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Date : 20041126

Dossier : ITA-1096-99

Référence : 2004 CF 1568

Ottawa, Ontario, le 26 novembre 2004

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE M. LE JUGE BEAUDRY

                                       Dans l'affaire de la Loi de l'impôt sur le revenu

et

Dans l'affaire d'une cotisation ou des cotisations établies par

le ministre du Revenu national en vertu d'une ou plusieurs des lois suivantes :

la Loi de l'impôt sur le revenu,

le Régime de pensions du Canada et

la Loi sur l'assurance-emploi

CONTRE :

                                                                                                                                                           

                                               LA CORPORATION STECKMAR /

STECKMAR CORPORATION

débitrice judiciaire

                                                                             

et

STECKMAR NATIONAL REALTY

AND INVESTMENT CORPORATION

tierce saisie


                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                             

[1]                La présente requête a pour but de porter en appel l'ordonnance du protonotaire en vertu du paragraphe 51(1) des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 (règles). Ce dernier a accordé, en faveur de Sa Majesté la Reine, une ordonnance définitive de saisie-arrêt contre Steckmar National Realty and Investment Corporation (tierce saisie) concernant des avances qu'elle a reçues, sans intérêt au cours des 25 dernières années de la Corporation Steckmar / Steckmar Corporation (la débitrice judiciaire).

QUESTION EN LITIGE

[2]                Le protonotaire a-t-il erré en accordant à Sa Majesté la Reine une ordonnance définitive de saisie-arrêt contre la tierce saisie?

[3]                Pour les motifs suivants, je dois répondre par la négative à cette question et je rejetterai l'appel de la décision du protonotaire.

CONTEXTE FACTUEL

[4]                Sa Majesté la Reine (la créancière) a obtenu une ordonnance de saisie-arrêt contre Steckmar National Realty and Investment Corporation (tierce saisie) afin de recouvrer une créance de 126 666, 39 $ plus intérêt qui lui est dû par la Corporation Steckmar (débitrice judiciaire).


[5]                La débitrice judiciaire a avancé des sommes totalisant 4 255 534,41 $ à la tierce saisie sur une période de 25 ans. De son côté, la tierce saisie a utilisé une partie de ce montant, soit une somme de 1 929 767,00 $, pour en faire un prêt à une compagnie américaine, Marina Development Inc.

[6]                La débitrice judiciaire et la tierce saisie sont des compagnies liées puisque les actions de la débitrice judiciaire sont détenues à 49% par M. Steckler, 49% par sa soeur et 2% par sa mère, alors que les actions de la tierce saisie appartiennent toutes à M.Steckler. Ce dernier est également propriétaire à 100% de la compagnie Marina Development Inc.

[7]                M. Steckler agit, en autres, à titre d'administrateur et dirigeant de la tierce saisie et il se présente comme le représentant de la débitrice judiciaire et de la tierce saisie pour les fins des présentes procédures.

[8]                Le prêt entre la débitrice judiciaire et la tierce saisie n'a pas été confirmé par écrit mais elles se sont entendues qu'il soit remboursable lorsque la situation financière de la tierce saisie le permettrait. Seulement 776 525 $ ont été remboursés à ce jour.


[9]                Lors de son interrogatoire en 2000, M. Steckler a affirmé que la tierce saisie ainsi que la débitrice judiciaire se trouvaient en difficulté financière. Il a admis que la créance que possède la débitrice judiciaire était considérée comme une mauvaise créance car la tierce saisie était dans l'impossibilité de rembourser sa dette.

DÉCISION CONTESTÉE

[10]            Pour accorder l'ordonnance, le protonotaire s'est basé entre autres sur l'article 453 des règles. Selon le protonotaire, l'exigibilité est une composante importante de la créance car elle concerne l'arrivé du terme. Par conséquent, la contestation de ce terme est suffisant pour engendrer l'application de l'article 453 des règles.


Jugement sommaire quant à l'obligation du tiers

453. Lorsque le tiers saisi conteste l'obligation de payer au débiteur judiciaire la dette échue ou à échoir, la Cour peut juger par procédure sommaire toute question concernant l'obligation du tiers saisi ou ordonner qu'elle soit instruite de la manière qu'elle précise.


