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     Date: 20001011

     Dossier: IMM-4471-99


ENTRE :


FIRMINO DOMINGOS NEPETE


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur



MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE HENEGHAN

[1]      M. Firmino Domingos Nepete (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 17 août 1999. Dans sa décision, la Commission a conclu que le demandeur ne pouvait pas revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention et, en outre, qu'il n'avait pas démontré qu'il craignait avec raison d'être persécuté.

[2]      Le demandeur est citoyen de l'Angola. Le 25 octobre 1994, il a obtenu un permis de résidence permanente dans la République tchèque. Le 26 novembre 1997, il a demandé à être admis au Canada à titre de réfugié au sens de la Convention.

[3]      Dans son formulaire de renseignements personnels (le FRP), le demandeur a relaté les événements qui l'avaient amené à quitter l'Angola. Il a également relaté les événements sur lesquels était fondée sa crainte d'être persécuté dans la République tchèque; il y décrivait ces événements, notamment la discrimination à laquelle il avait fait face lorsqu'il avait cherché un emploi, le harcèlement dont il avait fait l'objet et deux agressions dont il avait été victime, dont l'une avait nécessité son hospitalisation.

[4]      Dans sa décision, la Commission a conclu que le demandeur craignait avec raison d'être persécuté en Angola, compte tenu de son appartenance à un groupe social. Elle a donc conclu que la République tchèque était le seul pays de référence permettant l'examen de sa revendication.

[5]      La Commission a conclu que la preuve établissait que le demandeur était un résident permanent de la République tchèque, titulaire d'un permis de résidence permanente valide jusqu'au mois d'octobre 1999. La Commission s'est ensuite demandé si le demandeur est visé par la section E de l'article premier de sorte qu'il lui est impossible d'obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention au Canada.

[6]      L'expression « réfugié au sens de la Convention » est définie comme suit au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 :

s. 2(1) In this Act,

"Convention refugee" means any person who

(a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race,

religion, nationality, membership in a particular social group or political

opinion,

(i) is outside the country of the person's nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

(ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person's former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and

(b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2),

but does not include any person to whom the Convention does not apply pursuant to section E or F of Article 1 thereof, which sections are set out in the schedule to this Act;

2(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

« réfugié au sens de la Convention » Toute personne :

a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :


(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du

fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;


b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2). Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe de la présente loi.

[7]      La section E de l'article premier dont il est fait mention dans la définition fait partie de l'annexe de la Loi sur l'immigration, supra; elle prévoit ce qui suit :

This Convention shall not apply to a person who is recognized by the competent authorities of the country in which he has taken residence as having the rights and obligations which are attached to the position of the nationality of that country.

Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la

nationalité de ce pays.

[8]      Dans sa décision, la Commission a examiné la question de savoir si le demandeur pouvait se prévaloir de certains des droits fondamentaux qui sont reconnus aux ressortissants de la République tchèque, soit le pays où il avait le statut de résident permanent. La Commission a conclu que le demandeur pouvait se prévaloir de certains des droits fondamentaux qui sont reconnus aux ressortissants de ce pays. Elle a conclu que le demandeur ne pouvait pas obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention au Canada, conformément à la section E de l'article premier.

[9]      En arrivant à sa conclusion, la Commission s'est fondée sur une lettre du consulat général de la République tchèque, à Montréal. Cette lettre, en date du 13 juillet 1999, a été produite sous la cote R4 à l'audience qui a eu lieu devant la Commission1. La lettre en question, qui était adressée à la Commission, confirme que, le 29 octobre 1994, le demandeur avait obtenu un permis en vue de résider en permanence dans la République tchèque aux fins de la réunion de la famille, à la suite de son mariage à une citoyenne tchèque, le 20 juin 1987. Son divorce subséquent, le 7 octobre 1997, n'a pas influé sur son statut de résident permanent.

[10]      La lettre fait état du fait que le demandeur est encore inscrit à titre de résident permanent et qu'il a une adresse dans la République tchèque. En outre, cette lettre dit qu'étant donné que son visa de réadmission est expiré, le demandeur ne serait pas nécessairement réadmis dans la République tchèque, mais qu'il doit demander un visa de ce pays.

