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Date : 20001128

Dossier : IMM-5457-99

Ottawa (Ontario), le 28 novembre 2000

EN PRÉSENCE DE : M. LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                             MUHAMMAD AMIR WAHID

                                                                                                 demandeur

                                                         et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                  défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE PELLETIER


[1]    Le demandeur Muhammad Amir Wahid a présenté une demande de visa pour immigrer au Canada. Dans sa demande, il donne l' « agriculture » comme profession visée. Le demandeur a une maîtrise ès sciences (hons) en agriculture-horticulture de l'Université d'agriculture de Faisalabad, au Pakistan. Il a travaillé pendant un certain temps pour la D.E. United (Private) Ltd., une filiale de la Dow AgroSciences LLC, en qualité d'agent de vente et de service à la clientèle. Il a ensuite travaillé pour la ICI Agrochemicals comme gérant de district. Il ressort du dossier que dans ces deux postes il devait tenir des consultations avec les agriculteurs et les autres utilisateurs de produits chimiques agricoles, afin de discuter de l'utilisation appropriée aux fins agricoles des produits de sa société et de les vendre à ces utilisateurs.

[2]    L'agente des visas a évalué le demandeur au vu d'un emploi au Canada en tant que spécialiste en agriculture, ce qui correspond assez bien aux fonctions d'un conseiller en agronomie. L'agente des visas a accordé 0 point à M. Wahid pour l'expérience dans cette profession [traduction] « parce que même s'il a étudié dans ce domaine, il n'a pas d'expérience pertinente » . En vertu du régime d'évaluation établi par le Règlement sur l'immigration de 1978, un demandeur qui obtient 0 point pour le facteur 3 de l'annexe 1 (expérience) ne peut obtenir un visa que s'il a un emploi réservé. En conséquence, la demande de M. Wahid a été rejetée. L'agente des visas a aussi fait remarquer que [traduction] « Il ne pourrait gagner sa vie comme vendeur au Canada, son anglais n'étant pas suffisant » .


[3]                 Le demandeur soutient que l'agente des visas avait le devoir de l'évaluer au vu d'une profession secondaire comprise dans le domaine plus général, ce qui aurait permis de l'évaluer dans la catégorie du personnel technique de ventes. Avec quelques points de plus pour les études (il semble qu'on lui ait accordé un point de moins que ce à quoi il avait droit pour les études), la demande professionnelle et l'expérience, le demandeur aurait pu atteindre les 70 points dans le cadre de son évaluation en vertu de l'annexe 1.

[4]                 Le défendeur soutient que le demandeur n'a aucunement indiqué qu'il voulait être évalué dans la catégorie du personnel technique de ventes, ni à l'entrevue, ni dans son affidavit. L'obligation d'examiner une profession secondaire n'existe pas à moins que le demandeur fasse état de son désir d'être évalué au vu de cette profession secondaire. L'agente des visas ne pouvait pas présumer que le demandeur se satisferait de continuer à travailler dans la profession qu'il occupait jusqu'alors.

[5]                 L'énoncé classique au sujet de l'obligation d'évaluer au vu de professions connexes se trouve dans la décision Hajariwala c. Canada, [1989] 2 C.F. 79, où M. le juge Jerome énonce ceci :

L'avocat du requérant me demande de conclure que ce principe impose à l'agent des visas l'obligation de poser une appréciation à l'égard des professions inhérentes à l'expérience de travail du requérant qui pourraient être exercées en remplacement des professions alléguées mais qui ne se trouvent pas nécessairement mentionnées. Je ne suis pas prêt à aller aussi loin que cela, mais je conclus effectivement que l'agent des visas a certainement l'obligation de procéder à une telle appréciation lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, le requérant sollicite une telle appréciation en indiquant dans sa demande les professions qu'il envisage subsidiairement.


[6]                 C'est là une approche sensée au problème, puisqu'il impose au demandeur le fardeau de justifier son choix et de prendre toutes les mesures requises pour le protéger. Autrement, les demandeurs choisiraient simplement le poste le plus élevé pour lequel on pourrait les considérer qualifiés et s'attendraient à ce que l'agent des visas leur trouve un poste pour lequel ils sont en fait qualifiés. Ceci veut dire que l'agent des visas deviendrait responsable de trouver une profession adéquate pour les demandeurs.