Summary determination of liability

453. Where a garnishee disputes liability to pay a debt claimed to be due or accruing to the judgment debtor, the Court may summarily determine any question of liability of the garnishee or order that it be determined in such a manner as the Court may direct.


[11]            La tierce saisie prétend que l'application de l'article 453 ne donne pas ouverture aux redressements recherchés par Sa Majesté la Reine. La Cour fédérale n'aurait pas compétence pour déterminer l'échéance du terme en se basant sur les articles 1512 et 1627 du Code civil du Québec (CcQ).


[12]            En réponse à ces allégations, le protonotaire a indiqué qu'il est reconnu que la Cour fédérale possède le pouvoir nécessaire pour résoudre les questions de droit provincial accessoires à la demande principale. Il a mentionné que la question de l'exigibilité de la créance était visiblement accessoire à la question des saisie-arrêts à la lecture même des règles pertinentes.

[13]            De plus, le protonotaire à soulevé le fait que l'article 453 des règles permet à la Cour de trancher « toute question concernant l'obligation du tiers saisi ou ordonner qu'elle soit instruite de la manière qu'elle précise » .

[14]            Afin de déterminer si la créance de la tierce saisie était arrivée à terme, le protonotaire a analysé le type d'obligation qui existait entre la débitrice judiciaire et la tierce saisie. Étant donné que le terme de cette obligation était incertain, le protonotaire a appliqué l'article 1512 du CcQ pour le fixer.

[15]            Cet article prévoit toutefois que sur demande d'une des parties, le tribunal peut intervenir afin de déterminer le terme. En l'espèce, la tierce saisie allègue que Sa Majesté la Reine n'était pas une partie à l'obligation. Le protonotaire a cependant conclu en faveur de Sa Majesté la Reine en se référant à l'article 1627 du CcQ.


ANALYSE

Question préliminaire : Quels sont les pouvoirs de la Cour fédérale en appel d'une décision d'un protonotaire?

[16]            Dans l'arrêt Merck & Co., c. Apotex, [2003] A.C.F. no 1925 (C.A.F.) (QL) au paragraphe 19, la Cour précise la norme de contrôle applicable aux ordonnances discrétionnaires des protonotaires. Cette norme avait préalablement été élaborée dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.).

[17]            Il a été établi que le juge saisi d'un appel d'une ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

a)         l'ordonnance porte sur une question ayant une influence déterminante sur l'issue du principal;

b)         l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits.

[18]            L'ordonnance du protonotaire fait en sorte que la tierce saisie est condamnée à payer la somme de 126 666,39 $. Ceci est sûrement une question ayant une influence déterminante sur l'issue du principal. La Cour doit reprendre l'analyse de novo pour exercer son pouvoir discrétionnaire.


1.         Quelle est la compétence de la Cour fédérale en ce qui a trait à l'exécution d'un jugement?

[19]            La Cour fédérale tire ses pouvoirs des lois fédérales qui lui confèrent expressément sa compétence. Dans l'arrêt ITO-International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics, [1986] 1 R.C.S. 752 à la page 766, la Cour suprême du Canada en a établi les conditions :

1)         il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral;

2)         il doit exister un ensemble de règles de droit fédéral qui soit essentiel à la solution en litige et qui constitue le fondement de l'attribution légale de compétence;

3)         la loi invoquée dans l'affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[20]            En l'espèce, je suis d'avis que ces trois critères sont rencontrés. À cet égard, Sa Majesté la Reine a tout d'abord obtenu un certificat confirmant le montant qui lui était dû par la débitrice en vertu du paragraphe 223(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (LIR). Par la suite elle a présenté ce certificat à la Cour fédérale afin de le faire enregistrer (paragraphe 223(3) de la LIR). L'enregistrement a pour conséquence de donner au certificat le même effet que si une ordonnance avait été rendue par cette cour. Les deux paragraphes de la LIR mentionnés ci-dessus prévoient ce qui suit :



Certificat

(2) Le ministre peut, par certificat, attester qu'un montant ou une partie de montant payable par une personne -- appelée "débiteur" au présent article -- mais qui est impayé est un montant payable par elle.

