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     Date : 20000719

     Dossier : IMM-3815-99


Ottawa (Ontario), le mercredi 19 juillet 2000

En présence de Madame le juge Dawson


Entre

     PETER KOPYL

     demandeur

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



     JUGEMENT


     La Cour fait droit au recours en contrôle judiciaire, annule la décision de Lisa Norris en date du 17 juin 1999 et renvoie l'affaire pour nouvelle instruction par un autre agent des visas.


     Signé : Eleanor R. Dawson

     ________________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme,



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.




     Date : 20000719

     Dossier : IMM-3815-99


Entre

     PETER KOPYL

     demandeur

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



     MOTIFS DU JUGEMENT


Le juge DAWSON


[1]      Peter Kopyl, 31 ans, citoyen ukrainien, avait demandé le droit de résidence permanente au Canada à titre d'immigrant indépendant et de travailleur qualifié comme directeur de l'exploitation d'immeubles, no 0721.0 Classification nationale des professions (CNP).

[2]      Il conteste par voie de recours en contrôle judiciaire la décision en date du 17 juin 1999, par laquelle Lisa Norris, agente des visas en service à l'ambassade du Canada à Varsovie (Pologne), a rejeté sa demande.

LES FAITS DE LA CAUSE

[3]      M. Kopyl a une formation de navigateur maritime.

[4]      De 1994 à 1997, il était directeur des opérations dans une compagnie de transports dénommée Common Bridge Ltd. à Odessa. De 1997 jusqu'à la date de l'instruction de sa demande, il travaillait pour une autre compagnie de transports, elle aussi à Odessa, toujours à titre de directeur des opérations.

[5]      Il s'est présenté à l'entrevue avec l'agente des visas à l'ambassade, le 9 juin 1999. Au cours de cette entrevue qui a duré une demi-heure à peu près, il a produit deux lettres de recommandations de ses employeurs, et l'agente des visas a vérifié sa connaissance de l'anglais.

[6]      Par lettre en date du 17 juin 1999, Mme Norris l'a informé du rejet de sa demande de résidence permanente au Canada.

[7]      Mme Norris, concluant que M. Kopyl n'avait pas l'expérience requise pour la profession de directeur de l'exploitation d'immeubles, ne lui a accordé aucun point pour l'expérience professionnelle dans cette catégorie. Elle lui a cependant donné un point pour le facteur professionnel.

[8]      Voici le détail de l'appréciation :

                                 0721.0

     Âge                              10

     Facteur professionnel                      01

     Études et formation                      15

     Expérience                          00

     Emploi réservé                          00

     Facteur démographique                      08

     Études                              15

     Anglais                              06

     Français                              00

     Points supplémentaires                      00

     Personnalité                          07

     Total                              62

[9]      Mme Norris a donné à M. Kopyl 6 points pour les connaissances linguistiques, après avoir conclu à l'issue de l'entrevue qu'il parlait, lisait et écrivait « bien » l'anglais, et non pas « couramment » comme il l'avait indiqué dans sa demande.

LES POINTS LITIGIEUX

[10]      À l'audience, l'avocat de M. Kopyl a fondé son argumentation sur la similitude entre l'affaire en instance et la cause Dauz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 2 Imm. L.R. (3d) 16, qu'a jugée notre Cour.

[11]      Dans Dauz, le demandeur ayant produit des preuves sur son expérience dans la profession indiquée, Mme le juge Sharlow a jugé abusive la décision de l'agent des visas qui avait donné quelques points au titre du facteur professionnel, mais zéro pour l'expérience. La conclusion que cette décision était abusive s'appuyait sur l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, modifié (le Règlement), aux termes de laquelle l'agent des visas, dans l'instruction de la demande au regard du facteur professionnel, doit examiner les possibilités d'emploi au Canada dans la profession à l'égard de laquelle le candidat a exercé un nombre substantiel des fonctions essentielles prévues dans la CNP.

[12]      La décision était abusive en ce qu'en donnant ne serait-ce qu'un point au titre du facteur professionnel, l'agent des visas reconnaissait de ce fait que le demandeur avait une certaine expérience, ce qui aurait dû se traduire par un point au moins pour l'expérience.

[13]      En l'espèce, le ministre soutient qu'à même supposer que l'agente des visas ait commis une erreur dans l'appréciation de l'expérience du demandeur, une telle erreur n'était pas déterminante. L'admission au Canada requiert un minimum de 70 points d'appréciation; or, à même supposer que l'agente des visas lui ait donné la note maximum pour l'expérience, M. Kopyl n'aurait recueilli que 68 points au total.

