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Date : 19990907

Dossier : T-1330-98

                                                                                               

ENTRE :

              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                             demandeur,

                                                                    - et -

                                                   CHENG-CHIH CHANG,

                                                                                                                              défendeur.

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE EVANS

[1]         Il s'agit d'une demande du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration en appel d'une décision d'un juge de la citoyenneté en date du 29 avril 1998 approuvant la demande de citoyenneté canadienne de Cheng-Chih Chang.

[2]         Le ministre a interjeté appel au motif que le juge avait commis une erreur de droit en concluant que M. Chang avait satisfait au critère de résidence pour la citoyenneté prévu à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29.

[3]         M. Chang n'a rien déposé en réponse à la demande; il n'a pas comparu à l'audience, ni personnellement ni par avocat. J'étais convaincu, sur la base des affidavits de signification, que l'avis de demande ainsi que la date et l'heure de l'audience avaient été dûment signifiés à M. Chang conformément aux Règles de la Cour fédérale (1998). Il n'y avait donc pas de raison de ne pas procéder en son absence.

[4]         M. Chang a obtenu le statut de résident permanent au Canada le 25 juin 1994, lors de son arrivée de Taiwan avec sa femme et ses enfants. Il a demandé la citoyenneté canadienne le 30 juillet 1997, soit après un mois de plus que le délai minimum de résidence prévu par la Loi sur la citoyenneté.

[5]         Le juge de la citoyenneté a noté que M. Chang n'avait été présent au Canada que 141 jours, soit 954 jours de moins que les 1 095 jours que la personne demandant la citoyenneté doit avoir résidé au Canada au cours des quatre années précédant immédiatement sa demande de citoyenneté. Toutefois, le juge a statué que M. Chang, bien qu'il n'ait été au Canada que 12 % environ de la période de résidence prévue par la loi, avait néanmoins établi et maintenu sa résidence au Canada en vue de la citoyenneté.

[6]         Pour arriver à la conclusion que M. Chang avait centralisé son mode de vie au Canada, le juge de la citoyenneté s'est appuyé sur les faits suivants : la présence au Canada de la femme et des enfants du requérant au cours de la période pertinente; la liquidation suivie du transfert au Canada du patrimoine familial; l'emploi du requérant dans une multinationale à Taiwan; le fait que ses voyages fréquents et prolongés à Taiwan avaient pour objet, en partie, de porter assistance à ses parents âgés.

[7]         À mon avis, le juge de la citoyenneté ne pouvait arriver à cette conclusion sur la base de la preuve dont il était saisi et de la jurisprudence applicable. Les questions formulées par la juge Reed dans l'affaire (Re) Koo, [1993] 1 C.F. 286, pages 293 et 294 (C.F. 1re inst.) constituent des indications précieuses pour ce qui est de déterminer si les personnes qui demandent la citoyenneté ont « centralisé leur mode de vie » au Canada, et par là établi et maintenu leur résidence au Canada pendant le laps de temps prévu par la loi, malgré des absences physiques temporaires.

[8]         M. Chang a-t-il été présent au Canada pendant une période appréciable avant ses absences temporaires? Il est parti pour Taiwan moins d'un mois après son établissement. Lors de son retour trois mois plus tard, il est resté au Canada deux mois, puis est reparti à Taiwan pour près de deux mois. Ensuite, au début de mai 1995, il est encore retourné à Taiwan, où il est resté quatre mois. Il est donc resté au Canada très peu de temps avant de commencer son cycle d'absences.

[9]         Les membres de la famille immédiate de M. Chang sont restés au Canada presque tout le temps à compter du moment où ils ont acquis le statut de résident permanent. Bien que cela constitue une indication que M. Chang a établi et maintenu sa résidence au Canada pendant ses absences, une personne ne peut satisfaire au critère de résidence par procuration.

[10]       Le fait que sa femme et ses enfants se trouvaient au Canada donne à penser qu'il rentrait dans son pays lorsqu'il revenait de Taiwan. Par contre, le cycle de ses absences, de courtes visites au Canada intercalées entre des séjours plus longs à Taiwan, n'a guère changé au cours de cette période et ne correspond pas au comportement d'une personne qui s'est établie ici.

[11]       La durée de ses absences était prolongée. On ne voit pas clairement si ses absences pour affaires, qui expliquent la plus grande partie du temps passé à Taiwan, étaient de nature temporaire. Par contre, les autres motifs qu'il a donnés pour justifier son absence du Canada, la maladie de son père et la liquidation de ses affaires personnelles, l'étaient.


[12]       Aucune preuve n'a été présentée au juge de la citoyenneté au sujet de la qualité de ses attaches avec le Canada. Il continuait d'avoir des attaches d'affaires et familiales à Taiwan, où il a passé environ 88 % de la période pertinente immédiatement avant sa demande de citoyenneté canadienne.

[13]       À mon avis, la conclusion du juge de la citoyenneté que M. Chang avait « centralisé son mode de vie au Canada » était déraisonnable et donc erronée en droit.

[14]       Pour ces motifs, la demande est accueillie.

                                                                                                                    « John M. Evans »       

                                                                                                                                                                                                  

                                                                                                                                         Juge               

OTTAWA (ONTARIO)

Le 7 septembre 1999

Traduction certifiée conforme

_________________________

Richard Jacques, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N ° DU DOSSIER :      T-1330-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION c. CHENG-CHIH CHANG

LIEU DE L'AUDIENCE :        Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE : le 31 août 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

DE MONSIEUR LE JUGE EVANS

EN DATE DU 7 SEPTEMBRE 1999

ONT COMPARU :

Brian Frimethpour l'appelant

Aucune comparutionpour l'intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canadapour l'appelant

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