, avec ou sans autorisation de modifier, au motif qu'il ne révèle aucune cause d'action valable et ordonner que l'action soit rejetée : alinéa 221(1)a) des Règles de la Cour fédérale (1998).

[9]         Le critère pour radier un acte de procédure au motif qu'il ne révèle aucune cause d'action valable est : _ en supposant que les faits exposés dans la déclaration peuvent être prouvés, est-il [TRADUCTION] _évident et manifeste_ que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d'action raisonnable? _ : Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959.

[10]       Ceci ne signifie cependant pas que les questions de droit complexes ne sont pas pertinentes pour une requête en radiation d'un acte de procédure. Le point que soulèvent de telles demandes est de savoir [TRADUCTION] _ s'il existe une question sérieuse à trancher, indépendamment de la complexité ou de la nouveauté de la question _ et ce point même doit être résolu sur le fondement des actes de procédure présentés ou modifiés : Kripps c. Touche Ross & Co., [1992] B.C.J. no 1550 (C.A.C.-B.).     


[11]       En ce qui a trait aux demandes de modification d'un acte de procédure, la Cour est tenue d'adopter une approche libérale. En principe, les modifications devraient être autorisées à n'importe quelle étape d'une action afin de cerner les véritables questions en litige, à la condition que cela n'inflige pas à l'autre partie une injustice que l'adjudication des dépens ne pourrait réparer : Almecon Industries Ltd. c. Anchortek Ltd. (1999), 85 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.).

[12]       Cependant, pour décider si une modification à un acte de procédure devrait être autorisée, la Cour devrait également examiner la question de savoir si la modification, dans l'hypothèse où elle aurait déjà fait partie de l'acte de procédure déposé, pourrait être radiée en vertu de l'article 221 des Règles. Les modifications aux actes de procédure où aucune cause d'action valable n'est révélée seront refusées : Visx Inc. c. Nidek Co. (1996), 72 C.P.R. (3d) 19, à la page 24 (C.A.F.); Chrysler Canada Ltd. c. La Reine, [1978] 1 C.F. 137, à la page 138 (1re inst.); Johnson & Johnson Inc. c. Boston Scientific Ltd. (2001), 14 C.P.R. (4th) 512, à la page 516 (C.F. 1re inst.).

Analyse


[13]       Une cause d'action n'est qu'une situation de fait dont l'existence permet à une partie d'obtenir une réparation contre une autre partie. Cependant, en principe, en l'absence d'une obligation de diligence, aucune cause d'action fondée sur la négligence, la négligence grave ou la nuisance publique, ou fondée sur l'obligation de mise en garde ne peut exister contre le défendeur. En plus du volet factuel, il y a aussi un aspect juridique, celui du droit d'obtenir une réparation en justice. Dans les cas où l'acte fautif allégué ne donne pas ouverture à une action au civil, il ne peut y avoir aucune cause d'action valable : Merck & Co. c. Nu-Pharm Inc. (1999), 179 F.T.R. 87 (Protonotaire).

[14]       La demanderesse n'a allégué aucun dommage à sa propriété et ne prétend avoir aucun intérêt patrimonial relativement au pont. La demanderesse prétend cependant qu'il n'est pas évident et manifeste à ce stade qu'il ne pourrait pas y avoir une obligation de diligence à son égard à la charge de la défenderesse. Selon la demanderesse, une perte purement économique peut être indemnisée lorsque la perte était prévisible et qu'il y avait une proximité suffisante entre l'acte de négligence et la perte. Les questions soulevées par les parties comportent aussi bien des considérations de politique générale que des considérations juridiques.

Des considérations de politique générale annulant l'obligation de diligence

[15]       Traditionnellement, la common law ne permettait pas d'indemniser le demandeur de ses pertes économiques lorsqu'il n'avait subi ni lésion corporelle ni dommage matériel. Dans certaines situations cependant, en l'absence de lésions corporelles et de dommages matériels, des dommages-intérêts peuvent être accordés pour les pertes économiques. Cette prudence est fondée sur les mêmes principes qui ont soutenu l'approche traditionnelle visant à ne pas du tout faire droit à la réclamation.


