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     Date : 19991119

     Dossier: T-252-98


OTTAWA (Ontario), le vendredi 19 novembre 1999

DEVANT : MADAME LE JUGE B. REED



ENTRE :

     FLOYD JOSS

     demandeur

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     défendeur


     ORDONNANCE


     La demande de contrôle judiciaire ayant été entendue à Calgary (Alberta) le jeudi, 28 octobre 1999;

     Pour les motifs prononcés en ce jour;




     IL EST PAR LES PRÉSENTES ORDONNÉ CE QUI SUIT :

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie; la décision en question est infirmée et l'affaire est renvoyée pour nouvelle audition par un arbitre différent.




     " B. Reed "

     Juge

Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.

    



     Date : 19991119

     Dossier: T-252-98


ENTRE :

     FLOYD JOSS

     demandeur

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE REED

[1]      Le demandeur sollicite une ordonnance infirmant la décision que Barry Turner, arbitre à la Commission des relations de travail dans la fonction publique, a rendue le 13 janvier 1998. Dans sa décision, l'arbitre rejetait le grief que le demandeur avait présenté après qu'une suspension sans traitement de dix jours lui eut été infligée par suite de la conclusion selon laquelle il avait harcelé deux employés à Agriculture Canada.

[2]      Deux motifs principaux sont invoqués à l'encontre de la décision de l'arbitre : (1) l'arbitre n'avait pas compétence parce que la principale question en litige avait déjà été tranchée par un autre arbitre et qu'il y avait donc chose jugée; (2) le demandeur n'a pas obtenu une audience équitable parce que l'arbitre avait procédé à l'audition même si un témoin que le demandeur avait assigné n'avait pas comparu.

Le contexte factuel

[3]      Les conclusions de harcèlement qui sous-tendent la décision faisant l'objet de la présente demande découlent des interactions entre le demandeur, M. Joss, d'une part et MM. Simmons et Barlow d'autre part. M. Joss est vétérinaire à Agriculture Canada. En 1993, il travaillait dans un établissement de traitement des viandes à Lethbridge; un certain nombre d'inspecteurs des viandes relevaient de lui. L'un de ces inspecteurs était M. Simmons. M. Barlow était conseiller en ressources humaines à Agriculture Canada, à Calgary.

[4]      Les congés de maladie que prenait M. Simmons préoccupaient M. Joss. De fait, au mois d'août 1988, M. Simmons avait reçu une lettre dans laquelle L.K. Anderson, directeur vétérinaire régional, exprimait ses préoccupations au sujet du fait que M. Simmons prenait souvent de brefs congés de maladie. M. Anderson demandait à M. Simmons de fournir un certificat médical justifiant toutes ses absences et il l'avertissait que si la situation ne s'améliorait pas, son cas serait renvoyé à Santé et Bien-être social Canada pour que l'on détermine s'il était capable, sur le plan médical, d'exercer ses fonctions.

[5]      À un moment donné avant le 7 février 1994, Santé et Bien-être social a demandé

a M. Simmons de se présenter pour une expertise médicale. D'où le grief présenté contre M. Joss, qui n'avait pas communiqué avec M. Simmons avant de prendre cette initiative et qui ne l'avait pas averti que la question des congés de maladie le préoccupait. L'affaire a été entendue par M. Barlow.

[6]      En enquêtant sur la plainte, M. Barlow a pris connaissance d'un certain nombre d'événements qui inquiétaient M. Simmons et a dit à celui-ci que, s'il voulait poursuivre l'affaire, il devait déposer une plainte de harcèlement contre M. Joss. C'est ce que M. Simmons a fait le 18 mars 1994. M. Barlow a également enquêté sur cette plainte.

[7]      Du mois de mars au mois de juillet 1994, M. Joss s'est plaint tant à M. Barlow qu'à d'autres membres du personnel des Ressources humaines, à Agriculture Canada (à savoir Rosemary Turner, directrice des ressources humaines, région de l'Alberta, et Mme Czesia Czyezyro, directrice, Relations de travail, Direction des droits de la personne, Ottawa) qu'il n'était pas approprié pour M. Barlow d'enquêter sur la plainte de harcèlement de M. Simmons parce que c'était lui qui avait conseillé à M. Simmons de déposer pareille plainte. De plus, M. Joss estimait que M. Barlow était partial. MM. Joss et Barlow avaient déjà traité l'un avec l'autre et leurs relations n'avaient pas toujours été amicales.

[8]      Au mois de juillet 1994, M. Barlow a pris une décision au sujet de la plainte de harcèlement que M. Simmons avait déposée au mois de mars. Il a conclu que trois des six événements signalés par M. Simmons constituaient du harcèlement de la part de M. Joss. Il s'agissait des événements suivants : (1) une conversation qui avait eu lieu dans le stationnement le 8 septembre 1993, lorsque M. Simmons avait quitté le bureau tôt, après avoir pris congé pendant la journée pour se rendre à un rendez-vous chez le médecin, conversation pendant laquelle M. Joss a fait savoir à M. Simmons que son emploi était peut-être en jeu à cause de ses absences fréquentes; (2) une remarque qui avait été faite dans la cuisinette au mois de février 1994, lorsque M. Joss a fait remarquer que ce que M. Simmons mangeait sentait comme de la nourriture pour les chats; (3) un événement qui s'était produit au mois de mars 1994, lorsque M. Joss avait voulu utiliser un appareil pour enregistrer une rencontre qu'il avait avec M. Simmons et son représentant syndical, avant que M. Simmons dépose la plainte de harcèlement le 18 mars 1994.