Enregistrement à la cour

(3) Sur production à la Cour fédérale, un certificat fait en application du paragraphe (2) à l'égard d'un débiteur est enregistré à cette cour. Il a alors le même effet que s'il s'agissait d'un jugement rendu par cette cour contre le débiteur pour une dette du montant attesté dans le certificat, augmenté des intérêts courus jusqu'à la date du paiement comme le prévoit les lois visées au paragraphe (1) en application desquelles le montant est payable, et toutes les procédures peuvent être engagées à la faveur du certificat comme s'il s'agissait d'un tel jugement. Dans le cadre de ces procédures, le certificat est réputé être un jugement exécutoire rendu par cette cour contre le débiteur pour une dette envers Sa Majesté du montant attesté dans le certificat, augmenté des intérêts courus jusqu'à la date du paiement comme le prévoit ces lois.

Certificates

(2) An amount payable by a person (in this section referred to as a "debtor") that has not been paid or any part of an amount payable by the debtor that has not been paid may be certified by the Minister as an amount payable by the debtor.

Registration in court

(3) On production to the Federal Court, a certificate made under subsection 223(2) in respect of a debtor shall be registered in the Court and when so registered has the same effect, and all proceedings may be taken thereon, as if the certificate were a judgment obtained in the Court against the debtor for a debt in the amount certified plus interest thereon to the day of payment as provided by the statute or statutes referred to in subsection 223(1) under which the amount is payable and, for the purpose of any such proceedings, the certificate shall be deemed to be a judgment of the Court against the debtor for a debt due to Her Majesty, enforceable in the amount certified plus interest thereon to the day of payment as provided by that statute or statutes.


[21]            Comme le certificat est réputé avoir le même effet qu'un jugement rendu par cette Cour, Sa Majesté la Reine peut avoir recours à la Partie 12 des règles afin d'obtenir l'exécution forcée de ce jugement. À cet effet, l'article 449 des règles prévoit qu'il est possible d'obtenir la saisie-arrêt pour le paiement de la dette constatée par le jugement.

2.         La Cour fédérale a-t-elle la compétence pour considérer des questions de droit provincial?

[22]            La Cour suprême du Canada dans l'arrêt ITO, précité, à la page 781 reconnaît à la Cour fédérale la compétence pour trancher des questions de droit provincial lorsque ces questions sont accessoires à la demande principale :


La Cour fédérale est constituée pour la meilleure administration des lois du Canada. Elle n'est pas cependant restreinte à l'application du droit fédéral aux affaires dont elle est saisie. Lorsqu'une affaire relève, de par son "caractère véritable", de sa compétence légale, la Cour fédérale peut appliquer accessoirement le droit provincial nécessaire à la solution des points litigieux soumis par les parties [...]

[23]            On peut voir au même effet Bois de Construction du Nord (1971) Ltée c. Charles Guilbault Inc. (1986), 77 N.R. 392 (C.A.F.) :

Le droit que possède le Parlement, aux termes de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, de créer des « tribunaux additionnels pour la meilleure administration des lois du Canada » emporte nécessairement celui de conférer à ces tribunaux le pouvoir d'assurer l'exécution de leurs décisions; de même, le pouvoir du Parlement en matière de taxation comprend certainement celui d'assurer la perception des impôts par une disposition comme l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Or le pouvoir que possède la Cour d'assurer l'exécution de ses jugements (et des ordonnances et certificats que la loi assimile à ses jugements) serait illusoire s'il ne comportait pas celui de résoudre les problèmes que soulève l'exécution, que ces problèmes soit régis par le droit fédéral ou le droit provincial. Ainsi, le tribunal qui a la compétence d'ordonner la saisie des biens d'un débiteur doit nécessairement avoir celle de décider de l'opposition formée par le tiers qui revendique la propriété des biens saisis.[...]

[24]            Le juge Marceau, à la page 223 de cette décision, s'exprime ainsi :

[...] la Cour a le pouvoir de se prononcer sur une question de droit provincial qui se soulève de façon incidente au cours de l'exercice de son pouvoir juridictionnel, de même a-t-elle le pouvoir de disposer d'une question de droit provincial qui se présente dans l'exercice de son pouvoir d'exécution. Ainsi, du seul fait qu'en l'espèce la contestation des déclarations négatives que fait valoir l'intimée soulève des questions de droit provincial, on ne peut certes en déduire que la Cour n'a pas juridiction pour en déterminer la légitimité.