[16]       Premièrement, les intérêts économiques sont perçus comme nécessitant moins de protection que l'intégrité physique ou les droits de propriété. Deuxièmement, faire droit de façon incontrôlée à des pertes économiques soulève le spectre de la responsabilité illimitée. Troisièmement, les pertes économiques naissent souvent dans un contexte commercial, là où elles sont souvent un risque inhérent aux affaires, mieux couvertes par le moyen des assurances pour la partie qui les subit. Enfin, permettre la réparation des pertes économiques par l'entremise d'une action en responsabilité a été jugé comme étant un encouragement à la multiplication des poursuites injustifiées : Martel Building Ltd. c. Canada, [2000] 2 R.C.S. 860; D'Amato c. Badger, [1996] 2 R.C.S. 1071 (D'Amato); Bow Valley Husky (Bermuda) Ltd. c. Saint John Shipbuilding Ltd., [1997] 3 R.C.S. 1210.

[17]       Les tribunaux ont été très réticents à permettre la compensation d'une perte purement économique et ce, donc, pour des raisons de principe. Cette approche prudente a été confirmée de nouveau par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt D'Amato, précité, au paragraphe 18 :

La deuxième et, probablement, la principale raison pour laquelle l'indemnisation est limitée, est celle qu'a mentionnée le juge en chef Cardozo dans l'arrêt Ultramares Corp. c. Touche, 174 N.E. 441 (N.Y. 1931), lorsqu'il a exprimé sa crainte qu'on en arrive à [Traduction] _ une responsabilité pour un montant indéterminé, pour un temps indéterminé et envers une catégorie indéterminée _ (p. 444). L'omission ou l'acte négligent peut avoir un effet d'enchaînement et causer une perte économique à un groupe éventuellement étendu de personnes. [...] Ce point de vue illustre l'hésitation des tribunaux à associer aux activités, commerciales ou non, le fardeau d'une dépense indéterminée pour toutes les pertes économiques possibles.


La compensation d'une perte purement économique

[18]       Il est bien établi en droit qu'une partie ne peut en règle générale être indemnisée pour une perte purement économique résultant d'un dommage à un pont public. Comme l'a dit le juge LaForest dans Norsk Pacific Steamship Company Limited c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1992] 1 R.C.S. 1021 (Norsk), aux pages 1049 et 1050 :

Si le bien est une propriété publique, il se peut que les usagers ne soient pas obligés de passer un contrat pour l'utiliser. Ainsi les personnesqui utilisent régulièrement un pont ordinaire ou une autre installation entretenue par l'État n'ont pas le droit de le faire en vertu d'un contrat, mais elles peuvent néanmoins subir un préjudice du fait qu'elles doivent trouver d'autres trajets pour leur propre transport ou celui de leurs marchandises, et leurs fournisseurs ou leurs clients peuvent également subir un préjudice. Celles qui subissent un tel préjudice ne seront pas indemnisées normalement : voir Bethlehem Steel Corp. c. Administration de la voie maritime du Saint-Laurent, [1978] 1 C.F. 464 (des demandes d'indemnisation de pertes de profits dues au retard pris par des navires après la destruction d'un pont et l'obstruction d'un canal ont été refusées, tout comme l'a été une demande d'indemnisation des frais supplémentaires d'expédition résultant du même accident); Star Village Tavern c. Nield (1976), 71 D.L.R. (3d) 439 (B.R. Man.) (on a refusé d'indemniser le propriétaire d'une taverne qui avait subi des pertes en raison de la fermeture d'un pont). Il est presque impensable d'imposer une telle responsabilité indéterminée aux auteurs de délits, ainsi qu'il ressort clairement de la jurisprudence.