[9]      Par suite de ces conclusions de harcèlement, M. Joss s'est vu infliger une suspension sans traitement de cinq jours et M. Simmons a été muté à un autre établissement de traitement des viandes de façon que M. Joss et lui ne travaillent plus au même endroit. M. Joss a déposé un grief à l'égard de la décision selon laquelle il avait harcelé M. Simmons à trois reprises et à l'égard de la suspension sans traitement de cinq jours qui lui avait été infligée.

[10]      Avant l'audition du grief, la conduite de M. Joss a donné lieu au dépôt d'autres plaintes. Pendant l'été ou pendant l'automne 1994, il a demandé à des collègues de M. Simmons s'ils pouvaient lui dire si M. Simmons avait pris des congés sans motif légitime. M. Joss a également communiqué avec le médecin de M. Simmons pour vérifier s'il avait vu M. Simmons le 8 septembre 1993 (soit le jour où l'événement du stationnement s'était produit). Il l'a fait en prenant initialement un rendez-vous chez le médecin pour lui parler de troubles de santé qu'il avait lui-même. Le médecin n'a pas donné à M. Joss les renseignements que ce dernier lui avait demandé de lui fournir par écrit; M. Joss a donc envoyé une lettre à l'ordre des médecins pour que celui-ci demande au médecin de le faire. L'ordre des médecins a répondu à la demande de M. Joss. Le médecin de M. Simmons ne disposait pas d'un compte rendu écrit de la rencontre qu'il aurait eue avec M. Simmons le 8 septembre 1993; il a répondu que ses dossiers ne lui permettaient pas de déterminer s'il avait vu M. Simmons dans l'un des services de consultations externes, à l'hôpital, ou lors d'une visite personnelle. Les demandes de renseignements de M. Joss et la façon dont celui-ci s'était pris pour obtenir les renseignements ennuyaient déjà énormément le médecin, qui a envoyé une lettre pour exprimer son mécontentement.

[11]      Le grief que M. Joss avait présenté à la suite de la suspension sans traitement de cinq jours qui lui avait été imposée au mois de juillet précédent devait être entendu le 1er juin 1995. Le 30 mai 1995, M. Joss s'est rendu au bureau de M. Barlow, à Calgary, pour lui signifier une assignation lui enjoignant de comparaître pour témoigner. M. Joss n'avait pas pris de rendez-vous pour rencontrer M. Barlow, et M. Barlow n'était pas dans son bureau. M. Joss a dit au personnel du bureau des Ressources humaines que même s'il avait pris un rendez-vous, M. Barlow aurait pris des mesures en vue d'éviter que l'assignation lui soit signifiée. Par suite des remarques désobligeantes que M. Joss avait faites au sujet de M. Barlow, Rosemary Turner a envoyé à M. Joss une lettre dans laquelle elle lui demandait de communiquer directement avec elle à l'avenir, plutôt qu'avec son personnel.

[12]      Un règlement a été conclu le 1er juin 1995 au matin et il est donc devenu inutile d'entendre le grief de M. Joss. Le règlement a été signé par Lindsay Jeanes, avocate de l'employeur, Conseil du Trésor (Agriculture Canada), et par Peter Keebler, avocat de M. Joss. L'accord renfermait des remarques préliminaires expliquant les motifs de M. Joss et remplaçait par une réprimande les cinq journées de suspension sans traitement qui avaient initialement été imposées. Le règlement se lit comme suit :

     IL EST PAR LES PRÉSENTES CONVENU DE CE QUI SUIT :
     L'employeur reconnaît que l'expression d'insatisfaction du Dr Floyd Joss envers M. Basil Simmons découle d'un sens sincère du devoir et de la diligence et de l'inquiétude que suscitait chez le Dr Joss le fait que M. Simmons utilisait des congés de maladie de façon excessive; les parties reconnaissent par ailleurs que le Dr Floyd D. Joss a exprimé son inquiétude face à la partialité dont, à son avis, était teintée l'enquête menée par M. Vince Barlow.
     Les parties reconnaissent en outre que le Dr Floyd D. Joss n'a pas exercé son droit légal à une audience d'arbitrage en bonne et due forme, ce qui lui aurait permis de signaler à l'attention de l'arbitre des circonstances atténuantes entourant ce grief.
     Et en vue de régler l'affaire à l'amiable, les parties s'entendent pour que la sanction disciplinaire du Dr Floyd D. Joss soit ramenée d'une suspension de cinq (5) jours à une lettre de réprimande à être versée à son dossier pour une période ne dépassant pas deux (2) ans à compter de la date de la décision initiale rendue concernant le grief, soit le 24 juillet 1994, après quoi la lettre sera retirée du dossier conformément à la convention collective.
     Il est convenu que le présent document sera joint à titre d'addenda à la lettre de réprimande.