[25]            Un peu plus loin, il reconnaît certaines limites :


[...] Ce n'est pas à dire que la Cour puisse trancher tous les moyens qu'un saisissant peut juger à-propos d'invoquer à l'encontre d'un tiers saisi. La compétence de la Cour en la matière n'est que le corollaire de son pouvoir d'effectuer la saisie-arrêt des créances dues au débiteur contre qui elle a rendu jugement; il s'ensuit que dans le cas de contestation d'une déclaration négative les seuls moyens que la Cour puisse trancher sont ceux visant à établir que, au moment de la saisie, le débiteur saisi avait contre le tiers saisi un droit de créances possédant les qualités nécessaires pour être saisi-arrêté. [...]

[26]            Il faut maintenant déterminer si la question de droit provincial est une question accessoire à la principale ou s'il s'agit d'une question de fond.

Application de l'article 449 des règles

[27]            La question de l'exigibilité de la dette est une question accessoire à une saisie-arrêt. Le principe est énoncé à l'alinéa 449(1)a) des règles :


Saisies-arrêts

449. (1) Sous réserve des règles 452 et 456, la Cour peut, sur requête ex parte du créancier judiciaire, ordonner :

a) que toutes les créances suivantes du débiteur judiciaire dont un tiers lui est redevable soient saisies-arrêtées pour le paiement de la dette constatée par le jugement :

(i) les créances échues ou à échoir dont est redevable un tiers se trouvant au Canada,


Garnishment Proceedings

449. (1) Subject to rules 452 and 456, on the ex parte motion of a judgment creditor, the Court may order

(a) that

(i) a debt owing or accruing from a person in Canada to a judgment debtor, [...]

be attached to answer the judgment debt;


[28]            Les paragraphes 451(1) et (2) et l'article 453 déterminent les pouvoirs de la Cour lorsque les différents scénarios énumérés surviennent. Ils se lisent comme suit :



Ordonnance de paiement

451. (1) Lorsque le tiers saisi n'a pas fait de consignation à la Cour selon la règle 450 et qu'il ne conteste pas la dette dont on le prétend redevable au débiteur judiciaire, ou lorsqu'il ne se présente pas en application de l'ordonnance rendue en vertu du paragraphe 449(1), la Cour peut, sur requête, rendre une ordonnance exigeant le paiement au créancier judiciaire ou la consignation à la Cour.

Dette non exigible

(2) Si la dette à payer au débiteur judiciaire n'est pas exigible au moment où l'ordonnance visée au paragraphe 449(1) est demandée, une ordonnance peut être rendue en vue du paiement de la dette à son échéance au créancier judiciaire selon les modalités prévues au paragraphe (1).

Jugement sommaire quant à l'obligation du tiers

453. Lorsque le tiers saisi conteste l'obligation de payer au débiteur judiciaire la dette échue ou à échoir, la Cour peut juger par procédure sommaire toute question concernant l'obligation du tiers saisi ou ordonner qu'elle soit instruite de la manière qu'elle précise.

Garnishment order

451. (1) Where a garnishee has not made a payment into court under rule 450 and does not dispute the debt claimed to be due to the judgment debtor, or does not appear pursuant to a show cause order made under subsection 449(1), on motion, the Court may make an order for payment to the judgment creditor or payment into court of the debt.

Order for future payment

(2) Where a debt owed to a judgment debtor is not payable at the time an order is sought under subsection 449(1), an order may be made for payment of the debt to the judgment creditor under subsection (1) as at the time the debt becomes payable.

Summary determination of liability

453. Where a garnishee disputes liability to pay a debt claimed to be due or accruing to the judgment debtor, the Court may summarily determine any question of liability of the garnishee or order that it be determined in such a manner as the Court may direct.


[29]            En résumé, la Cour fédérale est habilitée à trancher ce genre de question. Avant d'appliquer ces principes à notre cause, il faut déterminer le genre de dette qui existe ici.