[19]       Dans Bethlehem Steel Corp. c. Administration de la voie maritime du Saint-Laurent, [1978] 1 C.F. 464 (1re inst.), des réclamations comparables à celle de la demanderesse avaient été faites contre l'Administration de la voie maritime du St-Laurent pour des pertes purement économiques subies par les marchands dont les activités commerciales avaient été ralenties du fait de l'obstruction du canal Welland par suite de la destruction d'un pont. Le juge Addy avait rejeté la demande et dit que les pertes économiques ne sont généralement pas des dommages indemnisables _ même lorsqu'ils auraient pu être prévisibles et lorsqu'il y a relation de cause à effet entre l'acte délictuel et le dommage [...] _.                           

[20]       Des réclamations semblables de commerçants pour les pertes résultant d'un acte négligent ayant entraîné la mise hors d'usage d'un pont ont été sans exception rejetées; Gypsum Carrier Inc. c. La Reine, [1978] 1 C.F. 147 (1re inst.) (Gypsum Carrier); Star Village Tavern c. Nield (1976), 71 D.L.R. (3d) 439 (B.R. Man.); Frawley c. Nouveau Brunswick, [1996] A.N.-B. no 414. Dans les cas de dommages causés à un pont ordinaire ou de destruction d'un pont ordinaire, les parties qui ont subi des pertes économiques, sans dommages matériels, ne peuvent pas, en règle générale, intenter une action en responsabilité contre la personne qui a causé les dommages au pont, même si les pertes en question étaient prévisibles. En droit, de tels demandeurs n'ont pas suffisamment de relations de proximité avec le défendeur pour faire naître une obligation de diligence.


[21]       À la différence du demandeur dans l'affaire Norsk qui avait une entente avec le propriétaire du pont endommagé et qui en était l'utilisateur principal, la demanderesse dans la présente instance n'a pas invoqué des relations particulières avec la défenderesse; elle n'a pas non plus prétendu être l'utilisateur principal du pont Allanburg. Dans Gypsum Carrier,même les réclamations des compagnies de chemin de fer qui détenaient des permis relativement au pont ont vu leurs réclamations rejetées parce qu'il n'y avait pas suffisamment de relations de proximité.

[22]       Je conclus que les faits importants de la présente instance tels qu'exposés ne sont pas différents de ceux des instances précitées où il a été décidé que les commerçants ne peuvent pas être indemnisés pour ce genre de pure perte économique liée aux dommages causés à un pont public.

L'application du critère énoncé dans Anns

[23]       Alors que les tribunaux canadiens n'ont pas reconnu l'existence d'une obligation de diligence découlant de faits comme ceux en l'espèce, il faut se demander si le droit applicable à la négligence devrait être étendu pour couvrir le genre de situation en cause. La reconnaissance d'une obligation de diligence doit être justifiée sur la base d'une relation directe et proche entre les parties qui satisfasse aux exigences de proximité et de prévisibilité établies par le premier volet du critère énoncé dans Anns.

[24]       Si la prévisibilité et la proximité sont établies au premier stade, une obligation prima facie de diligence apparaît. Au second stade du critère énoncé dans Anns, la question demeure de savoir s'il existe des considérations de politique résiduelles, en dehors des relations entre les parties, qui peuvent empêcher l'imposition d'une obligation de diligence.


[25]       La défenderesse ne plaide pas que les pertes de la demanderesse n'auraient pas été raisonnablement prévisibles. Cependant, la simple prévisibilité est insuffisante pour établir une obligation prima facie de diligence. Le premier volet du critère exige également que l'on établisse la proximité.

[26]       L'analyse de proximité porte sur des facteurs qui découlent des relations entre les parties. L'utilisation de catégories permet de déterminer si les relations ont une proximité suffisante : Cooper c. Hobart, [2001] 3 R.C.S. 537. Les catégories en question ne sont pas fermées. Ceci donne une certitude au droit applicable à la négligence tout en lui permettant de s'étendre pour couvrir de nouvelles situations.