[13]      Le lendemain, M. Joss a apporté une copie de ce règlement à son lieu de travail. Il a déclaré qu'un certain nombre de ses collègues avaient été assignés pour témoigner à l'audience du 1er juin 1995 et qu'ils voulaient savoir ce qui s'était passé. Il a mis le règlement à leur disposition. Quelqu'un a télécopié une copie du règlement au lieu de travail de M. Simmons et la copie a été affichée sur le tableau à cet endroit. Cela a amené M. Simmons à déposer, le 7 juin 1995, une autre plainte de harcèlement contre M. Joss. Le superviseur de M. Joss, M. Outhwaite, a réagi en infligeant à M. Joss une suspension avec traitement pour une période indéfinie, en attendant que l'enquête sur cette nouvelle plainte soit menée. La suspension indéfinie a été annulée neuf jours plus tard et M. Joss est retourné travailler; on lui a interdit de communiquer avec M. Simmons.

[14]      M. Barlow a subséquemment également déposé des plaintes dans lesquelles il alléguait que M. Joss l'avait harcelé. Ces plaintes ont été déposées le 4 juillet 1995. M. Barlow a cité les commentaires que M. Joss avait faits du mois de mai au mois de juillet 1994, à savoir que M. Barlow était partial, les commentaires plus récents que M. Joss avait faits en qualifiant l'enquête menée en 1994 de "tribunal bidon " et de " simulacre " ainsi que les commentaires désobligeants que M. Joss avait faits au bureau des Ressources humaines de Calgary, le 30 mai 1995.

[15]      Mme Archibald, agente de conciliation en matière d'enquête, a été chargée d'enquêter sur les plaintes du 26 avril de M. Simmons concernant les demandes de renseignements que M. Joss avait faites auprès des collègues et du médecin de ce dernier, sur la plainte du 7 juin 1995 concernant l'affichage d'une copie du règlement et sur les plaintes du 4 juillet 1995 de M. Barlow. Elle a conclu que la conduite qui avait donné lieu au dépôt des plaintes constituait du moins en partie du harcèlement. Par suite des rapports du 14 novembre 1995, M. Joss s'est vu infliger une suspension de dix jours sans traitement par une décision datée du 27 décembre 1995.

[16]      M. Joss a déposé deux griefs, l'un à l'égard de la suspension indéfinie avec traitement imposée au mois de juin 1995, qui avait été remplacée par une suspension de neuf jours, et l'autre à l'égard de la suspension de dix jours sans traitement infligée le 27 décembre 1995.

[17]      Le premier grief a été entendu par l'arbitre Rosemary Simpson le 15 avril 1997. Mme Simpson devait décider (1) si la suspension de neuf jours avec traitement était une mesure disciplinaire ou simplement une mesure de nature administrative (auquel cas elle n'avait pas compétence pour entendre le grief) et (2) s'il s'agissait d'une mesure disciplinaire, elle devait décider si cette suspension était justifiée.

[18]      L'arbitre Simpson a entendu le témoignage de M. Joss, de son avocat, Me Keebler, de M. Barlow, de M. Simmons et de M. Outhwaite. Elle a conclu que la suspension infligée au mois de juin 1995 était une mesure disciplinaire et qu'elle n'était pas justifiée. Cette dernière décision était fondée sur un certain nombre de conclusions : M. Simmons n'aurait subi aucun préjudice si M. Joss était resté au lieu de travail - ils travaillaient déjà dans des lieux de travail distincts; rien ne montrait que le fait pour M. Joss de continuer à exercer son emploi nuirait à l'enquête; une suspension, même s'il s'agissait d'une suspension avec traitement, était blessante pour M. Joss et minait le respect auquel il pouvait s'attendre de la part de ses subalternes; l'affichage de la copie du règlement à son lieu de travail n'était aucunement un acte répréhensible - ce n'était pas du harcèlement. La partie pertinente de sa décision se lit comme suit :

