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Date : 19990317


Dossier : IMM-2473-98

Entre :

     VIJAYAMALINI JEYARAJAH,

     Demanderesse,

     - et -

     LE MINISTRE,

     Défendeur.

     MOTIFS DE DÉCISION

LE JUGE DENAULT

[1]      La demanderesse, une citoyenne tamoule du Sri Lanka, demande le contrôle judiciaire d"une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l"emploi et de l"immigration qui a jugé qu"elle n"était pas une réfugiée au sens de la Convention.

[2]      La revendication de la demanderesse était fondée sur les cinq motifs énumérés dans la définition de réfugié au sens de la Convention. Originaire de Jaffna dans la région nord du Sri Lanka, elle allègue avoir été, avec son mari, victime d'extorsion par les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) à de nombreuses reprises. Selon son témoignage, lorsqu"ils refusaient de coopérer, ils étaient menacés, battus ou emprisonnés. Ils se réfugièrent une première fois à Kilinochi, puis ensuite à Colombo en juin 1996.

[3]      Quinze jours après leur arrivée à Colombo, ils ont été détenus par la police qui soupçonnait l"époux de la demanderesse d"être associé aux Tigres tamouls. La police aurait questionné et humilié la demanderesse alors qu"on aurait interrogé et battu son époux. Elle fut relâchée après quatre jours, son mari après dix jours. Par la suite, ils ont continué à recevoir la visite des policiers.

[4]      Le 14 août 1996, la demanderesse est venue au Canada laissant sa famille au Sri Lanka. Son époux a quitté le Sri Lanka en février 1997 pour venir au Canada. À la date de l"audience devant la section du statut, elle ne savait toujours pas s"il était au pays.

[5]      Reconnaissant que la demanderesse avait une crainte bien fondée de persécution dans la région nord du Sri Lanka, la section du statut a cependant conclu qu'il y avait pour elle une possibilité de refuge interne à Colombo. Le tribunal a en effet insisté sur le fait que la demanderesse n"avait pas été ciblée personnellement par la police dans le passé - elle n"avait subi que les contrecoups des soupçons qui pesaient contre son époux - et elle ne risquait pas de l"être à l"avenir parce que son mari avait quitté le Sri Lanka pour venir au Canada.

[6]      La demanderesse soutient qu"elle n"avait pas à démontrer qu"elle avait été personnellement ciblée par la police du fait que sa revendication était basée sur son appartenance à un groupe social particulier, soit la famille. Elle reproche à la section du statut de ne pas avoir analysé sa demande sous cet angle, à savoir en tant qu"épouse d"une personne qui était la cible tant des LTTE que des forces policières.

[7]      L'argument soulevé par le procureur de la demanderesse est ambigu. Dans la mesure où il tente d'une part à démontrer que la demanderesse est une réfugiée en tant qu'épouse d'une personne qui craint d'être persécuté, son argument est irrecevable. D'abord, le statut de réfugié de l'épouse n'est pas encore établi. Ensuite, le concept de persécution indirecte qu'il semble soulever va directement à l'encontre de la décision de la Cour d'appel fédérale dans Rizkallah v. Canada (Minister of Employment and Immigration), (1994), 156 N.R. 11.

[8]      D'autre part, il est vrai que la famille est reconnue dans la jurisprudence comme un groupe social particulier. Mais, une personne n"est pas réfugiée du seul fait qu"un membre de sa famille se fait persécuter. Comme l"affirmait le juge Nadon dans Casetellanos c. Canada (Solliciteur général)2, " il doit y avoir un lien bien défini entre la persécution dirigée contre l"un des membres de la famille et celle dont les autres membres de cette même famille sont victimes". Dans cette affaire, le juge a rejeté la demande de statut de réfugié estimant que

                 . . . la Commission était bien fondée de déterminer que la crainte d'être persécutées ressentie par les requérantes ne suffisait pas à établir le lien requis mentionné ci-dessus. Elle a jugé qu'il n'y avait absolument aucun élément de preuve démontrant que des gestes assimilables à de la persécution avaient été posés contre la mère ou ses filles, et encore moins qu'elles se seraient fait persécuter parce qu'elles faisaient partie de la famille de M. Casetellanos. Pour tout dire, il n'y avait aucun élément de preuve, non plus, quant au fait que les requérantes pourraient être victimes de persécutions futures en raison de leur appartenance à cette famille, si elles étaient renvoyées à Cuba. C'est pourquoi elles ne peuvent justifier leur demande en alléguant qu'elles sont des membres persécutés d'un groupe social. Il s'ensuit que je dois confirmer les conclusions de la Commission à cet égard.                 

[9]      En l"espèce, le tribunal a conclu qu"aucun geste de persécution n"avait été posé contre la demanderesse par la police à Colombo, et que sa détention et les ennuis subséquents qu'elle avait subis n"équivalaient pas à de la persécution. De plus, dans la mesure où la demanderesse avait été détenue par la police en raison des soupçons que celle-ci avait à l'égard de son mari, le tribunal a estimé que la demanderesse ne pourrait être victime de persécutions futures vu que son mari avait maintenant quitté le Sri Lanka. Quant aux Tigres tamouls, la demanderesse ayant affirmé ne pas les craindre à Colombo, elle n'a démontré aucune crainte de persécution de leur part.

[10]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Il n'y a pas, en l'espèce, matière à certifier une question sérieuse de portée générale.

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                             Juge

Ottawa, Ontario

le 17 mars 1999

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     1      Voir aussi Pour-Shariati v. Min. of Employment and Immigration , (1998) 39 Imm.L.R. (2d) 103.

     2      "1995 > 2 C.F. 190 (1re inst.), aux pages 204 et 205.

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