Le genre d'obligation qui existe entre la débitrice judiciaire et la tierce saisie


[30]            Les parties s'entendent pour dire qu'il s'agit d'une obligation à terme. La tierce saisie reconnaît sa dette envers la débitrice mais le conflit consiste justement dans le terme, c'est-à-dire quand précisément cette obligation deviendra exigible. Elle prétend que la Cour a juridiction qu'en vertu du paragraphe 451(2) et non de l'article 453. La Cour, selon elle, aurait dû émettre une ordonnance se limitant à obliger la tierce saisie à payer seulement au moment où la situation financière lui permettrait d'effectuer un tel paiement. Voici ce que disent les auteurs Baudouin et Jobin (Baudouin, J-L. et Jobin, P-G., Les Obligations, 5e ed., Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 1998, aux pages 452 et 453, no 573.

[...] L'obligation d'un débiteur de payer « quand il le pourra » , ou « quand il en aura les moyens » , ne constitue pas une obligation conditionnelle potestative, mais bien une obligation à terme; alors le tribunal est parfois obligé d'intervenir pour déterminer si, dans les faits, le terme est effectivement arrivé.

[31]            L'article 1512 du CcQ stipule ce qui suit :


1512. Lorsque les parties ont convenu de retarder la détermination du terme ou de laisser à l'une d'elles le soin de le déterminer et qu'à l'expiration d'un délai raisonnable, elles n'y ont point encore procédé, le tribunal peut, à la demande de l'une d'elles, fixer ce terme en tenant compte de la nature de l'obligation, de la situation des parties et de toute circonstance appropriée.

Le tribunal peut aussi fixer ce terme lorsqu'il est de la nature de l'obligation qu'elle soit à terme et qu'il n'y a pas de convention par laquelle on puisse le déterminer.


1512. Where the parties have agreed to delay the determination of the term or to leave it to one of them to make such determination and where, after a reasonable time, no term has been determined, the court may, upon the application of one of the parties, fix the term according to the nature of the obligation, the situation of the parties and the circumstances.

The court may also fix the term where a term is required by the nature of the obligation and there is no agreement as to how it may be determined.


[32]            Le premier alinéa de cet article énonce expressément que le tribunal peut fixer le terme à la demande de l'une des parties. Quant au deuxième, deux conditions doivent être rencontrées : que l'obligation soit à terme et qu'il n'y ait pas de convention pour la constater.


[33]            Dans la cause qui nous occupe, le terme est « selon que la situation financière de la tierce saisie le permettra » . Rien dans la preuve démontre qu'un mécanisme quelconque est mis en place pour établir le moment du remboursement. Par exemple, est-ce que la tierce saisie va attendre d'avoir accumulé 4 millions pour commencer à payer? Est-ce que des paiements périodiques seront faits? À quelle fréquence? Une chose est certaine cependant, il n'y a aucune convention écrite pour le constater.

[34]            Par conséquent, je suis d'avis que le tribunal peut trancher la question de l'exigibilité du terme en utilisant l'article 1512 du CcQ.

[35]            La débitrice judiciaire ainsi que la tierce saisie maintiennent que le tribunal ne possède pas les pouvoirs de trancher cette question d'exigibilité car elle prétendent que l'article 1512 prévoit spécifiquement que c'est à la demande seulement de l'une des parties que le tribunal peut fixer le terme. De son côté, l'intimée invite la Cour à lui permettre d'exercer au nom de la débitrice judiciaire les droits et actions que cette dernière possède envers la tierce saisie en vertu de l'article 1627 du CcQ :


1627. Le créancier dont la créance est certaine, liquide et exigible peut, au nom de son débiteur, exercer les droits et actions de celui-ci, lorsque le débiteur, au préjudice du créancier, refuse ou néglige de les exercer.

Il ne peut, toutefois, exercer les droits et actions qui sont exclusivement attachés à la personne du débiteur.


1627. A creditor whose claim is certain, liquid and exigible may exercise the rights and actions belonging to the debtor, in the debtor's name, where the debtor refuses of neglects to exercise them to the prejudice of the creditor.

However, he may not exercise rights and actions which are strictly personal to the debtor.


[36]            La Cour donne raison à l'intimée car la débitrice judiciaire peut sûrement être considérée comme négligente dans les circonstances étant donné le nombre d'années écoulées sans avoir exigé de la tierce saisie le remboursement du prêt.