[7]                 En l'instance, le demandeur n'a fait état d'aucune profession secondaire et il doit normalement s'en tenir à la profession qu'il a désignée. Il n'est toutefois pas clair qu'il ait désigné quoi que ce soit, puisque le terme « agriculture » est tellement large qu'il équivaut presque à ne rien dire. L'agriculture n'est pas une profession, c'est une industrie. Il se peut que l'agente des visas aurait été fondée à ne pas traiter la demande avant que le demandeur ne choisisse une profession plutôt qu'une industrie. Elle n'a pas procédé ainsi et je n'exprime aucune opinion à ce sujet, sauf pour noter que la demande telle que présentée ne semblait pas complète. Toutefois, l'agente des visas a procédé et elle a évalué le demandeur au mieux de sa connaissance.


[8]                 On pourrait soutenir que comme l'agente des visas a en fait choisi une profession pour le demandeur, elle avait l'obligation d'en choisir une où ses chances de succès étaient les plus grandes. Mais ceci aurait pour résultat de transférer le fardeau de la preuve du demandeur à l'agente des visas. C'est le demandeur qui devait convaincre l'agente des visas qu'il satisfaisait à toutes les exigences de la Loi sur l'immigration et de son Règlement. Son défaut de préciser une profession aurait pu être considéré comme un défaut qui ne permettait pas le traitement de sa demande. D'avoir procédé à l'évaluation nonobstant ce défaut ne peut avoir comme résultat de rendre l'agente des visas responsable non seulement de faire un choix pour le demandeur, mais aussi de faire le meilleur choix.

[9]                 Il a un élément d'arbitraire dans le choix d'évaluer au vu d'une profession dans laquelle le demandeur n'a pas d'expérience. Lorsque cette profession est choisie par le demandeur, c'est lui qui assume la responsabilité de son choix. Lorsque c'est l'agente des visas qui choisit une profession dans des circonstances où le demandeur n'a pas présenté de choix significatif, on peut considérer un peu surréaliste une situation où elle fait une évaluation fondée sur une profession où il est à peu près certain que la demande sera rejetée par suite de l'absence d'expérience de travail. Mais si c'était l'agente des visas qui était responsable de choisir une profession dans laquelle le demandeur avait de l'expérience, serait-elle aussi responsable d'en choisir une où il existe une demande professionnelle, puisque l'octroi de 0 point pour ce facteur mène aussi fatalement au rejet de la demande. S'il y a deux possibilités, l'agente des visas doit-elle choisir celle qui est la plus avantageuse pour le demandeur? Comme on peut le voir par ces questions, le fait d'imposer à l'agente des visas une obligation de procéder de son propre chef afin de favoriser la situation du demandeur crée plus de problèmes qu'il en règle. Bien qu'on puisse considérer qu'il y aurait lieu que les agents des visas agissent de façon à assurer le succès d'une demande, le fait demeure que le fardeau d'identifier la profession au vu de laquelle on doit procéder à l'évaluation et de convaincre l'agent des visas que toutes les exigences pour la délivrance d'un visa sont satisfaites incombe carrément au demandeur.


[10]            Le demandeur est responsable de la désignation professionnelle qui a fait qu'on l'a évalué en tant que spécialiste en agriculture. S'il avait voulu être évalué dans la catégorie de personnel technique de ventes, c'était à lui de le préciser au bon moment. Bien qu'une telle conclusion puisse sembler dure pour les demandeurs qui n'ont pas l'aide d'un professionnel et qui n'ont jamais entendu parler de la Classification nationale des professions, et qui ne peuvent donc pas l'avoir consultée, toute autre conclusion transformerait les agents des visas en consultants involontaires en immigration pour les demandeurs.

[11]            Dans les circonstances, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agente des visas Louise Côté, en date du 5 octobre 1999, est rejetée.

                           « J.D. Denis Pelletier »            

                                                                                                             Juge                       

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                  IMM-5457-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                MUHAMMAD AMIR WAHID c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                      TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :                    LE 10 MAI 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE PELLETIER

EN DATE DU :                                       28 NOVEMBRE 2000

ONT COMPARU

M. H. John Kalina                                                                          POUR LE DEMANDEUR

Mme Susan Nucci                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

H. John Kalina                                                                  POUR LE DEMANDEUR

Brampton (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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