     On a soutenu que le Dr Joss avait agi de manière déplacée en affichant le texte du règlement que les parties avaient conclu. En revanche, le Dr Joss a fait valoir qu'au travail de nombreux employés - surtout ceux qui avaient reçu une assignation à comparaître mais qui finalement n'avaient pas témoigné - interprétaient ou comprenaient mal ce qui s'était passé à l'audience d'arbitrage la semaine précédente et se posaient des questions. Au lieu de chercher à expliquer le contenu de l'entente, il a décidé que la chose la plus juste à faire était de simplement afficher le document, qui était explicite. Rien n'interdisait la publication du document. J'accepte le témoignage du Dr Joss comme quoi il n'avait voulu harceler personne. Ce fut un acte qui visait à clarifier la situation aux yeux des personnes inquiètes au travail. Le document ne présente pas M. Simmons sous un mauvais jour, pas plus d'ailleurs que le Dr Joss. Il s'agit uniquement d'un règlement.
     En m'appuyant sur la preuve que j'ai reçue à l'audience, j'estime que le fait d'afficher le texte du règlement conclu n'était d'aucune façon répréhensible. À ce moment-là, les esprits étaient encore échauffés après l'annulation de l'audience d'arbitrage, et M. Simmons a vu dans l'affichage du règlement un acte de harcèlement à son endroit alors qu'il n'aurait pas dû. À ce stade, il aurait été souhaitable que la direction intervienne en vue d'apaiser tout le monde, à la lumière surtout du fait que les parties n'avaient pas jugé nécessaire d'aller jusqu'à une audience en bonne et due forme la semaine précédente et qu'elles avaient conclu un règlement à l'amiable. Le moment était venu de faire fond sur ce règlement et de travailler résolument à l'établissement d'un meilleur climat de relations de travail entre la direction et le Dr Joss ainsi qu'entre M. Basil Simmons et le Dr Joss. La direction a plutôt réagi de façon excessive et ordonné le retrait du Dr Joss du travail. Il y a peu d'indications permettant de penser qu'elle a envisagé d'autres solutions.
     Je dois donc conclure que l'employeur, en suspendant le Dr Joss avec traitement pendant neuf jours (suspension qui, au départ, était pour une période indéfinie), a pris une décision injustifiée qui doit par conséquent être annulée. J'ordonne à l'employeur de retirer du dossier du fonctionnaire toute mention de la suspension indéfinie. Comme le fonctionnaire n'a pas établi qu'il avait subi des pertes au titre du traitement et des avantages sociaux à la suite de la suspension, je ne lui accorde aucune indemnité à ce titre. Enfin, je ne serais pas encline à accorder au Dr Joss les autres redressements qu'il a demandés même si j'avais le pouvoir de le faire. [Je souligne.]

[19]      L'arbitre Simpson a ajouté ce qui suit :

     Bien que cela ne fasse pas partie de l'essentiel de ma décision, je tiens à ajouter qu'en examinant les faits qui ont mené à ce grief j'ai constaté que des erreurs avaient été commises par diverses personnes. Par exemple, le Dr Joss s'est estimé doublement lésé du fait que, après avoir perdu le concours et obtenu gain de cause dans l'appel qu'il a par la suite interjeté devant la Commission de la fonction publique, le concours a été tout simplement annulé. De même, le fonctionnaire a considéré comme un profond outrage à la justice le fait que M. Vince Barlow, qui avait été le conseiller technique dans le concours susmentionné et qui avait affirmé que certaines parties du grief initial de M. Simmons se prêtaient mieux à un grief distinct qui est finalement devenu le grief de harcèlement initial, soit la personne mandatée pour faire enquête sur le grief de harcèlement. Il me semble que le Dr Joss n'avait pas tort de réprouver le choix de M. Barlow pour faire enquête sur le grief que M. Simmons avait déposé contre lui. Compte tenu des circonstances particulières de cette affaire, la relation acrimonieuse qui existait entre eux notamment, j'estime que le fait de demander à M. Barlow de déterminer le bien-fondé du grief de harcèlement de M. Simmons à l'endroit du Dr Joss donnait clairement une impression de partialité. Cette décision initiale dans laquelle il a été conclu que certaines allégations étaient fondées a amorcé une suite d'événements très graves. La ténacité dont le Dr Joss a fait preuve dans le but d'obtenir réparation ainsi que son franc-parler, qui étaient évidents à l'audience, ont exacerbé les relations de travail difficiles avec nombre de personnes et ont provoqué des ressentiments. Je recommande aux parties de faire des efforts sérieux en vue de réduire le niveau d'aigreur qui existe entre elles et de trouver un moyen de régler leurs différends qui leur permettrait de repartir à zéro. Pour y parvenir, elles devront chacune mettre de l'eau dans leur vin. [Je souligne.]

[20]      Les rapports d'enquête de Mme Archibald n'ont pas été présentés en preuve devant l'arbitre Simpson. Ils pouvaient être considérés comme ne se rapportant pas à cette procédure étant donné que la suspension en question avait eu lieu avant leur préparation.

[21]      Les rapports de Mme Archibald faisaient partie de la preuve dont disposait l'arbitre Turner au mois de novembre 1997, lors de l'audience qui a donné lieu à la décision du 13 janvier 1998. M. Turner n'a pas entendu les témoignages directs de MM. Barlow, Simmons, Outhwaite ou Keebler. Il a entendu les témoignages oraux de Mme Archibald et de M. Stemshorn, directeur régional, région de l'Alberta (qui n'occupait pas ce poste au moment où les événements pertinents se sont produits). L'arbitre Turner a également entendu le témoignage oral de M. Joss. De plus, il avait à sa disposition une copie de la décision de l'arbitre Simpson et la preuve documentaire pertinente.