[27]       La demanderesse prétend qu'elle satisfait aux exigences de proximité parce que son commerce est géographiquement proche du pont de la défenderesse et dépend de la possibilité de traverser le pont pour mener des activités commerciales. À mon avis, les faits en question ne satisfont pas aux exigences de proximité du critère énoncé dans Anns. Telle que présentée par la demanderesse, l'obligation de diligence qui incomberait à la défenderesse est tout simplement trop contraignante.


[28]       La notion de _ proximité _ invoquée dans Anns sous-entendait que les relations existant entre les parties sont telles qu'on peut dire que le défendeur a l'obligation d'être soucieux des intérêts légitimes du demandeur dans la conduite de ses affaires.

[29]       Dans les _ affaires de pont _, les tribunaux ont décidé qu'il n'existe aucune relation de proximité entre un commerçant qui dépend du transport sur un pont et l'exploitant du pont. En appliquant le critère de la prévisibilité à la présente instance, je conclus que la demanderesse n'entre pas dans la catégorie de _ voisin _ de la défenderesse. Vu les faits plaidés, la défenderesse n'aurait pas raisonnablement envisagé d'assumer la responsabilité pour les dommages causés à la demanderesse. Ce commerçant particulier (la demanderesse) n'était pas suffisamment proche de la défenderesse ou de ses actes allégués de négligence, pour être raisonnablement perçu comme un voisin envers qui existe une obligation ou qui doit être raisonnablement indemnisé.


[30]       Même si une relation de proximité devait être trouvée, la demanderesse devrait également satisfaire au deuxième volet du critère énoncé dans Anns. Reconnaissant que la relation de proximité elle-même est liée à l'existence d'une politique générale, le second volet du critère énoncé dans Anns exige que la Cour considère les buts poursuivis en permettant l'indemnisation, mais aussi examine s'il existe une quelconque considération de politique résiduelle pour une limitation de la responsabilité. Cela permet aux tribunaux de rejeter la responsabilité pour une perte purement économique lorsque des considérations de politique qui ne sont pas prises en compte dans l'analyse de proximité l'imposent, comme

a) la portée de l'obligation prima facie de diligence; b) la catégorie de personnes à qui cette obligation est due ou c) les dommages-intérêts que sa violation peut entraîner.

[31]       Je suis d'accord avec la défenderesse que le problème le plus grave en l'espèce est celui d'une responsabilité illimitée pour toute obligation de diligence qui est alléguée, y compris l'obligation de prévenir, ou les réclamations fondées sur la nuisance qui en résultent. Le nombre de demandeurs potentiels qui ont été préjudiciés ou ont engagé des frais ou subi des pertes de revenu en raison de la fermeture du pont, est indéterminé. Comme plaidé au paragraphe 8 de la déclaration modifiée, le pont permet l'accès au marché de Niagara Falls, soit à plus de 80 000 personnes, pour ne nommer qu'une seule catégorie de demandeurs potentiels.


[32]       Dans CSL Group c. St. Lawrence Seaway Authority, [1996] A.Q. no 3965 (C.A. Que), l'autorisation d'interjeter appel à la C.S.C. a été refusée [1997] S.C. C. A. no 52, les demandeurs, propriétaires de bateaux, demandaient des dommages-intérêts à l'Administration de la voie maritime du St-Laurent pour les pertes purement économiques résultant des retards de leurs navires du fait de l'obstruction de la navigation qui aurait été due à la négligence de la défenderesse dans l'exploitation de son pont levant. La Cour d'appel du Québec a rejeté les demandes au motif que la défenderesse pourrait faire face à _ une avalanche de poursuites _. La cour a également conclu qu'il y avait une politique générale restreignant la responsabilité de l'Administration de la voie maritime du St-Laurent et que les usagers d'une voie publique l'utilisent en raison d'un privilège qu'ils ont et non d'un droit qu'ils exercent.