[14]      L'avocat du ministre en conclut qu'à moins que la Cour ne soit disposée à juger que l'agente des visas a commis une erreur dans l'appréciation des aptitudes linguistiques du demandeur et à majorer ainsi la note donnée en la matière, le recours en contrôle judiciaire doit échouer.

[15]      Il échet donc d'examiner :

     (i)      si la décision de ne donner aucun point pour l'expérience est abusive du fait qu'un point a été donné au demandeur au titre du facteur professionnel, et
     (ii)      dans l'affirmative, si cette erreur est déterminante.

ANALYSE

[16]      L'agente des visas n'étant plus au service ni de l'ambassade ni du ministère, aucun affidavit n'a été déposé en défense contre le recours en instance.

[17]      L'avocat du ministre soutient qu'il ressort de la mention faite par l'agente des visas dans la lettre de rejet que « vous n'avez aucune expérience dans cette profession » qu'elle a régulièrement conclu que le demandeur n'avait pas l'expérience dans le domaine indiqué, mais je ne partage pas son avis.

[18]      Dans ses notes SITCI, l'agente des visas a reconnu que M. Kopyl avait bien exercé des fonctions de directeur de logistique des expéditions et de l'entreposage, mais a conclu qu'il n'était pas un directeur de l'exploitation d'immeubles selon les critères établis par la CNP puisqu'il n'était pas responsable du port, mais n'était qu'un employé d'une compagnie qui utilisait le port.

[19]      Vu la similitude entre les fonctions exercées par M. Kopyl et les fonctions essentielles d'un directeur de l'exploitation d'immeubles, telles que les définit la CNP, je conclus, par les mêmes motifs que ceux pris par Mme le juge Sharlow dans Dauz, susmentionnée, et repris par Mme le juge Reed, dans Osman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 4 Imm. L.R. (3d) 62 (C.F. 1re inst.), que l'agente des visas a commis une erreur en accordant des points pour le facteur professionnel mais zéro pour l'expérience.

[20]      Reste à examiner la question plus difficile de savoir si cette erreur était déterminante.

[21]      Je ne toucherai pas à l'appréciation faite par l'agente des visas des aptitudes linguistiques de M. Kopyl. Cette appréciation était fondée sur son évaluation de la démonstration par M. Kopyl de son aptitude à parler et à comprendre la langue. Aucune preuve concluante n'a été produite qui eût établi qu'elle a commis dans cette appréciation une erreur susceptible de censure.

[22]      Cependant elle lui a donné 7 points pour la personnalité, notant qu'il avait fait un gros effort de planification et de recherches en vue de son implantation au Canada. Elle a aussi noté qu'il travaillait à améliorer son anglais et à obtenir le total de points requis, l'un et l'autre aux fins d'établissement au Canada.

[23]      L'avocat du ministre reconnaît que l'appréciation de la personnalité est relativement rigoureuse, ce qui, conjugué avec la note pour l'expérience, pouvait déclencher l'exercice du pouvoir discrétionnaire que l'agente des visas tenait du paragraphe 11(3) du Règlement.

[24]      Je ne tiens pas à conjecturer sur la question de savoir de quelle façon l'erreur commise par l'agente des visas aurait affecté sa décision.

[25]      Par ces motifs, la Cour fait droit au recours en contrôle judiciaire et renvoie l'affaire pour nouvelle instruction par un autre agent des visas.

[26]      Ni l'un ni l'autre avocat des parties n'a soumis une question à certifier, aucune question ne sera donc certifiée.

[27]      Le demandeur conclut aux frais et dépens. Je ne vois aucune raison spéciale au sens de la règle 22 des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration, 1993, DORS/93-22, modifiées, qui en justifie l'allocation.

[28]      Je tiens à féliciter les avocats des deux parties pour leurs conclusions succinctes et cohérentes.

     Signé : Eleanor R. Dawson

     ________________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 19 juillet 2000


Traduction certifiée conforme,



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER No :              IMM-3815-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Peter Kopyl

                     c.

                     Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration


LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)


DATE DE L'AUDIENCE :          30 mai 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MME LE JUGE DAWSON


LE :                      19 juillet 2000



ONT COMPARU :


M. Stephen W. Green              pour le demandeur

Mme Susan Nucci                  pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


M. Stephen W. Green              pour le demandeur

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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