[22]      Dans ses rapports d'enquête, Mme Archibald a conclu que les mesures que M. Joss avait prises en introduisant le règlement au lieu de travail, en communiquant avec le médecin de M. Simmons en vue d'obtenir des renseignements, en faisant au personnel du bureau des commentaires désobligeants au sujet de M. Barlow le 30 mai 1994 et dans une lettre envoyée à M. Anderson le 14 juin 1995 constituaient des actes de harcèlement. Une conclusion importante était que M. Joss savait ou aurait dû savoir que le règlement du 1er juin 1995 devait demeurer confidentiel et que le règlement avait été introduit au lieu de travail en vue d'embarrasser M. Simmons.

[23]      L'arbitre Turner a souscrit aux conclusions que Mme Archibald avait tirées, et le grief que M. Joss avait présenté à l'égard de la suspension de dix jours sans traitement a été rejeté. Mme Archibald et l'arbitre Turner ont tous les deux conclu que cela était injustifiable et qu'en introduisant une copie du règlement au lieu de travail, M. Joss avait commis un acte de harcèlement.

La chose jugée

[24]      La doctrine de la chose jugée est un genre de fin de non-recevoir; elle est fondée sur le principe selon lequel aucun tribunal ne doit statuer sur une affaire ou sur une question si celle-ci a été entendue et tranchée d'une façon définitive dans le cadre d'une poursuite antérieure entre les mêmes parties devant un tribunal ayant la compétence voulue. Le principe s'applique aux conseils et commissions d'arbitrage et aux autres tribunaux administratifs ainsi qu'aux tribunaux judiciaires : voir Canada (Procureur général) c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (1991), 43 F.T.R. 47.

[25]      Les critères qu'il faut appliquer pour déterminer s'il y a fin de non-recevoir fondée sur la chose jugée sont énoncés dans l'arrêt Angle c. Ministre du Revenu national, [1975] 2 R.C.S. 248, aux pages 253 à 255. Il s'agit des critères suivants : (1) la même question doit avoir été décidée, le règlement de cette question étant fondamental à la décision donnant lieu à la fin de non-recevoir; (2) la décision invoquée comme créant la fin de non-recevoir doit être finale; (3) les parties doivent être les mêmes dans les deux instances. Il n'est pas contesté que les deuxième et troisième critères sont satisfaits en l'espèce.

[26]      L'avocat du défendeur soutient que les questions que l'arbitre Simpson et l'arbitre Turner ont tranchées ne sont pas les mêmes parce que Mme Simpson se demandait si la suspension de neuf jours avec traitement infligée au mois de juin 1995 était justifiée alors que M. Turner se demandait si la suspension de dix jours sans traitement infligée au mois de décembre 1995 était justifiée. À mon avis, il ne s'agit pas d'une question à l'égard de laquelle il est possible d'invoquer la fin de non-recevoir fondée sur la chose jugée. Dans la question qu'il a formulée, l'avocat du défendeur compare les causes des audiences d'arbitrage respectives, c'est-à-dire que cela revient à se demander s'il existe une fin de non-recevoir fondée sur la cause d'action. Une réponse négative ne permet pas de déterminer s'il existe une fin de non-recevoir fondée sur la chose jugée.

[27]      En l'espèce, les deux arbitres se sont demandé si l'affichage d'une copie du règlement au lieu de travail constituait du harcèlement. Il s'agit donc de savoir si la première instance a pour effet de créer une fin de non-recevoir à l'égard de cette question en ce qui concerne la deuxième instance.

[28]      Je reviens à l'analyse effectuée par la majorité de la Cour suprême dans l'arrêt Angle. Pour qu'il y ait fin de non-recevoir fondée sur la chose jugée, la question soulevée dans les deux instances doit non seulement être la même, mais elle doit aussi être " fondamentale " à l'instance dans laquelle elle est soulevée. Il faut que la décision dans laquelle la question est soulevée ne puisse valoir si la question n'est pas tranchée. Je cite les remarques que Monsieur le juge Dickson a faites à la page 255 :

[...] Il ne suffira pas que la question ait été soulevée de façon annexe ou incidente dans l'affaire antérieure ou qu'elle doive être inférée du jugement par raisonnement. [...] La question qui est censée donner lieu à la fin de non-recevoir doit avoir été "fondamentale à la décision à laquelle on est arrivé" dans l'affaire antérieure [...] [voici] la nature de l'examen auquel on doit procéder:
[TRADUCTION] ... si la décision sur laquelle on cherche à fonder la fin de non-recevoir a été "si fondamentale" à la décision rendue sur le fond même du litige que celle-ci ne peut valoir sans celle-là. Rien de moins ne suffira.

[29]      La conclusion de l'arbitre Simpson selon laquelle l'affichage de la copie du règlement n'était pas de nature à constituer du harcèlement n'était pas fondamentale à la décision. Il s'agissait d'un facteur dont l'arbitre a tenu compte pour en arriver à sa décision. Il était à juste titre pertinent de le faire. Toutefois, si l'arbitre avait omis d'examiner la question, sa décision aurait néanmoins été maintenue; l'omission de déterminer s'il y avait eu harcèlement n'aurait pas miné la décision.

