Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19980525

     Dossier : IMM-3635-97

Ottawa (Ontario) le 25 mai 1998

En présence de M. le juge Pinard

Entre :

     AVTAR SINGH KHAIRA,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 5 août 1997, par laquelle la Section d'appel de l'immigration a rejeté l'appel interjeté par le demandeur à l'égard de son parrainage de Kulwinder Kaur Khaira, est rejetée.

     YVON PINARD

                                 JUGE

Traduction certifiée conforme :

Christiane Delon, LL.L.

     Date : 19980525

     Dossier : IMM-3635-97

Entre :

     AVTAR SINGH KHAIRA,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      Par la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur sollicite de la Cour une ordonnance annulant la décision de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SAI) en date du 5 août 1997, décision par laquelle la SAI a rejeté l'appel interjeté par le demandeur concernant son parrainage de Kulwinder Kaur Khaira (Kulwinder), que le demandeur prétend avoir adoptée conformément aux règles applicables et parrainée en vertu de la législation canadienne régissant ce domaine.

[2]      La SAI a décidé en l'espèce que le demandeur n'avait pas démontré que les liens existant entre Kulwinder et ses parents biologiques avaient été coupés au point d'établir l'intention de transférer l'enfant de ses parents biologiques à ses parents adoptifs, ainsi que l'exige l'alinéa 11(vi) de la Hindu Adoptions and Maintenance Act (la HAMA), et que n'a pas été établie l'existence d'un lien parental entre le demandeur et Kulwinder.

[3]      S'applique en l'espèce la définition du mot " adopté " en vigueur avant sa modification. Avant le 1er février 1993, en effet, la définition du mot " adopté " figurant au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 , prévoyait que :

         " adopté " signifie adopté conformément aux lois de toute province du Canada ou de tout pays autre que le Canada ou de toute subdivision politique de ces pays lorsque l'adoption crée un lien entre père et mère et enfant.                 

[4]      Je me suis récemment penché sur le critère à deux volets posé par la jurisprudence pour savoir si, dans Canada (M.C.I.) c. Shi (16 mai 1997), IMM-3603-96, page 2, les circonstances de l'affaire correspondaient à l'ancienne définition du mot " adopté " :

             D'après les décisions relatives à la définition du mot " adopté " qui était en vigueur avant le 1er février 1993, la SAI doit examiner deux questions : celle de savoir si un requérant parrainé comme membre de la catégorie de la famille a été adopté conformément aux exigences juridiques du pays où l'adoption a eu lieu et celle de savoir s'il appert des circonstances factuelles qu'un lien père et                 
         mère et enfant a été créé par suite de cette adoption. Voir, par exemple, Canada (M.C.I.) c. Edrada (1996), 108 F.T.R. 60 (C.F. 1re inst.); Banda Singh Gill c. Canada (M.C.I.) (22 octobre 1996), IMM-760-96 (C.F. 1re inst.); Canada (M.C.I.) c. Patel (1995), 90 F.T.R. 234 (C.F. 1re inst.); Canada (M.C.I.) c. Sharma (1995), 101 F.T.R. 54 (C.F. 1re inst.); Singh c. Canada (M.C.I.), [1990] 3 C.F. 37 (C.A.F.), et Canada (M.C.I.) c. Sohal (6 janvier 1997), IMM-1943-96 (C.F. 1re inst.).                 

[5]      Le demandeur a instamment soutenu que la Cour s'était trompée dans son interprétation des arrêts rendus par la Cour d'appel dans les affaires Singh c. Canada (M.E.I.) et Brar c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 37. Le demandeur estime en effet que, selon l'arrêt Singh, lorsqu'une adoption effectuée en terre étrangère crée un lien entre père et mère et enfant reconnu par la législation du pays en question, l'ancienne définition du mot " adopté " n'en exige pas davantage pour que ce lien parental soit établi au sens de la Loi sur l'immigration . D'après le demandeur, le décideur ne doit donc se pencher que sur le lien juridique ainsi créé, et non pas sur la relation de fait. Malheureusement pour lui, le demandeur n'est pas parvenu à me convaincre que l'abondante jurisprudence citée dans l'affaire Shi, précitée, avait mal interprêté l'arrêt de la Cour d'appel rendu dans l'affaire Singh.

[6]      Le demandeur s'oppose également à une certaine conclusion de fait, à savoir, le motif biologique qui l'a poussé à adopter Kulwinder et qui, d'après lui, a porté la SAI à conclure au [traduction] " défaut d'intention " de transférer Kulwinder à sa famille adoptive.