[33]       Il s'agit là de motifs impérieux et bien établis en vertu du deuxième volet du critère énoncé dans Anns pour ne pas étendre le droit applicable à la négligence à la présente instance. À mon avis, la présente instance ne fait pas naître une nouvelle catégorie de pertes économiques et elle est en conséquence liée par les principes bien établis énoncés dans la jurisprudence.                                                               

[34]       En conclusion, je juge approprié d'adopter l'approche suivante tirée de Kripps c. Touche Ross & Co., [1992] B.C.J. no 1550 (C.A.C.-B.), à la page 20 :

[TRADUCTION] Une cour peut être tentée, dans l'état actuel du droit canadien relatif à la négligence, de permettre que toute demande portant sur la négligence soit instruite. Mais cela conduirait à une période longue et coûteuse d'incertitude, une période particulièrement coûteuse pour le monde des affaires où la certitude a une grande importance. À mon avis, les cours manqueraient à leur devoir envers la collectivité si elles n'exerçaient pas les pouvoirs qui leur sont conférés en vertu du paragraphe 19(24) des Règles tout simplement à cause du stade actuel de la jurisprudence dans ce domaine du droit. Il est important, selon moi, dans certains cas que la Cour rende une décision à ce stade sur la question de savoir dans quelle mesure l'indemnisation en cas de négligence peut s'étendre et je pense que c'est bien le cas en l'espèce.


[35]       Même si une obligation prima facie de diligence avait été établie en vertu du premier volet du critère énoncé dans Anns, une telle obligation aurait été rendue nulle et non avenue dans la deuxième étape pour les raisons péremptoires de politique générale que j'ai précisées précédemment. En conséquence, lorsque la demande relative à une perte purement économique ne satisfait pas au critère énoncé dans Anns, la cour devrait radier l'acte de procédure comme ne révélant aucune cause d'action valable : Hughes c. Sunbeam Corp. (Canada), [2002] O.J. 3457 (C.A.).

[36]       Par souci d'exhaustivité, j'ajoute que ma décision visant la radiation de la déclaration n'est pas affectée par les modifications envisagées à l'acte de procédure. Je suis d'accord sur le fond avec la défenderesse que les modifications ne révèlent aucune cause d'action valable.

[37]       Même si les dépens suivent en principe l'issue de la cause, les parties peuvent me présenter leurs demandes par écrit sur cette question dans un délai de 14 jours, si elles ne parviennent pas à un accord.                                           

                            ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La requête de la demanderesse sollicitant l'autorisation de modifier sa déclaration est rejetée.

2.    La requête est radiée sans autorisation de modifier.                                                        

_ Roger R. Lafrenière _

Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    T-525-02

INTITULÉ :                                                    1340232 ONTARIO INC. faisant affaire sous le nom de TNT EXERCISE & LEISURE OUTLET INC.                      

c.

LA CORPORATION DE GESTION DE LA

VOIE MARITIME DU SAINT-LAURENT

                                                                                                           

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 7 AOÛT 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)                    

DATE DES MOTIFS :                                   LE 9 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE                

ET ORDONNANCE :                                   LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE            

COMPARUTIONS :

Margaret A. Hoy                                               POUR LA DEMANDERESSE

Ramon Andal                                                    POUR LA DÉFENDERESSE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Margaret A. Hoy                                               POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Niagara Falls (Ontario)       

Fernandes Hearn LLP         POUR LA DÉFENDERESSE

Toronto (Ontario)                                             

                                                                                                           


COUR FÉDÉRALE

                                               

Date : 20040209

Dossier : T-525-02

ENTRE :

1340232 ONTARIO INC. faisant affaire sous le nom de

TNT EXERCISE & LEISURE OUTLET INC.

                                                                        demanderesse

et

LA CORPORATION DE GESTION DE LA VOIE MARITIME DU SAINT-LAURENT

                                                              défenderesse

                                                                      

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET

ORDONNANCE

                                                                      


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