[30]      Le cas dont je suis ici saisie illustre le fondement de l'exigence voulant que la question soit fondamentale à la décision donnant lieu à une fin de non-recevoir. L'avocat du défendeur souligne que son client n'a pas présenté de preuve devant l'arbitre Simpson au sujet de la question de savoir si l'introduction du règlement au lieu de travail constituait un acte de harcèlement - le défendeur ne considérait pas cette question comme fondamentale à l'audience. L'audience visait à permettre de déterminer si la suspension de neuf jours qui avait été infligée pendant l'enquête sur le bien-fondé de la plainte de harcèlement était justifiée. La preuve sur laquelle l'arbitre Simpson s'est fondée pour conclure qu'il n'y avait pas eu harcèlement était incomplète. Par conséquent, considérer que la conclusion de l'arbitre Simpson selon laquelle il n'y avait pas eu harcèlement a pour effet de créer une fin de non-recevoir dans la deuxième instance reviendrait à se fonder sur une conclusion qui n'avait pas été pleinement débattue - parce que cela n'était pas fondamental à la première audience.

[31]      Je ne puis conclure que la décision de l'arbitre Simpson avait pour effet de créer une fin de non-recevoir fondée sur la chose jugée en ce qui concerne la question de savoir si l'affichage du règlement constituait un acte de harcèlement.

La justice naturelle - Omission d'ajourner l'affaire

[32]      Si je comprends bien, le défendeur ne s'oppose pas au refus de l'arbitre Turner d'ajourner l'instance parce que le témoin Rosemary Turner n'avait pas comparu. L'avocat du défendeur soutient que cette omission était toutefois une erreur ne tirant pas à conséquence parce que la preuve que le témoin devait présenter se rapportait à l'argument du demandeur concernant la chose jugée et que cet argument n'est pas fondé.

[33]      L'affidavit du demandeur se lit comme suit :

[TRADUCTION]
25.      [...] Je crois que Mme Turner était un témoin très important. En sa qualité de haut fonctionnaire au ministère des Ressources humaines du gouvernement fédéral, Mme Turner aurait témoigné au sujet de la série de peines qui m'avaient été infligées pour essentiellement la même infraction.
26.      J'ai fait savoir à l'arbitre Turner que Mme Turner était un témoin très important et qu'elle avait été assignée. L'arbitre Turner a répondu qu'il n'y pouvait rien. L'arbitre Turner a refusé d'admettre en preuve les documents confirmant que l'assignation avait été signifiée de la façon appropriée. Je crois qu'en l'absence du témoignage de Mme Turner, une bonne partie des éléments de preuve cruciaux manquaient.

[34]      Le contrôle en matière de procédure relève du pouvoir discrétionnaire de l'arbitre. Cependant, le refus de comparaître d'un témoin assigné de la façon appropriée ne doit pas être toléré. Le refus d'ajourner l'affaire de façon à permettre à Mme Turner de comparaître constituait une violation des règles de justice naturelle. Je dois donc déterminer si cette erreur était sans conséquence.

[35]      Je remarque en premier lieu que la preuve que M. Joss cherchait à obtenir de Mme Turner ne se rapportait pas à la question de savoir s'il y avait chose jugée ou fin de non-recevoir fondée sur la chose jugée, ce qui constitue dans une large mesure une question de droit. Dans la mesure où le témoignage de Mme Turner se serait rapporté au contexte dans lequel les événements en litige s'étaient produits, aux événements qui ont donné lieu à la suspension avec traitement du mois de juin 1995, ce témoignage serait pertinent. M. Joss affirme qu'à son avis, ce témoignage était crucial. À part M. Joss, Mme Turner aurait été la seule personne à témoigner devant l'arbitre Turner qui aurait eu directement connaissance des événements en question.

[36]      Les décisions qui ont été citées à titre d'exemples du principe selon lequel une violation sans conséquence des règles de justice naturelle n'entraîne pas l'annulation d'une décision sont les suivantes : Schaaf c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1984] 2 C.F. 334 (C.A.F.), Association canadienne de télévision par câble c. American College Sports Collective of Canada Inc., [1991] 3 C.F. 626 (C.A.F.), et le Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Pak Fai Chung, [1993] 2 C.F. 42 (C.A.F.).

[37]      Ces décisions se rapportent à des cas dans lesquels il était tout à fait certain que l'erreur qui avait été commise ne pouvait pas avoir influé sur la décision qui a finalement été rendue. Dans l'affaire Schaaf, le décideur n'avait pas suivi la procédure prévue par le règlement et n'avait pas donné au demandeur la possibilité de présenter des éléments de preuve et de faire valoir ses arguments, parce qu'au début de l'audience, le demandeur avait déclaré qu'il ne contestait pas les faits, à savoir qu'il était resté au pays après l'expiration de son visa de visiteur. Compte tenu de cet aveu, il a été statué que l'erreur que l'on avait commise en ne suivant pas la procédure habituelle ne tirait pas à conséquence.