[11]      La Commission a conclu qu'il incombe au demandeur d'informer officiellement les autorités de la République tchèque qu'il veut conserver son statut de résident permanent et de demander un visa de réadmission en vue de retourner dans ce pays. La Commission a appliqué la décision rendue par cette cour dans l'affaire Shahpari c. MCI (IMM-2327-97, 3 avril 1998). La Commission estimait que cette décision faisait autorité à l'égard de la proposition selon laquelle une fois qu'une preuve prima facie est présentée au sujet du statut de résidence permanente, il incombe au demandeur de démontrer les raisons pour lesquelles il ne peut pas obtenir un visa de réadmission. En l'espèce, la Commission a dit qu'elle n'était pas convaincue que le demandeur s'était acquitté de son obligation à cet égard.

[12]      En plus de tenir compte du fait que le demandeur possède le statut de résident permanent dans la République tchèque, du moins selon les représentants de ce pays, la Commission considérait que le demandeur avait le droit de travailler sans aucune restriction dans la République tchèque. Il semble que la Commission se soit également fondée sur ce facteur en concluant que le demandeur était exclu conformément à la section E de l'article premier.

[13]      La Commission s'est ensuite demandé si le demandeur craignait avec raison d'être persécuté dans la République tchèque de sorte qu'il y a déplacement du fardeau de la preuve en ce qui concerne l'exclusion prévue par la section E de l'article premier. Après avoir examiné la preuve, la Commission a conclu que le demandeur n'avait pas démontré qu'il craignait avec raison d'être persécuté.

[14]      La Commission a conclu que les événements dont le demandeur se plaignait équivalaient à de la discrimination, mais qu'ils ne satisfaisaient pas à la norme applicable à la persécution. Enfin, la Commission a conclu que le demandeur n'avait pas établi qu'il craignait avec raison d'être persécuté du fait de sa race, dans la République tchèque. La Commission a donc conclu que le demandeur est visé par les dispositions de la section E de l'article premier et qu'il est exclu de la définition du « réfugié au sens de la Convention » .

[15]      Dans sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur a soulevé plusieurs arguments. Il a tout d'abord soutenu qu'il incombe au ministre plutôt qu'à lui de prouver les éléments de l'exclusion conformément à la section E de l'article premier. Il a ensuite soutenu que la Commission avait interprété d'une façon erronée l'application de la section E de l'article premier en omettant de se rendre compte du fait qu'un ressortissant n'aurait pas à demander à être réadmis dans un pays, en affirmant que, s'il n'a pas le droit de retourner dans le pays en cause, il n'a pas les mêmes droits qu'un ressortissant. Dans le cadre de cet argument, le demandeur dit qu'il est erroné de soutenir que c'était lui qui avait été à l'origine de l'annulation de sa résidence permanente dans la République tchèque.

[16]      Enfin, le demandeur a soutenu que la Commission avait commis une erreur de droit en interprétant le mot « persécutée » figurant dans la définition de « réfugié au sens de la Convention » lorsqu'elle a conclu que les événements survenus dans la République tchèque dont il se plaignait n'équivalaient pas à de la persécution.

[17]      Conformément à ses motifs, la Commission a accordé beaucoup d'importance à la lettre du 13 juillet 1999 du consulat général de la République tchèque, au bureau de Montréal. Cette lettre dit clairement que le demandeur n'a pas nécessairement le droit d'être réadmis dans la République tchèque. Elle est ainsi libellée :

         [TRADUCTION]
         E. Étant donné que son visa de réadmission est expiré, M. Nepete ne serait pas nécessairement réadmis dans la République tchèque -- cela veut dire qu'il doit demander un visa tchèque. En d'autres termes, il n'a pas nécessairement le droit d'être réadmis dans la République tchèque.2

[18]      Dans les affaires Shamlou c. ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1995), 103 F.T.R. 241 et Shahpari, supra, le visa de réadmission ou les documents de voyage des demandeurs étaient également expirés au moment de l'audience, mais cette cour a néanmoins conclu que cela n'empêchait pas l'exclusion en vertu de la section E de l'article premier.