L'action oblique et la saisie-arrêt

[37]            La débitrice ainsi que la tierce saisie plaident que la créancière devrait procéder par action au lieu d'une requête par procédure sommaire comme on le voit dans le présent dossier. Certains auteurs s'entendent pour dire que la saisie-arrêt est une forme d'action oblique :

La saisie-arrêt est une mesure d'exécution forcée sur action personnelle prévue au deuxième alinéa de l'article 569 qui stipule que le créancier peut, dans tous les cas faire saisir-arrêter entre les mains d'un tiers les sommes et effets dus ou appartenant à son débiteur. Elle constitue une forme particulière de l'action oblique qui permet au créancier, en vertu de l'article 1627 du Code civil du Québec, d'exercer les droits et actions du débiteur. Le créancier dispose donc d'un recours pratique à caractère subrogatoire qui met la créance du débiteur sous la main de la justice en vu de la lui transférer. (EMERY, B et D. FERLAND, Précis de procédure civile du Québec, vol.2, 3e éd., Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 1997, p.198.) (je souligne)

[38]            Nous ne sommes pas ici en présence d'une situation où la débitrice judiciaire négligerait de poursuivre par exemple en dommages-intérêts la tierce saisie pour obtenir ce qui lui est dû. Dans ce scénario, la créancière saisissante serait dans l'obligation d'intenter elle-même l'action au lieu et place de sa débitrice judiciaire contre la tierce saisie.


[39]            Dans notre cause, les parties reconnaissent qu'une dette est existante, que cette dette est à terme. Le conflit réside dans l'exigibilité. La Cour croit avec respect pour l'opinion contraire que la solution se trouve à l'article 453 des règles avec les mots suivants « lorsque la tierce saisie conteste l'obligation de payer... la Cour peut juger par procédure sommaire... » Canada (ministre du Revenu national - M.N.R.) c. Gadbois, 2002 CAF 228, [2002] A.C.F. no 836 (C.A.) (QL). Accessoirement, les articles 1512 et 1627 du CcQ peuvent être utilisés.

                                                                             

La dette est-elle échue ou est-elle à échoir?

[40]            Plusieurs éléments doivent être considérés avant de déterminer l'exigibilité de la dette. Comme je l'ai déjà dit précédemment, les parties s'entendent pour déclarer qu'il s'agit d'une obligation à terme. Aucune convention écrite n'a été établie afin de déterminer l'arrivée du terme. La débitrice judiciaire a commencé il y a 25 ans à faire des avances à la tierce saisie et ceci sans intérêt. Environ 749 330 $ ont été remboursés en 1995 et 1996 sur un prêt de 4 255 534,41 $. L'ordonnance de saisie provisoire est datée de décembre 1999. La débitrice judiciaire et la tierce saisie sont des entreprises liées.

[41]            En tenant compte de tous ces facteurs, la Cour détermine que la dette est échue.

[42]            Le protonotaire Morneau n'a commis aucune erreur de droit ou de faits nécessitant l'intervention de la Cour. Son analyse est bien détaillée, minutieuse, et bien appuyée par la jurisprudence et la doctrine.

[43]            En conséquence la requête est rejetée avec frais.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE : la requête est rejetée avec frais.

             « Michel Beaudry »                     

Juge


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                             

DOSSIER :                                                           ITA-1096-99

INTITULÉ :                            Dans l'affaire de la Loi de l'impôt sur le revenu

et

Dans l'affaire d'une cotisation ou des cotisations établies

par le ministre du Revenu national en vertu d'une ou

plusieurs des lois suivantes : la Loi de l'impôt sur le revenu,

le Régime de pensions du Canada et la Loi sur

l'assurance-emploi

CONTRE :

                                                                                                           

LA CORPORATION STECKMAR /

STECKMAR CORPORATION (débitrice judiciaire)

et

STECKMAR NATIONAL REALTY AND INVESTMENT


CORPORATION (tierce saisie)

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    Montréal, Québec

DATE DE L'AUDIENCE :                                  Le 5octobre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                          LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                         Le 26 novembre 2004

COMPARUTIONS :

Claude Bernard                                                       POUR LA CRÉANCIÈRE SAISISSANTE

Virginie Paquet                                                        POUR LA DÉBITRICE JUDICIAIRE ET

LA TIERCE SAISIE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)                                                  POUR LA CRÉANCIÈRE SAISISSANTE

ANGELOPOULOS, KIRIAZIS                             POUR LA DÉBITRICE JUDICIAIRE ET

Montréal (Québec)                                                  LA TIERCE SAISIE


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