[38]      Dans l'affaire Association canadienne de télévision par câble, le membre dissident de la formation avait obtenu des renseignements en dehors de la procédure d'audience. Il a été statué qu'il s'agissait d'une erreur sans conséquence parce que les renseignements n'avaient pas influé sur la décision majoritaire, qu'ils étaient de toute façon publics et qu'ils faisaient déjà partie du dossier, et enfin parce qu'ils ne nuisaient pas à la position de la demanderesse.

[39]      Dans l'affaire Pak Fai Chung, le refus d'ajourner l'affaire lors de la réouverture de l'audience afin de permettre à la Couronne de faire valoir ses arguments à l'encontre de la réouverture ne constituait pas une violation des règles de justice naturelle parce que la décision de rouvrir l'audience aurait pu faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire à une date antérieure et qu'aucune demande n'avait été présentée.

[40]      Le principe illustré par ces décisions ne s'applique pas en l'espèce. Décider que le fait que Mme Turner n'avait pas témoigné était sans conséquence exige que la Cour fasse des conjectures au sujet de ce sur quoi elle aurait témoigné et décide que ce témoignage n'aurait pas influé sur la décision de l'arbitre Turner. Cela exige que la Cour fasse des conjectures au sujet du contenu de cette preuve et au sujet des répercussions probables que la preuve aurait pu avoir sur la décision de l'arbitre. De plus, cette conjecture serait faite en l'absence de toute indication au sujet de la raison pour laquelle l'arbitre n'avait pas exigé que Mme Turner comparaisse. L'arbitre a mentionné que M. Joss avait accepté que l'on procède à l'audition de l'affaire en l'absence de M. Outhwaite, qui avait également été assigné, mais il ne dit rien au sujet de l'absence de Mme Turner. Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas d'un cas dans lequel la Cour peut conclure que la violation de la justice naturelle qui a été commise a donné lieu à une erreur sans conséquence.

L'appréciation de la preuve par l'arbitre

[41]      L'analyse qui précède n'exigeait pas une appréciation des conclusions de fait tirées par l'arbitre. Dans la demande qu'il a présentée par écrit, le demandeur affirme que l'arbitre n'a pas tenu compte d'éléments de preuve pertinents, qu'il a tenu compte d'éléments de preuve non pertinents et qu'il a conclu au harcèlement sans motif légitime, mais ces arguments n'ont pas été invoqués oralement à l'audition de la demande. Les avocats doivent savoir que la Cour fait preuve d'une grande retenue à l'égard des conclusions qu'un arbitre tire au sujet des questions de fait - le critère est souvent formulé comme se rapportant à la question de savoir si la décision est manifestement déraisonnable.

[42]      Étant donné que j'ai conclu qu'il y a eu violation de la justice naturelle, ce qui exige l'annulation de la décision ici en cause, je n'ai pas à me demander s'il y a dans l'appréciation de la preuve des erreurs qui pourraient nous amener à conclure que la décision était manifestement déraisonnable. Toutefois, certains aspects du dossier soulèvent des questions qui devraient selon moi en bonne justice être soulevées.

[43]      Dans son rapport, sur lequel est fondée la suspension du 27 décembre 1995, Mme Archibald conclut que M. Simmons n'a vu le texte du règlement qu'au moment où une copie a été affichée au lieu de travail. Cette conclusion était fondée sur le fait que M. Simmons avait dit à Mme Archibald que c'était bien le cas et sur le fait que M. Barlow avait dit à Mme Archibald que M. Simmons n'était pas en cause (dossier de la requête du demandeur, page 118). Cela s'est avéré faux. En réponse aux demandes de renseignements que M. Joss avait faites avant que l'audience ait lieu devant l'arbitre Turner, Mme Jeanes a écrit ce qui suit dans une note de service datée du 10 novembre 1997 qui a été fournie à l'arbitre Turner :

[TRADUCTION]
Je [Lindsay Jeanes] ne sais pas si M. Simmons a jamais vu le document dactylographié signé, mais ce dernier était essentiellement le même que le document manuscrit qu'on lui a montré au palais de justice.

[44]      En second lieu, dans sa décision, l'arbitre Turner dit que, selon le témoignage de Mme Archibald, ni l'une ni l'autre des parties n'avait prévu que le règlement deviendrait public : " Me Archibald a témoigné que ni l'une ni l'autre des parties n'avait prévu que le protocole d'entente deviendrait public, même s'il ne contenait aucune clause de non-publication. " Cela semble être fondé sur le fait qu'au mois de décembre 1995, Mme Archibald a écrit, après avoir achevé son rapport, que Mme Jeanes croyait comprendre, d'après ce que Me Keebler lui avait dit, que le règlement demeurerait confidentiel (dossier de la requête du demandeur, page 248). Pourtant, dans son rapport, Mme Archibald déclare que Me Keebler lui avait dit que M. Joss n'aurait pas accepté le règlement si sa distribution avait été assujettie à des restrictions (dossier de la requête du demandeur, page 119), et dans le document qu'elle a rédigé au mois de novembre 1997, Mme Jeanes ne mentionne pas qu'il s'agit d'un document confidentiel.

