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Date : 20000529

Dossier : T-25-99

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

et

SAI SO FUNG

défendeur

MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL


[1]         La question que soulève le présent appel est de savoir si le juge de la citoyenneté a commis une erreur dans sa décision datée du 13 novembre 1999 lorsqu'il a approuvé la demande de citoyenneté que le défendeur a présentée en vertu du par. 5(1) de la Loi sur la citoyenneté (la Loi)[1]. À mon avis[2], on doit, pour répondre à cette question, déterminer si le critère que le juge Thurlow a énoncé dans Re Papadogiorgakis [1978] 2 C.F. 208, à la page 214, a été appliqué de la facon suivante :

Une personne ayant son propre foyer établi, où elle habite, ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études. Le fait que sa famille continue à y habiter durant son absence peut appuyer la conclusion qu'elle n'a pas cessé d'y résider. On peut aboutir à cette conclusion même si l'absence a été plus ou moins longue. Cette conclusion est d'autant mieux établie si la personne y revient fréquemment lorsque l'occasion se présente. Ainsi que l'a dit le juge Rand dans l'extrait que j'ai lu, cela dépend [TRADUCTION] « essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question » .

[2]         En l'espèce, le défendeur s'est trouvé au Canada pendant seulement 386 jours au cours de la période de quatre ans qui a précédé la date du dépôt de sa demande de citoyenneté, de sorte qu'il n'a pas satisfait à l'exigence selon laquelle il devait résider au pays pendant 1 095 jours au cours de cette période. Après son arrivée au Canada en août 1992, le défendeur est demeuré au pays pendant deux mois, puis il est retourné à Hong Kong pour une période de six mois. Il est par la suite revenu au Canada pour un séjour de deux mois, après lequel il est rentré à Hong Kong, où il a vécu pendant environ un an. Au cours des deux années suivantes, le défendeur ne s'est trouvé au Canada, où il a habité chez sa fille, que pour une période d'environ sept mois répartie en trois séjours distincts.

[3]         Le défendeur a fait la déclaration suivante au sujet de la question de la résidence :


[TRADUCTION]

Ma principale intention était de pouvoir établir des contacts d'affaires de facon à pouvoir continuer de faire des affaires tout en habitant ici au Canada, où je prendrais éventuellement ma retraite.

...

Après avoir tenté, au cours des quelques dernières années, d'établir de nouvelles entreprises, et surtout compte tenu de la récente crise des marchés asiatiques, j'ai conclu que mes efforts étaient vains. J'ai l'impression d'avoir assez fait de voyages d'affaires et j'ai l'intention de prendre ma retraite à Toronto (Canada), car il s'agit du meilleur endroit pour moi étant donné que c'est là où se trouve présentement ma famille. En fait, je n'ai pas de famille immédiate dans mon lieu d'origine. Mes affaires, que j'ai confiées à mon collègue, marchent bien, mais l'avenir n'est pas très prometteur. Jusqu'à présent, j'aime bien la vie canadienne - la liberté de choix et de style de vie, qui sera de plus en plus restreinte à mon avis sous le régime communiste. Je souhaite vivre auprès de ma famille - la vie familiale est très importante dans la culture chinoise. De plus, j'ai l'environnement au Canada - je peux souvent jouer au golf dans divers terrains magnifiques où l'air est bon. Il s'agit d'un besoin que je ne peux combler dans mon pays d'origine[3].

[4]         Sur le fondement de ce témoignage, le juge de la citoyenneté a conclu que le défendeur avait établi sa résidence. Il a fondé cette conclusion sur les motifs suivants :

[TRADUCTION] Monsieur Fung s'est absenté du pays pour établir des relations d'affaires entre le Canada et Hong Kong. Il n'avait nullement l'intention de demeurer si longtemps à l'étranger, et il a toujours considéré que sa résidence se trouvait à Thornhill, là où son épouse et sa fille vivaient. Il a par la suite confié ses affaires de Hong Kong à un collègue, et il prendra sa retraite à sa résidence au Canada[4].


[5] Je suis convaincu que la conclusion du juge de la citoyenneté selon laquelle le défendeur avait établi sa résidence au Canada n'est pas fondée, vu le témoignage précité. Il ressort très clairement de ce témoignage que le principal intérêt du défendeur au cours de la période en question portait sur les affaires qu'il faisait à l'étranger. Les séjours qu'il faisait au Canada étaient purement accessoires, comparativement à cet intérêt. Il est également clair qu'à l'époque où il a présenté sa demande, le défendeur envisageait seulement de prendre sa retraite au Canada et, en conséquence, d'y établir sa résidence.

ORDONNANCE

[6] Par conséquent, le présent appel est accueilli. Aucun dépens ne sont cependant adjugés.

     « Douglas R. Campbell »     

        J.C.F.C.

TORONTO (ONTARIO)

Le 29 mai 2000

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                             T-25-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET                                                               DE L'IMMIGRATION

c.

SAI SO FUNG

DATE DE L'AUDIENCE :                              

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                               LE 29 MAI 2000

MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE RENDUS PAR M. LE JUGE BLAIS

EN DATE DU :                                                 29 MAI 2000

ONT COMPARU :                                         TRACEY DURAND

POUR LE DEMANDEUR

NANCY NOBLE

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :       MCMILLAN BINCH

TORONTO (ONTARIO)

POUR LE DEMANDEUR

MORRIS ROSENBERG

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

TORONTO (ONTARIO)

POUR LE DÉFENDEUR


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date : 20000529

Dossier : T-25-99

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

et

SAI SO FUNG

défendeur

MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE



[1] Voici le libellé du par. 5(1) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 :

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois_:

a) en fait la demande;

b) est âgée d'au moins dix-huit ans;

c) a étélégalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédéla date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante_:

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

d) a une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada;

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

f) n'est pas sous le coup d'une mesure d'expulsion et n'est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l'article 20.

[2]            Vu les conclusions en matière d'interprétation que j'ai tirées dans MCI c. Wing Thomas Yeung (C.F. 1re inst., no T-1256-98, décision rendue le 3 février 1999), la question litigieuse que soulèvent les appels comme celui dans la présente affaire est de savoir si le juge de la citoyenneté a commis une erreur susceptible de contrôle.

[3]            Dossier de la demande du demandeur, aux pages 21 et 22.

[4]            Ibid., à la page 6.

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