[19]      L'audience a eu lieu le 15 juillet 1999. La Commission s'est fondée sur la lettre du 13 juillet 1999; elle a conclu qu'à cette date, les autorités tchèques considéraient que le demandeur avait le statut de résident permanent, même s'il n'avait pas nécessairement le droit d'être réadmis dans la République tchèque puisque son visa de réadmission était expiré.

[20]      Dans d'autres cas, cette cour a décidé que la section E de l'article premier s'appliquait, aux fins de l'exclusion, même si le demandeur ne bénéficie pas de tous les droits d'un ressortissant du pays en cause. Il suffit que le défendeur démontre que la République tchèque reconnaît que le demandeur peut demander à être réadmis dans ce pays : voir Shahpari, supra.

[21]      Il n'est pas contesté qu'il incombe au défendeur de démontrer que la section E de l'article premier s'applique aux fins de l'exclusion. Le juge Rothstein a examiné la question au paragraphe 11 de la décision Shahpari, supra, lorsqu'il a fait remarquer ce qui suit :

         [...] À tout le moins, la présentation par l'intimé d'une preuve prima facie établissant que la section E de l'article premier s'appliquait entraînait un déplacement du fardeau de la preuve, la requérante devant alors expliquer la raison pour laquelle elle ne pouvait obtenir une nouvelle carte après avoir détruit la carte qu'elle avait en sa possession. Or, la requérante n'a fourni aucune explication sur ce point. (par. 11)

[22]      À mon avis, le défendeur s'est acquitté de cette obligation en produisant la lettre du 13 juillet 1999 du consulat général de la République tchèque, à Montréal. Le fardeau de la preuve est donc déplacé et le demandeur doit démontrer qu'il ne bénéficie pas des mêmes « droits et obligations » que les ressortissants de la République tchèque.

[23]      Il n'y a rien dans le dossier qui montre que le demandeur se verrait refuser un visa de réadmission dans la République tchèque, mais il est clair qu'il n'a pas le droit d'obtenir pareil visa. Il peut sembler incompatible de dire que la reconnaissance du statut de résidence permanente peut exister sans un droit de réadmission, mais cette distinction a été reconnue par la Cour dans les décisions Shamlou, supra, et Shahpari, supra.

[24]      En l'espèce, la Commission a appliqué la décision Shahpari, supra, à la preuve dont elle disposait. Sa décision semble raisonnable, compte tenu de la preuve et du droit applicable.

[25]      Toutefois, même si je devais conclure que la section E de l'article premier ne s'applique pas, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[26]      La Commission a ensuite examiné au fond la revendication et a conclu que le demandeur n'avait pas démontré qu'il craignait avec raison d'être persécuté dans la République tchèque.

[27]      Il s'agit ici clairement d'une question d'appréciation de la preuve relevant de la compétence de la Commission. S'il n'y a rien dans le dossier qui démontre que la Commission a interprété la preuve d'une façon erronée ou qu'elle a fondé ses conclusions sur des questions non pertinentes ou encore qu'elle a tiré une conclusion de façon abusive ou arbitraire, rien ne permet de modifier la décision de la Commission.

[28]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[29]      Comme les avocats l'ont demandé, les parties pourront, dans les sept jours qui suivent la date de la réception des présents motifs, soumettre une question aux fins de la certification.


                                 « E. Heneghan »

                             ___________________________

                                 J.C.F.C.

OTTAWA (Ontario),

le 11 octobre 2000.

Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-4471-99

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      FIRMINO DOMINGOS NEPETE c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le mercredi 30 août 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE de Madame le juge Heneghan en date du 11 octobre 2000


ONT COMPARU :

Jack Martin          POUR LE DEMANDEUR

Susan Nucci          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jack C. Martin          POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada     

__________________

1Dossier du tribunal, page 629.

2 Dossier du tribunal, supra .

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