[45]      La preuve montre clairement que les deux premiers paragraphes du règlement, dans lesquels sont énoncés les motifs de M. Joss lorsqu'il a exprimé ses préoccupations au sujet des absences de M. Simmons, ont été inclus parce que M. Joss avait insisté pour qu'ils le soient. M. Joss n'était pas prêt à renoncer à l'audition de son grief en leur absence. M. Joss estimait que l'audience du 1er juin 1995 lui permettrait de se justifier à l'égard de la décision de M. Barlow, qu'il considérait comme inéquitable. Voici ce que l'arbitre Turner a dit : " M. Joss aurait dû savoir qu'il [le règlement] s'agissait d'un document confidentiel signé de bonne foi entre deux avocats qui venaient de régler une affaire personnelle le mettant directement en cause " (je souligne). Cependant, l'existence ou l'inexistence d'un règlement à l'égard du grief de M. Joss était une question qu'il incombait aux parties de régler; il n'incombait pas aux avocats de le faire. Il incombait à M. Joss de consentir ou de ne pas consentir au règlement de son grief. M. Joss n'était pas tenu d'accepter quoi que ce soit simplement parce que les avocats s'étaient entendus.

[46]      Enfin, voici ce que l'arbitre Turner a dit dans sa conclusion :

     En ce qui concerne la plus importante indiscrétion, soit la communication délibérée du protocole d'entente, je ne puis imaginer d'autre motif de la part du fonctionnaire que le harcèlement à l'endroit de M. Simmons.

Pourtant, le dossier renferme l'explication fort crédible de M. Joss au sujet de la raison pour laquelle il avait apporté le document à son lieu de travail - c'est-à-dire en vue d'expliquer à ses collègues ce qui s'était passé et pourquoi l'audition de son grief avait été annulée.

[47]      Je fais ces remarques en sachant que l'affaire sera de nouveau entendue, sans qu'il soit nécessaire d'effectuer une analyse plus approfondie.

Procédure devant l'arbitre

[48]      Il est malheureux que les audiences qui sont tenues devant les arbitres ne soient pas enregistrées de façon que le tribunal chargé du contrôle puisse avoir accès à une transcription fidèle de ce qui a été dit. En l'espèce, on m'a soumis l'affidavit de George Sigvuldason au sujet de ce que M. Joss avait dit et de ce qu'il n'avait pas dit à l'arbitre Turner et, par conséquent, au sujet de ce qui devrait être considéré comme faisant partie du dossier et de ce qui devrait être considéré comme n'en faisant pas partie. M. Sigvuldason aidait l'avocat du défendeur pendant l'audience d'arbitrage. Les affirmations qu'il a faites au sujet de ce qui devrait faire partie du dossier et de ce qui ne devrait pas en faire partie étaient fondées sur les notes manuscrites qu'il avait prises.

[49]      On ne saurait demander à la Cour de déterminer le contenu du dossier de l'instance inférieure en se fondant sur les notes prises par le représentant d'une des parties à cette instance. De plus, il faut tenir compte du point de vue de la partie adverse, en particulier lorsqu'elle agit pour son propre compte. Il n'est pas difficile d'enregistrer une audience et cela ne comporte pas des frais élevés. Il serait certes plus équitable d'enregistrer pareilles audiences.     

[50]      Le contenu du dossier n'est pas une question importante en l'espèce. À part un document qui, selon les deux avocats, ne faisait pas partie du dossier de l'instance inférieure, j'ai admis le contenu du dossier tel qu'il avait été présenté par le demandeur, avec les ajouts effectués par le défendeur. Mes remarques visent en fait à amener une modification de la pratique de façon qu'à l'avenir, les contrôles judiciaires ne donnent pas lieu à des différends au sujet de ce qui fait partie du dossier et de ce qui n'en fait pas partie.

Conclusion

[51]      Pour les motifs susmentionnés, je ne puis conclure que la fin de non-recevoir fondée sur la chose jugée s'applique en l'espèce de façon à empêcher l'arbitre Turner de déterminer si l'introduction du règlement au lieu de travail constituait du harcèlement. Toutefois, je conclus que le refus d'ajourner l'audience de façon à permettre à Mme Turner de témoigner constituait une violation des règles de justice naturelle, dont les conséquences justifient l'annulation de la décision en question. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie; la décision en question est annulée et l'affaire est renvoyée pour nouvelle audition par un arbitre différent.

     " B. Reed "

     Juge

OTTAWA (ONTARIO)

le 19 novembre 1999

Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE     

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      T-252-98

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Floyd Joss c. Procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :      Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 28 octobre 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE REED en date du 19 novembre 1999



ONT COMPARU :

Heather Treacy          POUR LE DEMANDEUR

Ronald Snyder          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fraser, Milner          POUR LE DEMANDEUR

Calgary (Alberta)


Morris Rosenberg          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada     

Ottawa (Ontario)

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