[7]      Dans l'affaire Sohal v. Canada (M.C.I.) (1997), 36 Imm.L.R. (2d) 226, à la p. 228, j'ai évoqué la déférence dont il convient de faire preuve envers les décisions de la SAI sur la question de savoir si, oui ou non, les exigences formelles d'un droit étranger concernant l'adoption ont été respectées :

             Pour ce qui est de savoir si les parents biologiques avait (sic) l'intention de transférer Manjit à l'intimé, la jurisprudence indique que la présente Cour a fait preuve d'une grande retenue à l'égard des décisions de la CISR au sujet du respect ou du non-respect des exigences formelles des lois étrangères sur l'adoption. En outre, la question précise de savoir si " l'intention de transférer " était présente, a été abordée par les deux sections de la Cour. Le juge Stone a fait les observations suivantes à la page 3 (version française) de l'arrêt Hundal :                 
                 Il est constant que dans les procédures devant la Commission, la preuve du contenu des lois étrangères est une question de fait. On trouve dans l'avis de l'expert cité par l'appelant une certaine preuve, si faible soit-elle, que selon la loi indienne, l'intention peut être " présumée en raison des circonstances " (dossier d'appel, page 132). On ne saurait donc dire que la Commission a commis une erreur sur cet élément de l'affaire. [...] Le point litigieux soumis à la Commission portait sur la question de savoir si l'adoption en question avait été validement effectuée et, en particulier, si les preuves produites permettaient de conclure à l'existence de "l'intention de transférer" l'enfant d'une famille à l'autre. Sur ce point, la Commission a constaté qu'il y avait bien intention de transférer au sens de la loi en question, au moment de la cérémonie de 1983.                         
         Dans la décision Sharma, le juge Wetston fait observer à la page 4 (version française) :                 
                 La question en l'espèce est de savoir si la Section d'appel était fondée à conclure qu'en droit et en fait, Vaneet a été adopté conformément aux diverses dispositions applicables de la HAMA. Sur le fondement du dossier soumis à la Section d'appel, la Cour n'est pas en mesure de déterminer avec certitude si, en vertu du droit hindou, il ne s'agirait pas d'une adoption valide, en dépit de l'interprétation littérale avancée par l'avocate du requérant. En l'espèce, je suis incapable de conclure qu'une erreur de droit a été commise. Le contenu du droit étranger est une question de fait et son application, une question de droit. Je suis d'avis que l'application du droit étranger aux faits tels qu'ils ont été constatés par la Section ne justifie pas l'intervention de la Cour.                         
                             (non souligné dans l'original.)                 

[8]      J'estime que la SAI avait en main suffisamment d'éléments pour pouvoir raisonnablement conclure à l'absence en l'espèce de cette nécessaire " intention de transférer ". J'accepte l'argument du défendeur qui fait valoir que le motif biologique de l'adoption de Kulwinder n'était qu'un des nombreux facteurs pris en compte par la SAI et que ce facteur n'a pas en l'espèce joué un rôle déterminant sur ce point. Je conviens également avec le défendeur que cette erreur de fait relativement mineure n'est pas justiciable du contrôle judiciaire.

[9]      Enfin, étant donné que la plupart des circonstances examinées par la SAI sont celles qui ont précédé et entouré l'adoption, je ne pense pas qu'il y ait lieu d'attendre qu'il soit répondu à la question certifiée dans l'affaire Gill c. Canada (M.C.I.) (1996), 122 F.T.R. 251.

[10]      Pour l'ensemble de ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[11]      ÉtÉtant donné que la définition du mot " adopté ", que le demandeur aimerait voir clarifier par la Cour d'appel fédérale, est une définition qui ne s'applique qu'aux affaires survenues avant le 1er février 1993, et compte tenu également de la jurisprudence dont j'ai fait état dans le cadre de l'affaire Shi, précitée, j'estime que ce point ne soulève aucune question de portée générale justifiant la certification.

     YVON PINARD

     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 25 mai 1998

Traduction certifiée conforme :

Christiane Delon, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :

INTITULÉ DE LA CAUSE :

IMM-3635-97

AVTAR SINGH KHAIRA c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :      VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 6 MAI 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE PINARD

DATE :      LE 25 MAI 1998

ONT COMPARU :

Me Ian Goldman      POUR LE DEMANDEUR

Me Emilia Pech      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kang & Company      POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (C.-B.)

George Thompson      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.